Texte intégral
ANTOINE COMTE
Bonjour Yannick NEUDER. Est-ce que j'ai face à moi ce matin un ministre qui a déjà fait ses cartons ou un ministre qui croit encore, qui pense que le miracle peut se passer et que François BAYROU peut être sauvé le 8 septembre prochain lors de ce vote de confiance ?
YANNICK NEUDER
Moi, je crois qu'il faut différencier l'action politique et puis l'action d'engagement au service des Français. Les problèmes de santé restent une principale priorité des Français, donc tout mon ministère, toute mon équipe, on est au travail. J'étais à Béziers hier, je serai en Lozère en fin de semaine. On est au travail parce qu'il y a beaucoup de sujets sur la santé des Français.
ANTOINE COMTE
Mais vous ne répondez pas à ma question. Vous dites que vous êtes mobilisé jusqu'au bout, mais est-ce que vous y croyez franchement ?
YANNICK NEUDER
Je crois que le vote n'a pas eu lieu, donc je pense qu'il y a une période de réflexion d'une dizaine de jours. Chaque député est face à sa situation de responsabilisation vis-à-vis de cette situation du pays et je crois que le Premier ministre est dans son rôle d'indiquer en fait l'urgence de la situation. Je me permets de rappeler quelques chiffres. 3 300 milliards de dettes, c'est 12 millions chaque heure de dettes supplémentaires. Puis si on veut convertir ça un peu dans des sujets qui parlent aux Français, c'est entre 100 et 250 hôpitaux par an que coûte l'annuité de la dette puisque nous sommes à 65 milliards de coûts de la dette, de l'annuité cette année. Nous serons à plus de 100 milliards en 2029. Donc c'est de notre rôle, en tout cas c'est mon rôle de ministre de la Santé, de faire prendre conscience de cette situation aux Français tout en maintenant le quotidien parce que la santé des Français est une priorité.
ANTOINE COMTE
Quand on regarde depuis cette annonce de lundi et de ce choix et cette volonté de François BAYROU d'engager la responsabilité de ce Gouvernement dont vous faites partie, les réactions ont fusé dans l'immédiat avec le RN, le Rassemblement national de Marine LE PEN qui ne souhaite pas accorder la confiance au Premier ministre, de même pour l'ensemble de la gauche, y compris le Parti socialiste. Il ne faut pas être très bon au math pour comprendre que ça ne devrait pas passer. C'est quoi la stratégie désormais dans les 12 jours qui restent pour essayer de convaincre ? Vous parliez tout à l'heure que chaque député vote de façon individuelle, que chacun finalement peut voter en son âme et conscience. C'est quoi le but ? C'est d'avoir des débauchages, d'essayer de convaincre dans chaque groupe, chaque député de sauver finalement le soldat BAYROU ?
YANNICK NEUDER
Écoutez, nous au niveau de la Droite républicaine, on prend nos responsabilités, on réaffirme notre soutien au socle commun. Ça a été fait hier par le président du parti. Il y a eu une réunion des députés et je comprends aussi que les députés veulent un certain nombre aussi de réassurances parce qu'au final il y a les consignes du parti, mais ce sont eux qui appuient sur le bouton et qui se positionnent avec un risque de dissolution. Donc ça fait partie des discussions normales qui sont en cours. Après, attention, moi j'alerte sur la stratégie du chaos. Rajouter du chaos au chaos, ce n'est pas ce qui va donner davantage de moyens à l'hôpital, ce n'est pas ce qui va améliorer les déserts médicaux, ce n'est pas ce qui va améliorer la formation de nos soignants. Et moi, tous ces dossiers, je les ai ouverts, ils sont sur la table et il faut continuer à avancer puisque d'ici quelques jours, je vais pouvoir annoncer justement le programme de lutte contre les déserts médicaux. Nous avions publié une carte, nous avons identifié les 150 lieux où on va commencer à mettre les premiers médecins sur la base du volontariat deux jours par mois. On va pouvoir finalement mettre aussi les docteurs juniors, 3 700 docteurs supplémentaires. Il y a toute la stratégie de prévention, la grippe ne va pas s'arrêter. Le 1er septembre, on va lancer la campagne de vaccination vis-à-vis de la bronchiolite. On a un système de santé à transformer pour s'adapter à la population.
