Interview de Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargé du commerce, de l'artisanat, des PME et de l'économie sociale et solidaire, à BFM Business le 28 août 2025, sur le soutien aux entreprises.

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Média : BFM Business

Texte intégral

LAURE CLOSIER
8 h 08 sur BFM Business et sur RMC Découverte. On est toujours depuis Roland-Garros, avec notre invitée, Véronique LOUWAGIE. Bonjour, vous êtes ministre déléguée, chargée du Commerce, de l'Artisanat, des PME et de l'Économie sociale et solidaire. On a eu un patron du MEDEF, il y a quelques instants, sur notre antenne, assez offensif. Disons très clairement que si les politiques refusent de comprendre comment fonctionne l'économie, on va voir, à un moment donné, ce que ça fait si les chefs d'entreprise lèvent le crayon. Clairement, le ton monte entre le patron du MEDEF et les politiques. Comment vous réagissez à ce type de menaces ?

VERONIQUE LOUWAGIE
Bonjour. Je suis très heureuse d'être là, je dirais, pour défendre aussi les entrepreneurs. Étant ministre des entrepreneurs, j'entends les inquiétudes qui sont formulées depuis lundi. J'ai entendu Patrick MARTIN, j'ai eu l'occasion d'échanger avec lui. Je veux dire aux entreprises qu'effectivement, elles ont besoin de stabilité, elles ont besoin de visibilité et de lisibilité. Et que l'entreprise, cela va être la solution pour sortir de la crise dans laquelle nous sommes. Nous avons une crise qui est formulée et qui tient compte de la situation de l'endettement de notre pays, une situation des dépenses publiques qui existe. Nous devons sortir de cette situation de surendettement. Pour cela, l'entreprise peut être la solution. C'est l'entreprise qui crée de la richesse. Alors, effectivement, nous devons entendre l'entreprise. J'entends. J'ai un certain nombre d'échanges avec l'ensemble des entreprises depuis que je suis ministre, et avant. J'ai été moi-même chef d'entreprise, j'ai été experte comptable, j'ai accompagné des entreprises. Nous devons soutenir ces entreprises et nous devons les entendre. Elles doivent améliorer leur compétitivité. Et il y a une inquiétude, aujourd'hui, qui est formulée sur le niveau des impôts. Moi, je veux leur dire aujourd'hui qu'il ne faut pas augmenter les impôts. Nous devons soutenir un certain nombre de mécanismes qui existent. Je pense au crédit d'impôt recherche, qui a été évoqué. Je pense au pacte du DUTREIL qui participe à la transmission, à la reprise.

LAURE CLOSIER
Donc, il ne faut pas toucher ni l'un ni l'autre ? Ce sont deux pistes potentielles qui, dans les niches fiscales, pourraient être touchées. Pour vous, il ne faut pas y toucher ?

VERONIQUE LOUWAGIE
Je considère qu'aujourd'hui, il faut soutenir nos entreprises. La situation est compliquée. Il y a une compétitivité internationale. Il y a un certain nombre de sujets qui pèsent sur les entreprises. Nous avons une croissance qui n'est pas forcément au rendez-vous. Il y a une situation européenne aussi en difficulté. L'Allemagne, aujourd'hui, est en situation de croissance négative au deuxième trimestre. Donc, il est important de soutenir nos entreprises. Il nous faut créer de la richesse. Et c'est l'entreprise qui crée de la richesse.

LAURE CLOSIER
Et justement…

VERONIQUE LOUWAGIE
Donc, toutes les pistes qui concernent le soutien aux entreprises, l'amélioration de la compétitivité des entreprises, doivent être maintenues. Et il ne faut pas toucher à ces mécanismes.

LAURE CLOSIER
Est-ce qu'il y a le soutien ? Il y a les entreprises qui ont besoin d'aide, etc. On parlera du secteur du textile dans quelques instants. Mais il y a juste ceux qui disent ; " Laissez-nous bosser, en fait. Arrêtez de nous asphyxier par les impôts. " C'est un cas. Mais il y a aussi l'ensemble des règles demandées, des normes. À un moment donné, c'est juste ça, en fait, le sujet, c'est : " Laissez-nous produire ".

