Texte intégral
M. le président Éric Coquerel. Nous abordons maintenant l'examen des politiques publiques relatives à la mission Cohésion des territoires, pour sa partie relative à l'aménagement du territoire, à la mission Écologie, développement et mobilité durable pour sa partie correspondant aux programmes Conduite et pilotage, Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires, à la mission Relations avec les collectivités territoriales et au compte de concours financier Avances aux collectivités territoriales.
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Je suis honoré de vous présenter l'usage par le gouvernement des crédits 2024 relevant de mon ministère. Bien que notre gouvernement n'ait pas été aux commandes de l'exécution de ces crédits, cet exercice est déterminant pour évaluer les réalisations et préparer les prochaines étapes budgétaires, dans la perspective d'un redressement des finances publiques et d'une meilleure efficacité des dépenses, pour nos concitoyens. Des compromis ont déjà été trouvés, notamment sur la dotation globale de fonctionnement, réévaluée de 150 millions d'euros, et l'encadrement du dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico), pour un milliard d'euros, avec des ajustements permettant une exonération de la moitié des départements.
Mon ministère couvre des domaines essentiels pour la vie quotidienne des Français, et qui contribuent à bâtir une société plus juste, à savoir l'aménagement du territoire, les collectivités locales, le logement, les transports, la ruralité et la ville. Notre budget, réparti sur trois missions, représente 44,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 47 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit environ 10 % du budget général.
Ma vision de l'aménagement du territoire s'inscrit dans le long terme et intègre le transport, le logement, l'aménagement des zones rurales et le soutien aux quartiers prioritaires de la politique de la ville. Cette approche mobilise de manière transversale l'ensemble des ministères sur la lutte contre les disparités régionales et la garantie d'un accès équitable aux services publics.
Trois axes majeurs structurent cette vision. Premièrement, la politique d'aménagement du territoire est définie sur vingt-cinq ans afin de répondre aux défis écologiques, démographiques, industriels et numériques. Nous avons donc besoin d'une politique claire, coordonnée et utilisant des outils tels que les contrats de plan État-région (CPER), les pactes territoriaux comme " Marseille en grand " et les programmes de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), notamment " Action cœur de ville ", " Petites villes de demain " et " Villages d'avenir ". De plus, le dispositif France Services, très efficace, sera renforcé en 2024 pour arriver à 3 000 structures sur l'ensemble du territoire.
Deuxièmement, nous poursuivons la décentralisation et l'adaptation aux spécificités territoriales. L'objectif " zéro artificialisation nette " (ZAN) illustre notamment notre volonté d'appliquer une stratégie nationale tout en faisant confiance aux élus locaux pour sa mise en œuvre. Nous soutenons également une décentralisation renforcée, en offrant plus de capacités de dérogation aux collectivités, tout en respectant l'unité républicaine. Une proposition de loi sur ce sujet a d'ailleurs été déposée au Sénat.
Troisièmement, nous nous concentrons sur la protection des élus locaux et la simplification de leur travail. Une proposition de loi visant à créer un statut de l'élu local sera bientôt présentée à l'Assemblée nationale, afin de compléter les mesures adoptées ces derniers mois. Nous travaillons aussi à garantir l'assurabilité des collectivités, cet enjeu ayant été souligné lors du Roquelaure de la simplification du travail des élus, pour laquelle j'ai proposé une dizaine de mesures concrètes.
Concernant l'exercice 2024, les programmes ont obtenu de bons résultats, ce qui démontre l'adéquation entre les objectifs fixés et les moyens mis en œuvre. Malgré les réductions budgétaires et les économies que nous avons réalisées, nous avons préservé les programmes essentiels et assuré un soutien constant à nos bénéficiaires. En 2024, notre soutien à l'investissement local s'est élevé à environ 3 milliards d'euros, en incluant la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), pour plus d'un milliard, la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), la dotation politique de la ville (DPV) et le fonds Vert. Nous avons privilégié les investissements orientés vers des dépenses écologiques, avec un effet de levier estimé entre 4 et 7 euros pour chaque euro investi.
Avec le programme 122, nous avons aussi soutenu les collectivités en grande difficulté, quoique les délais d'indemnisation puissent encore s'accélérer. Des réformes sont d'ailleurs prévues pour simplifier notre action, notamment concernant la DSIL.
Pour les programmes relevant directement de ma responsabilité, nos taux de consommation élevés témoignent de notre engagement pour une gestion rigoureuse des deniers publics, mais aussi des marges de manœuvre dont nous disposons pour faire face aux imprévus.
En matière d'aménagement du territoire, le programme 112 permet de soutenir les dynamiques territoriales et les collectivités locales, notamment à travers le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) et le soutien à des opérateurs comme l'ANCT. Pour la première fois, des crédits du titre 2 ont d'ailleurs été alloués aux chefs de projet du programme " Villages d'avenir ". Néanmoins, les ambitions ont été tempérées par des annulations s'élevant à 44 millions d'euros en AE et à 42 millions d'euros en CP. Nous avons toutefois fait au mieux afin de préserver les politiques publiques du programme bénéficiant aux habitants des zones rurales. Ainsi, les dispositifs France Services, France Ruralité et Territoires d'industrie ont été épargnés par les réductions de crédits.
En 2025, ce programme fait face à de nouveaux défis majeurs avec une diminution de 30% des CP inscrits dans la loi de finances initiale, ce qui représente 15,2 millions d'euros. Cette situation a provoqué le report de plusieurs engagements, ce qui induit une année blanche pour les CPER. Nous avons en revanche veillé à conserver tous les crédits disponibles pour les projets jugés impératifs, notamment le déploiement des maisons France Services, le programme " Petites villes de demain " et des dispositifs destinés à apporter des solutions aux habitants de la ruralité. Le FNADT et les maisons France Services constituent en effet des programmes essentiels de l'action publique, qu'il importe de ne pas mettre en péril.
Par ailleurs, les programmes 380, 119 et 122 ont de soutenir les collectivités territoriales dans leurs projets de transition écologique, d'investissement local et de gestion des risques climatiques.
En 2024, le Fonds vert a connu un fort succès avec 8 520 dossiers acceptés sur 12 000 dossiers déposés, et un engagement de 1,6 milliard d'euros, qui permet de financer des projets dont le coût total dépasse 10 milliards d'euros. Ces projets portent principalement sur la rénovation énergétique des bâtiments publics tels que les écoles, le recyclage foncier, l'accompagnement des territoires d'industrie en transition écologique, les mobilités durables en zone rurale et des projets situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Depuis 2023, le Fonds vert a ainsi mobilisé 3,6 milliards d'euros pour soutenir l'investissement des collectivités locales dans la transition écologique. Plus de 18 000 projets ont été concernés, notamment dans les petites communes et les territoires ruraux, ainsi que dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, pour 15% d'entre eux. Chaque euro de subvention a permis de financer des projets d'un montant environ six fois supérieur. Les projets de rénovation énergétique ont notamment entraîné une réduction moyenne des consommations d'énergie de 55%, tandis que les projets de recyclage des friches ont permis de recycler et souvent de renaturer 1 170 hectares, qui pourront accueillir 30 000 logements. En outre, plus de 1 400 établissements scolaires ont bénéficié d'une rénovation énergétique de leurs bâtiments.
Les gels, annulations et transferts ont cependant porté la ressource disponible du programme à 1,6 milliard d'euros en AE et 638 millions d'euros en CP. Ces crédits ont été consommés à 99,96% pour les AE et à 89% pour les CP. Le Fonds vert étant un programme récent, les décaissements s'étalent sur plusieurs années, ce qui est compréhensible. Conformément à la demande de la Cour des comptes, nous nous montrons vigilants sur la part des restes à payer. Les premières données de 2025 confirment d'ailleurs l'accélération de la consommation des crédits de paiement.
Quant au programme 119, il affiche un taux d'exécution de 98% en 2024. Les crédits ont été principalement alloués à la DETR et à la DSIL afin de financer des projets d'équipements et d'infrastructures. Nous avions aussi demandé aux préfets et aux opérateurs d'accorder une attention particulière à la transition écologique et à la résilience des territoires. Ils ont bien procédé ainsi, et chaque euro de subvention dans ce domaine a permis de réaliser des projets d'un montant quatre à sept fois supérieur. Concernant le plan " Marseille en grand ", il continue d'être un succès, en ayant permis la rénovation de 170 écoles. Quant à la dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales (DSCAR), elle a été augmentée. Enfin, le reste à payer a commencé à diminuer pour le programme 119, ce qui démontre l'amélioration incontestable de la gestion.
L'exécution budgétaire 2024 du programme 122 reflète une année de défis majeurs, en raison de plusieurs catastrophes naturelles et des besoins spécifiques des collectivités territoriales. Le taux d'exécution des CP atteint 62%, soit dix points de plus qu'en 2023. Des axes d'amélioration persistent cependant, au vu de la complexité des conditions d'indemnisation. Surtout, l'État s'engage à honorer l'ensemble des engagements de la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités (DSEC) confrontées à des sinistres graves, quels que soient les aléas. Nous pouvons mentionner la tête Ciaran ou la tempête Alex, après laquelle un fonds de reconstruction exceptionnel a été instauré pour soutenir les projets de reconstruction des infrastructures dans les Alpes-Maritimes. Grâce à l'obtention du report, la préfecture engage actuellement le versement de 20 millions d'euros aux collectivités sinistrées.
Quant au fonds relatif aux violences urbaines, la majorité des crédits a été reportée à 2025, de même que le plan de lutte contre les violences faites aux élus, sachant d'ailleurs que de telles initiatives transcendent le cadre d'exécution annuelle.
S'agissant ensuite du programme 217, il cherche à stimuler l'innovation, à encourager les approches nouvelles et à soutenir à la fois le développement durable et les collectivités locales. Ses dépenses ont augmenté en 2024. Nous avons ainsi enregistré une augmentation du taux d'emploi, accompagnée du versement de gratifications au titre de l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. De plus, nous avons mis en œuvre des mesures catégorielles bénéficiant à l'ensemble des agents, notamment une augmentation de 50 points d'indice, et nous avons poursuivi la réforme de la haute fonction publique.
