Texte intégral
M. le président Frédéric Valletoux. Dans un contexte d'instabilité politique, je veux dire d'emblée ma volonté que nos débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 soient exigeants, constructifs et apaisés, mais aussi confiants et transparents. Les tergiversations au sujet de la forme juridique que devait prendre la promesse de suspension de la réforme des retraites de 2023 ont finalement débouché sur le choix d'une lettre rectificative au PLFSS, comme l'a annoncé le Premier ministre il y a une heure lors des questions au Gouvernement. Ce n'est pas sans conséquences sur nos travaux. Il va falloir, mesdames et monsieur les ministres, que vous nous éclairiez sur le contenu de cette lettre, négocié avec certains députés, mais que nous ne connaissons pas à cette heure, et sur la portée concrète de ce choix.
Sur le fond, je suis le premier à porter un regard critique sur ce projet de budget. Il est bien en deçà des défis auxquels fait face notre modèle social. Il manque de réformes de structure pour garantir la pérennité de notre système de protection sociale. Par exemple, nous demandons trop d'efforts aux patients. Nous devrions responsabiliser plus encore l'ensemble des acteurs, rechercher l'efficience, incarner le virage préventif, revoir les modalités de financement de la recherche et l'accélérer, autant de conditions d'une médecine plus efficace, plus juste et plus soutenable. En ce qui concerne les politiques sociales, ce PLFSS ne contient rien pour améliorer la prise en charge du grand âge ni sur la protection de l'enfance.
Lors de cette audition, nous nous interrogerons notamment sur la soutenabilité des comptes sociaux, l'accès aux soins et à la prévention dans tout le territoire, la situation des établissements de santé et des professionnels, la politique familiale, l'autonomie et le vieillissement, les retraites.
Ce texte comporte certaines avancées : lutte contre la fraude, encadrement des dépassements d'honoraires ou mise en cohérence de la politique vaccinale. Mais il faut aller plus loin en matière de lutte contre les addictions, de prévention et d'efficience.
Je serai le garant d'un débat équilibré. Notre responsabilité collective est de donner aux Français une loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) utile, lisible et surtout crédible. Mesdames et monsieur les ministres, nous comptons sur vous pour éclairer les choix, les trajectoires et les impacts attendus des différentes dispositions.
En vue de leur examen en séance publique à compter du mardi 4 novembre, le bureau de notre commission avait décidé que la discussion des articles débuterait jeudi matin et se poursuivrait jusqu'au mercredi soir. Ce calendrier est-il encore d'actualité après l'annonce d'une lettre rectificative ? Le cas échéant, je réunirai le bureau pour modifier le calendrier de l'examen en commission.
Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics. Si nous vous présentons un texte, au fond, nous vous passons surtout le relais. Comme le Premier ministre l'a dit, nous avons déposé les textes dans les délais prévus par la Constitution pour donner un budget au pays ainsi qu'à la sécurité sociale et, partant, sortir notre pays de l'incertitude et redonner à tous un cap clair. Ce texte a été rédigé dans un esprit de responsabilité et d'humilité. Plus que jamais, le Gouvernement se place au service du Parlement pour faire aboutir la discussion et parvenir à un compromis en renonçant à l'usage de l'article 49, alinéa 3. Nous devons être responsables parce que la situation des comptes publics est préoccupante et qu'il nous faut poursuivre les efforts commencés en 2025, sans quoi il nous deviendra très vite impossible de stabiliser notre dette à un horizon viable.
Je vais d'abord rappeler quelques éléments sur la situation générale des finances publiques. En 2025, la dette publique atteindrait 116 % du produit intérieur brut (PIB) ; 118 % en 2026. Surtout, notre charge de la dette atteindrait 74 milliards d'euros, soit 8 milliards de plus que cette année. Ces 74 milliards, soit l'équivalent du budget de la branche famille et de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) réunies, correspondent à ce que nous devrons l'an prochain à nos créanciers non pas pour rembourser la dette mais uniquement au titre de nos intérêts.
Dans le champ de la sécurité sociale, le déficit prévu pour 2025 serait de 23 milliards d'euros, après 10 milliards en 2023 et 15 milliards en 2024. Moins de deux ans après la fin des dernières opérations de transfert de dette vers la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), correspondant à la reprise de tous les déficits accumulés en 2020, 2021, 2022 et 2023, la dette sociale est d'ores et déjà reconstituée : nous terminerons l'année avec un volume de près de 65 milliards à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss). Nous projetons, si le PLFSS était voté en l'état, ce qui ne sera probablement pas le cas, un plafond d'endettement de l'Acoss de 83 milliards pour 2026.
Néanmoins, je viens devant vous sans catastrophisme ni fatalisme, mais avec un message : il est possible de reprendre en main nos finances publiques.
De fait, pour la première fois depuis plusieurs années, en 2025, notre objectif de déficit de 5,4 % – j'insiste sur ce "notre", car c'était le fruit d'un compromis parlementaire inédit dans une commission mixte paritaire conclusive, qui a permis de promulguer un budget – est en passe d'être tenu, notamment parce que la sécurité sociale y contribue. La cible de recettes serait atteinte à 0,2 % près ; celle de dépenses pourrait même être légèrement inférieure à ce qui était prévu.
Surtout, pour la première fois depuis la crise sanitaire, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) est en passe d'être respecté. Nous l'avons exécuté, en toute transparence vis-à-vis de vous, selon une approche prudentielle. À ce propos, je tiens à saluer la mise en réserve inédite qu'avait décidée Catherine Vautrin. Nous avons ainsi suivi de manière rapprochée les dépenses puis pris, grâce à la procédure d'alerte, un certain nombre de mesures de redressement. Ce résultat est d'autant moins anodin que la cible de dépenses de l'Ondam avait été dépassée de 1,5 milliard d'euros en 2024 et de près de 3,5 milliards en 2023.
Toutefois, en 2025, l'Ondam progresserait deux fois plus vite que la croissance. La croissance du PIB et l'inflation s'élèvent à 1,7 % en 2025, tandis que la croissance de l'Ondam sera de 3,6 % – vous aviez voté 3,4 %. Mais nous devons aller plus loin et nous efforcer de stabiliser la situation financière de la sécurité sociale. Pour que la dette cesse d'augmenter en 2029, aucun scénario n'est crédible sans un retour à l'équilibre de la sécurité sociale. En l'absence de mesures cette année, les 23 milliards d'euros de déficit en 2025 deviendraient 29 milliards l'an prochain et 34 milliards à l'horizon 2029. Nous courons le risque de perdre le contrôle de notre sécurité sociale si nous n'agissons pas maintenant.
Cette dégradation se traduit par un fait simple : les recettes progressent tendanciellement moins vite que nos dépenses ou, pour le dire autrement, nos dépenses augmentent tendanciellement beaucoup plus vite que la croissance. Le coût de la protection sociale augmente donc plus vite que la richesse créée par notre économie. Ainsi, l'Ondam représentait 8,2 % du PIB en 2019 ; il en représente aujourd'hui près de 9 %. Notre objectif est de stabiliser cette dépense à 8 8, %, c'est-à-dire à son niveau de 2024, afin d'atteindre les 3 % de déficit en 2029. Le retour à l'équilibre de la sécurité sociale est un impératif – et il est réalisable.
C'est un impératif puisque, d'après la logique de notre protection sociale, les générations futures ne doivent pas financer nos dépenses d'aujourd'hui. Aussi nous faut-il faire face de manière structurelle à une baisse de la population en âge d'activité face à une hausse de la population qui n'est plus en activité. L'équité intergénérationnelle est déjà un enjeu, qui va prendre de plus en plus d'importance. Le second impératif, c'est que nous ne pouvons pas demander un effort de maîtrise des dépenses à l'État et aux collectivités sans envisager une maîtrise des dépenses des administrations de sécurité sociale (Asso), qui représentent 47 % de la dépense publique.
Je veux le dire ici avec beaucoup de conviction : reprendre en main nos dépenses sociales, ce n'est pas faire des coupes sombres. Le budget qui vous est présenté, ce sont des dépenses qui augmentent de 11 milliards d'euros et des recettes qui augmentent de 16 milliards. Ce sont ainsi 5 milliards de plus pour la branche santé, 0,5 milliard de plus pour la branche AT-MP, 4 milliards de plus pour la branche vieillesse et 1,5 milliard de plus pour la branche autonomie, les dépenses de la branche famille restant stables – 11 milliards d'euros de plus pour les Français.
Pour construire ce budget, nous avons fait des choix, qui pourront évidemment être débattus.
D'abord, pas de rabot généralisé. Au sein de l'Ondam, par exemple, les moyens augmentent notamment pour le sous-objectif hospitalier, ainsi que dans le champ médico-social, de près de 1 milliard d'euros. Nous assumons aussi de faire baisser certains financements moins efficients : prise en charge des cures thermales ou de certains médicaments moins efficaces ; meilleure régulation des arrêts de travail ; mesures de lutte contre la fraude. Nous essayons de limiter les rentes, nous faisons des choix et nous essayons de mettre sur la table les dépenses qui nous semblent prioritaires.
