Texte intégral
La ministre des outre-mer a présenté un projet de loi constitutionnelle relatif à la Nouvelle-Calédonie.
Il vise à transcrire dans la norme suprême l'accord de Bougival, signé le 12 juillet 2025 et publié au Journal officiel le 6 septembre 2025. Cet accord, qui fait suite au sommet de l'Elysée, à l'invitation du Président de la République, le 2 juillet 2025, est l'aboutissement de mois de négociations intenses et exigeantes entre les délégations calédoniennes et l'État. Il s'inscrit dans la lignée de ceux de Matignon-Oudinot de 1988, puis de Nouméa de 1998, dans lesquels la France a reconnu la singularité de la Nouvelle-Calédonie et la place centrale du peuple kanak, peuple d'origine, en même temps que l'importance de bâtir un « destin commun » avec les populations durablement établies. Ces textes fondateurs ont tracé les chemins de la réconciliation en ouvrant un processus de décolonisation sans équivalent dans le monde.
Depuis quelques années, malgré les trois consultations qui ont confirmé le choix de rester dans la France, les tensions politiques et sociales se sont intensifiées, et les violences dramatiques de mai 2024 ont confirmé la nécessité d'un nouvel accord global, conciliant les aspirations indépendantistes et non-indépendantistes et traçant une perspective de stabilité politique pour l'archipel.
Si certains responsables indépendantistes ont depuis exprimé des réserves, l'immense attente de la population et la détermination de l'ensemble des autres formations politiques signataires, non indépendantistes comme indépendantistes, démontrent que l'accord de Bougival répond à cette exigence. Il engage le territoire sur le chemin de la reconstruction économique et sociale. Il dote la Nouvelle-Calédonie des instruments juridiques et institutionnels nécessaires pour continuer à exprimer sa singularité.
Ce projet de loi constitutionnelle a été co-construit dans le cadre d'un comité de rédaction installé par le ministre d'État, ministre des outre-mer, le 20 août dernier, à Nouméa, afin de poursuivre la dynamique de négociation et de construction collective et transpartisane qui a conduit à la signature de l'accord.
Il comprend 3 articles :
• l'article 1er prévoit l'organisation, avant le 26 avril 2026, d'un scrutin d'approbation de l'accord par les populations intéressées. La date originellement envisagée, à la fin du mois de février 2026, a dû être décalée à la suite de la démission du précédent Gouvernement et de la période d'affaires courantes ;
• l'article 2 crée l'État de la Nouvelle-Calédonie et inscrit son statut dans la norme suprême à travers la réécriture du titre XIII de la Constitution, désormais intitulé « De l'État de la Nouvelle Calédonie » et composé de 5 articles :
– les articles 76 et 77 permettent, d'abord, de constitutionnaliser les orientations des accords de Bougival et de Nouméa. Le préambule de l'accord de Nouméa demeure ainsi en vigueur et conserve sa valeur constitutionnelle, tout comme ses dispositions qui ne sont pas contraires à l'accord de Bougival, garantissant ainsi la continuité des principes fondateurs liés à l'identité kanak, à l'objectif d'un destin commun et au développement économique et social ;
L'article 76 crée également une loi organique, appelée notamment à préciser la répartition des compétences entre l'État et les institutions de la Nouvelle Calédonie et les modalités de transfert des compétences régaliennes restantes de l'État vers la Nouvelle Calédonie, les compétences fiscales des provinces, ou encore le transfert de la compétence en matière de relations internationales que la Nouvelle Calédonie exerce dans le champ de ses compétences propres.
L'article 77 confère à la Nouvelle Calédonie une capacité inédite et puissante d'auto organisation en lui permettant d'édicter une Loi fondamentale, adoptée par son assemblée délibérante. Elle dispose d'un domaine exclusif, celui de déterminer les signes identitaires de la Nouvelle Calédonie, sa charte des valeurs et un code de la citoyenneté calédonienne. Elle dispose aussi d'un domaine partagé avec la loi organique, notamment en matière d'organisation et de fonctionnement des institutions de la Nouvelle Calédonie, et pourra également être habilitée par la loi organique à préciser ou compléter ses dispositions.
– l'article 78 prévoit que les mesures nécessaires à la mise en œuvre des accords ne relevant ni du domaine de la loi organique, ni de la Loi fondamentale, sont définies par la loi ;
– l'article 79 crée une nationalité calédonienne. Ainsi, les Calédoniens bénéficieront d'une double nationalité, française et calédonienne. Le texte précise explicitement que, quelle que soit l'évolution institutionnelle du territoire, les nationaux français domiciliés en Nouvelle Calédonie conserveront de plein droit la nationalité française, qu'ils aient ou non acquis la nationalité calédonienne ;
– enfin, l'article 80 fixe le corps électoral applicable pour l'élection des assemblées de province et de l'assemblée délibérante de l'État de la Nouvelle-Calédonie.
• l'article 3, enfin, fixe les conditions de l'entrée en vigueur du projet de loi constitutionnelle, l'article 2 n'entrant en vigueur qu'au lendemain de la consultation, si l'accord est approuvé.