Interview de M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer, à France Inter le 15 juillet 2025, sur l'accord, entre l'État et les différents partenaires politiques calédoniens, visant à créer un État calédonien au sein de la République française.

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Média : France Inter

Texte intégral

SIMON LE BARON
Trois jours après la conclusion d'un accord que tous les connaisseurs de la Nouvelle-Calédonie qualifient d'historique, c'est le ministre des Outre-mer qui est avec nous ce matin dans le grand entretien de la matinale d'Inter. Bonjour Manuel VALLS.

MANUEL VALLS
Bonjour Simon LE BARON.

SIMON LE BARON
Accord historique qui prévoit la création d'un État calédonien, d'une double nationalité franco-calédonienne dans la France. Accord historique mais qui n'est pas la fin de l'histoire. Loin de là, qui pose des questions. Les Calédoniens eux-mêmes vont-ils l'accepter ? Allons-nous vers une indépendance de fait ? Cet accord va-t-il apaiser ou au contraire attiser les tensions voire les haines entre les communautés ? Nous allons parler de tout cela avec les auditeurs aussi bien sûr comme d'habitude au 0145 24 7000 et sur l'application de Radio France. Jusqu'au tout dernier moment, Manuel VALLS, ce week-end à Bougival, dans cet hôtel dans les Yvelines où étaient réunies les différentes délégations indépendantistes et non-indépendantistes, c'est plutôt l'échec qui se profilait. Cet accord est inespéré ?

MANUEL VALLS
Oui. Il faut toujours, quand on négocie, quand on discute, se dire qu'un échec est possible mais l'ensemble des délégations indépendantistes et non-indépendantistes considéraient qu'il fallait un accord. Bien sûr pas à tout prix, pas en reniant leur position et leur conviction mais s'ils n'y avaient pas eu d'accord, le risque était celui d'abord d'un effondrement de la Nouvelle Calédonie. L'économie va très mal, la situation sociale est très inquiétante. Nous n'avons pratiquement plus dans certains secteurs, dans certaines régions de médecins pour ne prendre que cet exemple.

SIMON LE BARON
C'était le terme de l'équation, le compromis ou le chaos. On en était là ?

MANUEL VALLS
D'une certaine manière et surtout alors à ce moment-là avec des élections provinciales qui sont prévues à la fin de l'année. Sans accord, le risque était celui de la radicalisation et du retour d'une certaine manière de la violence voire de la guerre civile. Donc les différentes délégations ont agi avec beaucoup de responsabilités. Ce sont elles qui ont porté cet accord et ce sont elles évidemment qui doivent maintenant l'expliquer et le défendre en Nouvelle Calédonie. Et puis ce sont les spécialistes de la Nouvelle Calédonie qui connaissent ça davantage bien évidemment, mais il n'y avait pas eu d'accord depuis 1998. 27 ans sans accord et en attendant les fameux trois référendums qui ont lieu en 2018, en 2020 et en 2021. Donc c'était difficile de sauter le pas, de changer d'équation. Il fallait faire bouger les lignes d'une certaine manière. Vous savez, on critique beaucoup, et c'est normal, le rôle de la politique en général. Et bien là, les politiques du côté de l'État, votre serviteur bien mais les délégations calédoniennes ont montré que le dialogue, la discussion, le compromis, la politique au sens le plus noble du terme permettait de retrouver ce pari de l'intelligence de Jean-Marie TJIBAOU de 1988 lors de la fameuse poignée de main avec Jacques LAFLEUR.

SIMON LE BARON
Quand on se souvient du niveau de violence malgré tout, vous évoquiez l'année dernière, il y a un an, les émeutes qui ont fait 14 morts, est-ce que cet accord peut suffire à apaiser cela ?

MANUEL VALLS
Sans accord, il n'y avait ni redressement économique, ni paix civile. Avec l'accord, ces risques que vous venez d'évoquer ne sont pas éteints. Il y a de la violence, des confrontations avec les forces de l'ordre, il y a des vols à main armée parce que les gens ont faim, surtout dans le grand Nouméa, il y a toujours des risques de basculement. Il y a depuis la signature de l'accord des menaces directes qui pèsent sur les différents dirigeants calédoniens, qu'ils soient indépendantistes ou non indépendantistes. Nous allons agir évidemment pour prévenir cela, à la fois à travers le rôle de la police et de la gendarmerie sous l'autorité du commissaire sur place, mais aussi à travers la justice parce qu'on ne peut pas avoir des menaces de mort sur les réseaux sociaux à l'égard des dirigeants indépendantistes ou non indépendantistes. Mais à travers cet accord, il y a surtout la chance de retrouver la paix, la prospérité pour la Nouvelle Calédonie. Donc tout commence maintenant puisqu'il s'agit de convaincre et que les Calédoniens seront consultés sur cet accord sans doute au début de l'année 2026.