Deuxièmement, nous avons souhaité mieux positionner les incitations dans les domaines où nous considérons que la structure de dépenses ou de recettes peut être améliorée. Je pense aux dépassements d'honoraires, au mécanisme des ruptures conventionnelles, qui peut être amélioré, ou au meilleur équilibre du cumul emploi-retraite.
Troisième principe : nous souhaitons que la contribution soit équitable et partagée et que les efforts soient un peu plus importants là où la dépense a le plus progressé. Notre pays est et restera, après l'effort de la sécurité sociale et celui des mutuelles, celui où le reste à payer est le plus bas du monde. Un quart des Français sont exonérés des forfaits de responsabilité, ou franchises : c'est bien un choix de justice fiscale et sociale. Nous mettons à contribution les organismes complémentaires et une baisse des prix dans le champ du médicament, inédite mais proportionnée, est également proposée.
Quatrièmement, le retour à un fondement de la protection sociale : celle-ci est bien financée par les cotisations qui reposent sur le travail ; certains droits doivent donc aussi pouvoir faire l'objet d'une vigilance quand les dynamiques de dépenses sont trop élevées.
Cinquième principe : de nouveaux droits et un investissement assumé dans la prévention. Pendant longtemps, on a dit que Bercy était contre la prévention au prétexte que celle-ci coûtait cher à l'instant T sans qu'on sache quand elle était rentable. Je crois précisément l'inverse : il faut investir aujourd'hui pour que l'emballement des comptes n'ait pas lieu demain.
Dernier principe : donner de la lisibilité aux acteurs pour tracer des perspectives pluriannuelles dès lors qu'elles sont possibles.
Vous êtes nombreux à nous avoir interrogés sur les enjeux de lutte contre la fraude. Pour éviter que les bonnes mesures votées en commission fassent, comme chaque année, l'objet d'une censure du Conseil constitutionnel, nous avons déposé la semaine dernière, en même temps que le projet de loi de finances (PLF), un projet de loi sur la fraude fiscale et sociale. Il s'agit de mieux repérer, de mieux sanctionner et de mieux recouvrer. Pendant des années, on a su détecter la fraude fiscale sans parvenir pour autant à faire rentrer l'argent dans les caisses, puis il y a eu de grands progrès. Le projet de loi permettra la même évolution dans le domaine social, grâce à la création d'une procédure de flagrance sociale et à d'autres éléments touchant les professionnels de santé qui détournent l'argent précieux de la sécurité sociale. Ce projet de loi de lutte contre la fraude pourrait être examiné en alternance avec les textes financiers – ce sera évidemment à la Conférence des présidents de le décider. Ainsi, les travaux débuteraient au Sénat, si sa Conférence des présidents le confirme, juste avant l'examen du PLFSS.
La sécurité sociale doit être protégée – protégée, au fond, de nous-mêmes, qui avons imaginé beaucoup de dépenses décorrélées de notre croissance économique. Une solution pour sauvegarder la sécurité sociale, c'est soutenir le travail, soutenir les entreprises et notre création de richesse : plus nous aurons de croissance, plus nous aurons de recettes et plus nous pourrons être à la hauteur de ce que nous demandent les Français.
Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées. Pendant les huit ans que j'ai passés au sein de cette commission, nous avons su, malgré nos désaccords, préserver ce bien rare qu'est le dialogue ; je souhaite qu'il persiste et soit fécond.
Le Premier ministre l'a dit, ce PLFSS est une copie de départ. Sans usage de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, le texte final sera ce que le Parlement en fera et il sera nécessairement bien différent du texte initial.
La sécurité sociale est le ciment le plus solide de notre cohésion nationale. Il nous appartient de ne pas en faire un simple guichet, mais bien un héritage à protéger et à faire prospérer.
Il nous faut regarder la réalité en face : passant de 13 milliards d'euros en 2023 à 23 milliards en 2025, le déficit aura presque doublé en deux ans. Si aucune mesure n'était prise, il atteindrait 33,7 milliards en 2029. Nous pourrions, bien sûr, repousser les décisions et prendre la décision confortable de ne pas agir. Au contraire, nous assumons de dire qu'il nous appartient de ne pas faire peser une dette sociale insoutenable sur les générations futures.
Notre système de santé est l'un des piliers de notre modèle social. Il a démontré sa solidité, sa capacité à protéger, à soigner, à innover, mais il est aussi soumis à des tensions croissantes – une population vieillissante, une explosion des maladies chroniques, des inégalités d'accès aux soins qui se creusent, une pression financière toujours plus forte. C'est pourquoi ce projet de loi vise un cap clair : adapter notre système de santé pour garantir sa pérennité, renforcer la prévention, améliorer l'accès aux soins, tout en responsabilisant chaque acteur. Le texte propose ainsi que les dépenses de santé puissent continuer de progresser, à hauteur de 5 milliards d'euros en 2026.
Toutefois, cette augmentation doit s'accompagner de mesures de freinage des dépenses pour que chaque euro utilisé le soit toujours à bon escient. Tous les acteurs du système de santé seront appelés à participer. Il est, dans les débats, beaucoup question des assurés. Effectivement, une augmentation des montants des forfaits de responsabilité, appelés jusque-là "franchises", est prévue, ainsi que de leurs plafonds. Mais 18 millions de Français, soit un assuré sur trois environ, n'y sont pas assujettis, comme les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire, les femmes enceintes, les mineurs, les personnes les plus fragiles. Ensuite, la France demeurera le pays où le reste à payer est le plus faible. Ma priorité sera toujours d'assurer la protection des plus vulnérables. Aussi le mécanisme de plafonnement de l'ensemble des contributions est-il bien maintenu même si le plafond annuel est relevé, ce qui permettra de limiter la contribution des patients atteints de maladies chroniques ayant des soins lourds et très coûteux. Pour vous donner un ordre de grandeur de l'impact de cette mesure, la contribution moyenne par assuré représente environ 42 euros supplémentaires par an.
L'effort collectif concernera chacune et chacun, quel que soit le secteur. Il s'agit donc d'un projet de loi juste et responsable, même s'il est exigeant et nécessite des adaptations, voire des transformations de notre système de santé. Ainsi, l'effort sera également abondé par la contribution des organismes complémentaires et des acteurs industriels du médicament et du dispositif médical, grâce à une baisse importante des prix. Enfin – nous y sommes tous ici très attachés –, ce PLFSS met à contribution les secteurs dont la rentabilité peut être qualifiée d'excessive afin que chaque euro versé par l'assurance maladie soit utilement mobilisé au service des assurés.
Ce texte permet de poursuivre des réformes structurelles. La prévention continuera de se développer, grâce à la création d'un statut du risque chronique et à la mise en place de nouveaux parcours de prévention absolument déterminants pour prévenir l'apparition et l'aggravation de pathologies chroniques, en amont de l'entrée dans le dispositif d'affection de longue durée (ALD). Ces parcours incluront des prestations aujourd'hui non remboursées, comme l'accompagnement à l'activité physique et les consultations de diététique ou de psychologie.
Nous renforçons également l'organisation territoriale de l'offre de soins, en consolidant les structures de soins non programmés et en réformant la permanence des soins ambulatoires. Nous facilitons un accès rapide, efficace et coordonné aux soins.
Nous mettrons aussi en œuvre le pacte de lutte contre les déserts médicaux. Un nouveau statut de praticien territorial de médecine ambulatoire sera créé. Il offrira un soutien financier et organisationnel à de jeunes médecins qui s'engageront à exercer deux ans dans les zones les plus en tension. Dès la rentrée 2026, les internes en dernière année de médecine générale effectueront un stage d'un an dans les zones où l'accès aux soins est difficile. Nous faciliterons l'installation des pharmacies dans les communes de moins de 2 500 habitants pour favoriser un maillage officinal de proximité. Enfin, ce pacte sera renforcé par la mise en place d'un réseau de 5 000 maisons France Santé d'ici à 2027 sur l'ensemble du territoire, comme s'y est engagé le Premier ministre.
La fin de vie, elle aussi, sera mieux accompagnée, conformément aux engagements pris par ma prédécesseure, Catherine Vautrin. Le déploiement d'unités de soins palliatifs dans chaque département, le renforcement des équipes mobiles et le développement des soins à domicile seront soutenus à hauteur de 100 millions d'euros.
Je ne peux terminer sur la branche maladie sans évoquer la grande cause nationale qu'est la santé mentale et faire un point sur le financement de la psychiatrie. Entre 1990 et la fin des années 2020, l'Ondam concernant la psychiatrie est passé de 11 % à 6 %. Depuis 2020, les crédits ont augmenté de plus de 44 % pour atteindre près de 13 milliards d'euros en 2025, cinquante-trois nouvelles mesures s'appliquant depuis 2021. L'Ondam hospitalier du présent PLFSS intègre ainsi 65 millions d'euros de mesures nouvelles pour appuyer les actions en matière de santé mentale. 2026 devra marquer une confirmation de la mobilisation interministérielle dans ce domaine, sur la base des engagements de mon prédécesseur, Yannick Neuder, et autour du triptyque repérer, soigner, reconstruire.
