Texte intégral
SONIA MABROUK
Bonjour et bienvenue Manuel VALLS.
MANUEL VALLS
Bonjour Sonia MABROUK.
SONIA MABROUK
Vous êtes le ministre des Outre-mer, évidemment ancien Premier ministre. C'est votre grande interview ce matin sur CNews-Europe 1. Au moment où, pour beaucoup, l'après-BAYROU a déjà commencé, plus singulièrement, monsieur le ministre, est-ce que vous êtes ce matin un ministre déjà sur le départ, en partance, ayant fait ses cartons ?
MANUEL VALLS
J'ai le sentiment, depuis que je suis arrivé dans ce Gouvernement, à la demande de François BAYROU, que nous sommes toujours en sursis, vu la situation politique et l'instabilité qui règne à l'Assemblée nationale. Mais je me suis fixé, comme règle, d'être concentré sur ma mission. Je reviens de la Nouvelle-Calédonie, pour continuer à présenter le projet que nous avons accordé à Bougival, et pour ramener ce territoire sur le chemin de la paix et du redressement. Lundi et mardi, je serai à Mayotte. Donc je continue dans ma mission, même si rien ne m'échappe, et je vois bien qu'il y a quelques nouvelles à Paris. J'étais assez surpris, d'ailleurs, de vivre tout cela depuis Nouméa. C'est assez surprenant de vivre ça de l'autre côté du monde, même si c'est sur un territoire français.
SONIA MABROUK
Et qu'en sera-t-il le 8 septembre ? Est-ce que c'est du déni ou du cynisme de la part de François BAYROU de laisser penser, comme hier, Manuel VALLS, qu'il y a encore une voie de passage à l'Assemblée, alors qu'arithmétiquement, politiquement, tous jouent contre vous, y compris, d'ailleurs, dans l'opinion publique ?
MANUEL VALLS
Nous verrons bien. Il reçoit, je crois, les présidents des groupes parlementaires, les chefs de partis, parce qu'il faut, je crois, tenter de convaincre et trouver un chemin.
SONIA MABROUK
Pourquoi si tard ? Personne ne croit que les oppositions étaient en vacances.
MANUEL VALLS
Mais revenons peut-être à l'essentiel, parce que, ne soyons pas hypocrites, ce qui peut se jouer le 8 septembre prochain allait se jouer, de toute façon, à l'occasion du débat budgétaire, à travers un 49.3, une motion de censure. Et donc tout le monde se préparait à une nouvelle crise. Mais je crois que l'essentiel n'est pas là. L'essentiel, c'est comment nous réussissons à stabiliser le pays, qui fait face, comme beaucoup de démocraties d'ailleurs, à une véritable crise démocratique, qui peut chez nous se transformer en crise de régime. Et nous faisons face à une crise des finances publiques, avec un niveau de dette et un niveau de déficit public, ce que dit le Premier ministre avec beaucoup de courage depuis plusieurs mois, et n'est pas entendu. Comment faisons-nous face à cela ? Il faut trouver les moyens d'un accord sur le budget, il ne peut pas y avoir d'autres solutions.
SONIA MABROUK
En quoi accorder la confiance à François BAYROU permettrait de régler une telle situation qui perdure depuis déjà très longtemps ?
MANUEL VALLS
Pour se mettre d'accord, comme il le dit lui-même, sur le constat, et surtout pour trouver ensuite les moyens d'un accord, c'est possible, me semble-t-il, pour la loi de finances et pour la loi de financement de la Sécurité sociale, dans les prochaines semaines.
SONIA MABROUK
Un accord est encore possible aujourd'hui ?
MANUEL VALLS
Mais ce n'est pas qu'il est possible, c'est qu'il est indispensable. Sinon, quelle est la solution ?
SONIA MABROUK
C'est moi ou le chaos, en réalité ? C'est ce que vous dites.