SIMON LE BARON
Oui, ils vont devoir le valider lors d'un nouveau référendum qui ne portera pas effectivement cette fois sur l'indépendance, mais sur la validation de cet accord. Vous parliez des menaces qui pèsent sur ceux qui ont signé, ceux qui ont pris d'une certaine manière le risque de signer parce qu'ils ont dit après la conclusion de cet accord, tôt samedi, c'était à l'aube, on s'attend à en prendre plein la figure, pour le dire comme ça, en rentrant sur l'archipel. Il va falloir le faire accepter à leur base. C'est maintenant que... commence.

MANUEL VALLS
Et puis il y a eu des morts, vous le disiez il y a un instant, il y a un an. Chacun en mémoire ce qui s'est passé dans les années 80 avec des dizaines de morts. Chacun en mémoire, évidemment, la mort, l'assassinat de Jean-Marie TJIBAOU et de Yeiwéné YEIWENE.

SIMON LE BARON
Et c'est son fils, Emmanuel, qui fait partie du signataire aujourd'hui.

MANUEL VALLS
Oui. Donc cette mémoire est là. Mais tout de même, grâce au dialogue, à la discussion, vous le rappelez il y a un instant. Oui, il y a un État de la Nouvelle-Calédonie. Oui, il y aura une double nationalité. Oui, il y aura une reconnaissance internationale. Oui, il y aura une loi fondamentale qui organisera les pouvoirs de la Nouvelle-Calédonie, mais aussi qui définira ce que sera la nationalité calédonienne. Oui, il y aura une ouverture maîtrisée du corps électoral, parce que c'était injuste que beaucoup de gens ne puissent pas voter.

SIMON LE BARON
C'était plutôt, là, une revendication très claire des non-indépendantistes, puisque les indépendantistes estiment que l'ouverture de ce corps électoral leur est défavorable.

MANUEL VALLS
C'est pas tout à fait vrai, mais c'était symboliquement très important, parce que c'était au cœur... en tout cas, c'était le prétexte ou les arguments qui avaient été utilisés au moment où les violences avaient éclaté le 13 mai, mais chacun savait qu'il fallait évoluer dans ce sens, parce qu'il y avait des milliers de personnes qui ne pouvaient pas voter, donc il n'y a que justice. Et puis chacun avait dit aussi qu'il y aurait un dégel du corps électoral, une ouverture du corps électoral, s'il y avait un accord global. Et comme il y a un accord global, ça fait partie en effet des compromis.

SIMON LE BARON
Mais justement il y a des compromis de l'autre côté. Qui dit compromis dit toujours ambiguïté. Est-ce qu'on peut vraiment, durablement, en Nouvelle-Calédonie concilier l'appartenance à la France, toujours ce lien avec la France qui est confirmé, et l'aspiration à la souveraineté ?

MANUEL VALLS
Mais le lien avec la France, il est là à travers la langue, l'école, l'histoire, avec ses pages sombres et aussi avec ses lumières. Elle a été très assumée notamment par les accords de Nouméa de 1998 et son beau préambule qui reste toujours dans notre Constitution, qui est une référence pour chacun.

SIMON LE BARON
Est-ce qu'on peut concilier les deux ? L'aspiration à la souveraineté, l'appartenance à la France ?

MANUEL VALLS
Il n'y a pas d'autre choix, vu les rapports de force démographiques dans la population, parce qu'il y a eu les trois référendums, parce qu'il y a ces aspirations, elles peuvent paraître contradictoires. Et donc ce qui me rend fier d'avoir, et je suis très prudent, ce qui me rend fier d'avoir contribué à cet accord, c'est précisément de pouvoir concilier ces aspirations. Parce que si on n'arrive pas à les concilier, il peut y avoir des ambiguïtés, des questionnements bien évidemment, mais on n'y arrive pas. C'est la confrontation. C'est ce qui s'est passé, vous le rappelez, il y a un an. Donc il faut concilier ces aspirations contradictoires, et à travers une voie originale, une organisation sui generis, cet État de la Nouvelle-Calédonie, des concessions des uns et des autres. Et puis vous le disiez, l'histoire n'est pas terminée d'abord, parce que nous avons rappelé que cet accord constitue une nouvelle étape sur la voie de la décolonisation, de l'émancipation, dans le respect des principes démocratiques et de l'État de droit, que le droit à l'autodétermination demeure garanti par le droit international, et qu'à travers le transfert des compétences régaliennes, c'est-à-dire monnaie, défense, justice, sécurité, rendues possibles par un mécanisme, il y a toujours cette possibilité d'accéder demain à la souveraineté.