Quatre-vingts ans après sa création, la sécurité sociale fait face à un défi financier de long terme en lien avec notre situation démographique. Le nombre de naissances a chuté de 20 % depuis 2010, tandis que, très bientôt, plus d'un tiers de la population sera âgée de plus de 60 ans. Ce changement a et aura des effets sur l'équilibre de la sécurité sociale : sur les recettes, du fait de la baisse du nombre d'actifs, mais également sur les dépenses en soins, en accompagnement de la perte d'autonomie et de retraite. Ce PLFSS comporte donc des mesures structurelles pour s'adapter au virage démographique d'un bout à l'autre de la vie.
L'action porte tout d'abord sur la branche famille, dont nous sommes attachés à préserver les fondamentaux et l'universalité, tout en nous adaptant aux demandes des parents. Afin de donner plus de choix concrets aux familles pour l'accueil de leurs jeunes enfants, ce PLFSS permet la création très attendue d'un congé supplémentaire de naissance, bien rémunéré, que chacun des deux parents pourra prendre pour une durée allant jusqu'à deux mois chacun, soit quatre mois supplémentaires en tout. En s'ajoutant aux congés de paternité et de maternité existants, il permettra d'atteindre les six mois de l'enfant. Près de 90 % des parents estiment qu'il s'agit du meilleur mode de garde pendant cette période, ce que les travaux des 1000 premiers jours confirment s'agissant du développement de l'enfant. Cette mesure servira l'égalité femmes-hommes en incitant les deux parents à s'impliquer conjointement dès le premier mois.
Le PLFSS vient également conforter la trajectoire financière de la branche famille accompagnant la mise en œuvre du service public de la petite enfance pour l'offre de garde formelle, avec le déploiement en année pleine de la réforme du complément de libre choix du mode de garde (CMG), pour un coût de 600 millions d'euros par an. Elle permet de baisser le reste à charge lors du recours à une assistante maternelle pour les familles modestes qui travaillent ou qui ont besoin d'un nombre élevé d'heures de garde. Cela aura des effets positifs sur l'appel aux assistantes maternelles dans les territoires où l'offre de crèches est plus faible. Le CMG est également étendu jusqu'aux 12 ans de l'enfant pour les familles monoparentales ; il sera partageable en cas de garde alternée à partir du 1er décembre.
Ce PLFSS, c'est aussi la poursuite de la trajectoire d'investissement dans la création de places de crèche : 35 000 sont prévues, et l'articulation est renforcée avec les communes, qui sont, depuis le 1er janvier de cette année, l'autorité organisatrice de l'accueil des jeunes enfants. Dans un contexte où 60 % des besoins de garde des enfants de moins de 3 ans sont couverts et où le nombre d'assistantes maternelles diminue, j'y consacrerai toute mon énergie.
Je laisserai la ministre déléguée chargée de l'autonomie et des personnes en situation de handicap développer l'ensemble des enjeux relatifs au grand âge et au handicap ; je ne peux toutefois conclure sans évoquer le virage que ce PLFSS opère vers l'habitat intermédiaire. Il s'agit d'une solution clef, entre le domicile historique et l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), dans notre stratégie pour aider tous les territoires à faire face à la hausse du nombre de personnes âgées en perte d'autonomie. Ainsi, 100 millions d'euros supplémentaires seront déployés en direction de cette priorité stratégique. J'aurai à cœur de travailler avec les départements pour faire avancer nos politiques en faveur des personnes âgées.
Ce texte, désormais le vôtre, devrait permettre de préserver le très haut niveau de protection de notre système social, de poursuivre les réformes structurelles et de réduire le déficit de la sécurité sociale. Je vous propose que nous y travaillions ensemble.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités. Je suis très honoré d'être présent devant vous. Il m'est arrivé, en tant que président de la SNCF, d'être entendu par votre commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. J'ai toujours apprécié les temps d'échange avec les parlementaires ; je suis sûr que nous continuerons à avoir un dialogue fécond.
J'aborde ma mission de ministre et cette première audition avec beaucoup d'humilité, comme un débutant, et d'ouverture d'esprit. Avant d'entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de revenir très vite sur ma participation à ce gouvernement, sur laquelle certains ont pu s'interroger.
J'ai d'abord été mû par l'envie de servir mon pays et de mettre mon expérience professionnelle au service du travail et de la solidarité. Mes quarante-cinq ans à la SNCF m'ont peut-être permis d'acquérir certains bons réflexes. Devenir ministre, c'est poursuivre cet engagement. La SNCF est une entreprise publique, au service des Français et des territoires – une bonne préparation à ma nouvelle fonction. Les sujets qui relèvent de mon ministère me parlent à titre personnel. J'ai beaucoup travaillé et beaucoup croisé de travailleurs dans différents emplois. La dimension humaine du travail, les compétences, le dialogue social, les conditions de travail ou la valorisation du travail, tous ces sujets m'ont concerné à la SNCF. Je suis sûr que cette expérience sera utile à l'ensemble des Français.
La solidarité est aussi une composante de mon engagement. Je me suis en effet engagé en faveur de la médiation dans les quartiers difficiles ; je viens de m'engager pour l'égalité femmes-hommes. Dans un État moderne, on ne doit pas oublier ceux qui sont au bord de la route, ceux qui ont moins de chance que les autres. Il faut savoir tendre la main à ces gens-là pour qu'ils trouvent leur place dans le projet national.
Enfin, c'est l'envie d'agir qui m'a conduit vers ce gouvernement. On peut rester spectateur, prendre le rôle facile du commentateur ; j'ai fait le choix de plonger dans la mêlée – ou dans la piscine –, d'agir pour apporter, à ma place et modestement, avec d'autres et avec vous, des solutions aux problèmes que connaissent nos compatriotes.
Mon ambition sera bien sûr, en droite ligne avec ce qui a été dit précédemment, de défendre ce modèle social remarquable, l'un des meilleurs au monde. Car il a besoin d'être défendu, notamment pour les raisons financières qui ont été rappelées, tout comme le travail doit être promu. Le travail est un élément de dignité. Avoir un travail, c'est avoir une place dans la société. Le travail est aussi l'occasion d'être utile et la réponse à nos problèmes de financement. L'emploi qualifié, le fait de travailler davantage, de commencer plus jeune, d'arrêter plus tard, de travailler avec intensité : voilà autant d'éléments dont nous devrons débattre, car ils sont nécessaires à la pérennisation de notre modèle.
J'en viens au PLFSS. Je l'ai dit, le système social français est remarquable, mais il a quatre-vingts ans. L'enjeu est qu'il dure encore longtemps ; or il est fragilisé. Ses soubassements économiques sont secoués par des évolutions structurelles qu'il faut regarder avec lucidité et dont la première est le vieillissement. La France vieillit et il faut s'en réjouir, car cela signifie que notre modèle de santé fonctionne très bien, mais cela déséquilibre le système de retraites par répartition, dans lequel les actifs payent pour les retraités. On connaît le problème, mais il n'a pas encore été résolu. Parallèlement, les soins coûtent de plus en plus cher. Il faut s'occuper de ces déséquilibres.
Le mode de financement repose en grande part sur le travail, si bien qu'il est très sensible au coût de celui-ci. Il faut veiller, à cet égard, à ne pas opposer coût du travail et compétitivité de nos entreprises : la solution passe par la synergie entre ces deux aspects, qui ne s'opposent pas, mais se nourrissent mutuellement. Il y a un lien entre le travail, l'emploi – sa structure, sa qualification –, le développement économique, la politique industrielle et la politique énergétique : c'est sur tout ce système qu'il faut travailler.
Les trois grands blocs – santé, travail, solidarité – sont un patrimoine qu'il faut, comme une maison, céder en bon état aux générations futures. C'est à nous de tenir ce système et de veiller à ne pas léguer une dette sociale trop lourde aux générations futures. Les jeunes d'aujourd'hui seront les actifs de demain, et les actifs seront des retraités qui devront peut-être affronter des problèmes d'autonomie.
Tout cela a un coût, qui doit être équilibré. Les dépenses de sécurité sociale, soit 666 milliards d'euros, s'élèvent à 10 000 euros par an et par Français, ce qui est considérable. Dans une logique contractuelle, les recettes doivent couvrir les coûts. J'ai appris récemment que, en ce qui concerne l'Acoss, ce ne sont pas seulement les intérêts qu'il faut rembourser, mais aussi l'emprunt principal. Il faut faire très attention à nos capacités de remboursement – Amélie de Montchalin l'a rappelé, le plafond d'endettement de l'Acoss a atteint un niveau très élevé – et à la gestion de la dette du système.
Il faut donc agir sur les dépenses et sur les recettes. Dans les deux cas, cela implique des efforts, lesquels doivent être justes et partagés par tout le monde : les bénéficiaires, les entreprises, les salariés, les retraités, les actifs, mais aussi les opérateurs, s'agissant de la performance de leur prestation.
Notre action passera aussi par la lutte contre la fraude : il est moralement inacceptable que certains abusent du système alors que les euros publics sont rares. Le projet de loi qui arrivera prochainement au Parlement permettra de renforcer les moyens de lutte contre la fraude fiscale et sociale ; il nous donnera les outils pour être plus efficaces.
