Texte intégral
THOMAS SOTTO
Vous l'avez souvent entendu parler en tant que PDG de SYSTEME U à l'époque. Aujourd'hui, c'est sa toute première interview en qualité de ministre des PME, du Commerce, de l'Artisanat et, ce n'est pas le moins important, du Pouvoir d'achat. Serge PAPIN est l'invité d'RTL Matin. Bonjour et bienvenue sur RTL Serge PAPIN, monsieur le ministre.
SERGE PAPIN
Bonjour Thomas SOTTO.
THOMAS SOTTO
Ça vous fait quoi quand on vous donne du monsieur le ministre comme ça ?
SERGE PAPIN
Écoutez, j'essaie surtout de garder mon identité de chef d'entreprise et de rester humble surtout par rapport à ça.
THOMAS SOTTO
Mais quand même, vous avez 70 ans, vous avez très bien réussi votre vie. Vous aviez besoin de prendre des coups. Qu'est-ce que vous venez faire dans cette galère ?
SERGE PAPIN
J'ai répondu à l'appel de Sébastien LECORNU que j'ai rencontré. On ne se connaissait pas et je suis arrivé le voir avec des choses. J'avais ma liste de course dans ma poche. Ce sont des choses auxquelles j'avais réfléchi. J'étais content d'ailleurs de pouvoir en parler. Et à la fin de l'entretien, il m'a tapé dans la main, il m'a dit : " écoutez, j'ai envie de vous confier le Commerce, j'ai envie de vous confier l'Artisanat et tout ce que vous m'avez dit… "
THOMAS SOTTO
Et de vous confier le Pouvoir d'achat. Et là, on a envie de savoir ce qu'il y avait sur votre liste de course parce que c'est évidemment deux mots qui attirent immédiatement l'attention, pouvoir d'achat. C'est quoi un ministre du pouvoir d'achat ? Ça fait quoi ? Ça décide quoi ? Vous allez prendre quoi comme initiative concrète pour que les gens vivent mieux, pour qu'ils aient plus d'argent ?
SERGE PAPIN
Alors, moi, je suis le ministre du quotidien. Donc le pouvoir d'achat, ça fait partie de ce quotidien. J'ai repris des choses que j'ai toujours défendu quand j'étais chef d'entreprise : le partage de la valeur. Il y a des systèmes qui existent aujourd'hui qui s'appellent l'intéressement notamment…
THOMAS SOTTO
La participation.
SERGE PAPIN
Plus l'intéressement que la participation. Sauf que ces systèmes visent plutôt l'épargne. J'en ai parlé avant de vous répondre à cette question de Thomas SOTTO avec des chefs d'entreprise. Ils ont envie aussi de réconcilier avec les salariés. Si on veut gagner en compétitivité, on le fera avec les salariés.
THOMAS SOTTO
Donc concrètement, qu'est-ce que vous voulez composer sur l'intéressement ?
SERGE PAPIN
Ce que je voudrais, c'est qu'il y ait quelque chose de simple qui permette d'avoir tout de suite et maintenant un complément et que ça soit disponible pour la consommation.
THOMAS SOTTO
Rendre l'intéressement utilisable immédiatement ?
SERGE PAPIN
Je pense pour les classes moyennes notamment qui en ont besoin, qui ont beaucoup été sollicitées.
THOMAS SOTTO
Et il sera imposable cet intéressement aux nouvelles formules ?
SERGE PAPIN
Je voudrais qu'il ne le soit pas.
THOMAS SOTTO
Vous souhaitez qu'il ne le soit pas.
SERGE PAPIN
Mais ça demande des discussions avec mes collègues de Bercy. Donc voilà, quand on est au service de la démocratie, ce n'est pas comme un comité exécutif d'entreprise.
THOMAS SOTTO
A quelle échéance vous aimeriez voir ça ? Dans le budget-là, tout de suite ?
SERGE PAPIN
Là tout de suite.
THOMAS SOTTO
Pour être opérationnel en janvier ?
SERGE PAPIN
Oui, le plus vite possible.
THOMAS SOTTO
Quand vous étiez patron de SYSTEME U, Serge PAPIN, et que vous aviez mené les états généraux de l'alimentation, vous fustigez la guerre des prix entre enseignes. Pourtant c'est bien elle qui va faire baisser les prix. Quand il va falloir trancher entre les prix bas chez LECLERC ou les marges des petits producteurs qui sont étranglés, vous le savez bien, par les industriels d'un côté et par la grande distrib de l'autre, vous allez faire quoi ? Comment trouver le juste milieu ?
SERGE PAPIN
Moi je suis le ministre des PME et des TPE. J'ai commencé à discuter avec mes collègues et j'ai discuté aussi avec les PME. Alors là c'est plutôt dans le secteur agroalimentaire. Je voudrais que les PME passent en premier dans les négociations. Pourquoi ? Parce qu'à ce moment-là, elles ont tout de suite une place dans les linéaires. Parce que le problème des PME c'est d'être présent aussi.
