Texte intégral
SAMUEL OLLIVIER
8 h 12, c'est l'heure de votre rendez-vous politique. Gilles BORNSTEIN vous recevez ce matin la porte-parole du Gouvernement. Maud BREGEON est l'invitée des 4V.
GILLES BORNSTEIN
Bonjour Samuel, bonjour à tous. Bonjour Maud BREGEON.
MAUD BREGEON
Bonjour à tous.
GILLES BORNSTEIN
Scène étrange étranger, hier, entre un Premier ministre et un président de la République qui à quelques minutes d'intervalle disent à peu près le contraire l'un de l'autre. On les écoute.
EMMANUEL MACRON, PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
Le Premier ministre a fait un choix pour apaiser le débat actuel qui a consisté à proposer le décalage d'une échéance. Je le dis ici parce que ce n'est ni l'abrogation ni la suspension. C'est le décalage d'une échéance.
SEBASTIEN LECORNU, PREMIER MINISTRE
Vous l'avez redit, la suspension c'est bien la suspension des deux mesures : âge et nombre de trimestres.
GILLES BORNSTEIN
Alors franchement je suis curieux comment vous allez essayer de m'expliquer ce matin que les deux ont raison et que c'est à la fois une suspension et pas une suspension et une suspension quand même. C'est une suspension ou pas ?
MAUD BREGEON
D'abord je vois bien la tentation que les uns et les autres peuvent avoir d'opposer le président de la République et le Premier ministre, c'est vieux comme le monde.
GILLES BORNSTEIN
On n'a pas besoin de faire beaucoup d'efforts pour les opposer quand on les entend là.
MAUD BREGEON
Sébastien LECORNU c'est un Premier Ministre de bonne foi, il s'est engagé à une chose : les effets de la réforme BORNE, tant sur l'âge, et c'est de l'âge dont parlait le président de la République hier, que sur la durée de cotisation, ce qu'on appelle l'accélération de la réforme TOURAINE, seront gelés jusqu'à l'élection présidentielle. Donc on peut discuter ensuite du gel, de la suspension, du terme utilisé par le président de la République. L'engagement, il est extrêmement clair, les effets de la réforme BORNE, sur l'âge et sur la durée de cotisation, seront gelés jusqu'à la présidentielle et ils seront suspendus notamment pour l'accélération de la réforme TOURAINE et donc pour la durée de cotisation. Il n'y a pas d'entourloupe. Si c'est la question.
GILLES BORNSTEIN
Il n'y a pas d'entourloupe, c'est une suspension, vous nous l'affirmez ce matin, la réforme sera suspendue.
MAUD BREGEON
La réforme, incluant la durée de cotisation, sera suspendue jusqu'à l'élection présidentielle et c'est l'élection présidentielle qui devra permettre ce débat. Et je veux le dire aux parlementaires, aujourd'hui, qui pourraient m'écouter ce matin, Sébastien LECORNU, il est de bonne foi, c'est un Premier ministre qui tiendra sa parole. Les engagements pris seront des engagements tenus.
GILLES BORNSTEIN
Mais je remarque que ce matin, vous reprenez les mots, les termes, et c'est important, les termes en politique, vous reprenez les termes du Premier ministre et non pas ceux du président de la République.
MAUD BREGEON
Ce qui est important, c'est la technique qu'il y a derrière.
GILLES BORNSTEIN
Non, ce qui est important, c'est la réalité.
MAUD BREGEON
Alors on va expliquer aux gens qui nous écoutent. Concernant l'âge de départ, on s'arrête à 62 ans et 9 mois jusqu'à début 2028. Et sur la durée de cotisation, le nombre de mois, on s'arrête à 170 trimestres. Et c'est l'élection présidentielle qui devra remettre au débat ce sujet.