Le principe de l'année blanche, générique et général, s'applique aux prestations et aux pensions de retraite. Dans le projet de loi tel qu'il vous a été présenté, celles-ci ne seront donc pas valorisées. Je le redis : ce projet est un projet. Il correspond aux objectifs que nous nous sommes fixés : il concourt à la maîtrise de l'accroissement du déficit de la sécurité sociale et à la tenue du déficit de 4,7 % du budget général. Je suis certain que vous ne manquerez pas de nous interpeller et de nous faire des propositions. Je serai attentif au respect des contraintes : nous serons ouverts à la discussion sur les solutions dès lors que les grands équilibres sont tenus. L'année blanche sur les prestations et pensions pèse lourd – pas moins de 3,6 milliards d'euros. Il faut donc être conscient que toute modification aurait des effets importants.
Dans la même logique, il est prévu de geler les montants des revenus utilisés pour déterminer l'application des taux réduits ou nuls pour la contribution sociale généralisée (CSG) et les revenus de remplacement, et par extension pour la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie et les cotisations d'assurance maladie sur les retraites complémentaires. Au total, cela permettra une économie de 300 millions d'euros.
Le budget s'appuie ensuite sur l'effort des entreprises. Sur ce point, nous faisons attention car, je le redis, c'est la capacité des entreprises à se développer qui nourrit le volet emploi. Je souhaite donc ménager leur compétitivité et rechercher avec prudence un équilibre entre compétitivité et économies. Néanmoins, nous avons décidé une réduction complémentaire des allégements généraux de cotisations sociales des entreprises, lesquels représentent une masse conséquente de 80 milliards d'euros. Une première marche avait été franchie l'an dernier. Nous proposons non seulement de la prolonger, mais aussi d'en faire une supplémentaire, à peu près du même montant – environ 1,5 milliard d'euros. Nous veillerons bien sûr à ce que les exemptions au niveau du Smic soient maximales, dans une logique de maintien des allégements jusqu'à trois fois le Smic suivant une courbe qui est à discuter.
S'agissant des recettes, nous avons souhaité remettre en question le principe même des niches dès lors que celles-ci consistent en une exemption de cotisations ou de fiscalité sur quelque chose qui ressemble à une rémunération. Je le redis : ce projet pourra donner lieu à des discussions. D'un côté, l'année blanche pour tous les flux, de l'autre, la réduction des niches : c'est une question d'équité. Il s'agira de se réinterroger sur l'origine et l'histoire de chaque niche ; des dérogations seront possibles, mais devront être justes, justifiées et ajustées.
Les retraites sont au cœur d'un débat passé, présent et futur que certains d'entre vous connaissent très bien – je rends hommage à tous ceux qui ont beaucoup travaillé sur ce sujet compliqué. Plus qu'un débat comptable, c'est un débat de société. La retraite est un prolongement naturel du travail, sa dernière étape. On pourrait d'ailleurs réfléchir à des formules associant travail et retraite et promouvoir les dispositifs existants en ce sens ; il faut peut-être savoir discuter la rupture absolue entre les deux.
Il n'y a pas que des difficultés dans ce projet de budget. Il y a aussi de bonnes nouvelles, comme l'amélioration de la réforme des retraites de 2023 pour les femmes qui sont mères : pour celles qui ont un enfant, le calcul de la pension sera fait sur les vingt-quatre meilleures années et, pour celles qui en ont deux, sur les vingt-trois meilleures. Pour les carrières longues, deux trimestres supplémentaires pourront être incorporés dans le calcul. Notre attention à ces sujets est justifiée : il demeure des écarts importants entre les retraites des hommes et celles des femmes ; il n'est pas anormal de contribuer à la réduction de ces inégalités.
La suspension de la réforme a été annoncée par le Premier ministre au cours de sa déclaration de politique générale, avec beaucoup de sincérité – c'est à tort que certains ont pu exprimer quelques doutes à ce sujet. Les annonces qu'il a faites aujourd'hui montrent d'ailleurs sa détermination à trouver le chemin d'un débat en bonne et due forme à l'Assemblée nationale. Cet engagement qu'il a pris sera tenu.
Le sérieux budgétaire s'appliquera à la suspension de la réforme : dès lors que les modalités en auront été précisées, après le dernier passage en Conseil des ministres, nous tiendrons compte du coût de la suspension en 2026 et 2027 pour l'intégrer dans l'élaboration du PLFSS et le compenser.
Le Premier ministre l'a dit, cette suspension assez longue, jusqu'au 1er janvier 2028, doit être utile. Il n'aura échappé à personne que se déroulera d'ici là l'élection présidentielle, qui a une importance majeure dans notre pays. Nous avons donc le temps de remettre sur la table les grands sujets. Ceux-ci ont déjà été discutés et rebattus, mais j'aimerais souligner deux éléments nouveaux, qui seront abordés lors d'une conférence sur le travail et les retraites que nous lancerons certainement vers la fin novembre.
Le premier de ces éléments consiste à étendre au travail le champ du débat. Ce sujet n'était pas suffisamment pris en compte dans la première réforme, alors que le travail affecte, dans nombre de ses dimensions – sa valorisation, les conditions dans lesquelles il s'exerce ou encore sa pénibilité –, le débat sur les retraites. Nous aurons donc un atelier très dense sur le sujet, mais aussi des ateliers spécifiques à chacun des secteurs privé et public, dont les systèmes et les acteurs ne sont pas les mêmes.
Il me semble ensuite que le moment est venu d'ouvrir tranquillement – je n'ai aucun avis préconçu – un débat serein sur les régimes. Le régime par répartition, le grand régime historique en France, en vigueur depuis l'après-guerre, rencontre quelques difficultés. Arriverons-nous à trouver les conditions de sa pérennité ? Si l'on est honnête intellectuellement, on voit que la question se pose. D'autres solutions alternatives sont possibles et ont été explorées il y a peu de temps. Faut-il poursuivre cette exploration ? Un sujet doit être mis sur la table sans tabou : l'introduction d'une part de capitalisation, qui concerne déjà un certain nombre de Français. Chacun réfléchira au fonctionnement, aux avantages et inconvénients de ces deux régimes.
À partir de là, il existe selon moi deux points de sortie possibles – et peut-être même plus. Je formule le vœu qu'après avoir pris le temps de rediscuter du fond, un accord soit trouvé entre partenaires sociaux ; je n'écarte pas cette hypothèse. On n'en a pas été très loin, à une ou deux reprises, mais, pour des raisons diverses, on n'a pas réussi à aller au bout. En prenant le temps de la discussion et de l'écoute, il n'est pas impossible qu'on y parvienne. En tout cas, il faut jouer cette carte. L'enjeu est trop important pour ne pas le faire.
Si nous n'y arrivons pas, il faudra que les Français tranchent d'une façon ou d'une autre. Le débat aura été éclairant, chacun se sera exprimé sur le sujet ; le matériau sera rassemblé, structuré et organisé : il sera soumis de manière démocratique à l'avis du pays et les Français diront ce qu'ils souhaitent pour leur système de retraites pour les dix, vingt, trente ans à venir. La démocratie fera son œuvre le moment venu.
Je le redis : ma méthode, c'est le dialogue. Je n'ai pas d'avis préconçu, ce qui est une force : j'arrive l'esprit libre. Je souhaite sincèrement écouter toutes les parties prenantes et je le ferai. Si je le peux, j'aiderai à clarifier le débat et, pourquoi pas, à trouver une synthèse. J'y mettrai mon énergie, ma patience et mon temps. (Plusieurs députés du groupe LFI-NFP s'exclament : "Et la lettre ?")
M. le président Frédéric Valletoux. Ne vous inquiétez pas, chers collègues, vous aurez la possibilité de poser des questions.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargée de l'autonomie et des personnes handicapées. C'est un moment très important qui commence, car il nous faut vraiment doter notre pays d'une LFSS. Je suis optimiste et convaincue que nous pouvons y arriver : après avoir dû dans un premier temps constater notre échec, nous y étions finalement parvenus en ce début d'année 2025, dans la même configuration, celle d'une assemblée que l'on pourrait qualifier de morcelée.
La LFSS 2025 nous a permis de prendre des mesures nouvelles pour les personnes en situation de handicap et les personnes âgées. Le plan "50 000 solutions" annoncé en 2023 par le Président de la République a ainsi pu se déployer et accélérer. À ce jour, plus de 12 000 solutions ont été créées, sur 15 000 visées cette année. Nous prévoyons 250 millions d'euros supplémentaires dans le présent PLFSS afin de créer de nouvelles places pour les personnes en situation de handicap ; cela signifie que si nous n'adoptions pas de texte, nous ne pourrions pas apporter ces nouvelles réponses à nos concitoyens. Nous prévoyons d'atteindre l'objectif de plus de 22 000 solutions à la fin de l'année 2026 et d'être ainsi à peu près à mi-parcours.