Dans l'ensemble, l'année 2024 a une nouvelle fois témoigné de l'engagement ferme de l'État et du gouvernement aux côtés des collectivités locales. En 2025, nous continuerons à préserver les programmes les plus importants et à maintenir un niveau élevé de soutien aux collectivités. La loi de finances initiale 2025 prévoit notamment une augmentation des crédits pour l'ensemble du ministère.
Des annulations de crédits ont cependant été nécessaires, à hauteur de 590 millions d'euros en AE et de 206 millions d'euros en CP. Elles représentent un peu moins de la moitié de la réserve de précaution du pôle ministériel. J'ai cherché les arbitrages les plus justes possible, en tenant compte du niveau d'exécution de l'année 2024 et du décalage de projets en 2026, notamment pour les transports. Nous avons particulièrement veillé à préserver les capacités d'investissement des collectivités locales, et à maintenir les programmes dédiés à la ruralité et à la politique de la ville.
Enfin, notre objectif ne consiste pas à dépenser plus, mais à dépenser mieux. Or plusieurs recommandations de la Cour des comptes méritent notre attention, notamment quand elle nous invite à disposer d'une vision globale des transferts aux collectivités et de l'ensemble des soutiens qui leur sont apportés.
Les collectivités expriment elles-mêmes un besoin urgent de clarté et de prévisibilité sur le long terme, car elles constituent pour elles une assurance sur l'avenir et leur permettent de gagner de l'argent. Lors de la conférence financière des territoires, j'ai ainsi souligné la nécessité de simplifier et de fusionner certaines dotations. La DETR persistera ainsi, tout en se concentrant sur le service rendu à la ruralité, tandis que la DSIL et la DPV se concentreront sur les subventions destinées aux zones urbaines. Je propose à titre personnel d'intégrer le Fonds vert à la mission sur la réforme des collectivités territoriales (RCT). Je souhaite aussi rapprocher d'autres dotations, tout en préservant les engagements concernant la ruralité et la ville.
Concernant les perspectives pour l'année 2026, mon objectif est de répondre aux besoins des collectivités tout en respectant les étapes nécessaires. Nous avons ainsi récemment organisé une conférence financière des territoires avec les ministres Catherine Vautrin, Éric Lombard et Amélie de Montchalin et Nino Chana, afin de définir avec les collectivités des solutions durables et équitables dans le contexte de redressement des finances locales. Cela implique d'établir une trajectoire claire pour toutes les recettes, qu'il s'agisse de la fiscalité, des concours ou des dotations. Je souhaite que le Parlement puisse, le moment venu, se prononcer sur cette trajectoire.
Nous poursuivrons également à avancer sur les réformes essentielles, notamment celle de la DSEC et la simplification des dotations et les procédures administratives. Je pense en particulier à la proposition de loi du député Harold Huward. Notre objectif consiste à préserver les moyens d'action essentiels pour garantir que nos engagements envers les citoyens et les territoires soient pleinement respectés.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville. Je rendrai compte de l'exécution budgétaire du programme 147, dont j'ai la charge, aux côtés du ministre, M. François Rebsamen. Ce programme concerne les outils de la politique de la ville, notamment la rénovation urbaine. L'année 2024 fut exceptionnelle en raison des Jeux olympiques et de la mise en œuvre de la nouvelle cartographie, votée fin 2023.
Cependant, les crédits de ce programme ont été contraints par la situation budgétaire de la France. Depuis 2017, les crédits du programme 147 ont connu une progression annuelle supérieure à 7, en loi de finances initiales. Pour 2024, 621,7 millions d'euros étaient ainsi prévus. Les récentes contraintes budgétaires ont toutefois freiné cet élan, nous obligeant à des choix difficiles. L'exécution s'est finalement élevée à 519,78 millions d'euros, ce qui correspond à la consommation intégrale du montant inscrit in fine dans la lettre plafond du ministre de l'économie de l'époque. Malgré une hausse de 10% de la population concernée, le budget de la politique de la ville a ainsi baissé de 7% en 2024, ce qui représente plus de 100 millions d'euros, soit 16,3 % des crédits initialement prévus.
Néanmoins, l'État a continué d'agir, avec notamment la signature de 333 contrats de ville, associés à une enveloppe de 182,4 millions d'euros. S'ajoutent le financement des cités éducatives, qui concerne 208 cités existantes et 42 nouvelles cités, pour 77,2 millions d'euros, le programme de réussite éducative, pour 63,5 millions d'euros, et le dispositif « Quartiers d'été », nettement renforcé en cette année olympique, avec 35,4 millions d'euros de consommations, dont 2,57 millions d'euros pour la billetterie populaire. Cette dernière initiative a permis à des habitants des quartiers de disposer de places pour des épreuves olympiques, en incluant l'hébergement et le transport nécessaires. En ont notamment bénéficié mille jeunes d'outre-mer.
Les crédits déconcentrés ont représenté 379,6 millions d'euros, soit 64,3% du montant dépensé. Le programme 147 a également bénéficié d'un transfert de crédits de 13,5 millions d'euros en provenance du programme 134 du ministère de l'économie, au profit du dispositif " Entrepreneuriat Quartiers 2030 ", destiné à ramener de l'activité économique légale dans les quartiers.
Dans ce contexte budgétaire tendu, nous avons préservé les moyens d'action déconcentrés afin de maintenir une action proche des habitants. Cependant, des économies ont dû être réalisées, au détriment notamment du dispositif des adultes-relais, dont les crédits ont baissé de près de 11,5%, en s'établissant à 86,7 millions d'euros, après une programmation de 98 millions d'euros. De vieilles inquiétudes en ont résulté. Avec le soutien du ministre François Rebsamen et du premier ministre, j'ai tenu à rétablir pour 2025 l'enveloppe de programmation des adultes-relais à 98 millions d'euros pour 4 500 contrats.
Par ailleurs, l'établissement pour l'insertion dans l'emploi (Épide) constitue un formidable outil d'accompagnement du public fragile, partagé avec le ministère du travail. Son budget a été maintenu en 2024, avec 37,6 millions d'euros engagés. En revanche, l'agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) a subi le gel de 50 millions d'euros, conformément à la logique défendue par notre collègue en charge des comptes publics, qui désapprouve la constitution de trésorerie pour les agences. Un effort supplémentaire devra donc être accompli durant les prochaines années, afin que l'État honore ses engagements.
Quant au partenariat national, un dispositif plutôt institutionnel, il a fait l'objet d'un effort conséquent, avec 13,6 millions d'euros consommés sur une programmation initiale de 17,9 millions d'euros. Il s'agit toujours en priorité d'agir sur le terrain, au plus près des citoyens.
L'année 2024 a permis d'aboutir à une réforme significative de la cartographie des quartiers prioritaires, notamment par l'élargissement de la qualification aux territoires ultramarins. Nous comptons désormais 1 609 quartiers prioritaires répartis sur l'ensemble du territoire national.
Bien que le contexte n'ait pas permis de finaliser la réforme de la fiscalité, nous sommes confiants quant à son aboutissement dans les semaines à venir. Nous travaillons notamment à un dispositif d'exonération adapté et visible permettant de soutenir efficacement le développement de l'activité économique et financière dans ces quartiers.
L'année 2025 s'annonce aussi complexe. Selon la version initiale du projet de loi de finances (PLF) 2025, le programme 147 aurait subi une diminution budgétaire de 14,1%. Cependant, le Premier ministre, François Rebsamen et moi-même avons tenu à ce que ce programme dispose de moyens conformes à son ambition, si bien que nous avons demandé son augmentation de 65 millions d'euros. Finalement, 60 millions d'euros sont ajoutés aux 549 millions d'euros, en incluant 50 millions additionnels pour nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), 5 millions pour l'extension des cités éducatives et 5 millions d'euros pour les adultes-relais. Ainsi, le budget 2025 serait inférieur de 3,9 % au niveau fixé par la loi de finances précédente, ce qui nous permet d'avancer avec confiance.
Néanmoins, la situation budgétaire actuelle a conduit le ministère du budget à prendre certaines mesures. Pour 2025, les annulations de crédits représentent ainsi 15 millions d'euros, et 10 millions d'euros de surgels sont à prévoir. En conséquence, le budget disponible sera inférieur de plus de 18 millions d'euros à l'exécution 2024, indépendamment de l'ANRU.
Je souhaite que nous continuions à préserver la proximité, l'action quotidienne et l'efficacité de la politique de la ville, avec les crédits déconcentrés, les adultes-relais, les cités éducatives et les programmes éducatifs, qui restent nos principales priorités, car elles concrétisent notre action au bénéfice de la jeunesse. J'insiste sur le fait que chaque euro dépensé pour un enfant avant l'âge de dix ans permet d'économiser dix euros à l'âge adulte.
Cependant, la politique de la ville ne se limite pas au programme 147. Je n'évoquerai pas les crédits de droit commun mobilisés, que nous mentionnerons lors du prochain conseil interministériel des villes, le 6 juin. Je tiens surtout à saluer l'engagement de nos partenaires. Par exemple, j'ai signé le 7 mai une convention avec le directeur général de la caisse des dépôts et consignations. Elle prévoit un montant inédit de 350 millions d'euros pour les quartiers prioritaires de la ville sur la période 2025-2027, contre 225 millions d'euros dans le cadre de la convention conclue en 2023. De plus, 400 millions d'euros peuvent être injectés dans les quartiers par le biais de l'abattement de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).
Le comité interministériel concrétisera notre ambition, partagée avec François Rebsamen et le Premier ministre, de cibler dans les quartiers prioritaires la politique de l'enfance et de la jeunesse, car les investissements y sont les plus productifs et, du point de vue de la commission des finances, les plus rentables. Nous avons donc défini les trois priorités suivantes : les enfants et les adolescents au cœur de la ville ; la tranquillité publique et la qualité de vie, grâce à une gestion de proximité ; une économie pour toutes et tous, afin d'élever le niveau général de vie dans les quartiers.