SIMON LE BARON
Justement potentiellement cela veut dire que la Nouvelle-Calédonie, si le Congrès, c'est-à-dire l'Assemblée locale, le décide, la France peut transférer l'intégralité de ses compétences à la Nouvelle-Calédonie, sur la monnaie, sur la justice, sur la sécurité, sur la diplomatie ?

MANUEL VALLS
C'est prévu à travers une majorité. Voilà.

SIMON LE BARON
Donc la Nouvelle-Calédonie, demain, potentiellement peut devenir indépendante de fait.

MANUEL VALLS
Sur les relations internationales, il y a déjà un transfert qui va être fait dans le cadre évidemment des compétences actuelles de la Nouvelle-Calédonie, mais pour qu'elles puissent rayonner davantage dans le Pacifique et en Asie d'une manière plus générale. Mais oui, c'est possible à travers une majorité qualifiée au Congrès de la Nouvelle-Calédonie, l'accord de l'État, le vote de nouveau des Calédoniens. Ce n'est pas l'urgence, et surtout ce mécanisme, il nous sort du référendum qui divise totalement la société. Et il oblige les uns et les autres à trouver en permanence la voie de la conciliation. C'est l'originalité de ce nouveau statut qui est à la fois pérenne et évolutif.

SIMON LE BARON
Est-ce que vous pouvez nous expliquer à quoi ressemblera cet État calédonien, parce que c'est un objet inédit ?

MANUEL VALLS
C'était déjà un objet inédit dans la Constitution française.

SIMON LE BARON
Inédit ou pas, certains constitutionnalistes disent que ça ressemble au protectorat, par exemple, qu'on a connu à l'époque de la souveraineté française sur le Maroc.

MANUEL VALLS
Oui, je trouve cette comparaison très étrange. Nous sommes au XXIe siècle, la Calédonie a déjà une souveraineté partagée avec la France. On va évidemment sans doute plus loin, mais c'est un État de la Nouvelle-Calédonie, dans l'ensemble français, inscrit dans la Constitution française, avec des évolutions possibles. C'est évidemment complexe, je le reconnais. Beaucoup de constitutionnalistes vont se donner à cœur joie. Ce qui compte pour moi, c'est l'accord. Et cet accord est adossé aussi à une volonté partagée, à un pacte entre la Nouvelle-Calédonie et la France, pour redresser économiquement, financièrement ce territoire, pour l'aider notamment sur son industrie du nickel, et surtout pour régler les problèmes de la société calédonienne, de certains Calédoniens de s'emparer de leur avenir

SIMON LE BARON
Puisque vous parlez de la situation économique et financière du territoire, vous l'avez dit, elle est catastrophique actuellement, notamment avec cette filière nickel qui est à la dérive, en grande difficulté à tout le moins. Ce texte prévoit justement le redressement des finances publiques. Combien ça va coûter à l'État français ? Plusieurs milliards par an ?

MANUEL VALLS
Le transfert de la France vers la Calédonie, c'est 1,5 milliard tous les ans. Depuis l'année dernière, c'est 1,5 milliard supplémentaires. Donc 3 milliards en 2024, 3 milliards en 2025.

SIMON LE BARON
Donc 3 milliards par an.

MANUEL VALLS
Mais ça passe aussi par des réformes. Pour faire baisser le poids…

SIMON LE BARON
Mais dans l'urgence, est-ce que l'État français a les moyens d'assurer le redressement économique de la Nouvelle Calédonie ?