THOMAS SOTTO
D'être visible.
SERGE PAPIN
Souvent les grands groupes ont plus de facilité dans les négociations. Ils ont tendance à préempter l'ensemble des linéaires. Donc ça c'est le premier point. Deuxième point, il faut raccourcir le processus des négociations avec elles. Que ça soit un peu plus rapide, c'est trop long. Et puis il faut sans doute qu'il y ait un dialogue permanent. Et il ne faut pas… Alors là j'inviterai mes collègues de la grande distribution, à essayer de revisiter les péréquations parce que souvent c'est la guerre des prix.
THOMAS SOTTO
Ça veut dire quoi ça ?
SERGE PAPIN
La péréquation des marges…
THOMAS SOTTO
On ne va pas être trop technique. On a beaucoup de questions très concrètes.
SERGE PAPIN
Oui, parce que souvent la guerre des prix, elle se porte sur les produits les plus connus. Elle se porte sur le fameux soda.
THOMAS SOTTO
Ce sont les produits d'appel, ceux qui font venir le client.
SERGE PAPIN
Et souvent les marges de ces produits moins connus sont plus importantes parce qu'il y a une compensation. Et il faudrait essayer d'inverser les choses pour que les produits justement des PME, les produits de France, soient plus compétitifs.
THOMAS SOTTO
Il faut satisfaire les PME et on disait le pouvoir d'achat. C'est un peu la quadrature du cercle. A ceux de nos auditeurs qui vous écoutent et qui iront demain chez ACTION faire leur course, vous dites quoi ? Vous dites : " oui, c'est bien, c'est bien pour votre pouvoir d'achat, allez-y ". Ou : " Non, ce n'est pas bien pour nos PME qui se battent contre le Made in China qui tue tout ". Vous dites quoi ?
SERGE PAPIN
Pour le Made in China, vous savez c'est un sujet pour lequel je vais m'engager.
THOMAS SOTTO
C'est-à-dire ?
SERGE PAPIN
Il y a une taxe qui est prévue.
THOMAS SOTTO
La taxe sur les petits colis ?
SERGE PAPIN
Deux Euros sur les produits.
THOMAS SOTTO
C'est suffisant, vous croyez ?
SERGE PAPIN
Deux Euros par produit. Vous savez, les produits en moyenne c'est 5, 6 Euros. Deux euros, oui, ça pèse. Il faut la mettre en place.
THOMAS SOTTO
Il faut aller plus loin sur le protectionnisme ou pas ?
SERGE PAPIN
Oui.
THOMAS SOTTO
Jusqu'où ?
SERGE PAPIN
Écoutez, d'autres pays ont pris des dispositifs importants.
THOMAS SOTTO
Les Etats-Unis.
SERGE PAPIN
Par exemple, oui. Ce qui veut dire que maintenant c'est l'Europe qui est ouverte. Vous savez combien il y a de colis qui arrivent en Europe ? C'est 4,5 milliards de colis qui arrivent en Europe, dont 1,5 milliard en France.
THOMAS SOTTO
Mais ça veut dire quoi ? Il faut faire quoi de plus que cette taxe de 2 Euros ?
SERGE PAPIN
Il faut essayer de faire en sorte, comme par exemple quand des initiatives sont prises par des magasins en partenariat et tout, il faut regarder…
THOMAS SOTTO
Le BHV, les GALERIES LAFAYETTE qui vont ouvrir un corner SHEIN et TEMU ?
SERGE PAPIN
Oui, il faut regarder…
THOMAS SOTTO
Il faut faire quoi à ça ? Il faut dire non ?
SERGE PAPIN
Je pense qu'il faut dire non. Notre commerce doit muter. Le commerce de centre-ville, c'est un enjeu. Il faut revitaliser le centre-ville. Thomas SOTTO, je ne sais pas si vous vous êtes promené un samedi après-midi…
THOMAS SOTTO
Il y a une boutique sur dix qui est fermée.
SERGE PAPIN
Voilà, c'est 15% et la trajectoire n'est pas bonne. Donc le commerce, c'est du lien social, c'est de l'animation en ville. Le projet, ce n'est quand même pas de commander sur un téléphone portable, sur votre canapé, des produits qui arrivent de Chine.
THOMAS SOTTO
Ce n'est pas le projet, mais c'est notre vie de plus en plus souvent. Vous le savez.
SERGE PAPIN
Non, on peut inverser la tendance.
THOMAS SOTTO
Comment vous faites pour que les magasins qui ferment, pour inverser cette tendance mortifère ?