M. David Guiraud, rapporteur spécial (Politique des territoires). J'aborderai en priorité le programme 147, relatif à la politique de la ville, qui constitue l'élément le plus urgent de mon rapport spécial. Rarement, en effet, les Français résidant dans les quartiers relevant de la politique de ville n'ont jamais connu autant de difficultés, de discours violents et de politiques publiques aussi peu soucieuses de leur bien-être. Le mal-être, la souffrance et les taux de chômage et de précarité sont immenses. Les logements restent très dégradés et l'accès aux services publics devient particulièrement difficile. Je l'observe particulièrement à Roubaix, ville la plus durement touchée par la pauvreté en France hexagonale.
Que faites-vous face à ce constat d'urgence ? Vous avez diminué les crédits budgétaires de 18 % en cours d'année, sans soumettre cette décision au vote de l'Assemblée, ce qui témoigne d'un double mépris, vis-à-vis des habitants des quartiers populaires et vis-à- vis de leurs élus. L'année 2024 avait pourtant assez bien débuté avec la mise à jour de la cartographie et le renouvellement des contrats de ville. Ensuite, avec ces baisses, vous êtes revenus sur les objectifs du gouvernement et vous diminuez la crédibilité de sa parole. Par exemple, les cités éducatives, présentées comme une priorité, ne seront plus généralisées à tous les quartiers prioritaires de la ville, contrairement à l'ambition initiale du gouvernement.
Les crédits alloués aux adultes-relais subissent aussi une diminution de 11 millions d'euros. Les capacités d'action des comités de quartier diminueront donc, malgré leur importance essentielle pour faire remonter les préoccupations des habitants. De plus, des associations culturelles et sportives seront contraintes de cesser leurs activités, faute de renouvellement des contrats.
Vous supprimez aussi le financement national des bataillons de la prévention, une initiative pourtant lancée sous la présidence d'Emmanuel Macron. J'ose espérer que vous n'aurez pas ensuite l'audace de prétendre agir pour la tranquillité publique et contre la délinquance juvénile dans ces quartiers.
Madame la Ministre, quelles alternatives offrez-vous aux habitants de ces quartiers et à leurs enfants, lorsque les projets culturels et sportifs ne peuvent plus être menés faute de moyens, lorsque les comités de quartier ne peuvent plus jouer leur rôle d'intermédiaire avec les pouvoirs publics, et lorsque les médiateurs disparaissent ?
Concernant la rénovation urbaine, l'État faillit à ses engagements et à sa mission. Alors que nous arrivons au terme du NPNRU, vous avez totalement supprimé l'enveloppe de 50 millions d'euros prévue dans la loi de finances, et réduit à néant la dotation pour 2025. L'État s'était pourtant engagé à engager 1,2 milliard d'euros sur dix ans, sur une enveloppe totale de 12 milliards d'euros. L'État ne contribue donc qu'à 10% de la rénovation urbaine, tandis qu'Action Logement apporte 8,4 milliards d'euros et les bailleurs sociaux 2,4 milliards d'euros. Or vous n'êtes même pas capable d'assumer ces 10%, malgré l'engagement pris par l'État envers Action Logement, les salariés des entreprises de plus de cinquante salariés qui financent ce dernier, les bailleurs sociaux et les locataires.
La parole de l'État perd donc toute crédibilité. Pire encore, ce retrait de financement met en péril la trésorerie de l'ANRU, ce qui pourrait entraîner l'arrêt de nombreux chantiers. Comment comptez-vous rattraper les retards accumulés ? Je passerai même sur votre manque criant de créativité en matière de rénovation urbaine, sachant qu'en la matière, des opérations s'effectuent sans les habitants, voire contre eux. Un manque considérable de dialogue existe ainsi. Quand, notamment, le comité interministériel des villes se tiendra-t-il enfin ?
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée. Les adultes-relais conservent intégralement les montants votés dans la loi de finances initiale pour 2024. La nomination en décembre 2024 d'un ministre de la ville dédié, alors que cette fonction n'existait plus depuis juin et que la tension budgétaire était déjà connue, témoigne de la détermination du président de la République et du premier ministre. L'enveloppe concernant 4 500 adultes-relais, exécutée en 2024, est ainsi maintenue pour 2025.
Concernant le dispositif remarquable des cités éducatives, expérimenté chez Philippe Rio en 2018 et créé par le Président de la République, a fait l'objet d'une promesse de généralisation. Ce programme exceptionnel couvre la vie quotidienne des enfants de zéro à vingt-cinq ans et permet de mettre en relation tous les acteurs, au bénéfice de la réussite éducative et du suivi individualisé. Nous comptons désormais 208 cités éducatives. Je viens de renouveler la labellisation de plus de 80% d'entre elles, et 40 nouvelles cités seront labellisées en 2025. Une trajectoire ascendante est donc suivie, car nous donnons une priorité à l'enfance et à la jeunesse. Nous sommes en effet convaincus que la prévention de la souffrance, de la maladie, de la précarité, voire de la violence, de la déscolarisation et de la délinquance, s'effectue avant tout de zéro à dix ans.
Je vous donne aussi rendez-vous au conseil interministériel des villes, prévu le 6 juin à Montpellier. Bien sûr, nous partageons tous la déception liée au report de cette date. Vous conviendrez cependant que l'agenda gouvernemental est particulièrement contraint en cette période de tensions géopolitiques.
François Rebsamen et moi-même plaçons bien l'enfance et la jeunesse au cœur de nos priorités. Les dispositifs de cité éducative, que nous étendons, le programme de réussite éducative et le soutien des adultes relais occuperont donc une place centrale dans notre action. De plus, la caisse des dépôts et l'État ont signé une convention de 350 millions d'euros, dont 250 millions seront destinés au soutien en capital de projets qui concerneront notamment pour la petite enfance, avec par exemple la construction d'une centaine de crèches dans les quartiers. Cette perspective appuie clairement notre conviction, partagée au sommet de l'État.
Par ailleurs, contrairement à ce que vous affirmez, le gouvernement a réinjecté 50 millions d'euros dans le budget 2025 de l'ANRU, qui était effectivement nul en 2024. D'ici fin 2026, l'ANRU aura presque finalisé ses engagements, avec près de 85 % des conventions signées avec les collectivités locales, sachant que la libération et la délégation des crédits peuvent s'étendre jusqu'en 2030, voire en 2031. L'État tiendra donc bien sa parole en la matière. Il tient clairement à mener à bien les projets de rénovation urbaine, essentiels pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Nous préparons d'ailleurs la suite. L'existence d'un ministre dédié à cette mission, aux côtés d'un ministre dont la sensibilité politique vous est connue, témoigne de notre engagement concret sur le terrain pour les habitants des quartiers prioritaires.
Mme Sophie Mette, rapporteure spéciale (Aménagement des territoires). En tant que rapporteurs, Monsieur Baumel et moi-même avons l'opportunité d'examiner l'ensemble de la politique d'aménagement des territoires, un champ d'investigation particulièrement vaste. Mon collègue abordera la question des maisons France Services. Pour ma part, je me concentrerai sur deux axes principaux.
S'agissant des crédits alloués à l'offre d'ingénierie territoriale de l'État, examinés à l'automne, ils se répartissent entre plusieurs programmes budgétaires et se caractérisent par une grande complexité et un manque de lisibilité, accentués par une information budgétaire parcellaire, voire insuffisante. Néanmoins, l'exécution budgétaire révèle des résultats concrets. En 2024, la section générale du FNADT a permis d'apporter des financements à 900 chefs de projets dans le cadre du programme " Petites villes de demain ", d'allouer 10 millions d'euros au développement des tiers-lieux dans le cadre du programme " Nouveaux lieux, nouveaux liens ", et de cofinancer 60 chefs de projets pour le programme " Territoires d'industrie ". Le renforcement des crédits d'appui au développement territorial, mis à disposition des préfets, est particulièrement notable.
Cependant, nous avions souligné en novembre la difficulté d'évaluer l'efficacité réelle des crédits alloués à l'ingénierie territoriale. Par exemple, de nombreux crédits soutiennent l'embauche d'un chef de projet sans que l'on sache si ce projet est mené à terme. Nous appelons donc à la vigilance du ministère et à la transmission de données précises sur la réalisation concrète des projets.
La prévention des risques naturels constitue un deuxième axe d'intérêt. Monsieur Baumel et moi-même nous intéressons notamment à la gestion forestière de l'État, en portant une attention particulière aux moyens consacrés à la prévention et à la lutte contre les incendies, un enjeu auquel ma circonscription de la Gironde est régulièrement confrontée. Je souhaiterais également obtenir des précisions sur l'exécution des crédits alloués à la gestion des risques naturels. Cette demande s'inscrit dans le contexte préoccupant de la réduction des crédits du Fonds vert, conçu avec de fortes ambitions afin d'accompagner les collectivités territoriales dans leur démarche d'adaptation au changement climatique. Ce fonds finance notamment des actions de prévention contre les inondations et les incendies de forêt. Alors que les AE du Fonds vert s'élevaient à 2,49 milliards d'euros dans la loi de finances initiale pour 2024, elles ne sont plus que d'un milliard d'euros dans le PLF pour 2025. Cette baisse brutale de 60% nécessite une clarification, notamment sur le montant total des crédits effectivement exécutés dans ce domaine de la prévention des risques naturels.
M. Laurent Baumel, rapporteur spécial (Aménagement des territoires). Nous pouvions craindre initialement que le dispositif des maisons France Services ne soit qu'un palliatif au retrait des services publics locaux. Il a finalement démontré son utilité dans nos territoires, en constituant notamment un outil d'accompagnement par rapport à la dématérialisation des démarches pour les publics les moins à l'aise avec celle-ci ou qui expriment une attente légitime de maintien des contacts humains dans le cadre de l'exercice des services publics. Or ce programme et les dispositifs associés ont été exécutés de manière globalement satisfaisante.