MANUEL VALLS
Oui, je pense qu'il ne faut peut-être pas caricaturer les choses ainsi. Ne prenons pas en otage ni les formations politiques ni les Français, mais trouvons une solution. Sinon, c'est quoi l'alternative ?
SONIA MABROUK
La dissolution, monsieur le ministre.
MANUEL VALLS
La dissolution, mais nous le savons, d'ailleurs, il faut bien le reconnaître ; la dissolution, c'est pour les formations politiques du Gouvernement, pour Les Républicains, pour ce qu'on appelle le bloc central, ceux qui ont soutenu Emmanuel MACRON depuis 2017. Pour le Parti Socialiste aussi, c'est la menace d'une quasi-disparition et de se retrouver entre LFI et le Rassemblement National, qui d'ailleurs, sur les questions budgétaires et financières, portent à peu près le même programme. Non, je crois qu'il faut être sérieux dans ce moment-là. Au-delà de ce que pense l'opinion publique, moi, j'en appelle à l'effort, à un sursaut des formations politiques du Gouvernement pour trouver un accord sur le budget. Ce n'est pas le moment. Alors que nous faisons face à des tensions géopolitiques immenses avec la question toujours de l'Ukraine. Alors qu'il faut non pas faire voter les Français, mais régler le problème des déficits et de la dette, il faut trouver donc une solution, des accords. La France a besoin d'un budget. Est-ce que vous vous rendez compte si dans quelques semaines, nous n'avons pas de budget, ce qui peut se passer sur les marchés ? D'ailleurs on le sent déjà.
SONIA MABROUK
On a déjà entendu cette même musique, Manuel VALLS. À la dernière dissolution, pardonnez-moi, certains avaient dit que ce serait cataclysmique et nous en sommes là aujourd'hui. En quoi ne pas retourner aux urnes pour les Français… en quoi ce n'est pas une solution ?
MANUEL VALLS
Mais est-ce que vous êtes sûr que ça réglerait le problème ?
SONIA MABROUK
Je vous pose une question. Vous ne pensez pas que…
MANUEL VALLS
Je n'en sais rien, je ne crois pas. Nous vivons les effets, évidemment, de la dissolution de juin 2024.
SONIA MABROUK
Que vous considériez comme un poison – je le rappelle à nos auditeurs et téléspectateurs – à l'époque.
MANUEL VALLS
Mais ce poison est toujours là, je ne me dénie pas. Nous voyons même pourquoi. Parce que la Cinquième République, la France, c'est le génie, il faut revenir à l'origine du général de GAULLE, de créer les conditions de la stabilité. Si notre pays… Nous ne sommes pas une démocratie du nord de l'Europe, nous n'avons pas la même culture que l'Allemagne. De ce point de vue-là, nous sommes évidemment différents avec notre propre génie, avec nos défauts, mais aussi, évidemment, tous nos atouts. S'il y a de l'instabilité permanente, nous causons les conditions, nous provoquons les conditions d'une crise de régime.
SONIA MABROUK
Qui provoque cette instabilité ? Expliquez-nous vraiment clairement ce matin. Ne pas être en accord avec le plan et les idées de la Macronie ou de François BAYROU, est-ce que c'est être forcément un artisan du chaos et de l'instabilité ?
MANUEL VALLS
Non, mais c'est pour ça qu'il faut trouver un accord. Le Premier ministre, le 15 juillet, a mis un certain nombre de propositions sur la table.
SONIA MABROUK
Qui ont fait hurler, en grande partie, les Français.
MANUEL VALLS
Elles doivent être discutées, elles doivent être négociées. Je suis convaincu – même si tout le monde n'est pas d'accord – qu'il y a une voie de passage pour que le budget soit évidemment à la hauteur des déficits, bien évidemment. Il faut se mettre d'accord sur ce constat.
SONIA MABROUK
Mais qui n'est pas d'accord sur le constat ? La question est que certains ne sont pas d'accord sur les propositions, les solutions.
