Interview de Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement, à LCP le 1er juillet 2025, sur la canicule, les bouilloires thermiques, MaPrimeRénov', le diagnostic de performance énergétique et la vie politique.

Prononcé le 1er juillet 2025

Intervenant(s) : 

Média : LCP Assemblée nationale

Texte intégral

STEVE JOURDIN
Bonjour madame LETARD.

VALERIE LETARD
Bonjour.

STEVE JOURDIN
Vous êtes avec nous pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la Presse régionale, pour m'épauler ce matin, Fabrice VEYSSEYRE-REDON pour le groupe EBRA. Bonjour Fabrice.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Bonjour Steve.

STEVE JOURDIN
Beaucoup de sujets qu'on va aborder avec vous. On va commencer évidemment par la canicule, la canicule qui frappe la quasi-totalité de la France. Ce mardi, 16 départements placés en vigilance rouge. Comment la ministre du Logement que vous êtes surveille ce qu'il se passe sur le terrain ?

VALERIE LETARD
Eh bien la ministre du Logement, comme tous mes collègues ministres concernés au premier chef par cette canicule, s'inquiète déjà, avant de commencer, de ceux qui n'ont pas de logement. Ceux qui sont sans-abri, qui sont la première marche, le premier étage sur lequel nous devons être attentifs.

STEVE JOURDIN
Il y a l'enfer dans les logements, mais il y a l'enfer aussi de ceux qui sont sans-abri.

VALERIE LETARD
Il y a l'enfer de ceux qui sont dans la rue ou qui sont dans des situations d'extrême fragilité. Et là-dessus, j'ai veillé évidemment, comme chacun de mes collègues, à faire en sorte que les dispositifs soient renforcés. On déploie aujourd'hui sur tout le territoire toute une série de consignes, des maraudes sociales, des distributions d'eau, de casquettes, mais aussi une ouverture prolongée des centres d'accueil. En tout cas, beaucoup de mesures prises pour être au rendez-vous. On fait appel évidemment dans ces moments particuliers à la solidarité de nos concitoyens. On ne peut pas identifier toutes les personnes qui sont à la rue. Si vous êtes à proximité de personnes qui semblent fragiles, signalez-le aux 15, portez-leur une bouteille d'eau. En tout cas, manifestez-vous pour que nous puissions nous déclencher sur les territoires, ceux et celles qui pourront aller à leur rencontre. En tout cas, c'est le premier point. Elle est essentielle, encore une fois, dans des journées extraordinaires comme celles que nous allons connaître aujourd'hui et la nuit qui va suivre. Dans le logement, vous le savez, là aussi, nous continuons à déployer de nombreuses mesures.

STEVE JOURDIN
C'est ça. Alors parlons du logement, madame LETARD, parce que cette canicule a mis en lumière le phénomène des bouilloires thermiques, ces logements devenus invivables à cause de la chaleur. Ça concernerait, je crois, un tiers des logements en France, souvent dans les quartiers populaires. Ça frappe surtout les plus fragiles. Quelle est la réponse du Gouvernement à ce problème ?

VALERIE LETARD
Elle est multiforme, elle est protéiforme, effectivement, vous le savez, dans le bâti ancien particulièrement. Et c'est tout l'objet du travail que nous continuons à approfondir sur les diagnostics de performance énergétique avec le confort d'été, qui est déjà pour partie pris en compte, puisque vous avez déjà quelques indicateurs dans nos diagnostics de performance énergétique qui permettent d'identifier quelques points au-delà, évidemment, des climatisations, sur la présence de volets ou non. Et il faut savoir que nous avons déjà, depuis janvier 2024, toute une série de dispositifs qui peuvent faire l'objet d'un accompagnement financier de MaPrimeRénov'.

STEVE JOURDIN
On va en parler, évidemment, de la PrimeRénov'. Il y a un texte transpartisan qui a été déposé hier à l'Assemblée nationale pour lutter précisément contre ces bouilloires thermiques. Il prévoit notamment d'intégrer la surchauffe des logements en été dans la définition de la précarité énergétique. Est-ce que ça va dans le bon sens ? Est-ce que ce texte aura l'appui du Gouvernement ?