Cette exécution budgétaire mérite d'être saluée. Cependant, elle ne doit pas conduire à un relâchement de l'ambition. Il demeure indispensable de répondre à plusieurs enjeux. Il convient notamment de bien associer les collectivités locales, très souvent à l'initiative de ces projets et dont l'engagement constitue un facteur essentiel de la réussite des maisons France Services. De plus, la Cour des comptes estime que le coût moyen d'une maison France Services atteint 120 000 euros, tandis que le soutien cumulé de l'État et des opérateurs ne dépasse souvent pas 35 000 euros. Une charge importante incombe donc aux collectivités locales, qui se trouvent déjà dans un contexte financier tendu.
La notoriété du dispositif constitue un deuxième enjeu. Des marges de progression existent encore afin d'atteindre, notamment en milieu rural, les publics les plus éloignés des services publics.
Enfin, la question des moyens humains est majeure, afin de garantir une ouverture adaptée à tous les publics, notamment aux actifs, et pour assurer une qualité d'accueil irréprochable. Les agents d'accueil exercent d'ailleurs un rôle fondamental, ce qui implique de soutenir les efforts en matière de formation.
En conclusion, je souhaite fortement que, dans les prochains exercices budgétaires, les crédits alloués à ces dispositifs soient à nouveau à la hauteur des attentes qu'ils suscitent et qu'ils méritent, au service de la cohésion territoriale.
M. François Rebsamen, ministre. J'évoquerai d'abord le Fonds vert, qui possède une importance capitale pour la transition écologique et à l'adaptation climatique. Son caractère vert est d'ailleurs garanti par l'éco-conditionnalité rigoureuse appliquée par les services de l'État à chaque dépense. La gestion par les préfets et la fongibilité totale des crédits assurent une adaptation précise aux besoins locaux.
En 2024, le Fonds vert a mobilisé 1,6 milliard d'euros, soit la totalité des AE disponibles. Si l'on ajoute 2023, l'État a consacré 3,6 milliards d'euros au soutien à l'investissement des collectivités en faveur de la transition écologique. En 2024, le Fonds vert est cependant passé de 2,5 à 1,6 milliard d'euros, en raison des contraintes budgétaires. Néanmoins, ce montant reste supérieur au 1,5 milliard d'euros initialement prévu par le PLF 2023. Quant à 2025, 1,15 milliard d'euros est prévu, dans le même contexte budgétaire.
En trois ans, ce Fonds vert a permis plus de dix milliards d'euros d'investissements sur le territoire, pour 9 000 projets impliquant 6 200 bénéficiaires et 5 200 communes. Les communes de moins de 10 000 habitants représentaient d'ailleurs plus de 70% des bénéficiaires en 2024. Le Fonds vert a également soutenu 750 communautés de communes, 380 syndicats mixtes, 370 communautés d'agglomération et 58 communautés urbaines. Quant aux territoires ultramarins, ils ont bénéficié de 80 millions d'euros, pour 205 dossiers.
Le Fonds vert a donc atteint ses objectifs. Plus de 2 100 dossiers relevant de contrats pour la réussite de la transition écologique (CRTE) ont ainsi été financés, à hauteur de 421 millions d'euros. Il faut aussi souligner que la rénovation des bâtiments constitue une priorité, avec plus de 3 000 dossiers subventionnés, pour 700 millions d'euros, dont plus de 350 établissements scolaires.
Dans l'ensemble, le Fonds vert a permis dix milliards d'euros d'investissements supplémentaires, qui n'existaient pas avant sa création. Nous reconnaissons toutefois la nécessité d'améliorer le suivi et l'information sur les projets. Pour le programme " Territoires d'industrie ", 2 500 fiches actions ont d'ailleurs été élaborées pour 183 territoires, et les 324 projets déposés représentent 163 bénéficiaires et 63 millions d'euros d'investissements. L'ANCT agit en l'occurrence en subsidiarité des autres acteurs.
Quant aux maisons France Services, dont le succès est indéniable, la contribution de l'État a été revalorisée à 45 000 euros par structure, répartis entre le FNADT et le fonds national France Services, à hauteur, respectivement, de 25 000 euros et de 20 000 euros. Un amendement sénatorial prévoit d'ailleurs de porter cette dernière subvention à 25 000 euros en 2026. Enfin, un complément de 10 000 euros est accordé aux structures situées dans les zones rurales les plus fragiles. Par ailleurs, nous privilégions actuellement les indicateurs relatifs à la qualité du service rendu. Dans l'ensemble, nous compterons 2 900 maisons fin 2024 et 3 000 maisons en 2026, conformément à notre objectif.
Mme Éva Sas, rapporteure spéciale (Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables ; Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires). Le programme 217 regroupe les crédits de titre 2, c'est-à-dire les frais de personnel du pôle ministériel. La loi de finances initiale pour 2024 l'avait doté de 3,1 milliards d'euros en AE et en CP. Le mouvement de crédits le plus important qui a affecté le programme est le décret d'annulation du 21 février 2024, qui a annulé 12,53 millions d'euros en CP. Au total, 3,08 milliards d'euros de CP ont été consommés. Le taux d'exécution est donc de plus de 97,5% des AE, et atteint 99,56% pour les CP.
Le schéma d'emplois se caractérise néanmoins par une très forte sous-exécution. Après de nombreuses années de décroissance des effectifs, un renversement de tendance s'était amorcé en 2023 et avait été amplifié par la loi de finances initiale pour 2024. Celle-ci prévoyait un schéma d'emplois positif, à hauteur de 307 équivalents temps plein (ETP). Pourtant, le rapport annuel de performance indique que celui-ci n'a été réalisé qu'à hauteur de 104 ETP, soit un tiers du total prévu.
L'on constate donc une exécution quasi-totale des crédits sur le programme 217, alors que le schéma d'emplois n'a pas été exécuté en totalité. L'une des raisons pourrait être que le schéma d'emplois est marqué par un repyramidage, que la Cour des comptes a relevé dans sa note d'exécution budgétaire. Celle-ci souligne que 234 ETP de catégorie A étaient prévus par le schéma d'emplois initial, mais que l'exécution du schéma d'emplois correspond à 369 ETP de catégorie A, soit une différence de 133 ETP.
C'est pourquoi, Monsieur le ministre, je souhaite vous demander quelles sont les raisons qui expliquent que le schéma d'emplois est loin d'être réalisé en totalité, alors que le taux d'exécution des crédits est élevé. S'agit-il d'effets liés au repyramidage, à la mise en œuvre de revalorisations salariales, ou encore à une prévision du " coût " du schéma d'emplois en loi de finances initiale inférieure à ce qui était nécessaire pour ne pas dépasser les crédits alloués par la loi de finances en cours d'exécution ? Vous comprendrez que l'on puisse s'interroger sur la sincérité de la progression des effectifs annoncée au PLF. Cette situation s'avère d'autant plus préoccupante que la mise en œuvre de la transition écologique exige des besoins en personnel croissants.
M. Tristan Lahais, rapporteur spécial (Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables ; Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires). Je serai bref, car le programme 380, dont je souhaite vous parler, a déjà été évoqué par ma collègue. Ce dispositif, mis en place pour être le principal soutien à la transition écologique dans les territoires, répond au besoin d'un effort public et privé substantiel, identifié notamment par le rapport Mahfouz-Pisani-Ferry. Je m'interroge sur l'avenir de ce fonds, dont les acteurs locaux reconnaissent tout l'intérêt. Les diminutions constatées l'année passée et les annulations de crédits déjà annoncées pour 2025 témoignent-elles d'une volonté d'intégrer le Fonds vert dans le droit commun des politiques d'aide à l'investissement des collectivités territoriales, telles que la DETR et la DSIL, ou envisagez-vous de le pérenniser en tant que dispositif distinct ?
M. François Rebsamen, ministre. Je compléterai mes propos précédents. Ce fonds Vert a permis la renaturation des villes et villages, avec 963 dossiers financés, pour 150 millions d'euros et 610 hectares. Concernant le recyclage des friches, 670 projets ont été accompagnés, pour 330 millions d'euros, représentant 1 200 hectares, ce qui a permis la création de 30 000 logements et 1 600 000 mètres carrés d'espaces d'activités.
Les besoins de financement du fonds vert dépassent les crédits ouverts en loi de finances initiale. Début 2025, le stock de dossiers non financés représentait 600 millions d'euros de demandes de subventions, notamment pour le recyclage des friches.
L'exécution globale des crédits, hors titre 2, a diminué de 3 en AE en 2024, tout en augmentant de 6,8 % en CP. Une forte tension a en effet concerné les AE, ce qui a rendu nécessaire le dégel total, en fin d'année, de la réserve de précaution. Il faut aussi noter que 48 millions d'euros ont été affectés en 2024 au programme de rénovation de la tour Séquoïa, où siège notre ministère.
Nous tenons à maintenir le Fonds vert, vu son importance pour la transition écologique et la lutte contre le dérèglement climatique. Sa fongibilité et sa déconcentration sont particulièrement appréciées. Nous cherchons néanmoins à le simplifier.
Quant au schéma d'emploi, sa sous-exécution tient principalement aux mesures prises en 2024 pour réduire la tension sur la masse salariale du programme 217. Après un fort dynamisme des recrutements début 2024, un repyramidage, amorcé en 2023, a ainsi concerné la catégorie A. Des mesures de freinage des recrutements ont ainsi été décidées, afin de respecter strictement le pyramidage notifié, pour ne pas dépasser les cibles de recrutement des apprentis. En juillet, une mesure complémentaire a décalé les arrivées de septembre à octobre les arrivées externes en mobilité. Des économies en ont résulté.
Quant au dynamisme initial des recrutements, il s'explique par le plan d'attractivité, par le recrutement de contractuels et par la déconcentration des recrutements. Une dépense supplémentaire de 3,2 millions d'euros est ainsi enregistrée. S'ajoutent deux millions d'euros pour la constitution de nouveaux cabinets ministériels et un million d'euros pour l'augmentation de l'allocation de retour à l'emploi (ARE). Ces éléments ont conduit à demander un ajustement total de 9 millions d'euros dans le cadre de la loi de fin de gestion.
M. Emmanuel Mandon, rapporteur spécial (Relations avec les collectivités territoriales ; Avances aux collectivités territoriales). J'associe à mon intervention Marina Ferrari, avec qui j'ai travaillé sur ce dossier, mais qui ne peut être présente.