MANUEL VALLS
Alors il faut travailler bien évidemment sur les solutions et pour que ce budget soit à la fois le plus efficace possible pour faire face à ces déficits.
SONIA MABROUK
Vous y croyez encore, ce matin ?
MANUEL VALLS
Je crois qu'on n'a pas le choix.
SONIA MABROUK
En lisant la presse et d'autres, pardonnez-moi…
MANUEL VALLS
Oui, mais parce que, encore une fois, je ne vois pas d'alternative. Les efforts qu'il faut faire en matière de retraite, en matière de santé, réduire le déficit et la dette. Alors il faut trouver des solutions. Évidemment, elles doivent être justes sur le plan fiscal et social. Chacun doit être mis à contribution, y compris les plus riches, les grandes entreprises. Chacun doit faire un effort…
SONIA MABROUK
Évidemment, les plus riches, pour vous.
MANUEL VALLS
Oui. Chacun doit participer de cet effort. Si vous voulez, et je crois que c'est le courage de François BAYROU, c'est de tenir un discours de vérité.
SONIA MABROUK
Alors justement, quelle est la vérité, Emmanuel VALLS, sur notre situation budgétaire ?
MANUEL VALLS
C'est le pays lui-même, sans doute le quoi qu'il en coûte a, de ce point de vue-là, pesé beaucoup. On a le sentiment que dès qu'on touche – et c'est normal – à un secteur, dès qu'il faut faire un certain nombre de réformes, elles sont forcément difficiles, le pays se braque parce qu'il y a sans doute une crise de confiance.
SONIA MABROUK
C'est la fameuse expression, "c'est Nicolas qui paie". C'est surtout les mêmes qui ont l'impression de trinquer et de porter la charge.
MANUEL VALLS
Exactement, c'est vrai, en termes de fiscalité et de charge, vous avez tout à fait raison. Donc c'est pour ça qu'il faut discuter.
SONIA MABROUK
Mais quelle est la vérité ?
MANUEL VALLS
S'il n'y a pas de discussion, alors qu'il n'y a pas de majorité à l'Assemblée nationale, nous allons alors dans le mur avec une crise d'origine.
SONIA MABROUK
Est-ce nous n'y sommes pas, dans le mur ? Parce que quand on a écouté attentivement le ministre de l'Économie il y a quelques jours – c'était intéressant – le même Éric LOMBARD, le matin, ne dit pas la même chose que le soir. Le matin, il a quand même dit que la France risquait d'être sous tutelle du FMI ; ce n'est pas rien pour un pays comme le nôtre. Et puis le voilà qu'il corrige ses propos, le soir, sans doute recadré par Matignon. Où est la vérité ?
MANUEL VALLS
La situation est suffisamment grave pour ne pas en rajouter.
SONIA MABROUK
Il en a rajouté.
MANUEL VALLS
Il suffit de voir les différences entre les taux d'intérêt entre l'Allemagne et la France et même l'Italie, pour se rendre compte que nous sommes dans une situation difficile. Est-ce qu'on peut vivre avec cette dette et ces déficits ? Non, il faut évidemment les réduire. Mais de l'autre côté, il faut aussi travailler davantage pour produire davantage. Parce que là encore, François BAYROU l'avait dit il y a quelques semaines, c'est sans aucun doute là où nous accumulons le plus de retard. Ça ne veut pas dire que nous n'avons pas une industrie qui fonctionne, des investissements dans toute une série de secteurs, de l'énergie bien évidemment, des transports, dans bien des domaines. Nous avons des atouts, je pense bien sûr au nucléaire. Sur tous ces sujets-là, nous avons des atouts, mais nous savons qu'il faut faire un effort collectif. Et pour cela, dans la situation politique que nous connaissons, avec l'Assemblée que nous avons, il faut essayer de construire un accord.
SONIA MABROUK
La plupart d'entre vous, vous n'écoutez pas ce que disent les Français.
MANUEL VALLS
Si, moi je les écoute très attentivement.