VALERIE LETARD
Nous avons eu l'occasion de recevoir les auteurs de cette proposition de loi. En tout cas, mes équipes les ont reçues pour la première fois cette semaine, puisqu'en fait, cette proposition de loi vient d'être déposée par eux. Évidemment, ces questions, nous les regardons avec beaucoup d'acuité et nous travaillons par ailleurs à améliorer encore ces indicateurs pris en compte dans l'évaluation, effectivement. Quand on dit passoire thermique, bouilloire thermique, définition renforcée. Une fois qu'on l'a dit…

STEVE JOURDIN
Donc appui du Gouvernement ?

VALERIE LETARD
En tout cas, regard attentif. On va regarder point par point, parce que dans cette proposition de loi, il y a de nombreux sujets qui sont évoqués. Pas un seul, mais celui de la définition, effectivement, du confort d'été, de ce qu'on peut qualifier de bouilloire thermique. Qu'est-ce qui est pris en compte ? Qu'est-ce qui doit être pris en charge ? Nous le regardons avec beaucoup d'attention. Et la question des coupures d'énergie, évidemment aussi, nous allons la regarder et nous partageons cette nécessité d'être relativement attentifs sur ce sujet.

STEVE JOURDIN
On va parler encore un petit peu de la canicule avant d'arriver sur MaPrimeRénov'. On se souvient tous de cette image du ministre Jean-François MATTEI, en 2003, en polo, dans sa résidence secondaire, en plein épisode de canicule. Est-ce que tous les enseignements, aujourd'hui, ont été tirés ? Et notamment au Gouvernement, qu'est-ce que les ministres ont prévu ? Quelles sont les consignes, aujourd'hui, qui sont données aux ministres en épisode caniculaire, en épisode de canicule, comme on est en train de le vivre ?

VALERIE LETARD
Comme je viens de vous le rappeler, d'abord, moi, aujourd'hui, je vais participer à une maraude et je vais me rendre sur le terrain. Comme je vous l'ai dit, prioritairement, déjà, auprès de ceux qui sont sans solution à la rue. Donc, je vais me rendre, cet après-midi même, sur le terrain pour pouvoir mesurer et, en tout cas, accompagner celles et ceux qui vont faire le travail que nous demandons, aujourd'hui, d'accroître et de piloter.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Steve le rappelait, il y a 22 ans, l'affaire dite " MATTEI " où le ministre avait démissionné peu de temps après. Est-ce qu'en 22 ans, on a tiré tous les enseignements ? Est-ce que l'adaptation, notamment au réchauffement climatique, a vraiment été engagée ?

VALERIE LETARD
Il y a quand même, au travers de tous les investissements qui sont menés, aujourd'hui, dans le cadre de la trajectoire de décarbonation, qui s'inquiètent aussi des bâtiments publics, des établissements recevant du public, énormément de moyens qui ont été déployés au travers du fonds vert et d'autres dispositifs…

STEVE JOURDIN
Il a été raboté, ce fonds vert.

VALERIE LETARD
Mais qui a quand même et qui continuera à accompagner avec d'autres moyens que nous mettons en oeuvre, dans la politique d'accompagnement des bailleurs sociaux. Lorsque nous rendons, cette année, des fonds propres aux bailleurs sociaux pour accélérer la rénovation thermique des logements sociaux, cette année, l'objectif, c'est 130 000 logements sociaux rénovés thermiquement pour atteindre ces ambitions. MaPrimeRénov', vous le savez, 3,6 milliards d'Euros de crédit. Avec cette pause pendant l'été, pour éviter que de l'argent public ne serve à la fraude, mais qu'elle soit bien concentrée sur ces rénovations d'ampleur et que nous puissions, à l'avenir, renforcer non pas les monogestes... On va continuer à faire des gestes individuels, mais notre objectif, c'est d'aller de plus en plus vers des rénovations globales, qui permettront, évidemment, au-delà de lutter contre le froid, d'être aussi attentifs à ces bouilloires.

