Texte intégral
Mesdames et Messieurs du ministère de la Justice, chers magistrats, chers greffiers, chers agents de la pénitentiaire et de la PJJ, chers agents,
Notre pays traverse une crise politique inédite, où la stabilité de nos institutions et la solidité de notre démocratie sont en jeu.
Dans ce contexte difficile, j'ai accepté de poursuivre ma mission à la tête du ministère de la Justice sous l'autorité du Premier ministre, avec un profond sentiment de responsabilité. C'est un choix au service de la République, de soutien à l'autorité de l'État, à l'État de droit et un comportement de respect envers tous les justiciables et de vous tous qui, chaque jour, faites vivre la Justice sur le terrain.
Notre responsabilité est collective : préserver l'ordre républicain et assurer la concorde nationale. Dans une période où la tentation du repli et de la confrontation s'impose trop souvent, la Justice, à la fois vertu et institution, doit rester un repère. C'est dans cet équilibre, entre autorité et indépendance, que réside sa légitimité en tant que service public.
Mon unique objectif est de faire avancer, avec vous, les réformes nécessaires à notre Institution, en la dotant, rapidement, d'un budget 2026 à la hauteur de nos besoins. C'est ensemble, comme nous l'avons fait avec efficacité tout au long de ces derniers mois, que nous pourrons améliorer le fonctionnement de la Justice. Remettre l'usager au cœur de notre mission doit être le premier de nos objectifs. Nous initierons en ce sens une réflexion sur la refonte de nos écoles de formation. Car si l'autorité judiciaire est indépendante, le service public de la justice est comptable devant les Françaises et les Français.
* Recentrer notre politique sur les victimes
Vous connaissez l'importance que j'accorde à la cause des victimes. Trop longtemps, elles ont eu le sentiment que la Justice leur tournait le dos ou ne leur parlait que de façon désincarnée. Malgré un arsenal juridique solide, des agents publics dévoués et un réseau associatif dense, l'aide aux victimes reste encore largement méconnue et mérite un pilotage entièrement revu notamment pour réduire les délais de prise en charge. Elle doit désormais franchir un cap : être incarnée comme une priorité régalienne, lisible pour les citoyens et efficace pour les victimes.
Aussi, j'adresse ce jour une importante circulaire d'action et de mobilisation à destination des juridictions afin de faire de l'aide aux victimes une priorité dans chaque cour et chaque tribunal.
Un nouveau site Internet de référencement de toutes les informations et ressources utiles aux victimes sera également opérationnel avant la fin de cette semaine car une victime doit pouvoir facilement trouver les informations qui lui sont essentielles pour faire valoir ses droits.
Enfin, j'entends réformer l'organisation de notre ministère pour l'adapter à cette grande cause et assurer un pilotage ambitieux de notre action collective: une nouvelle direction des usagers et des victimes pilotera également la politique de l'amiable et de l'accès au droit, sur la base d'une mission de préfiguration que je lancerai cette semaine.
* Poursuivre la construction d'une nouvelle stratégie pénitentiaire
Depuis plusieurs mois, nous avons engagé une transformation profonde de notre système pénitentiaire pour rétablir l'autorité de l'État dans les prisons, et rendre la détention plus efficace et plus sûre pour mieux protéger les Français.
Le déploiement des quartiers de lutte contre la criminalité organisée (QLCO) en est une illustration majeure. Le premier d'entre eux, mis en service à Vendin-le-Vieil à l'été 2025, accueille déjà près d'une centaine des détenus les plus dangereux de France, dans un dispositif innovant qui allie rigueur sécuritaire et approche différenciée des profils criminels. Les recours en référé engagés par certains détenus ont jusqu'à présent tous été rejetés, ce qui confirme la solidité juridique du dispositif.
Nous allons donc l'étendre. Le prochain QLCO à Condé-sur-Sarthe ouvrira dans les prochains jours puis suivront ceux de Valence, Réau, Aix-Luynes dès 2026 avant l'ouverture de Saint-Laurent du Maroni en 2029.
