Texte intégral
Le Premier ministre a présenté une communication relative à l'action territoriale de l'État.
Dix ans après la révision de la Charte de la déconcentration et cinq ans après la dernière réforme de l'organisation territoriale de l'État, les attentes exprimées par nos concitoyens et les élus locaux restent fortes en termes de proximité, de lisibilité et d'efficacité de l'action publique.
Le Président de la République l'avait rappelé et demandé avec force lors de la Convention des managers du 12 mars 2024.
La dynamique de refondation engagée par le Gouvernement s'appuie sur ce constat : dans bien des domaines, l'action de l'État est menée de façon segmentée entre un trop grand nombre d'acteurs. Cette multiplicité génère des incompréhensions et des incohérences. Elle rend également difficile, pour les usagers, associations, entreprises, élus, l'identification des interlocuteurs pertinents.
Un vaste chantier de réforme de l'État est engagé et il doit aussi concerner l'action territoriale de l'État, portée par le préfet qui, selon la Constitution, est le "représentant de l'État et de chacun des membres du Gouvernement" sur le territoire dont il a la charge (article 72). Il convient de leur donner les moyens de jouer pleinement ce rôle.
L'action du préfet est trop souvent gênée par la multiplication des canaux d'intervention de l'État – parfois directement depuis Paris. Les liens qu'il entretient avec les services déconcentrés et établissements publics de l'État ne garantissent pas suffisamment la cohérence de l'action de l'État sur le terrain et l'unicité de sa voix.
Le préfet reste également contraint par la complexité de certaines normes qui ne permettent pas la prise en compte des réalités locales. Son pouvoir de déroger aux normes réglementaires créé en 2020, bien que simplifié en novembre dernier, reste limité et ne concerne que 7 domaines énoncés de façon limitative.
La réforme portée par le Gouvernement vient conforter le rôle confié au préfet comme pilote de l'État local. Elle vise à renforcer son positionnement et ses prérogatives dans l'objectif de rendre l'action de l'État plus cohérente et plus efficace.
Le premier pan de la réforme vise à conforter la capacité du préfet à incarner l'État sur le territoire, ainsi qu'à animer et diriger l'action des services déconcentrés et des établissements publics qui agissent au plan territorial. À cette fin, ses prérogatives managériales seront renforcées :
- le préfet sera désormais associé à la nomination de l'ensemble des chefs de services de l'État (à l'exception de ceux nommés en conseil des ministres : recteurs et directeurs généraux des agences régionales de santé, dont il sera toutefois au préalable informé), ainsi que des responsables des établissements publics de l'État agissant sur son territoire (hors établissements scolaires, hospitaliers et médico-sociaux) ;
- le préfet procédera ou contribuera à leur évaluation annuelle (y compris pour les directeurs généraux des agences régionales de santé et, selon des modalités adaptées à leur statut, à la définition de la feuille de route des recteurs), ainsi qu'à la fixation de leurs objectifs et de la part variable de leur rémunération ;
- le préfet sera désigné comme le délégué territorial des opérateurs de l'État agissant au plan local, dès lors que leurs missions présentent une dimension territoriale ; à ce titre, il pourra leur adresser des directives d'action territoriale et leur demander de réexaminer, avec effet suspensif, des projets de décision revêtant un impact local significatif ;
- le préfet sera conforté dans sa position de chef d'orchestre de l'action territoriale de l'État, avec la responsabilité d'animer la collégialité de l'ensemble des services et opérateurs de l'État au plan local ;
- enfin, ses leviers de pilotage des services seront renforcés, avec de nouvelles facilités de gestion des ressources humaines en matière de recrutement et de mobilités, pour permettre au préfet de mieux adapter la configuration de ses équipes aux priorités d'action territoriale que le Gouvernement et chaque ministre lui assignent.
Le second pan de la réforme vise à renforcer la cohérence territoriale des décisions mises en œuvre, ce qui exige une plus grande proximité et une meilleure prise en compte des réalités locales. A cette fin, les pouvoirs d'adaptation et de dérogation des préfets seront élargis :
- l'implantation des services publics sera désormais systématiquement soumise à l'avis préalable du préfet, qu'il s'agisse de la carte scolaire, du réseau des finances publiques ou encore de l'offre de soins au plan local ;
- le pouvoir de dérogation des préfets, aujourd'hui limité à sept domaines, sera élargi à l'ensemble de leur champ de compétence, s'agissant des décisions individuelles (non-réglementaires) ;
- la territorialisation des nouveaux appels à projet ouverts aux collectivités locales, aux entreprises et aux associations sera désormais la règle et devra être travaillée en lien avec les opérateurs en charge de ces dispositifs pour que les campagnes soient au maximum lancées, pilotées et suivies par les administrations locales ;
- la fongibilité des subventions publiques de l'État sera renforcée sous l'autorité des préfets, pour faciliter le financement de projets d'intérêt local majeur.
D'autres transformations seront engagées dans cet esprit, pour renforcer la cohérence de notre organisation au plan local. Le Premier ministre a décidé de lancer une mission d'évaluation interministérielle sur la situation des services départementaux de la jeunesse, de l'engagement et des sports en vue de leur transformation. Le Gouvernement tient à ce que ces services, placés depuis 2020 sous l'autorité des recteurs, voient leurs liens renforcés avec les préfets.
L'ensemble de cette réforme traduit une vision commune avec le Président de la République, et une ambition partagée de confiance au terrain, de proximité et d'efficacité.
Ces orientations vont devenir réalité à travers des modifications substantielles du décret du 29 avril 2004, dont la nouvelle version vient d'être délibérée en Conseil des ministres. Elles conduiront également à l'adoption prochaine de plusieurs autres décrets ainsi qu'à la diffusion d'une circulaire qui présentera l'ensemble du dispositif et sera diffusée aux ministres et aux préfets. Une modification législative sera nécessaire s'agissant des opérateurs.
La réforme que nous conduisons vise un seul objectif : l'efficacité de notre action territoriale de l'État pour répondre aux attentes de nos concitoyens sur l'ensemble du territoire national.