SONIA MABROUK
La plupart pensent déjà à l'après-BAYROU ; certains sont déjà dans l'après-Emmanuel MACRON, et d'ailleurs il n'y a pas que la solution de la dissolution. Comment vous appréhendez, vous jugez, certains appels, ou en tous les cas la piste de la démission, vous qui avez été Premier ministre ?
MANUEL VALLS
De la démission du Président de la République, j'imagine… Mais il faut donc provoquer une crise de régime. Il faut créer les conditions de ce qui sera une crise à répétition. C'est-à-dire qu'on continue de dissoudre, et maintenant l'idée c'est la démission du Président de la République. Non. Non, parce que, moi j'écoute les Français, mais le rôle des responsables politiques, vous avez raison, c'est de les écouter. Mais nous n'avons pas besoin de suivre en permanence tous les mouvements de l'opinion. Notre rôle, c'est dans la mesure du possible, même si je ne méconnais pas le rejet profond de ce qu'on appelle la classe politique, je le sais, et des élites d'une manière générale. Mais moi, à travers mon expérience, je veux dire les choses telles que je crois. Nous n'avons pas besoin d'élections législatives de nouveau qui ne régleraient pas le problème.
SONIA MABROUK
Pas de dissolution, pas de démission, on continue comme ça ? On va dans le mur ?
MANUEL VALLS
Non, il ne faut pas aller dans le mur, il faut trouver une solution. La responsabilité, c'est…
SONIA MABROUK
Mais il y a un compromis avec une telle assemblée éclatée, avec aujourd'hui un climat politique aussi exacerbé et paroxystique ?
MANUEL VALLS
Mais j'en appelle une nouvelle fois, parce que du Parti Socialiste…
SONIA MABROUK
Vous en appelez à qui d'ailleurs, pardonnez-moi ?
MANUEL VALLS
Du Parti Socialiste jusqu'aux Républicains, passant par…
SONIA MABROUK
Pourquoi exclure La France Insoumise et leur Rassemblement National ?
MANUEL VALLS
Mais parce qu'ils disent clairement que… La France Insoumise demande ou des élections législatives, ou la révocation du Président de la République. Nous savons en plus aujourd'hui qu'il n'y aura pas d'alliance sur le fond ni aux élections entre LFI et le Parti Socialiste.
SONIA MABROUK
Vous en êtes sûr ?
MANUEL VALLS
Nous verrons bien. Et de l'autre côté, le Rassemblement National est à peu près dans la même position.
SONIA MABROUK
Il vous a épargné avec certaines motions de censure qui ne sont pas passées.
MANUEL VALLS
Mais aujourd'hui, je dis bien, je pense que l'agenda du Rassemblement National, c'est de créer les conditions d'une crise politique. Je peux d'ailleurs, d'une certaine manière, les comprendre pour qu'ils puissent arriver au pouvoir. Attendons 2027 et d'ici là, stabilisons les choses, construisons un budget. Rien ne nous dit que de nouvelles élections, et encore pire, la démission du Président de la République forcée par je ne sais qui, réglerait les problèmes. Dans ce moment-là, les formations politiques qui ont gouverné, qui aspirent à gouverner, doivent trouver le chemin d'un accord. Alors, je vous donne raison. Si on n'y arrive pas, je vois très bien ce qui va se passer.
SONIA MABROUK
C'est-à-dire ?
MANUEL VALLS
Les solutions que vous avez évoquées…
SONIA MABROUK
La dissolution qui affaiblirait, pour vous, de nouveau la France ?
MANUEL VALLS
Oui, mais parce qu'on rentre dans un mouvement, parce que nous ne savons pas ce que donneront ces élections législatives. Et on risquerait d'être encore plus affaibli.
SONIA MABROUK
Les principes d'une démocratie, j'entends.
MANUEL VALLS
Oui, mais nous l'avons déjà éprouvé, pardon, il y a un an.