Mais renforcer la stratégie pénitentiaire ne consiste pas seulement à construire de nouveaux murs : il s'agit d'adapter nos établissements au réel. C'est le sens du plan de sécurisation totale de 15 établissements que je lance aujourd'hui. Ce plan concerne d'abord la sécurité physique des sites mais aussi celle des agents pénitentiaires.
Je veux d'ailleurs les assurer de mon entier soutien et leur dire que je vais continuer à me battre pour les défendre et appliquer à la lettre le protocole Incarville.
* Simplifier la justice civile
Après les deux décrets publiés cet été, révolutionnant la justice civile, nous devons poursuivre sa modernisation. Au-delà de la politique ambitieuse de l'amiable déjà très engagée, notre priorité demeure la simplification de la procédure civile. Des actions concrètes sont en cours : la publication imminente d'un décret facilitera le travail des greffes concernant les injonctions de payer et des solutions numériques rapides seront déployées dans les prochains mois pour aboutir à une dématérialisation complète de l'ensemble de la chaîne civile. En parallèle, j'engage une réforme visant à redonner du souffle aux cours d'appel en instaurant un mécanisme de filtrage et en revalorisant les taux de ressort. Je sais que vous partagez cet objectif : rendre cette justice de proximité plus utile pour nos concitoyens et nos entreprises.
* Redonner clarté et crédibilité à la justice pénale
Dans le même esprit, je porte une réforme ambitieuse de la justice pénale. Les Français attendent de la Justice qu'elle parle d'une voix claire et qu'elle agisse dans un cadre lisible. Or, la complexité du système pénal, ses lenteurs et ses contradictions brouillent le sens des décisions rendues. Avec vous, nous travaillons à un projet de loi visant à assurer une sanction utile, rapide et effective (PJL SURE) qui aura pour but d'améliorer l'efficacité, la cohérence et la crédibilité de notre justice criminelle et correctionnelle.
Ce texte proposera de revoir en profondeur le régime de la sanction pénale, d'encadrer plus clairement l'application du sursis, de repenser l'aménagement automatique des peines, de restaurer des peines courtes et d'introduire davantage de cohérence entre décision du juge et exécution effective. Nous devons retrouver le sens de la proportion, celui de la fermeté lorsque la société l'exige, mais aussi celui de la pédagogie, indispensable pour que le citoyen comprenne le sens de la sanction.
C'est dans cet objectif que j'ai lancé avec conviction les États généraux de l'insertion et de la probation (EGIP) au mois de juin dernier : rendre crédible la peine prononcée et simplifier le parcours d'exécution des peines, tout en revalorisant l'action de l'autorité judiciaire et des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP).
Cette réforme viendra s'accompagner d'un effort d'organisation: simplification des juridictions criminelles et amélioration du fonctionnement des cours criminelles départementales. Nous veillerons aussi à mieux utiliser les outils disponibles, notamment autour de la généalogie génétique pour résoudre les cold cases ou du droit des nullités pour fluidifier la procédure. Toutes ces dispositions ont une seule finalité : rendre la Justice plus accessible, plus lisible et plus crédible pour nos concitoyens.
* Garantir la protection des mineurs
Notre impératif collectif est de renforcer la protection des enfants exposés à la violence et à la négligence. Nous allons refonder les parcours au sein de l'aide sociale à l'enfance (ASE) et clarifier l'autorité parentale pour lever les blocages insupportables du quotidien. Un outil essentiel sera l'ordonnance de sûreté de l'enfant qui permettra d'assurer une protection immédiate dès le signalement de faits graves mettant l'enfant en danger par l'un de ses parents, par le procureur de la République. Pour garantir la bonne exécution de ces mesures et des décisions prises, l'institution judiciaire devra reprendre une place centrale dans le pilotage de cette politique, en étroite collaboration avec les départements.
La justice des mineurs doit également évoluer pour répondre plus rapidement et plus fermement aux actes les plus violents. Il est nécessaire de dépasser la stérile opposition entre éducation et sanction. La sanction fait partie de l'éducation. Parallèlement, l'efficacité des centres éducatifs fermés (CEF) et des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) fera l'objet d'une remise à plat. L'objectif est clair et indispensable à la prévention de la récidive : instaurer une sanction rapide, lisible et effectivement exécutée.
Source https://www.justice.gouv.fr, le 16 octobre 2025