STEVE JOURDIN
On parle de MaPrimeRénov', donc le dispositif, est suspendu depuis la semaine dernière. Est-ce que vous nous confirmez que ça repart au mois de septembre ?

VALERIE LETARD
Le 15 septembre, je me suis engagée à ce que nous reprenions le dispositif. Et puis vous dire, comme je viens de le rappeler, que c'est 3,6 milliards d'Euros qui ont été votés dans ce budget à destination de MaPrimeRénov'…

STEVE JOURDIN
2025.

VALERIE LETARD
2025. Et que, jusqu'au dernier Euro, nous les mobiliserons. Qu'à ce stade, sur un objectif de 100 000 logements rénovés avec MaPrimeRénov', nous sommes aujourd'hui, pour les rénovations d'ampleur, donc les gros programmes, à 47 196 dossiers déjà autorisés et financés, à ce stade. Donc on est loin d'être en retard. Et je rappelle que les rénovations d'ampleur, c'est 40 000 Euros en moyenne par logement contre un monogeste où, en moyenne, on est à 4 000 Euros par logement.

STEVE JOURDIN
Alors, rénovation d'ampleur, c'est quand on rénove plusieurs choses ; monogeste, c'est un par un, grosso modo ?

VALERIE LETARD
Monogeste, c'est quand j'achète une pompe à chaleur. Je suis accompagnée par MaPrimeRénov' en fonction, effectivement, du dossier déposé, ou je fais l'isolation de mon logement uniquement. La rénovation globale, c'est l'ensemble des éléments qui vont concourir à changer l'étiquette de mon logement.

STEVE JOURDIN
15 septembre, monogeste, rénovation globale, ça reprend. Qu'est-ce qui va changer ? Est-ce que les règles du jeu vont changer ?

VALERIE LETARD
Alors, ce que nous souhaitons, c'est tirer les leçons de la task force que nous avons montée, anti-fraude, qui est à l'oeuvre maintenant, avec toutes les administrations concernées, grâce aussi à la proposition de loi qui avait été déposée par monsieur CAZENEUVE et qui fait l'objet de sa promulgation aujourd'hui même.

STEVE JOURDIN
C'est aujourd'hui ? Promulgué aujourd'hui ?

VALERIE LETARD
Aujourd'hui.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Qu'est-ce qu'elle change, cette promulgation ?

VALERIE LETARD
Elle va permettre de faire, par exemple, rendre au public les sanctions prononcées en direction de ceux qui auront fraudé. Ce qu'on appelle le " name and shame ", c'est-à-dire que chacun pourra s'informer des entreprises qu'il ne faut surtout pas aller chercher, des sanctions sur les accompagnateurs Rénov' mandataires frauduleux. On pourra aussi, évidemment - et ça, c'est essentiel - partager les données entre administrations. L'année dernière, l'ANAH a déjà évité 229 millions d'Euros de fraude. C'est-à-dire qu'on a identifié des dossiers, on a réussi à les bloquer et à sortir ces dossiers frauduleux, ce qui a permis d'économiser 229 millions d'argent public pour les remettre en direction des dossiers qui le justifiaient. Cette année, on va aller plus loin. On a, vous le savez, sur l'accompagnement global, sur la rénovation d'ampleur, identifié 106 accompagnateurs Rénov' à l'origine de 16 000 dossiers frauduleux. Pour pouvoir faire ce suivi, on a besoin de croiser les fichiers de l'ANAH, de la Direction générale des finances et d'autres organismes qui vont nous aider sur les fraudes aux CEE aussi. C'est un travail de plus en plus complexe et fin parce que les fraudes sont plus raffinées. Et là-dessus, on met le paquet pendant la période de l'été. Mais on va aussi tirer les leçons des excès ou des dérives du dispositif tel qu'il avait été imaginé au départ sur la rénovation d'ampleur pour, avec les acteurs…

STEVE JOURDIN
C'est-à-dire qu'on a été trop généreux, c'est ce que vous voulez dire ? Vous allez limiter un peu le nombre de dossiers ?