GILLES BORNSTEIN
Nous sommes d'accord et en français, ça s'appelle une suspension. Que vous le vouliez ou non, les deux ont dit des choses différentes. Hier, tout le monde l'a noté. Quand vous, porte-parole du Gouvernement, vous avez un doute sur des éléments de langage comme ça, vous demandez à qui ? Confirmation. Vous demandez à l'Élysée ou vous demandez à Matignon ? C'est qui le patron ?
MAUD BREGEON
On travaille en bonne intelligence. Moi, je suis porte-parole du Gouvernement de Sébastien LECORNU.
GILLES BORNSTEIN
Donc vous demandez à Sébastien LECORNU.
MAUD BREGEON
Pour tous ces éléments techniques, la façon dont vont être rédigés les textes, je discute avec Matignon, mais en fait, encore une fois…
GILLES BORNSTEIN
Le patron, c'est Sébastien LECORNU.
MAUD BREGEON
Moi, je ne rentre pas dans ce débat. Aujourd'hui, il y a une Constitution. Le rapport entre un président de la République et un Premier ministre, ce n'est pas une affaire de cour. C'est la Constitution qui le définit.
GILLES BORNSTEIN
Le Premier ministre conduit et dirige la politique de la France, c'est ce que dit la Constitution.
MAUD BREGEON
Je pense qu'on a d'ailleurs vu dans les concessions qu'il a pu faire récemment et notamment sur la question des retraites, qu'il était libre de ses décisions.
GILLES BORNSTEIN
Non, mais Maud BREGEON, vous minimisez vos propos.
MAUD BREGEON
Non, pardonnez-moi.
GILLES BORNSTEIN
C'est rare, depuis sept ans, j'ai entendu une Ministre dire que quand il y a un différent, c'est la Constitution qui s'applique et c'est le Premier ministre qui conduit et dirige la politique de la nation. C'est très bien, mais en Macronie, c'est assez nouveau.
MAUD BREGEON
Vous savez, il y a un budget qui est en train d'être voté. Il y a des questions de santé, il y a des questions de travail, il y a des questions de fiscalité. Ce que je vous propose, c'est qu'on ne passe pas l'intégralité de la matinale qui, par ailleurs, est assez courte pour parler d'une divergence qui existe dans la tête des journalistes et dont les gens, à mon avis, se fichent complètement.
GILLES BORNSTEIN
D'accord, d'autant que vous avez été assez claire. Les socialistes ont acté hier que le Premier ministre était de bonne foi. Ils ont acté de sa volonté d'avancer. Pour autant, ils ne sont pas encore prêts à voter le budget. Le Gouvernement, dans cette logique de consensus que vous essayez de mener, est-il prêt à aller plus loin sur la taxation des gros patrimoines que la taxe holding qui ne rapporterait qu'un milliard ?
MAUD BREGEON
Notre position, elle est claire et elle est constante. Oui, à faire contribuer, dans un moment d'effort particulier, les grandes entreprises qui le peuvent. C'est ce qu'on propose, la contribution de 440 grandes entreprises et les Français les plus fortunés, pour que les gens comprennent bien.
GILLES BORNSTEIN
Ce n'est pas ma question.
MAUD BREGEON
Non, mais que les gens comprennent bien. On parle pour un couple d'un revenu supérieur à 500 000 euros par an.
GILLES BORNSTEIN
Mais ça, c'est déjà dans le budget.
MAUD BREGEON
Pour autant, on sera extrêmement vigilants à tout ce qui viendrait détruire l'emploi, casser la croissance, empêcher l'innovation. Et c'est par ailleurs pour ça que le Gouvernement n'était pas favorable à la taxe ZUCMAN. Je remarque d'ailleurs que la Commission des Finances a rejeté cette taxe.
GILLES BORNSTEIN
La discussion sur le budget continue en Commission des Finances. Hier, les députés sont revenus sur le remplacement de l'abattement de 10 % pour les personnes âgées. Le Gouvernement va-t-il essayer de rétablir cette mesure lors de la discussion dans l'Hémicycle ?