L'exécution en 2024 des crédits concernés est globalement satisfaisante. Le taux de consommation des crédits disponibles s'élève à 91,8% en AE et à 94,1% en CP, soit des niveaux proches de l'exercice précédent. Néanmoins, le taux de consommation s'avère nettement inférieur pour le programme 122, avec 70,8% des AE et 61,6% des CP. Cela s'explique surtout par la nature difficilement prévisible des dépenses portées par ce programme, notamment les aides aux collectivités affectées par les catastrophes naturelles et d'autres aléas climatiques. Cette imprévisibilité explique aussi une grande partie des reports de crédits, qui représentent 90 % des CP ouverts par la loi de finances pour 2024.
Toutefois, il faut relever la non-exécution, chaque année, depuis trois ans, d'un dispositif adopté suivant une procédure un peu baroque en faveur de l'entretien du réseau routier local. La loi de finances de fin de gestion pour 2024 avait prévu une ouverture de crédits à hauteur de 70 millions d'euros, comme à la fin des deux exercices précédents, à hauteur, respectivement, de 50 et de 60 millions d'euros. Or cet abondement, voté par le Parlement, n'a jamais été effectivement exécuté, étant systématiquement annulé après un gel initial des crédits. Pourriez-vous expliquer les raisons de ces annulations, alors que les besoins d'entretien du réseau routier sont réels, avec 717 000 kilomètres de routes communales, et que les communes attendent ces crédits ?
Par ailleurs, l'instauration d'une contribution locale pourrait rétablir un lien fiscal entre tous les citoyens, propriétaires ou non, et leurs communes. Vous aviez évoqué récemment le sujet. Pourriez-vous préciser votre projet ?
Nous souhaitons aussi vous interroger sur la régulation budgétaire, en particulier sur les gels et les annulations ayant porté sur les crédits de la mission. Une partie importante des crédits mis en réserve au début de l'exercice 2024 concernait des dotations constitutionnellement dues aux collectivités, qui ne devraient pourtant pas être gelées, à savoir les dotations générales de décentralisation du programme 119 et les dotations d'outre-mer du programme 122. L'article 72-2 de la Constitution n'autorise pas l'annulation de ces crédits, mis en réserve à hauteur de 113 millions d'euros en AE et de 97 millions d'euros en CP. Ils ne sont donc pas mobilisables en cours de gestion. La Cour des comptes et la direction du budget appellent depuis des années à l'exclusion de ces crédits, constitutionnellement dus aux collectivités, de la réserve de précaution. Dans ce contexte, pourriez-vous présenter les raisons de l'inclusion de ces dotations de compensation dans la réserve de précaution ?
Nous souhaiterions aussi obtenir un éclaircissement sur la décomposition du décret d'annulation du 25 avril 2025, qui a annulé 115 millions d'euros d'AE et 27 millions d'euros de CP relevant de la mission Relations avec les collectivités territoriales, dont 5 millions d'euros pour le programme 122. Pourriez-vous indiquer quelles actions et quels dispositifs sont concernés ? En outre, pourriez-vous confirmer que ces annulations n'ont pas été réalisées pour la mission RCT sur " des crédits non essentiels au regard des besoins prévisionnels actualisés sur l'année ", selon la formulation du rapport relatif aux décrets d'annulation ?
En conclusion, nous portons un regard globalement positif sur l'exécution des crédits de la mission RCT, tout en soulignant le contexte particulier de l'exercice 2024.
M. François Rebsamen, ministre. Pour le programme 122, la consommation des crédits s'élevait au 31 décembre 2024 à 372 millions d'euros en AE et à 256,6 millions d'euros en CP, ce qui représente respectivement 72% des AE et 62% des CP disponibles au titre de la gestion 2024. Le budget disponible mais non consommé s'établissait ainsi à 145 millions d'euros en AE et à 160 millions d'euros en CP. Ce niveau élevé s'explique, car ce programme supporte des dispositifs qui dépassent souvent l'annualité budgétaire et dont la majeure partie a été reportée en 2025 en raison des mesures annoncées. Pour la DSEC, par exemple, les AE se montaient à 2,9 millions d'euros et les CP à 37,6 millions d'euros, dont 30 millions concernent la reconstruction des Alpes-Maritimes à la suite de la tempête Alex et ont été intégralement reportés à 2025.
Concernant le programme 119, nous avons annulé 115 millions d'euros. Cependant, l'effort porte essentiellement sur la DSIL et les crédits disponibles totaux sont aussi élevés en 2025 qu'en 2024.
S'agissant encore de la DSEC, 72,9 millions d'euros ont été inscrits en AE et 7,4 millions d'euros en CP en relation avec le fonds violences urbaines. 38,2 millions en sont reportés. Quant aux aides exceptionnelles aux communes en difficulté financière, elles s'élèvent à 10 millions d'euros en AE et à 9,8 millions d'euros en CP. Ces montants correspondent aux subventions réparties fin 2024 qui n'ont pas pu être déléguées en gestion 2024 et ont été reportées en 2025.
Par ailleurs, le PLF 2024 prévoyait un financement à hauteur de 70 millions d'euros pour le réseau routier des collectivités locales. Cependant, 55 millions d'euros de crédits sont actuellement gelés, en raison des contraintes budgétaires et du fait que le gouvernement considère qu'un premier pas a déjà été accompli par la loi de finances initiale 2024, avec l'affectation de deux douzièmes du rendement aux collectivités territoriales, ce qui représente 100 millions d'euros. Il a donc semblé préférable de conserver ces 100 millions d'euros plutôt que d'ajouter 55 millions d'euros supplémentaires, qui n'auraient représenté que 2 000 euros par commune.
Quant à la question de la contribution citoyenne, je n'ai jamais envisagé de rétablir la taxe d'habitation, dont la suppression a créé un gain de pouvoir d'achat de 650 à 800 euros par foyer, ce qui n'est pas négligeable. Cependant, j'ai la conviction, ayant été maire pendant 23 ans, qu'il importe de maintenir un lien entre les citoyens et le financement des services publics locaux. Faire porter uniquement aux propriétaires ce financement, à travers la taxe foncière, posera à terme des problèmes. Or, dans certaines communes, 70 % de la population ne participe pas directement à la vie financière de la collectivité, alors qu'il s'agit souvent des personnes qui ont le plus besoin des services publics. Je propose donc qu'une réflexion soit lancée sur la création d'une contribution de résidence modeste, qui pourrait être modulée, afin de recréer un lien entre les citoyens et le financement des services publics locaux, sans pour autant revenir à l'ancienne taxe d'habitation. Cette contribution posséderait une vertu pédagogique, en permettant à chaque concitoyen de prendre conscience que les services publics ont un coût.
M. le président Éric Coquerel. Je viens d'apprendre le gel de l'amendement porté par le rapporteur Husson sur les ponts et les routes, qui faisait partie du compromis avec le Sénat. Or je redoute que les gels annoncés cette année soient annulés en fin d'exercice. J'ignore cependant si le rapporteur Husson en était informé.
Je reviendrai aussi sur le fond Vert. Vous semblez minimiser l'impact des baisses que vous avez évoquées, ce qui m'étonne, car les crédits du fond Vert sont entièrement dépensés et sont essentiels à l'investissement écologique, notamment pour les politiques territoriales, en permettant d'amorcer des financements et des investissements. De plus, le rapport Pisani-Ferry- Mahfouz recommandait une augmentation de 37 milliards d'euros des investissements de l'État d'ici 2030. Cette estimation ayant deux ans, les besoins actuels sont certainement supérieurs, puisque ce niveau d'augmentation ne s'est pas réalisé. Dès lors, les 50 milliards annoncés pour 2030 par I4C semblent crédibles.
Je rappelle aussi que l'an dernier, le budget de l'écologie, en dehors de la compensation de l'électricité, a diminué de 2,3 milliards d'euros. Cette baisse concerne les politiques environnementales, notamment pour les Fonds vert, dont 76% des engagements au 31 décembre ont été mis sur des restes à payer, lesquels ont crû de 60 =% entre 2023 et 2024. De plus les coûts budgétaires en CP ont atteint 108 millions d'euros, soit environ 10 % du Fonds vert.
Vous avez bien sûr raison de souligner que ce fonds a permis de nombreuses actions. Les baisses budgétaires diminueront cependant les possibilités. Dans ce contexte, ne pouvons-nous craindre que ces restes à payer s'aggravent en 2025, en 2026 et durant les exercices suivants ? Le gouvernement compte-t-il continuer les annulations de crédits et les coupes budgétaires affectant le Fonds vert, alors qu'il s'agit d'un pilier de la politique environnementale ?
Concernant les rénovations, madame la ministre, votre description de la situation ne correspond pas à la réalité que nous observons sur le terrain. Vous les présentez comme une priorité persistante en dépit de la baisse des budgets. Or des difficultés majeures persistent, notamment dans le logement social. De plus, quand vous déclarez que les 50 millions d'euros annulés auraient été compensés, il convient de préciser qu'en réalité, il a été demandé à l'ANRU de mobiliser sa trésorerie. Je crains fort que cela ne suffise pas. Je m'inquiète d'ailleurs de l'avenir de l'ANRU au vu de ces réductions budgétaires. Pouvons-nous anticiper d'autres diminutions similaires ?
Par ailleurs, pour la dotation exceptionnelle à l'investissement en faveur de la Seine-Saint-Denis, mon département, le manque à gagner atteint 10 millions d'euros en AE comme en CP. Il s'agit pourtant du département le plus pauvre de France, avec, selon l'INSEE, un revenu médian de 19 020 euros annuels et un taux de pauvreté de 28,4%. Comment expliquez-vous cette situation ?
Enfin, monsieur le ministre, vous avez évoqué votre attention particulière aux fonds de reconstruction liés aux catastrophes naturelles. Le dérèglement climatique, avec les catastrophes naturelles qui peuvent en résulter, amènera sans doute ces fonds à être de plus en plus fortement sollicités. Avez-vous engagé une réflexion prospective sur la mobilisation de ces fonds dans les années à venir, afin d'anticiper plutôt que de réagir dans l'urgence à des événements qui vont inévitablement se multiplier ?