VALERIE LETARD
Ou même dans l'organisation. En fait, on a lancé la rénovation d'ampleur début 2024. C'est une montée en puissance toute l'année. En 2025, on mesure tous les petits curseurs à régler pour éviter les dérives. Donc, nous allons redéfinir avec les acteurs du secteur que nous réunissons mi-juillet la façon dont nous remettrons en route la machine, en évitant de recommencer les mêmes erreurs.

STEVE JOURDIN
Les nouvelles règles du jeu quoi.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Exactement. Vous le dites, pendant deux mois, il ne va rien se passer. Ça ne sert à rien de déposer un dossier.

VALERIE LETARD
Il ne va rien se passer... Si, il va se passer beaucoup de choses. On a énormément de dossiers qui ont été déposés, que nous allons instruire. On s'est engagé dans tous les dossiers.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
De nouveau, vous allez écluser tous les dossiers qui sont en cours. Ce qui veut dire que pendant 2-3 mois, il y a des dossiers qui vont se constituer, qui vont arriver en septembre. Ils vont arriver certainement massivement. Est-ce que ça, votre administration y est préparée ? Ou est-ce qu'on risque de se retrouver face à un nouvel embouteillage ?

VALERIE LETARD
Vous savez, jusque-là, qu'est-ce qui posent des difficultés à l'ANAH et à l'ensemble des acteurs ? C'est que, depuis le début, on a des pics et des creux, des montées considérables de dossiers qui nécessitent ensuite de changer les paramètres parce que cet afflux de dossiers oblige à redéfinir les curseurs. Ce que je souhaite faire avec les acteurs du secteur, c'est, ensemble qu'on va le faire, c'est redéfinir des règles du jeu qui permettent de piloter une enveloppe. J'ai 3,6 milliards d'Euros de budget. Cela représente un nombre de dossiers. On va essayer de piloter ça plus finement, plus en amont, en mensualisant et en regardant ce que représente comme stock de dossiers... Quand vous avez 3,6 milliards, vous n'avez pas 6 milliards. Vous ne prenez pas plus de dossiers que vous ne pouvez. Et donc, ce que nous proposons, c'est de travailler avec les acteurs et ceux qui vont inscrire sur le terrain, les collectivités, les services de l'État, avec l'ANAH, sur quelque chose que nous piloterons chaque mois. Combien de dossiers représente un pourcentage de l'enveloppe, un douzième de l'enveloppe si on fait un pilotage mensuel. Et puis, on regarde ce qu'on prend. Le jour où on a le stock de dossiers correspondant, nous proposons de repartir vers le mois suivant aux personnes qui veulent déposer un dossier pour éviter d'avoir des délais qui s'allongent et une incapacité d'instruire dans de bonnes conditions en fonction de l'enveloppe dont nous disposons.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
C'est quand même un danger au mois de septembre, qu'il y ait beaucoup de dossiers qui arrivent d'un coup.

VALERIE LETARD
Écoutez, on fera du pilotage. On essaiera la fuite en avant. C'est gentil. On se lave les mains de tout. On prend les dossiers et on accentue les délais et les retards d'instruction. Est-ce que c'est bon pour nos ménages, bon pour les entreprises, avoir 120 jours de délai d'instruction pour un dossier ? Non. Et pour avoir le paiement ensuite, nous préférons aujourd'hui mieux piloter les choses.

STEVE JOURDIN
Madame LETARD, 3,6 milliards d'Euros, vous l'avez dit, pour le budget de MaPrimeRénov'. C'est un budget qui va être reconduit l'année prochaine. Vous espérez mieux ? Moins bien ? Moins bien, j'imagine que non, mais mieux ?

VALERIE LETARD
En tout cas, déjà, me battre pour qu'on garde cette enveloppe dans un moment, vous le savez, où les restrictions budgétaires vont être significatives, mon combat, c'est de garder une enveloppe qui soit au moins de la même ambition. Cette année, nous avons eu un petit complément en certificat d'économie d'énergie qui montre que véritablement, le Gouvernement, malgré la difficulté, a fait le choix d'être au rendez-vous. Il faut recadrer, je vous dis, pour prendre en compte les enseignements de cette rénovation d'ampleur. C'est ce qu'on va faire tout l'été avec les acteurs.