SERGE PAPIN
Alors je vais vous dire, il y a une mission qui est en place, qui est composée de la maire de Saint-Quentin, du directeur de la Banque Des Territoires, du président de COOPERATIVE U, qui, je les ai rencontrés, ils vont rendre leur conclusion. Ça va devenir un plan d'action. Ça va devenir mon plan d'action avec eux. Et on a des choses qui sont possibles.
THOMAS SOTTO
Quoi ?
SERGE PAPIN
Par exemple, quand vous avez des rideaux qui sont tirés, il y a des rideaux aussi qui sont ouverts à côté. Donc les commerces qui sont ouverts, qui sont robustes, qui sont résilients, il faut les aider à croître, à agrandir. Et il faut aider aussi d'autres à s'installer. Par exemple, je discute beaucoup avec les pharmaciens.
THOMAS SOTTO
Donc il y aura des aides d'État pour ça… Pardon, mais c'est important ce que vous dites. Quand vous allez aider un magasin qui a sa boutique à côté qui est vide, vous dites : " Moi je t'aide pour que tu agrandisses ".
SERGE PAPIN
On va trouver du financement à ça. Il faut créer…
THOMAS SOTTO
Financement public ?
SERGE PAPIN
Non, pas nécessairement. Il y a des choses qui existent. Il y a des villes qui ont créé des foncières pour ça. Donc je vais m'inspirer des villes où il y a ce dispositif pour le modéliser. Et on peut trouver de l'argent des communes, l'argent de la Banque des Territoires, par exemple. Donc il y a un périmètre de financement qui est sans doute possible. L'argent aussi du commerçant, voilà… Et essayer aussi de réguler les loyers derrière. Enfin, non pas les réguler, mais de faire en sorte qu'ils soient adaptés.
THOMAS SOTTO
Donc de les réguler. Le mot fait peur, mais c'est ce qu'il faut faire. Parce que quand le local est trop cher…
SERGE PAPIN
Les expériences qui existent dans les villes, il y a ce dispositif avec les foncières pour réguler les loyers.
THOMAS SOTTO
Et un autre client qui veut aller chez ACTION demain, vous dites, : " Non, n'y va pas. Ce n'est pas le moment. Faites un effort. Essayez de ne pas y aller, ce n'est que du Made in China là-dedans ". Vous le savez, c'est que du Made in China.
SERGE PAPIN
Mon job, c'est d'aider les petits commerçants à pérenniser leur entreprise. On ne va pas aller contre ACTION, mais il faut défendre le commerce de centre-ville. Et il y a des possibilités de le faire. Voilà, c'est ça qui est mon projet.
THOMAS SOTTO
Les auto-entrepreneurs aussi sont inquiets. Est-ce que vous allez abaisser vraiment le seuil à partir duquel ils vont payer la TVA qui va tomber à 37 500, voire à 25 000 Euros, ce seuil, pour que ces entreprises payent la TVA ? Vous approuvez ça, c'est une bonne idée ou pas ?
SERGE PAPIN
Alors, il y a un projet de loi. Il n'y a pas la baisse de la TVA pour l'ensemble des auto-entrepreneurs. Il y a une discussion, c'est pour ceux qui sont…
THOMAS SOTTO
Non, c'est pour les activités de biens.
SERGE PAPIN
Pardon ?
THOMAS SOTTO
C'est pour ceux qui sont dans les activités de biens. Avant, le plafond était à 85 000 et il tombe à 37 500.
SERGE PAPIN
D'abord, ce qui a été regardé, c'est plus à la demande du BTP, c'est plus au niveau de l'artisanat, l'artisanat pour le bâtiment. Donc là, il va y avoir sans doute une adaptation.
THOMAS SOTTO
On va pouvoir voir la copie ou pas ?
SERGE PAPIN
La copie est en train d'être vue.
THOMAS SOTTO
La copie est en train d'être vue.
SERGE PAPIN
Mais il n'y aura pas d'arrêt de plafond tel que vous venez de le définir.
THOMAS SOTTO
Rapidement pour finir, c'est compatible tout ça avec 14 milliards de hausse d'impôts ou pas ? Faire redonner du pouvoir d'achat, revitaliser le commerce, c'est compatible ? Ou c'est trop lourd ?
SERGE PAPIN
Le budget qui est proposé, là, c'est un budget de compromis. C'est un budget de résistance, si je puis dire. C'est un budget qui vise à la stabilité. Il y a plus d'économies que de hausse d'impôts. Si on arrive à la stabilité, Thomas SOTTO, ce que souhaite le Premier ministre, à ce moment-là, on sera jugé différemment. On a besoin de cette stabilité. Et regardez, par exemple, le loyer de l'argent auquel l'État emprunte aujourd'hui. Si on est capable d'offrir cette stabilité, les taux vont baisser.
Source : Service d'information du gouvernement, le 20 octobre 2025