Parmi les mesures nouvelles contenues dans le présent PLFSS, il y a celles qu'a évoquées Stéphanie Rist concernant l'habitat partagé. Ces mesures sont elles aussi très attendues, tant par nos concitoyens en situation de handicap que par les personnes en perte d'autonomie : nous avons besoin de créer de nouvelles réponses entre le domicile et l'Ehpad. Le texte prévoit ainsi un investissement et une amélioration du financement de l'habitat partagé à hauteur de 100 millions d'euros. Ces mesures essentielles ne pourraient pas voir le jour, elles non plus, si nous n'adoptions pas de PLFSS.
D'autres mesures sont prévues en faveur des personnes âgées. Ce texte prévoit 4 500 équivalents temps plein (ETP) dans les Ehpad, ainsi que des places supplémentaires en service de soins infirmiers à domicile et de nouveaux centres de ressources territoriaux pour accompagner ces personnes à leur domicile lorsqu'elles sont en perte d'autonomie. Est aussi prise en compte dans ce PLFSS la révision des coupes Pathos, donc du niveau de dépendance dans les Ehpad, afin de mieux financer ces derniers. L'évolution du financement des Ehpad se poursuit avec la fusion des sections dépendance et soins dans vingt-trois départements, en vigueur sur une année pleine en 2026. Ces mesures visent à consolider l'offre destinée à nos concitoyens les plus âgés et à viabiliser davantage nos Ehpad.
Dans le cadre d'une stratégie de prévention des maladies neurodégénératives, ce PLFSS prévoit des investissements dans la recherche mais aussi dans l'accompagnement à la perte d'autonomie. Il s'agit, conformément à l'esprit du PLFSS, d'investir dans la prévention et de permettre à nos concitoyens de vivre plus longtemps dans de meilleures conditions.
Le présent texte comprend aussi le financement de la mesure de prise en charge des fauteuils roulants à 100 %, déjà inscrite dans la loi et qui sera pleinement opérationnelle à compter du 1er décembre prochain.
De nombreuses mesures de soutien aux établissements sociaux et médico-sociaux sont également prévues pour leur permettre de faire face à l'inflation, aux évolutions salariales et aux conséquences en matière de financement de la transformation de l'offre que nous appelons tous de nos vœux et à laquelle ils se préparent. Elle consiste à mieux accompagner les projets de nos concitoyens en situation de handicap en leur apportant les réponses les plus personnalisées possible.
M. Thibault Bazin, rapporteur général. Enfin ! Après des semaines d'incertitude politique, nous voici réunis pour entamer la discussion du budget de la sécurité sociale – quoiqu'elle risque d'être retardée par l'attente de la lettre rectificative. Nous le faisons dans les conditions difficiles que chacun connaît. Les obstacles à l'adoption de ce budget sont nombreux, mais les perspectives de discussion sont réelles. J'espère que nous saurons saisir l'opportunité qui nous est donnée de débattre avec sérieux et responsabilité.
Je concentrerai mon intervention sur quatre points.
Commençons par la trajectoire budgétaire et les hypothèses macroéconomiques. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) considère, dans son avis du 9 octobre dernier, que le scénario du Gouvernement repose sur des hypothèses volontaristes. Une croissance de 1 % en 2026, alors que la consommation des ménages reste faible et que l'investissement privé recule, est un pari audacieux. Je voudrais donc savoir comment le Gouvernement entend sécuriser cette trajectoire. Quelles sont les marges de manœuvre prévues si les prévisions sur la masse salariale ou l'emploi ne se réalisent pas ? Surtout, comment garantir la crédibilité d'un scénario qui doit permettre de ramener le déficit de la sécurité sociale à environ 4,7 points de PIB ? Autrement dit, s'agit-il d'un scénario de référence, d'un scénario d'espoir ou d'un affichage de circonstance ?
J'en viens à la réforme des allégements généraux de cotisations pour les entreprises. Avec l'adoption de la LFSS 2025, nous avions acté la création d'une réduction générale dégressive unique, calibrée pour apporter un rendement de 1,6 milliard d'euros en 2025 puis un rendement identique en 2026. Or la trajectoire annexée au PLFSS fait état d'un rendement des allégements généraux de 3,1 milliards d'euros. D'après les informations à ma disposition, ce supplément de 1,5 milliard résulterait d'un nouveau décret actuellement à l'étude visant à modifier les paramètres du barème – lequel découle pourtant d'un décret du 4 septembre dernier. Je souhaite que vous puissiez confirmer ces chiffres. Sur quelles bases ce calcul repose-t-il ? Quels seront les niveaux de rémunération, les secteurs et les entreprises concernés ? Nous devons être clairs : si la réforme vise à rationaliser, très bien ; si elle vise à renforcer l'incitation à l'augmentation des salaires, tant mieux ; mais si elle revenait à accroître la charge sur les entreprises et, par ricochet, sur les classes moyennes, elle serait malvenue.
Mon troisième point concerne l'Ondam et la branche maladie. L'évolution prévue en 2026 – + 1,6 % – est, disons-le franchement, extrêmement exigeante. S'agissant de l'article 10, qui réforme la clause de sauvegarde pour les médicaments et les dispositifs médicaux, l'étude d'impact est extrêmement pauvre ; cela m'empêche, pour l'heure, de répondre à mes collègues et aux professionnels qui m'interrogent. Si tant est que l'on donne crédit au recentrage de la clause sur son rôle de corde de rappel, comment avez-vous précisément fixé les fameux montants M et Z ? Quant à la nouvelle contribution supplémentaire, l'annexe indique seulement qu'à rendement constant – ce qui est à vérifier –, elle peut avoir un effet sur la répartition entre les redevables. Mais qui sera gagnant ou perdant, notamment parmi les exploitants de médicaments matures et ceux de médicaments génériques ?
D'autres mesures, faisant actuellement polémique, pourraient retirer du pouvoir d'achat aux Français ; je pense entre autres à la hausse des franchises médicales par voie réglementaire et à la révision des procédures relatives aux affections de longue durée. Vous vous attaquez certes aux arrêts de travail abusifs – ce que je demande de longue date –, mais cela sera-t-il suffisant pour atteindre votre cible ? Je reste convaincu, comme un certain nombre de collègues à mes côtés, que le redressement de nos comptes sociaux passera par une amélioration du taux d'emploi grâce à des incitations fortes au travail, à une baisse des dépenses inutiles et au renforcement de la lutte contre les abus et les fraudes.
Enfin, ma collègue Céline Thiébault-Martinez et moi-même recommandons dans notre rapport sur les congés parentaux de permettre une plus grande flexibilité en la matière, grâce notamment aux possibilités de fractionnement ou au temps partiel, mais l'article 42, consacré au congé supplémentaire de naissance, ne prévoit rien de tel ; pour quelles raisons ? Je suis convaincu que, sans souplesse, ce congé restera sous-utilisé, notamment par les pères. Êtes-vous ouverts à des évolutions du texte en ce sens, pour que cette mesure devienne le levier d'une politique familiale adaptée aux attentes et aux besoins des parents ? Il y a encore tant à faire en matière de soutien aux familles pour garantir le renouvellement des générations et assurer l'avenir de notre nation.
Je ne parlerai pas, enfin, de l'éléphant dans la pièce – la suspension de la réforme des retraites –, car le sujet sera abordé par mes collègues. Je serai néanmoins très vigilant quant aux conséquences de cette suspension pour les Français – non seulement ceux qui ont travaillé, mais aussi ceux qui travaillent : je veillerai à ce que leur pouvoir d'achat soit préservé et que la pérennité de notre système de retraites par répartition soit assurée.
Je vous remercie, mesdames et monsieur les ministres, pour les réponses, les précisions et les éclaircissements auxquels nous avons droit et que vous voudrez bien nous apporter.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous avons fait une hypothèse de croissance de 1 %, qui n'est donc supérieure que de 0,1 point au consensus des économistes pour la France, lequel s'établit à 0,9 % : cet écart est beaucoup plus faible que ceux qui ont pu exister dans le passé. Pour l'inflation, notre prévision, de 1,3 %, est au contraire inférieure au consensus, qui est de 1,5 %. Cela a conduit le HCFP à dire que les prévisions de recettes étaient crédibles, notamment celle de masse salariale.
L'instabilité actuelle a porté le taux d'épargne à 19 % du revenu, un record depuis 1970. D'après notre prévision, il devrait descendre à 17,4 %, restant ainsi très supérieur à sa moyenne de long terme. Il y a là un élément clef de soutien à la croissance : redonner de la perspective aux Français, c'est faire baisser leur inquiétude, donc aussi leur taux d'épargne.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Le congé supplémentaire de naissance permettra à la mère et au père de prendre chacun un congé d'un ou deux mois à temps complet s'ils le souhaitent. Dans un souci d'égalité hommes-femmes, il ne sera pas transférable de l'un à l'autre et ne pourra être pris à temps partiel : il risquerait de mettre les mères – le plus souvent – dans des conditions de travail précaires et ne correspondrait plus à l'objectif d'une reprise du travail à temps plein à la fin. Ce congé sera bien rémunéré – 70 % du salaire net le premier mois, 60 % le second mois.