STEVE JOURDIN
Un mot du DPE, du diagnostic de performance énergétique. Le gel de MaPrimeRénov' correspond-il au gel des obligations liées au DPE ?

VALERIE LETARD
Le gel des obligations liées au DPE, c'est-à-dire le calendrier ?

STEVE JOURDIN
Oui, le calendrier et notamment les passeports thermiques à étiquette G. Qu'est-ce qui se passe pour ces logements, pour ces locataires ? Pour les propriétaires de ces logements ?

VALERIE LETARD
Pour ces propriétaires, vous savez qu'il y a une proposition de loi qui a été adoptée ici même, qui avait été déposée par madame GACQUERRE.

STEVE JOURDIN
Socialiste ?

VALERIE LETARD
Non, centriste.

STEVE JOURDIN
Centriste, pardon, excusez-moi !

VALERIE LETARD
Elle est au groupe Union centriste... Et qui a fait l'objet d'un vote assez large ici dans cette Assemblée qui doit être examinée normalement et je l'espère, à la rentrée.

STEVE JOURDIN
Il n'y a pas d'inscription à l'ordre du jour pour l'instant à l'Assemblée nationale.

VALERIE LETARD
Et c'est bien pour ça que moi je me mobilise pour cela. Et qui va donner justement un cadre et des règles un peu plus précises qu'elles ne le sont aujourd'hui sur les conditions dans lesquelles les propriétaires qui sont en possession de bâtiments, en tout cas de logements qui sont étiquettes F ou G, devront et pourront mettre en oeuvre les travaux de rénovation. Le calendrier c'est 1er janvier 2025 ; il faut se mettre en conformité si vous avez un DPE G pour faire les travaux et de cette façon, pouvoir continuer à louer votre bien à celui qui l'occupe aujourd'hui. Ça se fait au moment du renouvellement du bail ou de la reconduction tacite du bail. C'est à ce moment-là que la loi prend effet. À ce moment-là, à partir du moment où la proposition de loi de madame GACQUERRE aura été adoptée ensuite à l'Assemblée.

STEVE JOURDIN
Très rapidement sur les fraudes au DPE, la Cour des comptes dit que 70% des diagnostics posent problème. Quelles sont les mesures que le Gouvernement compte prendre pour lutter contre la fraude ?

VALERIE LETARD
On y est déjà puisque vous le savez il y a quelques mois de cela, j'ai annoncé un plan pour justement essayer de fiabiliser beaucoup plus le métier de diagnostiqueur parce que derrière le DPE, il y a un métier celui de diagnostiqueur.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Ça veut dire quoi sécuriser et fiabiliser un DPE ?

VALERIE LETARD
Ça veut dire qu'il y a eu jusque-là un certain nombre de DPE qui sont apparus comme des DPE de complaisance c'est-à-dire qu'il y avait interrogation sur la fiabilité de l'étiquette qui avait été donnée, il y a eu un rapport là-dessus. Quand j'ai pris connaissance de ce rapport, j'ai en tout cas lancé un plan en 10 mesures qui vise - 1, à renforcer la formation des diagnostiqueurs – 2, à renforcer les contrôles, puisqu'aujourd'hui ils ont un contrôle par an, les diagnostiqueurs, qui sont faits par des organismes certificateurs – 3, des sanctions renforcées pour les diagnostiqueurs qui seraient suspects d'avoir fait des DPE de complaisance, des QR codes avec l'ADEME qui vont permettre plus de traçabilité sur les diagnostics qui seront rendus et toute une série de mesures qui vont être aussi déployées pour en tout cas rendre beaucoup plus facile pour les utilisateurs le suivi justement et la véracité des diagnostics dont ils vont pouvoir bénéficier.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Concrètement, vous ne lâchez rien sur les DPE.

VALERIE LETARD
Ah non !

