Interview de Mme Sophie Primas, ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement, à RTL le 9 juillet 2025, sur les incendies dans le Sud, la réorganisation de l'action publique, les énergies renouvelables et le budget 2026.

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Média : RTL

Texte intégral

OLIVIER BOST
Sophie PRIMAS, bonjour.

SOPHIE PRIMAS
Bonjour Olivier BOST.

OLIVIER BOST
Trois incendies non maîtrisés, 110 blessés à Marseille, à Narbonne, pour faire un point. Combien de personnes sont, ce matin encore, menacées par les flammes ?

SOPHIE PRIMAS
Les feux ne sont pas maîtrisés, ni à Narbonne, ni à Marseille, même si effectivement celui de Marseille est en train de perdre de la vigueur. Mais les contours du feu ne sont pas encore tout à fait maîtrisés. Donc l'ordre de déconfinement des 15 000 personnes n'a pas encore été donné. Il le sera peut-être dans la matinée. Donc la situation n'est pas encore tout à fait fixée sur ces deux feux qui sont les premiers grands feux de l'été, une période assez précoce en réalité dans la saison. Vous savez, le ministre de l'Intérieur hier soir a dit que 9 feux sur 10 étaient d'origine individuelle, personnelle, soit par malveillance, soit par négligence. Et donc nous appelons chacun à faire extrêmement attention.

OLIVIER BOST
On va y revenir, mais nous sommes le 9 juillet. Effectivement, c'est le tout début de l'été. Sommes-nous suffisamment préparés et suffisamment équipés également pour affronter ces méga-feux ?

SOPHIE PRIMAS
Écoutez, je pense qu'aujourd'hui, nous sommes organisés pour contourner ces méga-feux et les combattre. Nous avons beaucoup de pompiers à Narbonne. Il y a environ 1 000 pompiers qui sont à pied d'œuvre sur le terrain en permanence. Nous avons deux Canadair qui sont en effet plutôt des anciens avions sur lesquels nous changeons les pièces de rechange assez régulièrement. Deux sont en commande, 10 hélicoptères et nous avons des capacités également de location de ces avions et de ces Canadair. Donc nous sommes dans le réarmement aussi.

OLIVIER BOST
Donc vous dites que les moyens sont suffisants ?

SOPHIE PRIMAS
Les moyens sont ce qu'ils sont. Je pense qu'il faut les renforcer. D'ailleurs, le ministre de l'Intérieur a dit qu'il essaierait de sanctuariser évidemment les investissements pour réarmer la France, notamment sur des avions qui sont capables d'envoyer des anti-feux. Nous allons sanctuariser et essayer de sanctuariser dans le budget ces nouveaux moyens.

OLIVIER BOST
On parlera du budget, mais effectivement nous attendons deux nouveaux Canadair, mais ce sera en 2028, donc dans très longtemps. Est-ce qu'il y a urgence à trouver du matériel pour lutter contre le feu d'ici-là ?

SOPHIE PRIMAS
Oui bien sûr et ce sont justement les solutions de location que nous avons mises en place et que le ministère de l'Intérieur a mises en place. Des solutions qui sont temporaires, des solutions de coopération aussi avec les pays voisins européens où nous pouvons nous prêter main forte dans un sens et dans l'autre d'ailleurs, dès qu'il y a des méga-feux de ce type.

OLIVIER BOST
Sophie PRIMAS, les incendies sont dans 9 cas sur 10, vous le disiez, provoqués par des négligences ou de manière intentionnelle, criminelle. Les maisons qui brûlent sont dans 9 cas sur 10 des maisons sur des terrains non débroussaillés. Est-ce que les peines encourues sont suffisamment dures ?

SOPHIE PRIMAS
Surtout il faut que les peines soient suivies des faits et il faut qu'effectivement, notamment les polices municipales qui sont dans chacune de ces villes puissent maintenant verbaliser. Jusqu'à la verbalisation, il faut débroussailler. On a fait un rapport d'activité, il y a une mission d'information il y a quelques mois au Sénat.

OLIVIER BOST
Donc vous dites que c'est aux polices municipales de surveiller le débroussaillement ?

SOPHIE PRIMAS
C'est à la police, c'est aux policiers municipaux.

OLIVIER BOST
Et de verbaliser ?

SOPHIE PRIMAS
Et de verbaliser, il faut verbaliser. On ne fait pas une verbalisation pour embêter les gens, on fait une verbalisation parce que pour débroussailler, c'est un élément qui arrête le feu et qui permet au feu de ne pas se propager. C'est donc de la sécurité civile pour tout le monde.