MANUEL VALLS
Pour baisser le poids de la puissance publique, je le crois, pour faire des réformes économiques, pour mettre l'accent sur des filières qui aujourd'hui ne marchent pas bien. On vient de parler du nickel, mais c'est vrai pour le tourisme, c'est vrai pour l'agriculture. Il faut faire baisser le coût de l'énergie. Donc c'est un dossier où nous mettrons toute notre énergie. Nous avons mis en place une mission interministérielle, qui sous l'autorité du Premier Ministre est à mes côtés, qui va beaucoup travailler sur ces questions-là. Mais il n'y avait pas de redressement économique et financier possible, d'investisseurs nouveaux pour le nickel, s'il n'y avait pas d'accord. Vous savez, il y a une très belle phrase, je crois que je l'avais déjà prononcée ici, en Nouvelle-Calédonie, et elle m'anime. Beaucoup de respect vis-à-vis des Calédoniens, et beaucoup d'humilité. Nous avons passé un accord, le plus difficile reste sans doute à faire, pour les responsables politiques calédoniens, convaincre, expliquer, tracer une perspective. Mais nous sommes sortis de l'impasse dans laquelle nous étions. Et maintenant il faut construire l'avenir de la Nouvelle-Calédonie avec tous. Il y a beaucoup de risques, je le sais, mais moi, je continuerai avec la même force à soutenir ce processus, parce qu'il est exemplaire aussi. Vous savez, l'image de la France a été très détériorée dans le Pacifique ces derniers mois, à cause de ce qui s'est passé. Et aujourd'hui, nous faisons la démonstration, responsables gouvernementaux, et le président de la République, le Premier ministre, moi-même y avons contribué bien évidemment, les forces politiques françaises soutiendront, je n'en doute pas, un seul instant, dans leur grande majorité.

SIMON LE BARON
Parce qu'elles vont devoir valider cet accord aussi au Parlement.

MANUEL VALLS
Il faudra les réformes constitutionnelles bien évidemment, mais les forces calédoniennes ont fait preuve d'une très grande maturité, d'une très grande intelligence. Donc il faut les accompagner dans ce mouvement qui peut être aussi exemplaire. Il n'y a pas tellement de bonnes nouvelles, on critique souvent la France aujourd'hui. Ben voilà. C'est un bel exemple de réussite, mais encore une fois, qu'il faut confirmer, parce qu'un accident, un drame, peut mettre tout ça par terre.

SIMON LE BARON
Tout n'est pas fini.

MANUEL VALLS
Loin de là.

SIMON LE BARON
Et loin de là. En effet puisque vous parlez d'exemple, Manuel VALLS, plusieurs auditeurs nous demandent sur l'application de Radio France, Cyril et François notamment, si cela peut donner des idées, et ouvrir la porte pour d'autres territoires, ils citent la Corse, qui n'est pas un territoire ultramarin, c'est un territoire métropolitain.

MANUEL VALLS
Je confirme.

SIMON LE BARON
Mais est-ce que ça peut donner des idées à la Corse ou à d'autres territoires ?

MANUEL VALLS
Depuis les accords de 88 ou de 98 en Nouvelle-Calédonie, chacun sait que l'histoire de la Nouvelle-Calédonie est différente. C'est une colonie de peuplement, la seule avec l'Algérie à l'époque, une colonie pénitentiaire, c'est à 17 000 kilomètres de là. Il y a un peuple autochtone, un peuple premier, le peuple kanak, il y a ceux qui sont arrivés après l'arrivée de la France. Donc ce mélange de populations, cette histoire parfois douloureuse, mais aussi ces moments de lumière, je pense évidemment aux accords de 88 et de 98, et je pense, je l'espère, à celui que nous venons de céder, tout cela doit permettre d'inventer quelque chose qui est original. D'une manière générale, il faut repenser le lien entre l'État, l'Hexagone et les territoires ultramarins, mais ce ne sont pas les mêmes histoires. Je crois que pour la réussite de la Nouvelle-Calédonie, il faut que cette voie reste propre à la Nouvelle-Calédonie.

SIMON LE BARON
Parlons justement, Manuel VALLS, des autres territoires ultramarins. Rapidement, vos deux autres dossiers prioritaires, ce sont celui de Mayotte d'abord et la vie chère. Sur Mayotte, la loi a été adoptée jeudi dernier définitivement, loi de refondation qui prévoit notamment 4 milliards d'euros sur 6 ans. On est loin du compte, 6 mois après le passage du cyclone Chido, sur la reconstruction, sur l'urgence, et évidemment ça prend beaucoup de temps. Ça prendrait des années ?