La réforme de la clause de sauvegarde, à l'article 10, fait suite à la mission menée par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'Inspection générale des finances (IGF). Elle vise, grâce à une taxation plus juste, à rendre à la clause de sauvegarde son rôle originel de bouclier en cas de crise ou de dépenses anormales : les taux étant élevés, elle ne sera pas utilisée en dehors de ces situations. Cette taxe offre aussi une meilleure visibilité à l'ensemble des entreprises, comme le recommandait le rapport de la mission.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Le gel des allégements généraux, qui atteignent 80 milliards d'euros, est effectivement une mesure réglementaire, qui s'inscrit dans l'esprit de l'année blanche. Nous sommes ouverts à la discussion sur les termes du décret, qui n'est pas encore finalisé. L'objectif est de faire une seconde tranche d'économies sans priver le dispositif de son efficacité.
Vous l'avez dit, la lutte contre la fraude est très importante. Le projet de loi qui arrivera prochainement au Parlement apportera les réponses que vous souhaitez. Ce qui nous manque, sur le plan technique, c'est la capacité à croiser les bases : nous avons besoin d'outils plus efficaces pour, dans nos systèmes d'information, repérer les discordances de façon quasi automatique. En matière de recouvrement, nous souhaitons socialiser les sommes indûment perçues, c'est-à-dire les soumettre à la CSG, entre autres. Nous irons jusqu'au bout de la logique, afin que les systèmes de protection sociale reçoivent leur juste part de ces sommes détournées. Nous sommes prêts à discuter de ce projet de loi avec les parlementaires qui souhaiteraient l'améliorer. Comme vous, nous souhaitons être plus durs avec les auteurs de fraudes sociales et fiscales.
M. Hadrien Clouet, rapporteur pour la branche autonomie. Nous voilà repartis pour le tour de manège que l'on connaît par cœur : d'abord les lamentations sur les difficultés de la branche autonomie de la sécurité sociale, qui concerne le grand âge et le handicap, avant que le Gouvernement ne baisse le budget en catimini, en nous renvoyant à la prochaine LFSS. C'est un petit peu lassant.
Tout cela est dû au fait que les recettes de la branche autonomie sont gelées : c'est le cas de la CSG sur le capital, que vous refusez d'augmenter. Quant au reste des recettes de la branche, elles découlent du jour de travail gratuit – pardon, de la contribution pour l'autonomie – qui est imposé depuis 2004 dans notre pays : ce jour où on l'allait voir les anciens mais que l'on occupe désormais à travailler pour financer les établissements.
Aucun grand plan dans le PLFSS, aucun dispositif susceptible d'améliorer la vie des seniors ou des personnes en situation de handicap. Pour gagner un petit peu de temps dans l'explication du texte, je vous propose un top 3 des dispositions les plus scandaleuses – ça tombe bien, il n'y en a que trois.
La première, à l'article 36, concerne la modification du mode de financement des établissements médico-sociaux. Le projet "Services et établissements : réforme pour une adéquation des financements aux parcours des personnes handicapées" (Serafin-PH) est dans les cartons depuis onze ans : on a eu beaucoup de temps pour y réfléchir, mais cela n'a manifestement pas permis d'aboutir puisqu'il s'agit d'harmoniser les tarifs des établissements par le bas et à budget constant, soit, en langage ordinaire, de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Si vous n'instaurez pas une clause de non-régression entre le budget historique de l'établissement et le nouveau mode de calcul, je souhaite que cette disposition soit retoquée.
J'en viens à l'article 37. Il y a quelques années, vous avez proclamé des hausses de salaires Ségur de la santé et du médico-social mais, étourdis, vous avez oublié de mettre l'argent en face ! Après cinq ans à vous courir après pour obtenir un bout de compensation, voici que l'on en arrache 50 %, uniquement pour les départements. Tant que vous n'aurez pas étendu la prime à tous les salariés du soin – y compris techniques et administratifs – et tant que vous n'aurez pas compensé le Ségur notamment auprès des associations comme Aides, Actions Traitements ou Act Up – je n'ai pris que le début de l'annuaire –, il y aura des suppressions d'emplois ou de missions.
Je conserve pour la fin l'article 38, sans doute promis à une belle publicité vu l'horreur qu'il constitue. Si vous touchez une rente d'invalidité, le PLFSS prévoit en effet qu'elle sera déduite de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH), deux allocations qui atteignent 400 à 600 euros en moyenne. C'est vraiment très classe, comme logique budgétaire !
Être sûr qu'âge et handicap riment avec misère, c'est le fil rouge de ce mauvais budget. Je souhaite donc son rejet en bloc ou, à défaut, celui des articles concernant l'autonomie.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Je retrouve bien là votre esprit de nuance, monsieur Clouet ! Vous occultez toutes les mesures que j'ai annoncées dans ma présentation. Vous pouvez faire fi de ce qu'apporte l'adoption d'un PLFSS mais, je le redis, c'est une condition indispensable pour appliquer de nouvelles mesures en faveur des personnes en situation de handicap et des personnes âgées. Nous y étions parvenus pour 2025, en dépassant nos clivages partisans, dans l'intérêt de nos concitoyens.
Vous n'avez pas du tout compris la réforme de la tarification prévue à l'article 36. Le sujet est complexe. En l'état, les modes de financement ne permettent pas d'accompagner la transformation de l'offre en aidant les établissements à engager des dépenses d'innovation ou, par exemple, de déplacement afin de s'adapter aux projets des personnes. L'objectif est de faire des demandes exprimées le fil rouge du développement des prestations.
Pour concevoir ce mode de financement, nous avons travaillé en étroite concertation avec les fédérations, les associations et les organismes. Cette année sera une année blanche, afin de mesurer les effets sur les établissements. Le texte prévoit que 360 millions d'euros supplémentaires seront mis à disposition dans les années à venir afin d'accompagner le déploiement de ce nouveau mode de financement. Celui-ci favorisera la transformation de l'offre, donc la qualité de la réponse apportée aux personnes en situation de handicap, sans faire de perdant – sans pénaliser les établissements sociaux et médico-sociaux, contrairement à ce que vous prétendez.
Votre présentation de l'article 38 n'était pas moins caricaturale. Ce n'est pas un article d'économies : les réductions de dépenses seront très faibles. C'est un article de bonne gestion des deniers publics.
Quand une personne se retrouve en situation de handicap ou perd en autonomie à cause d'un accident avec un tiers responsable, la compagnie d'assurance de ce tiers prend en charge l'indemnisation de la victime. Il n'est pas question de déduire une quelconque rente d'invalidité de l'APA ou de la PCH. Simplement, la solidarité nationale, qu'elle s'exerce par l'intermédiaire de l'État ou des départements, n'a pas à prendre en charge les dépenses qui incombent aux assureurs. L'article 38 autorise donc les départements à déduire des allocations les sommes concernées, des sommes – j'y insiste – qui financent des dépenses déjà couvertes par l'APA ou la PCH. Il ne s'agit pas de sous-indemniser la personne, ni de lui prendre son indemnité, mais de ne pas la surindemniser. Ainsi, les fonds concernés ne serviront plus à doubler des indemnités mais à financer d'autres besoins. L'article 38 ne vise rien d'autre. Il prévoit évidemment de sécuriser cet engagement ; le décret sera travaillé en étroite concertation avec les représentants du secteur et des personnes en situation de handicap.
Mme Anne Bergantz, rapporteure pour la branche famille. La trajectoire financière de la branche famille est positive, situation qu'elle n'avait pas connue depuis plusieurs années. On ne peut cependant pas s'en réjouir pleinement, puisque les excédents sont dus à la baisse de la natalité, continue depuis plus de dix ans.
La branche sera fortement mise à contribution pour réduire le déficit de la sécurité sociale. En effet, l'état de nos finances justifie une solidarité entre les branches – un excédent ne doit pas être immédiatement dépensé. C'est peut-être aussi l'occasion d'entamer une réflexion collective ambitieuse sur notre politique familiale, en se demandant pour chaque prestation si elle est pertinente eu égard aux attentes, à l'évolution des familles et à nos objectifs.
Depuis plusieurs mois, j'appelle de mes vœux une évolution des allocations familiales. Que pensez-vous de les attribuer dès le premier enfant et d'abandonner leur modulation en fonction du nombre d'enfants dans la famille ? Ce dernier diminue : l'enjeu n'est plus le troisième, c'est le deuxième, voire le premier.
Je me félicite de l'introduction d'un congé supplémentaire de naissance, plus court et mieux rémunéré que la prestation partagée d'éducation de l'enfant (PreParE), et ouvert à tous dès le premier enfant. Il répond à une forte attente des parents qui souhaitent être plus présents auprès de leur enfant durant ses premiers mois.
J'ai toutefois déposé deux amendements. Le premier vise à supprimer le caractère dégressif de l'indemnisation : la durée du congé est trop courte pour qu'il soit justifié.
Le second tend à instaurer une alternance. D'abord, pour encourager l'égalité entre les hommes et les femmes, il faut inciter le père à prendre le congé seul avec l'enfant. Le congé paternité peut déjà être pris en même temps que le congé maternité, pendant un mois environ. En l'état, la disposition autoriserait au total trois mois de congé simultané, pour des bénéfices discutables. Ensuite, en prenant ce congé successivement, les parents pourraient rester auprès de l'enfant jusqu'à ses six mois, dans une période où l'attachement aux parents est essentiel. Troisièmement, la mesure réduirait la tension dans le recours aux modes de garde.