OLIVIER BOST
Aujourd'hui un terrain non débroussaillé c'est 50 euros par mètre carré d'amende ; c'est suffisant ? ça a été réévalué récemment mais…

SOPHIE PRIMAS
Je ne sais pas si c'est suffisant, il faut vraiment verbaliser. Déjà passons à l'acte de la verbalisation et si cela n'est pas suffisant, on augmentera les peines mais pour l'instant verbalisons et moi j'engage vraiment l'ensemble des maires, des policiers municipaux mais aussi des forces de sécurité à aller jusqu'à la verbalisation.

OLIVIER BOST
Donc vous êtes en train de dire que ce travail est insuffisamment fait aujourd'hui ?

SOPHIE PRIMAS
C'est probablement un travail de fourmi parce qu'il faut aller propriété par propriété et verbaliser. Ce n'est pas très populaire quand on est évidemment maire d'une commune d'envoyer sa police municipale verbaliser. Mais c'est vraiment une responsabilité très, très forte individuelle, civique de chacun d'entre nous. C'est une question de responsabilité individuelle.

OLIVIER BOST
Alors nous en sommes au troisième plan national d'adaptation au changement climatique. Expliquez-moi pourquoi le fond vert, qui est notamment destiné à ça, a été réduit de moitié entre l'année dernière et cette année ?

SOPHIE PRIMAS
Alors le fond vert a été en effet réduit, pas tout à fait de moitié d'après mes informations. Le fond vert, il vient effectivement répondre à ce type de préoccupations. Il vient surtout répondre à l'adaptation au changement climatique des bâtiments. Il est beaucoup utilisé pour ça. Donc dans le cadre de l'ensemble de la réflexion sur les subventions de l'État, nous sommes en train de réfléchir à comment on réorganise les subventions.

OLIVIER BOST
Au moment où on parle de s'adapter, que ce soit au réchauffement ou effectivement à ces aléas climatiques aujourd'hui, comment se fait-il que les moyens baissent ?

SOPHIE PRIMAS
Alors les moyens baissent pour des raisons qui sont aussi budgétaires naturellement, mais qui sont aussi des raisons d'efficacité de la dépense publique. Il faut qu'on soit sûr qu'effectivement on cible bien un certain nombre d'opérations. Celles-ci peuvent être prioritaires, on verra les choix budgétaires qui seront réalisés et le ciblage mieux fait pour effectivement aller vers plus d'efficacité de l'argent public qui est plus rare.

OLIVIER BOST
Alors nous avons connu une semaine très précoce de canicule, c'était la semaine dernière. Nous venons de parler des incendies actuels dans le sud de la France et l'une des idées politiques qui circule c'est de supprimer l'ADEME, l'agence qui doit accélérer justement la transition écologique. Est-ce que vous défendez, ce matin, l'ADEME ?

SOPHIE PRIMAS
Ce que je défends ce sont les actions qui sont faites par l'ADEME et qui sont des actions qui viennent soutenir l'ensemble des dispositions.

OLIVIER BOST
Donc pas forcément l'ADEME.

SOPHIE PRIMAS
On verra l'agencement et la façon et les décisions qui seront prises sur les agences. Il y a un gros travail là aussi qui a été fait par le Sénat. Il ne s'agit pas de supprimer les services, il s'agit peut-être de les fusionner avec d'autres. Il s'agit de regarder si c'est une agence indépendante ou si ce sont les services de l'État qui le font. Il y a un chantier qui a été lancé hier à Chartres par le Premier ministre qui est de redonner du pouvoir aux préfets de départements et de leur donner le pilotage de l'ensemble des actions de l'État, ce qui est une excellente chose dans ce que j'appelle moi la crise d'exécution. La capacité de l'État à prendre des décisions opérationnelles et différentielles dans chacun des départements est une bonne chose. Voilà quelque chose qui peut rentrer dans cette réflexion-là. Il ne s'agit pas d'enlever le service naturellement.

OLIVIER BOST
Vous êtes porte-parole du Gouvernement et votre parti, c'est les Républicains. Êtes-vous pour supprimer les subventions aux énergies renouvelables comme le défend votre chef de parti et également collègue au Gouvernement, Bruno RETAILLEAU ?

SOPHIE PRIMAS
Écoutez, que ce soit Bruno RETAILLEAU y compris dans sa tribune ou que ce soit le Gouvernement, moi et à titre personnel, nous défendons une politique énergétique qui soit basée sur le retour du nucléaire. Ce qui à date n'est pas fait tant que cette proposition de programmation de l'énergie n'est pas adoptée définitivement par le Parlement. Je rappelle que nous sommes sur la fermeture de 14 réacteurs. Ce sont les textes actuels, donc il faut qu'on aille au bout de cette proposition.