M. François Rebsamen, ministre. Vos questions très précises n'appellent pas seulement des réponses strictement budgétaires, mais aussi des réflexions. S'agissant du Fonds vert, un effort considérable est accompli, autour de 1,6 milliard d'euros en 2024, en raison de la lutte contre le dérèglement climatique. Il dépend cependant du cycle électoral municipal, selon lequel les dépenses d'investissement des collectivités augmentent toujours durant les trois dernières années des mandatures. Ces dépenses devraient ainsi diminuer en 2026, après trois années d'investissements forts, de 2023 à 2025.
De plus, la situation financière des communes, ainsi qu'elle est objectivement analysée par la Cour des comptes et d'autres établissements, est globalement satisfaisante pour les communes, bien que des disparités existent et donnent d'ailleurs lieu à des programmes tels que " Marseille en grand. " La situation des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) est même légèrement plus satisfaisante encore.
En revanche, la situation des départements s'avère plus contrastée, avec 35 départements en grande difficulté, avec des capacités d'autofinancement presque nulles. Nous avons tenté d'y répondre en accordant un bonus de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) de 0,5%, ce qui représente environ 700 millions d'euros de recettes supplémentaires. Cependant, la répartition de cette somme soulève des questions, car les départements les plus pauvres supportent souvent les charges sociales les plus élevées, mais perçoivent généralement moins de DMTO. À terme, une réflexion semble donc nécessaire pour arriver à une meilleure répartition entre les départements. Sans péréquation, les départements les plus pauvres continueront en effet à être pauvres.
J'ai en outre réuni le 13 mai les présidents de région, sachant d'ailleurs qu'il importe de rappeler le rôle essentiel des régions en matière d'aménagement du territoire et de développement économique. Cependant, notre système actuel présente des incohérences, notamment parce que l'impôt économique lié aux DMTO est affecté aux départements, tandis que la compétence économique relève des régions. De tels sujets devront bien sûr être revus, quoiqu'il nous faille pour l'instant nous concentrer sur les priorités.
S'agissant de la DSEC, la doctrine a été assouplie et je suis convaincu qu'en 2026, les 40 millions d'euros seront dépassés. Aucune inquiétude n'est donc justifiée. De plus, l'axe d'adaptation s'élève à 228 millions d'euros en 2025. La question des restes à payer ne pose ainsi pas de problème, sachant que de tels sujets sont pluriannuels. Bien sûr, le dérèglement climatique pourra rendre certaines années particulièrement difficiles, sans que toutes les années soient forcément concernées. Le caractère pluriannuel des investissements du Fonds vert nous aide donc, ainsi que sa fongibilité.
Concernant la Seine-Saint-Denis, une dotation exceptionnelle était prévue en accompagnement de la recentralisation du RSA, sachant qu'une telle mesure pourrait d'ailleurs bénéficier à d'autres départements. Ce budget supplémentaire de dix millions d'euros n'était toutefois pas destiné à être pérenne, et un contrat a été signé pour définir les modalités financières de compensation. Il faut constater que la recentralisation du RSA a été très bénéfique à la Seine-Saint-Denis, dont la situation financière s'est améliorée. J'estime personnellement que le Président Troussel a en l'occurrence très bien négocié.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée. Concernant l'ANRU, votre analyse, monsieur le président, s'appuie sur une décision de 2024 qui amenait à utiliser la trésorerie de l'ANRU. Deux raisons principales la justifiaient. Premièrement, lorsqu'une trésorerie est disponible, une agence au service de l'intérêt général se doit de la mobiliser pour les missions qui lui sont assignées. Deuxièmement, cette décision, prise par l'exécutif précédent, a permis de mobiliser des crédits qui n'avaient pas été utilisés par l'ANRU pour les actions de politique de la ville, qu'il s'agisse des cités éducatives, des programmes de réussite éducative, des adultes-relais ou d'autres types d'actions. Cette décision n'a donc pas privé la politique de la ville au sens large de 50 millions d'euros. Il s'agissait seulement d'une décision de gestion, qui me semblait bienvenue. Quant à 2025, vous omettez d'indiquer que nous avons pu compter sur votre soutien pour inscrire ces 50 millions d'euros dans la loi de finances. Bien sûr, la dynamique de mobilisation des crédits de l'ANRU doit évidemment être renforcée dans les années à venir. Selon cette logique, avec François Rebsamen et Valérie Létard, nous avons demandé à l'ANRU de nous fournir une revue de projet. Quand elle aura été réalisée, nous parlerons de l'ANRU 3. Soyez assuré que ma priorité absolue est de continuer à soutenir le développement des quartiers prioritaires.
M. le président Éric Coquerel. En effet, vous avez mobilisé de la trésorerie. Néanmoins, 50 millions d'euros ont été annulés. Quant à 2025, j'espère que les crédits seront effectivement réalisés et qu'aucune annulation n'interviendra en fin d'année.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez mentionné une mobilisation exceptionnelle du Fonds vert, ce qui paraît difficile à affirmer, dès lors que les crédits de ce fonds diminuent chaque année. Vous ne m'avez en outre pas répondu quand je vous ai demandé si des annulations de crédits ou des coupes budgétaires risquaient de se produire durant les prochaines années. Allons-nous mettre un terme aux pratiques observées ces dernières années ?
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée. Concernant 2025, il faut préciser que nous avons délégué la gestion des crédits de l'ANRU.
M. Philippe Lottiaux (RN). Tout d'abord, je regrette que ces missions ne couvrent qu'une faible partie des concours de l'État aux collectivités territoriales, alors même que l'on tend à désigner les collectivités comme les responsables de la dette publique. Nous nous focalisons sur des ajustements de quelques millions d'euros, alors que le gel des transferts de TVA représente à lui seul une perte d'un milliard d'euros pour les collectivités territoriales. Dans le même temps, l'on continue d'imposer aux collectivités des normes, des coûts, des études et des lourdeurs administratives, tout en leur demandant de dépenser moins.
Vous avez notamment parlé de décentralisation renforcée. Comment la mettre en œuvre ? Nous pensons qu'il faut une simplification institutionnelle et davantage d'autonomie fiscale, peut-être avec des transferts d'impôts assortis d'un pouvoir de taux, ce qui éviterait la création de nouveaux impôts, ce à quoi nous sommes fermement opposés. Une clarification des compétences s'impose également. Or j'ai l'impression que nous n'en prenons pas le chemin.
Vous avez aussi évoqué le dispositif ZAN, auquel nous sommes opposés, car il conduit à une négation de l'aménagement du territoire. Vous avez également mentionné la nécessité d'une simplification. Un maire qui entreprend une opération se retrouve en effet confronté à une multitude d'interlocuteurs, notamment l'État, le département, la région, l'EPCI, l'ANCT, l'agence de l'eau, la banque des territoires, l'ANRU, l'ADEME et j'en passe. Il ne sait donc plus où donner de la tête, sachant que les dispositifs sont aussi nombreux, de la DSIL à la DETR et du FNADT au Fonds vert. Si je souscris pleinement à cet objectif de simplification, il devrait passer par la suppression de certaines agences. J'adhère également à l'idée de simplifier les dotations. Il faudrait notamment en finir des appels à projets, qui mobilisent beaucoup d'énergie et de ressources, afin d'aller vers une réelle simplification.
Par ailleurs, je tiens à féliciter le gouvernement pour avoir réussi à réaliser 100 millions d'euros d'économies en 2024 sur la politique de la ville. Nous vous encourageons à poursuivre dans cette voie et nous formulons des propositions dans ce sens. Ainsi que la Cour des comptes et d'autres instances l'ont souligné, plusieurs dispositifs présentent une inefficacité assez flagrante, depuis plusieurs années voire plusieurs décennies.
Quant aux économies supplémentaires possibles, vous pourriez sans doute être allégé si nous faisions payer les casseurs et les fauteurs de troubles, plutôt que de faire supporter les coûts aux collectivités territoriales ou aux contribuables.
M. François Rebsamen, ministre. Les dispositifs financiers que vous énumérez, de la DSIL à la DTER, sont bien destinés à aider les collectivités locales, qui n'hésitent pas à y avoir recours, notamment pour leurs investissements. De plus, le budget de la DETR est maintenu depuis deux ans à 1,46 milliard d'euros, il est encore garanti cette année, et je m'efforcerai de le maintenir encore l'année prochaine. Cette dotation, particulièrement appréciée, est quasiment cogérée avec les élus locaux, puisqu'ils définissent la répartition de ce budget, avec le préfet et des parlementaires. Une simplification est néanmoins prévue, pour distinguer désormais clairement cette dotation rurale et la dotation urbaine, qui regroupe la DSIL et la dotation de politique de la ville, dépend également du préfet de département.
Quant au Fonds vert, il relève du préfet de région, et se caractérise par une fongibilité très appréciée. Les collectivités sollicitent d'ailleurs activement des subventions, notamment ces trois dernières années, pour les raisons cycliques que j'ai évoquées.
Dans l'ensemble, la simplification administrative constitue bien sûr une nécessité. Nous avons ainsi mis en place douze mesures de simplification, qui aideront les collectivités. Je m'efforce également de limiter les appels à projets, qui peuvent parfois inciter à des dépenses superflues.
S'agissant enfin des violences urbaines, le dispositif instauré à la suite des émeutes n'a pas servi en 2024, et j'espère qu'il servira encore moins cette année.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée. Aucun rapport de la Cour des comptes n'établit que les dispositifs de la politique de la ville seraient inefficaces. Les dispositifs d'adultes-relais et de cités éducatives, ainsi que les programmes de réussite éducative, ont en revanche démontré leur efficacité, comme le montrent les sollicitations des députés. Ainsi, la révision de la cartographie de la politique de la ville en 2023 a entraîné une augmentation de 10% de la surface du territoire français concernée, ce qui a mené tous les parlementaires et les élus locaux à exprimer leur souhait d'intégrer ce dispositif. Du reste, les dépenses concernées ne sont pas très élevées, avec une exécution de 519 millions d'euros en 2024, et non de 609 millions d'euros, comme vous l'affirmez. Ce budget n'est pas très élevé, sachant qu'il concerne six millions d'habitants ayant besoin de services publics. Nous devons bien sûr investir dans ces territoires si nous voulons maintenir la cohésion républicaine.
