Texte intégral
Mme la présidente
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification de la convention no 155 sur la sécurité et la santé des travailleurs (nos 969, 1355).
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'Europe.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe
Je suis très heureux de vous présenter le projet de loi autorisant la ratification de la convention no 155 de l'Organisation internationale du travail –? OIT – sur la sécurité et la santé des travailleurs.
Le gouvernement a souhaité relancer son processus de ratification car, bien qu'adoptée en 1981, cette convention demeure un texte de référence, une véritable boussole pour toute politique en matière de santé et de sécurité au travail. Elle n'a rien d'un texte daté ou symbolique ; elle est éminemment actuelle. Les faits le prouvent : quatre-vingt-sept pays, dont dix-huit États membres de l'Union européenne, l'ont déjà ratifiée –? l'Allemagne et l'Autriche ont lancé le processus de ratification. Cette année encore, des pays amis –? la Thaïlande et le Chili, par exemple – ont déposé à Genève leurs instruments de ratification de cette convention.
Il est donc essentiel de faire entrer ce texte dans notre droit positif. Nous savons que la protection de la santé et de la sécurité au travail est une préoccupation majeure de nos concitoyens. La pandémie de covid-19 a profondément bouleversé nos organisations et nos habitudes de travail. Au-delà de nos frontières, des drames comme celui du Rana Plaza, survenu en 2013 au Bangladesh –? l'accident le plus meurtrier de l'histoire de l'industrie textile, avec plus de 1 000 morts et 2 500 blessés –, ont tragiquement rappelé l'universalité de ces questions. C'est dans cet esprit que l'OIT, en 2022, a fait du droit à un environnement de travail sain et salubre un principe fondamental du droit du travail. Il ne s'agit pas seulement d'une question de réglementation, mais bien d'un principe universel auquel aucun pays ne saurait déroger.
La convention no 155 occupe, à cet égard, une place particulière. Depuis 2022, elle fait partie des dix conventions fondamentales de l'OIT, au même titre que celles qui ont trait à la liberté syndicale, à l'abolition du travail forcé ou encore à la lutte contre les pires formes du travail des enfants. En ratifiant la dernière convention fondamentale de l'OIT qu'elle n'a pas encore ratifiée à ce jour, la France fera preuve d'exemplarité.
Permettez-moi maintenant de vous rappeler les objectifs de cette convention.
Tout d'abord, elle s'applique à toutes les branches d'activité du secteur privé comme du secteur public, et à tous les travailleurs. Elle prévoit la possibilité d'exclusions limitées. Le gouvernement n'a retenu, à ce titre, que des réserves strictement nécessaires et conformes au droit social en vigueur pour les travailleurs concernés, en ce qui concerne l'exercice du droit de retrait dans le secteur de la navigation maritime, dans celui de l'aviation civile et pour les militaires et les agents de la fonction publique chargés de missions de sécurité des biens et des personnes. Ces exclusions sont conformes à notre législation nationale et aux directives européennes. Comme le Conseil d'État l'a requis, elles ont fait l'objet de consultations larges avec les partenaires sociaux en amont du dépôt de notre instrument de ratification.
Nous avons entendu les débats et les interrogations que cette question a soulevés en commission et je tiens donc à vous le dire avec la plus grande clarté : le gouvernement entend procéder à cette ratification à droit social constant, y compris au sujet du droit de retrait du personnel navigant.
La convention, ensuite, énumère les mesures que les États doivent prendre en matière de santé et de sécurité au travail comme, par exemple, la détermination de procédés de travail en fonction des risques, la définition de la procédure de déclaration des accidents du travail ainsi que les obligations des employeurs.
Elle prescrit aux États membres, enfin, de mettre en place un système de contrôle de l'application des lois et de prescription concernant la santé et la sécurité au travail, en prévoyant des sanctions en cas d'infraction à ces règles ainsi qu'un système d'inspection approprié et suffisant.
Elle insiste, surtout, sur un point essentiel : la prévention et la participation des partenaires sociaux, en particulier par la consultation des travailleurs ou de leurs représentants sur les questions de santé et de sécurité au travail.
Ratifier cette convention, c'est donc affirmer avec force la volonté indéfectible de la France de promouvoir les droits fondamentaux au travail qui font l'objet d'une reconnaissance internationale. L'OIT est une organisation unique, réunissant gouvernements, représentants des travailleurs et des employeurs autour d'une même mission : la justice sociale. À travers elle, nous voulons envoyer un signal fort en faveur du multilatéralisme.
La France est l'un des dix membres permanents du conseil d'administration de l'OIT dont elle assure par ailleurs, depuis le mois de juin dernier, et pour un an, la présidence tournante. Elle est également le deuxième pays au monde à avoir ratifié le plus grand nombre de conventions de cette organisation.
En ratifiant cette convention, nous renforcerons notre engagement pour la promotion d'un environnement sûr et salubre au travail.
En ces temps où le multilatéralisme et la coopération internationale sont soumis à des vents contraires, toutes les actions que la France pourra entreprendre pour les promouvoir, les défendre et les illustrer prennent un sens particulier. Autoriser la ratification de cette convention, c'est permettre à notre pays de rester fidèle à son message universel de respect, de protection et de promotion des droits fondamentaux au travail. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur les bancs du groupe HOR.)
source https://www.assemblee-nationale.fr, le 17 octobre 2025