ANTOINE COMTE
Votre mission continue, c'est ce que vous nous dites, au moins jusqu'au…
YANNICK NEUDER
Mais bien entendu. Et c'est ça aussi le quotidien des Français. Je suis tous mes week-ends dans ma circonscription, il y a eu un peu la phase d'été. J'ai pu discuter avec beaucoup de Françaises, de Français. Il y a le problème budgétaire, mais les Français veulent des solutions à leur quotidien. Et encore une fois, la santé est leur priorité.
ANTOINE COMTE
Juste pour revenir sur votre parti, les Républicains, certains parlementaires en effet hésitent encore à accorder leur confiance à François BAYROU. Ça serait quand même une vraie désillusion si vous avez une dizaine de députés LR qui n'accordent pas la confiance, alors que des ministres LR figurent dans ce Gouvernement, Bruno RETAILLEAU, vous-même et d'autres.
YANNICK NEUDER
La particularité quand même de notre groupe, puisque j'étais député et j'étais parlementaire, c'est la liberté quand même de vote. C'est quand même une action chacun, puisque chacun fait aussi en regard de sa circonscription. Mais dans une grande majorité, il y aura la confiance au Gouvernement. Après, chaque député est maître de son choix et il faut respecter ce temps aussi de questionnement, puisque tout ça est allé aussi très rapidement et très subitement, puisque nous-mêmes, les ministres, nous n'étions pas forcément informés.
ANTOINE COMTE
Vous avez été surpris. Vous n'avez pas été informés par François BAYROU finalement, vous, membres du Gouvernement ?
YANNICK NEUDER
Il y a eu une réunion d'information.
ANTOINE COMTE
Juste avant la conférence de presse. Mais avant, vous ne saviez rien sur les intentions de François BAYROU.
YANNICK NEUDER
Non.
ANTOINE COMTE
Une question sur le Parti socialiste. Ils sont 66. Eux ont décidé, c'est la doctrine officielle du parti d'Olivier FAURE, de ne pas accorder leur confiance à François BAYROU. Néanmoins, sans que François BAYROU essaie quand même encore de les convaincre dans cette dernière ligne droite. Il a dit hier depuis les universités d'été de la CFDT : "On va taxer les plus riches". Ça, ça peut fonctionner ? Est-ce que ça peut permettre de débaucher certains Socialistes ?
YANNICK NEUDER
Je pense que la situation de la France est au-delà d'un petit débauchage. Je pense que ce n'est pas l'histoire d'un homme, c'est l'histoire d'un pays. Je pense qu'il y a des questions de souveraineté. On a bien vu, vous le disiez avant mon interview, les marchés financiers s'agitent. La France augmente son taux d'emprunt puisqu'on est passé quasiment au niveau de l'Italie. On sera le pays de la zone Euro qui emprunte le plus cher, avec une annuité de la dette la plus importante. Je vous le disais, ça équivaut à plusieurs centaines d'hôpitaux par an qui pourraient être rénovés ou reconstruits. Donc je pense que ce n'est pas qu'une question de débauchage, c'est une question de responsabilité globale.
ANTOINE COMTE
Sauf que ça va se jouer siège par siège.
YANNICK NEUDER
Oui, ça va se jouer siège par siège. Mais est-ce qu'au final, le chaos instauré en refusant la confiance au Gouvernement va améliorer la dette, va améliorer les déserts médicaux, va améliorer la situation ? Donc il faut faire attention entre les calculs politiciens et la réalité du pays.