Enfin, comment ce dispositif s'articulera-t-il avec la PreParE ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Je vous rejoins sur l'importance de vérifier la pertinence des prestations.
S'agissant de la durée du congé de naissance, les parents pourront choisir entre prendre deux mois simultanément ou chacun à son tour pour un total de quatre mois. Avec les congés maternité et paternité cumulés, ils pourront donc totaliser six mois de congé. Or les travaux sur les 1000 premiers jours ont montré l'importance des six premiers mois. C'est une liberté supplémentaire : les parents auront le choix. Par ailleurs, ce congé n'éteint pas le congé parental.
La dégressivité s'explique par la nécessité de faire tendre le déficit vers 17 milliards d'euros l'an prochain, donc de financer les mesures nouvelles. Pour financer ce congé, nous avons décalé de 14 à 18 ans l'âge de majoration des allocations familiales, mesure pertinente selon une étude de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques.
Nous discuterons des autres points en commission puis en séance : il est important que le débat ait lieu.
Mme Sandrine Runel, rapporteure pour la branche vieillesse. C'est tragique : votre budget n'est qu'illusion et paresse. Ce texte prétendument sérieux, de rupture, n'est que le reflet usé de celui qu'avait présenté François Bayrou. Il ne contient aucun changement : rien pour épargner les classes populaires, rien pour répondre aux urgences sociales, tout pour ceux qui vont bien.
Seule la question des retraites avance, grâce à une pression citoyenne et parlementaire inédite. Le Premier ministre a annoncé la suspension de la réforme de 2023, ce qu'il vient de réaffirmer dans l'hémicycle. C'est l'un des nœuds politiques du projet de loi ; de facto, elle obligera à trouver de nouveaux équilibres budgétaires. Comment comptez-vous la financer ?
Nous avons fait des propositions : taxe Zucman, CSG patrimoine, réduction des exonérations de cotisations sociales sont autant de possibilités de financement juste et équitable que vous balayez d'un revers de la main. Où trouverez-vous donc les 500 millions d'euros nécessaires en 2026 ?
Comme à votre habitude, vous proposez un PLFSS qui ne se cache pas d'être austéritaire : gel des prestations sociales, réduction des exonérations bénéficiant aux salariés, élargissement des franchises et de la participation forfaitaire, diminution des droits des assurés atteints d'une ALD. Quant à l'année blanche, c'est une des mesures d'économie les plus régressives et antidistributives : encore une fois, ce sont les premiers déciles, les retraités et les familles touchant des allocations familiales qui vont trinquer.
Dans le même temps, vous votez massivement contre l'impôt le plus redistributif, la taxe Zucman. C'est clair : les macronistes veulent la rigueur budgétaire, mais seulement pour les plus fragiles.
L'article 45 prévoit de prendre en compte les vingt-trois ou les vingt-quatre meilleures années de la carrière des mères pour le calcul de leurs droits à la retraite, afin de réduire les inégalités entre les hommes et les femmes en matière de pension. Je déplore que cette mesure phare soit prise par voie réglementaire. Vous nous promettez un débat parlementaire renouvelé. Pourriez-vous préciser ici le contenu détaillé de cette mesure et son calendrier d'application ?
En qualité de rapporteure et de députée de l'opposition, je prendrai toute ma part du travail visant à doter notre pays d'un budget juste et sérieux qui garantisse notre modèle social et notre système de retraite. Le respect de la solidarité nationale et de la dignité de ceux qui ont travaillé toute leur vie guidera notre action. Je serai vigilante et exigeante vis-à-vis de la clarté de vos engagements, de la justice de vos choix et de la cohérence de vos actes.
Je regrette que ce budget, profondément injuste, n'offre aucune garantie aux Françaises et aux Français. Il ne fait que recycler des promesses et prolonger la faillite du bloc central. J'espère que les débats permettront d'en corriger les déséquilibres criants.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Sur la suspension des retraites, le moment est venu de donner quelques éléments d'explication. Le débat sur les modalités a été tranché : le Premier ministre a annoncé aujourd'hui qu'il avait choisi la lettre rectificative. Elle est en cours d'élaboration : il faut encore préciser certains éléments, effectuer des simulations, etc. Le Conseil d'État vérifie que la procédure est licite. Une réunion exceptionnelle du Conseil des ministres aura lieu jeudi : sur les éléments qui ne sont pas encore figés, il faut attendre sa validation. Il faut laisser le temps au temps ; c'est seulement lors du Conseil des ministres que tout se cristallisera.
Il reviendra au président de la commission d'apprécier le calendrier de travail. C'est un élément du projet de loi que son retentissement politique met en valeur, mais ce n'est pas le seul. J'invite le président à réfléchir à l'organisation des travaux afin de perdre le moins de temps possible. Il y a du travail et nous avons besoin de ce texte. Toutes les précisions seront disponibles dans la semaine.
Nous sommes d'accord, la disposition en faveur des pensions de retraite des femmes va dans le bon sens. Pour des raisons techniques, il n'y a pas d'autre manière de procéder que le décret.
Je l'ai dit, l'année blanche est un principe général. À notre sens, il est acceptable pour 2026 parce que l'inflation est très basse, autour de 1 %, loin des taux élevés que nous avons connus avec la hausse des prix de l'énergie qui a suivi le début de la guerre en Ukraine. Il faut que ce soit clair : c'est une politique exceptionnelle, qui ne se répétera pas souvent mais que, compte tenu des enjeux, nous avons décidé d'appliquer, notamment aux retraites.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Ce n'est pas parce qu'on n'augmente pas le taux d'un impôt que ses recettes n'augmenteront pas. Par exemple, le budget de la branche autonomie passera de 43,5 à 42,5 milliards d'euros, parce que celles de la CSG atteindront 156 milliards en 2025 – on prévoit par exemple que celles de la CSG remplacement gagneront 3,8 %. La CSG est dynamique comme la masse salariale. Donc les recettes augmentent même si les taux sont stables, parce que – c'est heureux – notre pays a une activité et crée de la richesse.
La conclusion, c'est que plus on soutient l'activité, le travail et la hausse des salaires, plus cela génère des recettes pour la sécurité sociale.
On peut débattre de l'opportunité d'augmenter les taux, mais nous ne sommes pas en train de priver la sécurité sociale de recettes supplémentaires. Je l'ai dit d'emblée : le budget que nous proposons prévoit qu'elles augmenteront de 16 milliards d'euros, c'est-à-dire de 1,7 %. On évoque souvent l'importance de résorber le déficit en augmentant les recettes plutôt qu'en baissant les dépenses ; avec 11 milliards de dépenses et 16 milliards de recettes en plus, on a un solde positif de 5 milliards, qui correspond à l'écart entre le déficit projeté de 2025 et celui de 2026.
M. Gaëtan Dussausaye, rapporteur pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Les travailleurs français sont inquiets des effets de l'usure et de la pénibilité professionnelle sur leur santé : 39 % d'entre eux déclarent que leur activité professionnelle met leur santé en danger – c'est 6 points de plus que la moyenne européenne.
Cette inquiétude est fondée : chaque année, on recense 900 000 sinistres provoqués par l'activité professionnelle, avec évidemment une hyperconcentration dans les métiers dits essentiels.
C'est peut-être l'arbre qui cache la forêt. À la sous-déclaration des accidents du travail s'ajoute la sous-reconnaissance des maladies professionnelles : 75 % des troubles musculo-squelettiques correspondant à un tableau de maladie professionnelle n'ont pas fait l'objet d'une déclaration ; moins de 300 cancers sont reconnus comme maladies professionnelles alors que les épidémiologistes estiment qu'il pourrait y en avoir vingt fois plus.
Ce constat soulève deux questions. La première concerne la compensation à la branche maladie, puisque la branche AT-MP est désormais déficitaire. Deuxièmement, dans l'hypothèse où l'action publique serait – pour une fois – efficace en la matière, comment anticipez-vous l'explosion à venir du montant des réparations ?
Pour préparer l'examen du PLFSS, j'ai tenu à auditionner des Français qui travaillent dans des métiers essentiels, pénibles, entraînant une forte usure. Ils disaient que la meilleure solution, c'est la prévention. Or les dépenses afférentes représentent 2 % du budget de la branche : on est très loin des 7 % qu'y consacre l'Allemagne et qu'un récent rapport sénatorial recommande. Que comptez-vous faire dans les prochains mois pour aller dans ce sens ?
Il y a deux ans, l'injuste réforme des retraites imposée à coups de 49.3 a créé le fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle, financé à hauteur de 1 milliard d'euros sur quatre ans par l'excédent de la branche AT-MP. Notre commission a montré que 70 % des crédits qui lui avaient été alloués n'ont pas été consommés. Qu'entendez-vous faire pour que l'action publique soit beaucoup plus offensive en matière de prévention et pour enfin résoudre le problème du mal-travail ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Les accidents du travail constituent un problème fondamental – c'est aussi l'ancien patron d'entreprise qui s'exprime. Nous en sommes conscients et nous le prenons très au sérieux.