M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je salue le soutien de l'État aux collectivités territoriales, notamment à travers la DSEC, les maisons France Services, l'aide aux élus victimes de violences, et surtout l'investissement local. En 2024, l'investissement a atteint le niveau record de 85 milliards d'euros, soit 25% de plus qu'en 2018. Ces dispositifs ont un fort effet de levier, puisque l'addition des subventions de l'État, des agences, du département et de la région, le reste à charge se limite parfois à 20 ou 30% pour les communes.
Cependant, une partie de ce soutien est affaiblie par l'augmentation des normes. Pouvez-vous nous garantir que vos services accomplissent l'effort nécessaire en matière de simplification administrative afin d'alléger la charge pesant sur les collectivités territoriales, sans forcément passer par l'Assemblée nationale, d'ailleurs ?
De plus, l'écart semble augmenter entre les collectivités riches et pauvres, au niveau des régions comme des EPCI ou des communes. Les mécanismes de péréquation n'ont d'ailleurs pas été révisés depuis longtemps. Envisagez-vous une refonte des péréquations horizontales dans la perspective du budget 2026, afin de réduire ces disparités ?
M. François Rebsamen, ministre. Nous travaillons activement sur la simplification des normes. Le Parlement lui-même est d'ailleurs à l'origine de nombreuses normes. L'article 72 de la Constitution offre une possibilité d'adaptation réglementaire pour les collectivités, quant à l'application des normes. Cependant, le président de la commission nationale d'évaluation des normes (CNED), Gilles Carrez, la loi est parfois tellement détaillée qu'elle rédige même les circulaires et règlements d'application, ce qui empêche les adaptations locales. J'invite donc le Parlement à élaborer les lois les plus concises et percutantes possibles, en laissant une marge d'adaptation au niveau local.
En particulier, de nombreuses normes environnementales résultent d'une surtransposition des directives européennes. Cette tendance à la perfection administrative française conduit parfois à des normes encore plus contraignantes que les directives. Nous allons par exemple plus loin que l'Europe sur les Zones à Faibles Émissions (ZFE). Bien que de tels dispositifs soient nécessaires, leur mise en œuvre doit être simplifiée.
S'agissant de la péréquation, il faut souligner que ce terme ne plaît pas aux représentants des collectivités locales. Bien que la péréquation horizontale soit essentielle pour lutter contre les inégalités, son principe même s'est érodé et les collectivités ne perçoivent plus que les prélèvements qu'elles subissent. Il s'avère donc impératif de réexpliquer le sens de la péréquation horizontale, en insistant sur son rôle majeur dans la réduction des écarts entre les collectivités riches et pauvres.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). La conférence financière des territoires a traité de nombreux sujets. Néanmoins, aucune vision claire n'en est ressortie, et rien n'a été construit conjointement. Or il s'avère difficile pour les collectivités territoriales d'établir des prévisions fiables dans un contexte en constante évolution.
Le Fonds vert, fortement utilisé par les collectivités, doit son succès à sa grande flexibilité et à la gestion de proximité par les sous-préfets, qui connaissent parfaitement les territoires. Ce fonds a ainsi permis à de nombreuses collectivités de s'engager dans des projets d'envergure. Je m'inquiète donc vivement de voir ce fonds baisser, alors même que la DETR stagne, voire baisse. Or je dois vous alerter sur l'état alarmant de nombreux bâtiments scolaires, qui représentent des besoins d'investissement colossaux pour les collectivités territoriales. En Gironde, des collèges conçus pour 600 élèves en accueillent désormais 1 000, ce qui donne lieu à une multiplication des Algeco et à des infrastructures vétustes. Malgré leur situation financière, les collectivités ne disposent pas des moyens nécessaires pour ces investissements. Prévoyez-vous des mesures spécifiques pour répondre à ces enjeux ?
M. François Rebsamen, ministre. Sur la proposition du sénateur Stéphane Sautarel, un dispositif de justice sociale a été lancé cette année, le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités (Dilico). Il permet de prélever les recettes de fonctionnement différemment, en fonction de deux nouvelles normes, dont l'une prend en compte la richesse réelle des ménages. De nombreuses communes, dont la population est plus défavorisée qu'ailleurs, ont ainsi été exonérées de prélèvements. Si elles disposent d'une prévisibilité sur trois ans, les communes pourront justement plus facilement se projeter dans l'avenir, notamment lors de périodes difficiles. Je plaide d'ailleurs en faveur d'une sorte de loi de programmation.
Concernant le Fonds vert, je défends personnellement son maintien. Nous souhaitons une augmentation de ce fonds l'an prochain, même si les besoins en AE seront probablement inférieurs à 2024. Il importe aussi de défendre les budgets des collectivités. Quant à la DETR, elle sera maintenue.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). J'évoquerai d'abord les erreurs liées au site " Gérer mes biens immobiliers " (GMBI.) J'avais préparé avec monsieur Robin Réda un rapport sur ses dysfonctionnements, qui devait être présenté en juin 2024. La dissolution l'a empêché. Je reprends désormais cette mission avec mon collègue David Amiel, avec l'ambition de présenter notre rapport avant l'été. Il apparaît déjà que le coût des dysfonctionnements dépasse un milliard d'euros, en raison des dégrèvements concernant les collectivités locales.
Au nom de mon groupe, je déplore par ailleurs le gel de certaines dotations de compensation constitutionnellement garanties, ce qui constitue une privation illégale de recettes pour les collectivités territoriales.
Enfin, le principal enjeu des prochains mois concernera, pour les collectivités le niveau d'effort que le gouvernement leur demandera dans le cadre du PLF 2026. Je regrette que les échanges de la conférence des territoires du 6 mai n'aient pas permis de rétablir un dialogue de confiance entre le gouvernement et les élus locaux. Si les collectivités doivent certainement participer à l'effort global, elles ne doivent certainement pas en être les principales contributrices, alors qu'elles ne sont pas responsables du dérapage des comptes, que leurs budgets sont votés à l'équilibre et que leurs dépenses d'investissements représentent moins de 10 % du PIB. Je souhaiterais donc connaître précisément vos intentions, monsieur le ministre, madame la ministre, sur les recettes et les dépenses des collectivités territoriales dans le cadre du PLF pour 2026.
Par ailleurs, j'approuve pleinement votre proposition d'instaurer une contribution au service public local. Concernant la commission des élus, que je préside en alternance avec un sénateur, son rôle reste très limité puisque seuls les dossiers dépassant 100 000 euros sont soumis à son avis, ce qui ne représente pas la majorité des dossiers des communes rurales. Enfin, je salue la rédaction, pour la première fois, d'une circulaire d'emploi des fonds d'investissement communs à la DETR, à la DSIL et au FNADT. Cette mesure constitue une réelle simplification administrative.
M. François Rebsamen, ministre. Le site GMBI concerne surtout la direction générale des finances publiques (DGFIP.) De plus, des dégrèvements sont encore en cours. Vous annoncez d'ailleurs un rapport sur ce sujet.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). J'en parle, car ces dégrèvements représentent un coût pour le budget de l'État.
M. François Rebsamen, ministre. Lorsque j'étais maire, j'appréciais d'ailleurs que les dégrèvements soient pris en charge par l'État. Je dois désormais admettre que cette situation ne peut perdurer. Je signale par ailleurs que le président Laignel s'est réjoui, au terme de la conférence sur les finances locales, que le dialogue soit renoué avec le ministère. De plus, nous avons rétabli un véritable dialogue avec l'ensemble des représentants des collectivités locales. Nous nous efforçons aussi de simplifier les procédures, notamment pour les dotations des collectivités. L'an prochain, nous devrons nous battre pour maintenir les subventions, voire les augmenter. Le dialogue se poursuit bien sûr avec les collectivités locales.
M. Jean-Didier Berger (DR). Je vous interrogerai sur l'évolution envisagée de l'effort concernant le budget des collectivités locales. Huit milliards d'euros ont été évoqués, qui s'ajouteraient aux deux milliards de cette année. Vous imposez ainsi en dix-huit mois la quasi-totalité de l'effort de 11 milliards décidé sous François Hollande, alors que la situation des collectivités locales s'est encore complexifiée.
Il existe pourtant des pistes alternatives. Vous demandez aux collectivités locales de disposer de moins de ressources, mais vous réaffectez cet argent à d'autres dispositifs que vous contrôlez directement, du Fonds vert à la DSIL et plus généralement à la contractualisation territoriale. Avant la création du Fonds vert, ces ressources étaient directement gérées par les collectivités territoriales. Vous réduisez ainsi leur autonomie, puisqu'elles sont désormais contraintes de déposer des demandes auprès des préfets. Vous décidez ensuite de leur rendre ou non l'argent que vous leur avez prélevé. Cette approche ne me semble pas pertinente.
Quant à la simplification, de nombreuses propositions ont déjà été formulées, notamment par divers rapports. En particulier, êtes-vous prêts à supprimer la métropole du Grand Paris, comme nous allons le proposer avec des élus de tous les bords ?
M. François Rebsamen, ministre. Nous nous éloignons de l'objet de cette audition, à savoir le bilan d'exécution du budget 2024. Que l'on m'interroge sur 2025 me semble encore compréhensible. Pour parler de 2026, le cadre ne me semble pas approprié.
M. le président Éric Coquerel. Il est normal que les membres de la commission profitent de votre présence pour aborder des sujets sur lesquels ils souhaitent obtenir des réponses. Ces demandes me semblent légitimes, tant qu'elles conservent de justes proportions.
M. François Rebsamen, ministre. Je répondrai donc au député Jean-Didier Berger qu'il n'est nullement question d'un prélèvement de huit milliards d'euros sur les collectivités en 2026. À ce jour, aucun arbitrage n'est réalisé et aucun montant n'est arrêté.