ANTOINE COMTE
Bon, si ça se passe mal dans 12 jours, le 8 septembre, t si François BAYROU doit démissionner, et le Gouvernement aussi, que doit faire désormais Emmanuel MACRON ? On sait qu'en tout cas 70 % des Français, selon le sondage, souhaitent le départ de François BAYROU. Ça c'est clair. Qu'est-ce qu'il doit faire Emmanuel MACRON ? Renommer un Premier ministre ? De quel bord politique ?
YANNICK NEUDER
Alors moi, je ne suis pas le président de la République, il faut respecter nos institutions.
ANTOINE COMTE
Mais vous avez un avis ?
YANNICK NEUDER
Évidemment qu'il faudra renommer un Premier ministre. La France ne peut pas rester sans budget et sans Premier ministre. Et de toute façon, les marchés financiers vont se rappeler très rapidement à nous. Et encore une fois, je le dis, on peut prendre, pour bien expliquer à tout le monde, à l'échelon individuel, c'est comme une situation de surendettement. Quand vous êtes en surendettement, que vous avez les huissiers à la porte, vous perdez votre autonomie, vous perdez votre liberté. Eh bien moi, je ne veux pas pour la France, pour mon pays que j'aime, une situation identique à celle de la Grèce. Donc il faut…
ANTOINE COMTE
Donc Yannick NEUDER, pardon, vous nous dites, il faut nommer un Premier ministre, il ne faut pas passer par une dissolution. Votre collègue de la justice, Gérald DARMANIN, disait que c'est une hypothèse qu'il ne faut pas exclure. François BAYROU lui-même le dit aussi.
YANNICK NEUDER
Ça fait partie des hypothèses qui sont dans notre Constitution. C'est le choix, encore une fois, du président de la République. Mais je ne suis pas sûr qu'une dissolution règle le problème et donne une majorité. Il y a trois groupes au niveau de l'Assemblée nationale. Et je pense que ce qui donnera une solution, ça sera la présidentielle de 2027, conformément au respect de nos institutions. Mais on peut continuer à travailler, à bâtir des réformes. Moi, c'est tout le sens de mon engagement. Les déserts médicaux ne seront pas résolus d'ici 2027. Il faudra mettre en place une réforme de notre système de santé, faire davantage de prévention. Tous ces sujets, il n'y a pas de temps à perdre. Commençons-les maintenant, avec tous ceux qui veulent se retrousser les manches pour les Français, et ce sera continué en 2027.
ANTOINE COMTE
Yannick NEUDER, question très rapide. Vous parliez de la présidentielle de 2027. Certains appellent à une présidentielle anticipée, avec une démission d'Emmanuel MACRON. C'est notamment le cas désormais du Rassemblement national, Jordan BARDELLA, et de la France insoumise depuis un certain temps. Qu'est-ce que vous leur répondez ?
YANNICK NEUDER
Moi, je crois qu'il faut respecter nos institutions et que les partis d'extrême, moi, je ne suis pas membre d'un Gouvernement, je n'ai pas fait cet engagement en tant que Gaulliste politique pour confier les clés du pays à une extrême, quelle qu'elle soit. Donc je crois qu'il y a des périodes difficiles. Ce n'est pas en rajoutant du chaos au chaos qu'on va améliorer la situation. Je crois qu'au contraire, il faut se retrousser les manches. Il faut travailler davantage, dans de meilleures conditions, et faire face à nos responsabilités. Parce qu'au bout de la chaîne, moi, je pense à tous les patients qui sont en attente de soins, qui sont en attente de situations. Je pense aussi à tous les professionnels de santé qui ont pu faire en sorte que l'on puisse passer l'été dans de relatives bonnes conditions, malgré le réchauffement climatique, la canicule. Donc je crois que vis-à-vis de toutes ces personnes qui sont très engagées au service des autres, il faut qu'on tienne la barre. Et c'est ce qu'on demande d'un ministre de la République.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 septembre 2025