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Vous savez qu'il y a une très grosse pression notamment des professionnels de l'immobilier, ça paralyse une partie du marché. En parallèle, vous êtes confronté quand même à une crise de l'investissement locatif privé.

VALERIE LETARD
Bien sûr.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Comment vous répondez à ça ? Je crois qu'un rapport vous a été remis là-dessus.

VALERIE LETARD
Alors, il y a d'abord une première chose sur le diagnostic de performance énergétique - on vient de parler de canicule - si on arrête effectivement la mesure de ce DPE qui permet de lutter contre les grands froids, mais aussi les bouilloires thermiques, c'est le même sujet. Si on ne peut plus mesurer ce DPE, on ne peut plus avancer. Il faut être au rendez-vous de la rénovation thermique des logements pour le chaud comme pour le froid. Il faut continuer l'effort.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Là-dessus, vous ne lâchez rien.

VALERIE LETARD
Il faut s'adapter à la réalité de nos petits propriétaires, c'est-à-dire qu'il faut donner le temps de ces travaux. C'est l'objet de la PPL GACQUERRE sur le statut de l'investisseur privé. Hier, j'ai reçu un rapport de monsieur DAUBRESSE et de monsieur COSSON qui proposent des éléments pour relancer l'investissement locatif privé qui, aujourd'hui, est en attrition. Il faut absolument rendre une attractivité à tous les petits propriétaires investisseurs qui veulent s'embarquer.

STEVE JOURDIN
Madame LETARD, on avance. L'actualité c'est aussi ce texte dit DUPLOMB qui a fait l'objet d'un accord entre députés et sénateurs hier soir dont le but est aussi de lever les contraintes qui pèsent sur les agriculteurs. Il prévoit notamment la réintroduction d'un néonicotinoïde... l'acétamipride ; ce n'est pas facile à dire. Vous dites bravo aux députés et aux sénateurs d'être parvenus à cet accord ?

VALERIE LETARD
Je crois que quand on est face à une réalité comme celle-là, on voit combien la sagesse du Parlement est essentielle pour essayer de trouver une voie de compromis pour tenir une trajectoire qui soit en tout cas la plus adaptée. Comment faire en sorte de poursuivre une ambition en matière d'agriculture et évidemment d'objectifs en matière de protection effectivement de la santé. On sait bien que ces sujets-là c'est une voie de passage.

STEVE JOURDIN
C'est un sujet à controverse. Les défenseurs d'environnement disent qu'il y a peut-être un risque pour la santé humaine. C'est un tueur d'abeilles.

VALERIE LETARD
Evidemment, c'est un travail d'équilibriste qui est fait par le Parlement de trouver cette voie de passage qui garantisse mieux mais qui en même temps permette à une agriculture de passer le cap et demain effectivement d'aller vers une agriculture qui soit de plus en plus protectrice de la santé de nos concitoyens sans perdre nos agriculteurs en route. C'est une ligne de crête extrêmement compliquée. Ce n'est pas mon sujet de prédilection mais ce que je sais, c'est que le Parlement sur ce texte essaie de trouver une voie de passage et en tout cas la commission mixte paritaire a fait ce travail qui n'est pas simple et qui doit allier deux réalités qui se percutent à un moment. Trouver la voie, c'est ce que la CMP a essayé de faire.

STEVE JOURDIN
Autre sujet qui n'est pas non plus dans votre portefeuille ; avec cette surprise hier les députés ont adopté une motion de rejet contre la réforme de l'audiovisuel public. Le texte n'a donc pas été examiné par les députés. Il revient au Sénat, c'est un texte sur lequel compte beaucoup Rachida DATI. Est-ce que c'est une claque pour le Gouvernement ?