MANUEL VALLS
Il n'y a eu qu'un alignement de planètes cette semaine, puisqu'en effet, le deuxième texte en 6 mois, le deuxième projet de loi que j'ai porté concernant la reconstruction, la refondation de Mayotte, vous venez de le dire, a été adopté. Et maintenant on a tous les outils avec l'établissement public. Nous allons nommer aujourd'hui son directeur général ; nous avons tous les outils, les moyens financiers pour continuer la reconstruction de Mayotte. Et puis le comité interministériel aux Outre-mer a aussi fait le point sur la vie chère. Un projet de loi va être adopté à la fin du mois, au dernier conseil des ministres du mois de juillet.

SIMON LE BARON
Est-ce que vous garantissez que ce problème de la vie chère qui empoisonne la vie des habitants de nombreux territoires ultramarins, Guadeloupe, Martinique, entre autres, va s'améliorer dans les mois à venir ?

MANUEL VALLS
Nous n'avons pas d'autre choix, parce qu'il fracture ces sociétés, et le lien aussi avec l'Hexagone. J'ai déjà signé une circulaire, 3 décrets, pour lutter de manière plus efficace contre la vie chère, avec plus de transparence, plus de contrôle, plus de concurrence. Et puis le projet de loi va être discuté et adopté, je l'espère, cet automne. Donc vous voyez, la Nouvelle-Calédonie, Mayotte, c'est ce que le Premier ministre m'avait confié comme mission urgente. La vie chère, c'est mon combat, parce que je sais que c'est tout à fait essentiel. Et puis il y en a un autre que vous n'avez pas cité, mais qui est tout à fait, évidemment, incontournable, qui est la lutte contre le narcotrafic, qui mine les sociétés antillaises et guyanaises. Donc c'est un ministère de mission. Je m'étais donné quelques mois pour mettre en œuvre ces dossiers, atteindre ces objectifs. Il reste beaucoup de travail, mais c'est une première étape qui me paraît déjà très intéressante.

SIMON LE BARON
Est-ce que vous prenez cette première étape, ce texte sur Mayotte adopté, cet accord historique sur la Nouvelle-Calédonie, 7 mois après votre retour au Gouvernement, d'une certaine manière comme une revanche personnelle ?

MANUEL VALLS
Surtout pas ! Parce que si on met sa personne sur des dossiers aussi compliqués, on s'aveugle. Et donc je vous parlais de respect et d'humilité. Eh bien ce respect vis-à-vis des ultramarins, et cette humilité par rapport à ces dossiers, je l'ai fait mienne. C'est un ministère de mission passionnant. Je pars dans quelques heures en Polynésie française, où il y a aussi de sacrés défis. Et j'y vais aussi avec la volonté d'écouter le compatriote polynésien. Ça vous invite à vous réinventer en permanence, à toucher tous les sujets, la géopolitique, les questions d'environnement, qui sont évidemment essentielles dans ces territoires.

SIMON LE BARON
Vous auriez le droit de sentir comme un succès, encore une fois, personnel. Vous avez été très critiqué au moment de votre retour au Gouvernement. Ici même, sur cette antenne, on a eu des auditeurs qui avaient été très vindicatifs avec vous. Vous êtes le seul ministre quasiment à faire passer des textes aujourd'hui.

MANUEL VALLS
Ne me dites pas ça. Vous allez me provoquer des ennuis. Non, mais parce que j'ai l'expérience. J'étais ministre, Premier ministre, dans des conditions très difficiles. Parce que j'ai ce ministère, encore une fois, de mission. Il y a beaucoup d'attentes. Je ne suis pas là pour me réjouir ou pour parler de moi. Je suis là pour souligner ce qui doit être encore fait. Il y a beaucoup à faire dans ces territoires. Si ça n'avait été qu'une litanie d'échecs, j'imagine ce qui aurait été dit. Les étapes franchies, le succès, en effet, de cet accord, mais encore une fois qui reste fragile sur le terrain, m'invite à la modestie, à l'humilité et à l'action.

SIMON LE BARON
Manuel VALLS, moins de cinq minutes, mais il fallait prendre le temps de parler de la Nouvelle-Calédonie et des Outre-mer pour évoquer les mesures que s'apprête à dévoiler François BAYROU, cet après-midi, 16h, pour parvenir à trouver 40 milliards d'économies supplémentaires en 2026. Il faut s'attendre à une potion amère ?