VERONIQUE LOUWAGIE
Alors, je pense qu'il faut libérer, je dirais même, probablement, libérer le travail. Durant mes vacances, j'ai eu l'occasion d'échanger avec des commerçants. Certains me disaient, vous voyez : " Moi, j'ai des salariés, là, qui voudraient travailler plus. Mais ils ne peuvent pas. Nous sommes au maximum du contingent d'heures supplémentaires. " Donc, vous voyez, il y a des pistes là. Il nous faut travailler sur ces pistes. Sur la simplification, vous avez…

LAURE CLOSIER
Deux ans qu'on a la loi simplification.

VERONIQUE LOUWAGIE
Oui, alors, elle est quasiment arrivée à son terme, puisque nous aurons la commission mixte paritaire dont l'agenda est prévu le 30 septembre, qui va participer. Il y a un certain nombre de simplifications : en termes de procédures, la suppression d'un certain nombre de comités. Il y a des dispositifs concernant les baux commerciaux qui vont permettre de libérer 2 milliards de trésorerie au niveau des loyers. Il y a un certain nombre de mécanismes sur la simplification, également, en matière de commandes publiques. Mais effectivement, vous avez raison. Juste sur la simplification, puisque vous parliez de délai. Depuis le début.

LAURE CLOSIER
Vous parlez du 30 septembre, hein ?

VERONIQUE LOUWAGIE
Voilà, 30 septembre.

LAURE CLOSIER
C'est très, très, loin quand même, hein. Il peut se passer qu'il n'y a plus de parlementaire, plus de Gouvernement.

VERONIQUE LOUWAGIE
En tout cas, le Parlement continue. Il sera en session le 30 septembre, et il pourra tenir sa commission mixte paritaire. Voilà. Donc, effectivement, je partage que c'est un petit peu long. Mais un exemple en matière de simplification : sur les CERFA. Nous avons 1 800 CERFA en France. J'en ai supprimé 250 depuis le début de l'année. Ces 250 CERFA, c'est un million de téléchargements dans le domaine des entreprises. Donc, voilà. Ça, ce sont des pistes concrètes de simplification. Mais vous avez raison, il nous faut continuer à agir sur la simplification. Le poids administratif au niveau des entreprises en France, c'est 4% du PIB, alors que dans d'autres pays, c'est moins de 1%.

LAURE CLOSIER
Véronique LOUWAGIE, vous faisiez partie du déplacement dans l'usine du COQ SPORTIF. C'était dans l'aube. C'était mardi matin. Objectif : soutenir la filière textile française, avec un coq sportif qui a eu de multiples difficultés, qui a été repris par Dan MAMANE. C'était au milieu de l'été. 50 000 emplois perdus dans la filière textile depuis quasiment 10 ans. Est-ce que ça vaut le coup de sauver, je vous le dis franchement, une boîte comme le COQ SPORTIF ? On parlait de CARMAT hier, qui est dans le coeur artificiel. Des boîtes qu'on laisse tomber. L'État a dit clairement qu'il n'aiderait pas. Le COQ SPORTIF, ça vaut le coup ?

VERONIQUE LOUWAGIE
Je dirais que toutes les entreprises méritent d'être sauvées. Il y a des approches particulières qui doivent être adaptées, puisque chaque cas est un cas particulier. Le COQ SPORTIF est une très belle entreprise qui participe, par ailleurs, à tout un écosystème. À Troyes, dans l'Aube, il y a toute une filière textile qui est organisée autour du COQ SPORTIF, et d'autres sur d'autres segments d'activité dans le textile. Donc, oui, il faut soutenir et développer cette filière textile.

LAURE CLOSIER
Mais il y a une demande pour des produits comme celui du COQ SPORTIF, face à des gens qui veulent acheter chinois très peu cher.