SONIA MABROUK
Et c'est le ministre des Outre-mer qui…
MANUEL VALLS
On ne va peut-être pas jouer avec ça en permanence.
SONIA MABROUK
Et c'est le ministre des Outre-mer qui avertit, puisque vous avez, Manuel VALLS, des dossiers d'importance, notamment la Nouvelle-Calédonie. D'ailleurs, l'accord de Bougival que vous portez à bout de bras, ça fait déjà plusieurs mois de négociations, de concertations. Cet accord, je le rappelle, il se fait avec toutes les forces politiques calédoniennes, sauf les forces indépendantistes du FLNKS. En tous les cas, tout est gelé ? Tout est arrêté, là ?
MANUEL VALLS
C'est un des sujets qui me préoccupe, précisément avec ce qui est en train de se passer. Parce que la Nouvelle-Calédonie, c'est à 18 000 km d'ici, c'est 270 000 habitants, mais ça pèse beaucoup dans l'inconscient collectif, puisque c'est une décolonisation qu'il faut achever. Toutes les forces politiques non indépendantistes, centristes aussi, nationalistes ou autonomistes, et une partie des indépendantistes, notamment le Palika et l'UPM, qui sont des formations historiques du FLNKS et qui en sont sortis il y a un an et demi, soutiennent cet accord… L'immense majorité de la population calédonienne, quelles que soient les origines, aussi. Et j'ai renoué le contact avec le FLNKS pour trouver une solution.
SONIA MABROUK
Vous êtes tributaire de la situation politique.
MANUEL VALLS
Mais vous avez raison, nous avons prévu de reporter les élections provinciales au mois de juin. Donc il y a une loi qui est prévue et qui doit passer à la fin du mois de septembre au Sénat, et une réforme constitutionnelle après.
SONIA MABROUK
Si elle peut passer.
MANUEL VALLS
Mais ça fait partie aussi de l'appel que je lance à la responsabilité, parce que ce dossier calédonien est aujourd'hui tributaire, en effet, de la situation politique nationale. Et moi je me bats pour la Nouvelle-Calédonie, mais aussi par la France, parce que c'est l'avenir de la France dans le Pacifique qui est également concerné par le dossier de la Nouvelle-Calédonie.
SONIA MABROUK
Les Français, et notamment les Français juifs, sur le plan de la lutte contre l'antisémitisme, Manuel VALLS, on connaît votre engagement depuis toujours. Emmanuel MACRON a rejeté en bloc les accusations du Premier ministre, Benyamin NETANYAHOU, dans une lettre où il affirme que de telles accusations sont une offense à la France entière. Pourquoi de nombreux Français, juifs notamment, estiment qu'il n'en fait pas assez pour leur sécurité, pour leur protection, pour qu'ils restent en France dans leur pays ?
MANUEL VALLS
Depuis de nombreuses années, j'en sais quelque chose, les gouvernements successifs se battent contre la haine des juifs et contre l'antisémitisme. C'est vrai dans notre législation, c'est vrai à travers l'action de la police et de la gendarmerie ou de la justice, c'est vrai dans la protection des sites, écoles, synagogues, centres culturels, des sites juifs de notre pays. Mais il y a quelque chose de beaucoup plus profond. Grande majorité aujourd'hui, dans les enquêtes d'opinion, des Français juifs souhaitent partir. J'avais déjà éprouvé ce sentiment en 2015. C'est pour cela que j'avais dit que la France sans les juifs ne serait plus la France.
SONIA MABROUK
Pourquoi le Président ne reprend-il pas cette phrase ?
MANUEL VALLS
C'est à lui de la reprendre…
SONIA MABROUK
Mais selon vous, quand même c'est important. Un tel message envoyé pourrait rassurer une communauté… Pourquoi n'est-elle pas prononcée…
MANUEL VALLS
Il est essentiel, il est vital, il est existentiel. Si les Français juifs partent de notre pays, nous perdons une grande partie de ce que nous sommes. Le judaïsme fait partie, évidemment, de l'âme de notre pays. Donc, voir ces départs, c'est pour moi une douleur. Il faut faire très attention, parce que nous sommes dans un moment de rupture. Il faut trouver les mots, les expressions, au-delà même de la lutte contre l'antisémitisme.