Depuis 2010, les dotations aux collectivités ont diminué, notamment la dotation globale de fonctionnement (DGF). À raison d'un milliard d'euros par an, la baisse cumulée atteint dix milliards d'euros. Depuis 2017, cependant, en euros courants comme en euros constants, la DGF est maintenue. Depuis deux ans, elle a même augmenté de près de 700 millions d'euros. Cette année encore, j'avais proposé une augmentation de 290 millions d'euros. Le Parlement, dans sa sagesse, a ramené cette hausse à 150 millions d'euros.
En réalité, nous n'avons pas pris onze milliards d'euros aux collectivités locales. En revanche, la mise à disposition de fonds entraîne logiquement des dépenses, car les collectivités locales qui les sollicitent financent ainsi, notamment, des mesures de lutte contre le dérèglement climatique.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je m'interroge sur le taux d'exécution particulièrement bas du programme 122, ainsi que sur l'annulation de la baisse de 70 millions d'euros du programme 119.
Concernant la contribution que vous évoquez, je ne partage pas entièrement votre analyse. Je rappelle en effet que la suppression de la taxe d'habitation, initialement prévue à 80%, est compensée par la TVA, acquittée par tous les contribuables. J'estime néanmoins nécessaire une réflexion approfondie sur la fiscalité locale. Je m'étonne notamment que nous n'ayons jamais envisagé de flécher les plus-values immobilières réalisées sur les territoires, à l'instar des pratiques concernant les taxes sur les terrains à bâtir. Un manque de cohérence existe donc. De même, la réforme des valeurs locatives n'a été menée que pour les locaux professionnels, en excluant l'habitat. Or une réflexion globale s'impose.
Concernant les maisons France Services, pouvez-vous nous éclairer sur la pérennité de leur financement ? Ce dispositif mérite en effet d'être soutenu et valorisé, car il montre son efficacité en termes d'accès aux services publics pour tous les citoyens français.
Quant à la mission Cohésion des territoires, je m'interroge sur le dispositif des bataillons de la prévention, qui finance des postes d'éducateurs spécialisés. Expérimental et financé par le programme 147 jusqu'en 2023, il peut désormais être financé avec des emplois locaux et des contrats de ville. Quel bilan tirez-vous de cette expérimentation près de quatre ans après son lancement ? Quelles perspectives envisagez-vous ? Cette initiative a-t-elle permis de lutter efficacement contre la délinquance ? De plus, les collectivités bénéficiaires sont-elles bien informées des nouvelles modalités de financement ? Ne craignez-vous pas que ce nouveau format, plus complexe, n'entraîne un recul du déploiement d'éducateurs spécialisés dans les quartiers prioritaires ?
M. François Rebsamen, ministre. Une réforme des collectivités locales n'est pas envisageable avant l'élection présidentielle, vu l'état des finances publiques et l'absence de consensus. Cependant, j'étais commissaire du gouvernement lors de l'élaboration de la loi Joxe, relative à l'administration territoriale de la République (ATR), en 1992, et je mesure désormais que nous avons atteint les limites du système actuel, avec un enchevêtrement complexe de dispositifs de financement et de compensation. Il me semble donc impératif de repenser l'architecture territoriale de la République et cette refonte devrait figurer parmi les priorités du prochain quinquennat.
Concernant les maisons France Services, je vous assure de leur pérennité en 2026. Nous atteindrons alors l'objectif de 3 000 structures opérationnelles, qui répondent à un réel besoin de proximité des services publics. Nous nous battrons donc pour ces maisons.
Quant à l'éducation spécialisée, je rappelle que cette compétence relevait auparavant des départements, qui ont ensuite transféré des compétences vers les métropoles et les agglomérations. Il est cependant arrivé qu'un département, anticipant un transfert de compétences, supprime pendant trois ans les crédits relatifs à l'éducation spécialisée. La métropole de Dijon s'est ainsi retrouvée tenue de rémunérer une vingtaine d'éducateurs sans disposer des moyens correspondants. Je me félicite d'avoir pu maintenir ces postes, car la prévention demeure le meilleur rempart contre les dérives.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée. Les bataillons de la prévention ont été lancés en 2021 en se fondant sur l'idée que la prévention constituait un axe prioritaire de la politique de la ville. Cependant, l'évaluation de son efficacité n'a pas été jugée concluante par l'un de mes prédécesseurs. En conséquence, la loi de finances initiale pour 2024 a supprimé ces crédits, quoique des reports de crédits aient permis la poursuite de certains projets. Pour 2025, aucun crédit ne concerne ce dispositif, qui n'existe plus.
Nous reconnaissons néanmoins la nécessité de disposer d'éducateurs et surtout de médiateurs bien formés. J'ai donc encouragé les préfets des départements concernés à continuer de financer les opérations menées dans les territoires où elles ont montré leur efficacité, notamment à Dijon et à Marseille, où les retours ont été particulièrement positifs. Dans le cadre des contrats de ville, notamment, je laisse aux préfets, en concertation avec les élus locaux, la latitude de continuer à soutenir ces dispositifs. Il importe bien sûr que ces actions respectent la répartition des compétences entre les collectivités locales et l'État, et s'inscrivent dans un partenariat étroit avec le ministère de l'Intérieur.
Mme Félicie Gérard (HOR). L'exécution budgétaire 2024 relative aux collectivités territoriales soulève plusieurs questions. Dans un contexte de forte contrainte budgétaire, l'effort demandé aux collectivités a été considérable et parfois brutal. Or elles portent l'essentiel de l'investissement public local et de l'action sociale de proximité. Une exigence s'impose cependant, celle de la justice. Nous ne pouvons exiger le même effort de toutes les collectivités sans distinguer leurs situations ou leurs trajectoires. Surtout, nous devons reconnaître les comportements vertueux. Trop souvent, les collectivités qui maîtrisent leurs dépenses ont le sentiment de ne pas être soutenues, voire d'être pénalisées. Nous plaidons ainsi pour une approche budgétaire qui récompense la bonne gestion et incite à la responsabilité financière. De plus, comment pouvons-nous garantir une répartition équitable de l'effort, en tenant compte de la diversité des situations territoriales, sans pénaliser les collectivités les plus vertueuses ? Enfin, comment expliquez-vous que les dotations juridiquement dues aux collectivités aient à nouveau été mises en réserve ? Ne serait-il pas judicieux de les sécuriser dès la loi de finances initiale afin de ne pas fragiliser la confiance des élus locaux ?
M. François Rebsamen, ministre. Des efforts significatifs ont bien été réalisés cette année, en matière d'égalité, Le Dilico permet notamment d'exonérer de taxes les communes les moins riches, tandis que l'ancienne approche présupposait que les plus grandes collectivités disposaient de moyens supérieurs, alors qu'elles sont parfois en grande difficulté. J'ai ainsi échangé avec le maire du Havre sur la construction d'écoles. Certains territoires requièrent notamment la solidarité nationale.
Il importe dès lors de trouver un équilibre entre la récompense d'une gestion vertueuse et la nécessité de soutenir les territoires en difficulté. Trop souvent, une bonne gestion se voit pénalisée par une taxation accrue. Notre objectif consiste à établir des perspectives triennales, tenant compte à la fois des besoins des collectivités et de l'impératif d'assainissement des comptes publics, sachant par exemple que les collectivités locales représentent 7,5 des emprunts au niveau national, soit près de 2,5 milliards d'euros. Nous avons donc établi des critères de bonne gestion, et la mise en réserve de la dotation générale de décentralisation (DGD), qui permet une certaine flexibilité en cas de difficultés. Nous maintenons d'ailleurs ces dotations d'investissement afin que les gestionnaires rigoureux puissent faire appel aux fonds dont ils ont besoin.
M. Michel Castellani (LIOT). Je rappelle notre objectif de parvenir à un accord sur les compétences nécessaires à la Corse, tout en maintenant l'équilibre avec l'exécutif. Il ne s'agit pas de se singulariser à tout prix, mais de répondre de manière efficace à une série de problèmes d'ordre social, sociétal, culturel et économique. La question corse ne vise d'ailleurs pas à affaiblir la France, mais au contraire à renforcer sa diversité. Par son histoire et sa culture, la Corse présente des spécificités qui méritent une reconnaissance institutionnelle et fiscale. Nous aspirons donc à un statut qui clarifie l'ensemble des dispositifs fiscaux pour favoriser le développement de l'île. J'invite donc tous mes collègues, quelle que soit leur appartenance politique, à soutenir le futur statut de la Corse.
Concernant l'entretien du réseau routier local, un dispositif de 70 millions d'euros était prévu, après des allocations de 50 millions en 2022 et de 60 millions en 2023. Cependant, ces crédits ont systématiquement été annulés après leur inscription initiale. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026, quelles mesures envisagez-vous pour renforcer le soutien aux départements en difficulté ? Prévoyez-vous une révision du fonds de péréquation ?
Par ailleurs, que pensez-vous de la proposition d'instaurer une taxe départementale sur l'entretien routier, avec un taux initial de 1%, modulable de 0,95% à 1,15% ? Cette mesure pourrait-elle constituer une réponse pertinente pour le financement de l'entretien du réseau routier départemental ?
Enfin, partagez-vous l'analyse du rapporteur général du Sénat relative au remboursement des avances de DMTO pour les trois années à venir ?
M. François Rebsamen, ministre. Concernant le soutien aux collectivités locales, le programme d'investissement et d'innovation permet à des collectivités situées dans des zones défavorisées de bénéficier de taux d'investissement allant jusqu'à 80%. Il s'agit d'une avancée significative.
Quant à l'entretien routier, j'ai déjà évoqué le remplacement de l'ancien dispositif, qui représentait 2 000 euros par commune, par un fonds de 100 millions d'euros. Je suis évidemment favorable au fonds de sauvegarde, qu'il faudrait même abonder en 2026, au bénéfice des départements. L'abondement déjà réalisé ne suffit pas, en effet, à traiter tous les problèmes. Cependant, il faudra d'abord observer les résultats des DMTO. Je confirme aussi l'engagement de l'État concernant les remboursements d'avances de DMTO en 2026, 2027 et 2028.
M. le président Éric Coquerel. Que des questions vous soient posées sur 2026 témoigne tout au moins de la confiance des députés en votre présence future.
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 12 juin 2025