OLIVIER BOST
Mais vous n'avez pas répondu sur les énergies renouvelables.

SOPHIE PRIMAS
Je vais vous répondre… Et un équilibre évidemment sur les énergies renouvelables. Moi je ne veux pas aujourd'hui que les Français résument les énergies renouvelables aux éoliennes parce que ça leur pose plein de problèmes de paysages, ils n'aiment pas, de souveraineté, etc. Il y a des endroits en France où on peut mettre des éoliennes, il y a des endroits qui sont sursaturés. Donc je pense que c'est vraiment une politique locale d'adaptation aux réalités locales et aux potentiels locaux des énergies renouvelables.

OLIVIER BOST
Ce n'est pas ce qu'avait dit Bruno RETAILLEAU la semaine dernière… On va passer au budget, François BAYROU va-t-il…

SOPHIE PRIMAS
Non mais j'insiste, les énergies renouvelables ce n'est pas que l'éolienne. Moi j'aime bien parler de géothermie.

OLIVIER BOST
D'accord mais ce n'est pas ce que disait Bruno RETAILLEAU la semaine dernière. Mais François BAYROU va-t-il vraiment dévoiler le budget 2026 la semaine prochaine et ces 40 milliards d'économies surtout ?

SOPHIE PRIMAS
En tout cas, il y tient beaucoup.

OLIVIER BOST
Ou est-ce qu'il y aura des trous et puis ça sera au parlementaire de choisir, de combler, de trouver des solutions ?

SOPHIE PRIMAS
Vous savez qu'un des engagements de François BAYROU depuis très, très longtemps dans sa vie politique c'est de regarder l'iceberg du déficit français arriver devant nous. Et donc, mardi, il proposera effectivement des pistes pour économiser ces 40 milliards, pour tenir nos objectifs de déficit. Pas parce qu'on a envie de moins dépenser d'argent dans ce pays, bien que ce soit nécessaire, mais parce que nous nous sommes regardés par les marchés financiers, par l'extérieur et que le poids de la dette devient insupportable.

OLIVIER BOST
Donc annonce de 40 milliards, ça, vous confirmez ? Est-ce qu'il y aura un gel, et ça implique un gel, notamment des prestations sociales ? C'est ce qu'on appelle une année blanche, on n'augmente rien.

SOPHIE PRIMAS
Écoutez, je ne vais pas faire d'annonce ce matin à votre micro. Vous le savez, c'est le Premier ministre qui annoncera mardi. C'est une des pistes qui a été proposée hier par le Sénat. Effectivement, c'est une piste qui se regarde comme d'autres pistes se regardent. Vous savez que nous ne voulons pas aggraver la compétitivité, la politique de l'offre sur le monde du travail, puisque nous considérons qu'il faut gérer et créer de la croissance avant de la distribuer, donc nous serons attentifs à cela. Et après, nous avons pris les propositions de l'ensemble des groupes politiques. Mardi, il y aura une copie, et ensuite, elle sera discutée dans un process budgétaire long.

OLIVIER BOST
Une toute dernière question, Sophie PRIMAS. Emmanuel MACRON a demandé il y a quelques jours aux ministres de rester dans leur champ de compétences. Vous êtes vraiment indisciplinés, ou le Président n'a pas compris qu'il ne gouvernait plus, qu'il n'avait plus la majorité ?

SOPHIE PRIMAS
Écoutez, le Premier ministre le dit depuis le début, ce Gouvernement, il est fait avec des fortes personnalités issues de partis politiques différents.

OLIVIER BOST
Oui mais Emmanuel MACRON dit aussi au Premier ministre qu'il doit diriger son Gouvernement. Est-ce qu'il devrait être plus sévère avec vous, François BAYROU ?

SOPHIE PRIMAS
François BAYROU a dit depuis le début que chacun avait la parole libre. Il ne peut pas faire autrement, compte tenu des personnalités différentes.

OLIVIER BOST
Donc ça va continuer comme ça ? Le Président dit ce qu'il veut.

SOPHIE PRIMAS
Le Président a son expérience du Gouvernement avec un Gouvernement et une majorité. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Donc, le Premier ministre tranche, et après que le Premier ministre a tranché, chacun reste dans la politique du Gouvernement.

OLIVIER BOST
Et donc le Président peut dire aussi ce qu'il veut, ça ne change pas grand-chose. Merci beaucoup, Sophie PRIMAS.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 juillet 2025