SONIA MABROUK
Qui n'a pas trouvé les mots, les expressions ? Je vais poser ma question plusieurs fois. Elle est importante quand même parce que l'exemple, les mots qui rassurent viennent du sommet de l'État. Pourquoi ils ne sont pas venus ?
MANUEL VALLS
Emmanuel MACRON a souvent trouvé ces mots. Il ne faut pas être non plus totalement injuste.
SONIA MABROUK
Il n'a pas marché contre l'antisémitisme… Vraiment ?
MANUEL VALLS
Oui, il y a eu cette absence lors de la marche pour la République et contre l'antisémitisme. Il y a, évidemment, les prises de position qui sont celles de la France.
SONIA MABROUK
Il peut en faire plus ? Vous l'appelez aujourd'hui à un discours, à une prise de parole.
MANUEL VALLS
Il faut faire très attention à ce qui est en train de se passer. Je ne sais pas si on peut rassurer, je ne sais pas si on peut toujours trouver les mots. Mais il faut être à la hauteur de cette douleur profonde qui est parmi nos compatriotes français juifs.
SONIA MABROUK
En tout cas, Emmanuel MACRON a répondu sèchement à Israël. Mais qu'en est-il de l'Algérie, monsieur le ministre ? On a entendu sur Europe 1 le nouvel appel à l'aide de l'une des filles de Boualem SANSAL, alors que l'écrivain franco-algérien est emprisonné dans les geôles algériens depuis neuf mois. Pourquoi ne pas adopter le même ton avec Alger ?
MANUEL VALLS
J'étais bouleversé par l'entretien de la fille de Boualem SANSAL. Ça fait neuf mois qu'il est dans les geôles algériennes. La France a changé, me semble-t-il, de ton dans un rapport de force diplomatique.
SONIA MABROUK
Vous pensez qu'elle a changé de ton, la France, avec l'Algérie ?
MANUEL VALLS
Je crois que nous devons nous mobiliser à un niveau que nous n'avons pas atteint. Je serai à Autun demain lors des journées organisées par Jean-Michel BLANQUER qui est très impliqué sur ce sujet-là comme sur bien d'autres. Il faut changer de ton. Il faut que les Français se rendent bien compte que cet écrivain franco-algérien qui défend notre langue avec un talent extraordinaire…
SONIA MABROUK
Est-ce que tout le monde au Gouvernement s'en rend compte et au sommet de l'État puisque ce ne sont pas les Français qui vont le libérer de ça ?
MANUEL VALLS
La diplomatie française a agi. Mais d'une manière générale, je pense que parmi la classe politique, ça a été vrai.
SONIA MABROUK
Monsieur MACRON a convoqué l'ambassadeur américain. C'est le numéro 2 qui est venu et qu'en est-il…
MANUEL VALLS
Il n'y a plus d'ambassadeur d'Algérie dans notre pays.
SONIA MABROUK
On peut communiquer par d'autres canaux.
MANUEL VALLS
Il faut continuer à communiquer, à peser sur ce régime. Mais il faut, au-delà, une mobilisation. Nous avons eu les mêmes divisions dans le monde politique-intellectuel français, notamment au moment de la fatwa contre Salman Rushdie. Un écrivain, qui plus est un compatriote désormais, qui est enfermé, c'est une cause qui doit mobiliser le pays des lumières, le pays des droits de l'homme, le pays qui se réclame toujours de la culture.
SONIA MABROUK
Puissiez-vous être entendu évidemment. Merci Emmanuel VALLS. C'était votre "Grand entretien". Bonne journée et à bientôt.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 septembre 2025