MANUEL VALLS
Je ne vais pas m'exprimer sur ce sujet-là. C'est le Premier ministre qui va le faire dans un instant. Mais là aussi, il l'a dit souvent, il s'impose plus que jamais un devoir de vérité et de responsabilité. Nous ne pouvons pas faire peser la dette sur nos enfants et nos petits-enfants. Nous voyons bien qu'il faut sortir de cette nasse de la dette et du déficit public pour retrouver de l'indépendance, de la souveraineté, des marges d'action. C'est le combat de François BAYROU. Il l'a dit, il y a encore quelques jours, sur le fait qu'il faut produire davantage, travailler plus, réduire cette dette, trouver des solutions. Oui, donc…

SIMON LE BARON
Pour faire accepter cela, il faut que tout le monde paie ; tout le monde : les retraités, les entreprises, peut-être les plus riches ? Peut-être en finir avec le dogme de zéro augmentation d'impôt ?

MANUEL VALLS
Il faut que l'effort soit porté par tout le monde. Mais ne soyons pas impatients. Attendons le discours du Premier ministre. Moi, je crois que ce sera un choc pour les Français, au bon sens du terme. C'est-à-dire un choc de confiance. C'est l'occasion… Les Français savent parfaitement qu'on ne peut pas continuer sur cette voie, qu'il faut des mesures, qu'il faut un redressement. Il en va de l'indépendance de la France. Nous sommes face à des défis colossaux. Le Président de la République l'a rappelé il y a quelques jours, concernant la défense, l'augmentation du budget.

SIMON LE BARON
Justement, il a accéléré l'augmentation du budget de la défense pour le doubler entre 2017 et non plus 2030 ou 2032, mais 2027. Donc, on va accélérer et augmenter plus vite. Donc, vous dites que c'est possible aujourd'hui de trouver tous ces milliards pour la défense et à quand même faire des économies ?

MANUEL VALLS
Mais nous n'avons pas d'autre choix que d'augmenter les moyens en matière de défense, de sécurité, dans un monde incertain, avec ce qui se passe en Ukraine. Regardez les propos du chef d'état-major de nos armées, rappelant la guerre hybride, directe, indirecte, que nous mène la Russie, dans ce monde instable que je vois presque tous les jours, à travers les Outre-mer, dans l'océan Indien, dans l'océan Atlantique, dans le Pacifique en Asie. Oui, nous devons évidemment nous donner les moyens, mais l'un des éléments aussi de notre autonomie, de notre indépendance, c'est que nous soyons capables de faire baisser notre endettement et notre déficit public. Les deux sont intimement liés.

SIMON LE BARON
Ce budget, il est construit par François BAYROU, avec le spectre de la censure, encore une fois, potentiellement à l'automne. Un Gouvernement qui est condamné quasiment à l'inaction. Edouard PHILIPPE, ici même, il y a quelques semaines, disait qu'il ne se passe plus rien en France. Est-ce que c'est bien raisonnable, est-ce que c'est bien sain de construire le budget qui va déterminer l'avenir, vous l'avez dit, des générations futures, potentiellement, avec cette épée de Damoclès et ces conséquences de la dissolution encore au-dessus de votre tête ?

MANUEL VALLS
Nous venons de faire la démonstration que ce Gouvernement agit pour Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, les Outre-mer, mais je pourrais aussi le dire en matière d'agriculture, d'éducation, sur le nouveau rôle des préfets, sur la lutte contre le narcotrafic. Donc, c'est une critique qui me paraît injuste. Et puis on ne va pas attendre 2027, il faut agir.

SIMON LE BARON
Le fait d'avoir un Gouvernement qui joue sa survie, est-ce que ça permet de prendre des décisions efficaces ?

MANUEL VALLS
Je le crois, je viens de le démontrer. Et je ne doute pas un seul instant que François BAYROU va le faire cet après-midi. Nous n'avons pas d'autre choix, vu la situation du pays, c'est vrai en matière de défense et de sécurité, c'est vrai pour les finances publiques ou sur la protection sociale, donc il y a des décisions à faire, et que tous les responsables politiques en soient bien conscients, ça sera un moment de responsabilité pour chacun d'entre eux dans quelques semaines. Nous jouons l'avenir du pays, et donc j'espère que les postures des uns et des autres seront animées par ce qui me paraît fondamental, un patriotisme absolu.

SIMON LE BARON
Et ce sera à 16h cet après-midi, donc, cette conférence de presse de François BAYROU, et ses orientations budgétaires très attendues. Manuel VALLS, merci beaucoup.

MANUEL VALLS
Merci à vous, bonne journée.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 juillet 2025