VERONIQUE LOUWAGIE
De manière très précise, les dirigeants nous ont exposé leur plan. Un plan solide, un plan stratégique, ouvert sur l'exportation. Aujourd'hui, le coq sportif a une activité qui se présente 95% en France et 5% à l'exportation. Le projet est d'aller sur une situation qui serait complètement renversée : avec 95% à l'exportation, notamment en allant sur le marché des États-Unis. Voilà. Donc, ça, ce sont des pistes. Je pense que tout ce qui peut participer, au niveau de l'État, à soutenir ces entreprises, à soutenir cette filière, doit être fait. En tout cas, c'est ce qui a été engagé avec le soutien de l'État, avec le soutien des acteurs locaux également.

LAURE CLOSIER
Mais ça vaut le coup de soutenir des entreprises de moyenne gamme dans le textile, de mettre des barrières à l'entrée au niveau européen, au niveau français, aux produits chinois, alors que la demande n'est pas forcément là ? C'est-à-dire est-ce qu'on ne se poumonne pas, en fait, finalement, à vouloir sauver un secteur qui est perdu d'avance ? Je suis désolée de le dire, mais sur le textile français, est-ce que vraiment, il y a de l'avenir ?

VERONIQUE LOUWAGIE
Le secteur n'est pas perdu. Nous avons eu l'occasion d'échanger sur une table ronde avec l'ensemble, un grand nombre, d'acteurs de la filière, un grand nombre d'entreprises du textile, qui ont des pistes, qui ont des plans. Alors, effectivement, il nous faut les aider et il nous faut lutter également contre la concurrence déloyale que vous évoquiez. Cette concurrence déloyale, elle est très forte, elle s'accroît. Je pense à tout ce qui concerne les plateformes SHEIN, TEMU. Je voudrais juste rappeler qu'aujourd'hui, 25% de l'e-commerce en matière de textiles s'effectue au travers ces plateformes. Donc, il nous faut intervenir. En tout cas, c'est ce que nous avons fait au niveau du Gouvernement en relançant la proposition de loi Fast Fashion, qui va permettre, effectivement, de créer un malus sur tous ces textiles ultra Fast fashion. Un malus qui pourra être de 5 Euros la première année.

LAURE CLOSIER
Et qui fera évoluer les prix, hein.

VERONIQUE LOUWAGIE
Oui. Et qui évoluera jusqu'à 10 Euros. J'ai engagé également au niveau de la répression des fraudes, de la DGCCRF, un certain nombre de process en ayant demandé un triplement des contrôles des éléments, des articles, qui viennent de ces plateformes : sur la régularité, la conformité. J'ai demandé également à ce que les contrôles soient ciblés sur ces plateformes avec une prise en charge à 360 degrés de tous les prismes au niveau des contrôles. Et nous sommes en train d'établir un protocole également pour qu'il y ait une communication d'informations entre les douanes et la répression des fraudes, une communication d'informations systématique pour encore mieux cibler les contrôles.

LAURE CLOSIER
Un mot pour terminer, Véronique LOUWAGIE, sur des mouvements sociaux à venir. Par exemple, " bloquons tout ", le 10 septembre, avec des inquiétudes de commerçants. On était il y a quelques jours avec le patron d'Etam qui disait " Fermez, bâchez mes magasins, c'est une journée de perdue, on ne peut pas se le permettre. " On a, là, un secteur du Retail inquiet face à des mouvements sociaux.

VERONIQUE LOUWAGIE
Écoutez. Je pense qu'on peut être inquiet. Bloquer un pays n'est pas une solution. Effectivement, il peut y avoir des expressions qui soient établies, mais le blocage n'est pas une piste. Il faut des propositions. Et en tout cas, j'entends ces commerçants qui vont perdre probablement une journée de travail, peut-être même plus, parce que ça crée toujours un effet un peu plus important.

LAURE CLOSIER
Et des clients qui ne viennent pas.

VERONIQUE LOUWAGIE
Et des clients qui ne viennent pas. Et moi, je pense qu'il faut lever toutes les inquiétudes qui peuvent exister. Il faut que nous retrouvions très vite une stabilité, une visibilité, parce que les Français sont inquiets de la situation. Et je pense qu'il faut prendre en compte cette inquiétude et apporter des réponses et faire en sorte que nous puissions discuter pour avoir un budget, un budget équilibré en prenant en compte une participation des efforts des uns et des autres.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 septembre 2025