MAUD BREGEON
Vous savez, dans un moment d'effort particulier, je pense qu'il est normal que les uns et les autres contribuent et que ces efforts ne reposent pas uniquement sur les gens qui travaillent, sur les entreprises. Pour autant, on ne supprime pas l'avantage fiscal, je le redis, dont bénéficient aujourd'hui les retraités. On le remplace effectivement. Ça aura une conséquence directe, c'est que 30 % environ des retraités, qui sont les plus modestes, seront gagnants.
GILLES BORNSTEIN
Donc vous allez rétablir cet amendement ?
MAUD BREGEON
On proposera de le rétablir. On ne va pas rentrer dans la technique parlementaire, mais c'est le texte initial qui arrive en Hémicycle pour les projets de loi de finances.
GILLES BORNSTEIN
Budget invotable pour la droite, dit ce matin Bruno RETAILLEAU dans Le Figaro, qui dit même qu'il ne s'interdit pas la censure. Qu'est-ce que vous répondez à celui qui était encore ministre il y a quelques semaines ?
MAUD BREGEON
Moi, je vois que les députés Les Républicains, à l'Assemblée nationale, ont refusé de mêler leur voix à la France Insoumise et au Rassemblement National la semaine dernière. Je vois des députés qui sont investis dans les débats, notamment aux Commissions des Finances, et qui ont envie que les choses avancent. J'entends le président de groupe, Laurent WAUQUIEZ, qui pose un certain nombre de conditions, mais qui néanmoins se montre ouvert au débat. Ce que je dis c'est que Bruno RETAILLEAU, et il le sait, c'est parce qu'il a été ministre, la France a besoin d'un budget en fin d'année. On doit pouvoir discuter, on doit pouvoir discuter avec le Sénat. Et donc, je ne rentre pas dans les polémiques et j'invite mon ancien collègue du Gouvernement, comme tous les députés Les Républicains et les sénateurs Les Républicains, à se mettre autour de la table.
GILLES BORNSTEIN
Gérald DARMANIN a dit son intention d'aller rendre visite à Nicolas SARKOZY. Le procureur, après la Cour de cassation, lui a répondu que c'était une pression sur les magistrats. Alors, certes, Gérald DARMANIN… Nicolas SARKOZY est l'ami de Gérald DARMANIN. Est-ce que le ministre ne doit pas prendre le pas sur l'ami et donc s'abstenir de tout geste qui peut prêter à la polémique ?
MAUD BREGEON
D'abord, Gérald DARMANIN n'a jamais remis en cause l'autorité judiciaire. Et il a toujours, dans les fonctions qui sont les siennes, soutenu les magistrats lorsqu'ils ont été menacés. Ça a été le cas sur cette affaire. C'est la première chose. La seconde, je le rappelle à toute fin utile, Nicolas SARKOZY, faisant appel, il est aujourd'hui présumé innocent. Et je pense qu'on a encore le droit de le dire sur les plateaux. Qu'est-ce qu'on attend d'un garde des Sceaux ? Qu'est-ce qu'on attend d'un ministre de la Justice ? Qu'est-ce que les magistrats attendent d'un ministre de la Justice ? C'est qu'ils se battent, un, pour leur indépendance et deux, pour leurs moyens. Et c'est ce que fait Gérald DARMANIN en se battant pour le budget de la Justice, pour que ce budget soit maintenu, pour qu'on puisse continuer à embaucher des magistrats et à permettre à l'institution judiciaire de fonctionner convenablement.
GILLES BORNSTEIN
Je n'ai pas le temps de vous relancer, mais on ne peut pas dire que vous ayez répondu à ma question. Pour autant, vous nous avez dit que c'était bien une suspension de la réforme des retraites à laquelle on allait assister. Merci Maud BREGEON, porte-parole du Gouvernement, qui était l'invitée des 4 vérités ce matin.
SAMUEL OLLIVIER
Merci à vous, Gilles. Merci également à Fabrice PENAUD pour la traduction en langue des signes.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 octobre 2025