VALERIE LETARD
Le travail parlementaire fait son oeuvre. On est dans une réalité politique que vous connaissez bien. J'ai été, 22 ans, parlementaire dans cette maison. Aujourd'hui on vit une réalité parlementaire qui est inédite. Elle a sa traduction au quotidien. On a une assemblée qui n'a pas de majorité absolue. On a des débats qui se nourrissent. Et là, c'est une part significative au Parlement. Ça, c'est une réalité…

STEVE JOURDIN
Les députés du socle commun n'étaient pas présents en masse dans l'hémicycle pour défendre cette réforme. Il y a quand même un problème autour de cette réforme. On voit bien que ça suscite beaucoup de controverses. On voit que Rachida DATI est très motivée pour la faire passer. Mais il y a beaucoup de débats. Clairement, il n'y a pas de consensus. Est-ce qu'au Gouvernement, il y a un consensus là-dessus ? François BAYROU a apporté son soutien à cette réforme de l'audiovisuel public. Est-ce que vous aussi, vous êtes favorable à cette réforme ?

VALERIE LETARD
À partir du moment où on est membre d'un Gouvernement, on est solidaire les uns des autres. C'est la première des choses. Evidemment, je suis une femme loyale, je suis membre d'un Gouvernement dont le chef est le Premier ministre.

STEVE JOURDIN
Donc vous soutenez cette réforme de l'audiovisuel public. Vous parlez de solidarité gouvernementale. Ça m'entraîne à un autre sujet. Le sujet de la proportionnelle. François BAYROU a confirmé dans " Le Grand " Jury RTL - Public Sénat, qu'une réforme du scrutin électoral sera bien proposée après la période du budget. Au sein du Gouvernement, ils ne sont pas tous favorables à cette réforme. Vous l'avez remarqué. Je pense notamment à Bruno RETAILLEAU. Qu'en pensez-vous personnellement de cette réforme ?

VALERIE LETARD
Il s'avère que je viens d'une famille politique qui est plutôt favorable à la proportionnelle donc j'y suis plutôt particulièrement sensible.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Et plutôt quelle proportionnelle ?

VALERIE LETARD
Ça sera l'objet de toute la discussion. Je pense que là-dessus, le Premier ministre ne s'est pas encore prononcé.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Mais vous, vous pensez qu'on peut aller jusqu'où dans la proportionnelle ?

VALERIE LETARD
J'attends les discussions. Je ne vais pas m'embarquer à ce stade. En tout cas, le Premier ministre a toujours voulu rapprocher les élus avec le citoyen. Dans cette logique de la proportionnelle, un citoyen égale une voix. Ça permet une représentativité des différents composants politiques. Après, il faut la modérer, il faut la mesurer, cette proportionnelle. Évidemment, il faudra regarder quelle forme elle doit prendre et être relativement mesurée et équilibrée dans l'impact qu'elle pourra avoir, mais laisser une possibilité de représentativité à chaque organisation politique, ça me paraît être un sujet à regarder.

STEVE JOURDIN
En 30 secondes, il y a une motion de censure qui sera discutée aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Motion de censure déposée par les socialistes. Vous êtes plutôt sereine ? Quel est l'état d'esprit aujourd'hui ?

VALERIE LETARD
Cette motion de censure déposée par les socialistes…

STEVE JOURDIN
Elle n'a pas de chance d'être adoptée puisque le RN a dit qu'il ne la voterait pas.

VALERIE LETARD
En tout cas, je note quand même les paroles du Premier ministre ce week-end qui a confirmé les avancées faites lors du conclave et notamment sur la pénibilité. Moi, il m'a semblé qu'il était prêt à faire en sorte que ce sujet ait une place dans le projet de loi de finance de Sécurité sociale de 2026. Là, il me semble que le Premier ministre veut tenir sa parole et tient sa parole de ce point de vue-là. Et je pense que c'est de nature aussi à faire en sorte de montrer et de donner un signal sur l'attention portée au Parlement, l'attention portée effectivement à des sujets qui sont au coeur des préoccupations de ceux qui ont déposé la censure.

STEVE JOURDIN
C'est la fin de cette interview. C'est le mot de la fin. Merci beaucoup Valérie LETARD d'avoir répondu à nos questions.

VALERIE LETARD
Merci à vous.

STEVE JOURDIN
Merci beaucoup Fabrice.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Bonne semaine.

STEVE JOURDIN
Bonne chaude journée à vous.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Oui, chaude journée.

STEVE JOURDIN
Bon courage à tous les deux.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 juillet 2025