Hier, dans le Val-d'Oise, un salarié est mort d'un accident du travail à cause d'une tempête. Je pense à lui et à sa famille.
Vous l'avez dit, un transfert est prévu de la branche AT-MP vers la branche maladie pour couvrir les sous-déclarations. Le problème est identifié. Une commission se réunit régulièrement pour évaluer le coût à prendre en compte.
Pour faciliter la reconnaissance des maladies professionnelles, nous allons faire évoluer le processus, qui est un peu désuet. De leur définition aux diagnostics, tout mérite d'être actualisé.
Je l'admets, nous n'avons pas encore pu achever le travail de réflexion sur les manières de redresser les comptes de la branche ; il faut le poursuivre. Le volet travail de la conférence sur le travail et les retraites sera l'occasion de parler de la pénibilité. Nous pourrons aussi évoquer la santé au travail – tout cela se tient.
La pénibilité est un chantier sur lequel j'ai pu avancer à la SNCF. Cette expérience positive participera peut-être à faire naître des idées pour d'autres secteurs – quoi qu'il en soit, elle me sera précieuse.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis de la commission des finances. Les membres du groupe Droite Républicaine défendent la création d'une allocation sociale unique (ASU). Le Gouvernement la soutiendra-t-il ?
Vous prévoyez une contribution exceptionnelle des complémentaires santé, à hauteur de 2,05 %. Ne craignez-vous pas que celles-ci en répercutent, à nouveau, le coût sur les Françaises et les Français ?
Les arrêts maladie explosent : il y a un quart de siècle, ils coûtaient 6 milliards d'euros ; aujourd'hui, c'est 17 milliards. La Cour de cassation a rendu des arrêts nous obligeant à nous mettre en conformité avec le droit européen. Dorénavant, par exemple, les salariés pourront récupérer les journées de congé pendant lesquelles ils ont été en arrêt maladie. Comptez-vous intervenir auprès des instances européennes pour que ces règles soient revues ?
Les comptes de la branche famille n'ont pas été certifiés depuis plusieurs années. Les erreurs et les indus de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) atteignent des montants excessifs. Comment nous convaincrez-vous que les choses vont enfin rentrer dans l'ordre et que nous allons mieux lutter contre ces phénomènes ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. La question de l'ASU est sur la table depuis quelque temps déjà. Le premier objectif est de simplifier – il existe beaucoup d'aides, dont les origines et les méthodes de calcul sont différentes. Le second est de rendre le système plus clair et plus lisible. Parfois, les aides individuelles se cumulent dans un même couple ; il faut au moins être conscient qu'il existe des effets d'addition. Dans ce maquis, il faut repérer les outils de justice et d'égalité.
Nous sommes prêts à prendre l'initiative de cet ouvrage. Nous savons qu'un gros travail préalable est nécessaire pour savoir qui fait quoi et pour déterminer comment marier les bases de données. La tâche informatique sera lourde ; nous sommes prêts à l'accomplir et à nous engager à mettre en place un programme adapté. Il faudra peut-être y aller progressivement : c'est tellement complexe qu'il faut graduer nos ambitions et prévoir de consolider les résultats par étapes, jusqu'à atteindre l'objectif final.
La question du montant de cette aide et de son plafonnement est à la fois économique et politique ; nous en débattrons le moment venu.
Mme Stéphanie Rist, ministre. S'agissant des arrêts maladie, le texte prévoit plusieurs mesures. Nous devons d'abord nous interroger sur les raisons de cette dynamique et sur les manières de les prévenir. Nous avons évoqué les mesures à prendre au travail. Il faut aussi trouver comment mieux contrôler les arrêts maladie, envisager que les médecins revoient régulièrement les patients pour s'assurer qu'ils en ont besoin – ce que le texte prévoit.
Vous soulevez à raison la question des complémentaires santé. Je l'ai dit, ce budget prévoit un effort collectif. Si les assurés devront faire preuve de responsabilité, c'est aussi le cas des laboratoires pharmaceutiques ainsi que des organismes complémentaires. Ces derniers devront s'acquitter d'une taxe de 1 milliard d'euros supplémentaires. Cependant, d'autres mesures diminueront leurs coûts. Je pense aux dépassements d'honoraires, qu'ils prennent partiellement en charge. Il faut envisager le texte dans sa globalité.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Dans certaines tranches d'âge, les arrêts maladie ont augmenté de plus de 25 % depuis la fin du covid. Il faut donc renforcer la prévention, mais il faut aussi s'assurer que l'arrêt maladie est à la fois justifié – nous devons lutter contre les abus – et utile. Si les gens sont en arrêt mais qu'ils ne voient aucun praticien pour résoudre leurs problèmes, les arrêts se prolongent sans que la santé des Français s'améliore. C'est pourquoi nous proposons des prescriptions d'arrêts plus courts et des rendez-vous plus réguliers pour résorber la cause. Gardons à l'esprit que 80 % de la dépense est consacrée à 25 % des arrêts, à savoir ceux de plus d'un an. Les arrêts longs posent un vrai problème.
Les comptes de la Cnaf n'ont pas pu être certifiés l'an dernier en raison d'un manque de fiabilité. La clef, c'est le préremplissage, qu'on appelle aussi la solidarité à la source. Il diminue le nombre d'erreurs, de fraudes et d'indus : c'est bon pour tout le monde. Toutes les allocations sont concernées. Ce doit être notre grand œuvre collectif.
Pour lutter contre la fraude, le projet de loi que vous examinerez dans quelques semaines prévoit de nombreux outils pour empêcher le versement des fonds en cas de suspicion, sur le modèle de la loi Cazenave contre toutes les fraudes aux aides publiques, et inclut des mécanismes de flagrance, avec gel et saisie des avoirs. Nous avons parlé de la Cnaf, mais il faut aussi s'occuper de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf), plus facile à frauder que le fisc : ce texte permettra d'y remédier.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Joëlle Mélin (RN). C'est désespérant. Depuis les ordonnances Juppé, il y a plus de trente ans, on utilise toujours les mêmes outils pour éponger une dette que l'on ne cesse de recréer : augmentation des taxes et des cotisations, Cades, Ondam, régulation, franchises, taxation d'office, déremboursement, et toujours le médicament comme variable d'adaptation. Si cela avait marché, on le saurait.
Pourtant, vous vous apprêtez à faire exactement la même erreur. Le constat est dramatique. Votre gestion des 255 milliards d'euros de recettes de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) – plus exactement, des 666 milliards des cinq branches de la sécurité sociale – et des 902 milliards de dépenses de la protection sociale est devenue contre-productive.
La sécurité sociale, prévue pour protéger de tous les risques en solvabilisant les malades, les familles, les retraités, les travailleurs, crée désormais de toutes pièces la pauvreté. Le montant des impôts, qui financent à 50 % la sécurité sociale, a fini d'appauvrir les actifs et les retraités. En raison des charges excessives, les employeurs et les indépendants doivent renoncer, souvent à contrecœur, à augmenter les salaires de leurs collaborateurs, pour ne pas mettre en péril leur entreprise. La baisse des recettes de la TVA, de la CSG et de la contribution sociale de solidarité des sociétés va impacter tour à tour les différentes branches.
À 2 028 euros net, le salaire médian n'excède que de 402 euros le seuil de pauvreté tel qu'il est défini par le Bureau international du travail – soit 80 % du revenu médian. Il est supérieur de 602 euros au Smic, qui lui-même ne dépasse le seuil de pauvreté – fixé en France à 60 % du revenu médian – que de 210 petits euros. En réalité, le salaire médian est structurellement trop bas : ce ne sont pas 8 millions de Français qui sont en dessous du seuil de pauvreté, mais bien une petite moitié d'entre eux qui subissent une situation de précarité sociale relative et souffrent d'un pouvoir d'achat chroniquement insuffisant. Ces personnes ne peuvent pas contribuer autant que nécessaire, ni fiscalement ni socialement. À l'inverse, la pauvreté contraint certaines d'entre elles à consommer de plus en plus d'aides et de prestations non contributives, lesquelles se montent à plus de 150 milliards. Ce matelas de réconfort pour les plus fragiles est parallèlement devenu l'eldorado des migrants – rappelons par exemple que 25 % du PIB des Comores est alimenté par les aides non contributives françaises.
Dans le même temps, les recettes ne sont pas au rendez-vous. Les marges des entreprises sont érodées par les impôts et charges, ce dont témoignent les 63 000 faillites survenues en 2024 et les 80 000 déjà enregistrées au cours des trois premiers trimestres de 2025. C'est une catastrophe économique qui se profile pour tous : les plus précaires, les classes moyennes et même une partie des plus aisés. La croissance, l'innovation et la compétitivité sont en jeu.
Quant à vos prévisions, le HCFP lui-même les juge beaucoup trop optimistes. Demain, comme à l'accoutumée, elles apparaîtront utopiques, même si l'inflation s'est stabilisée. Et que dire de l'approximation de vos chiffres, une nouvelle fois relevée par la Cour des comptes pour chacune des branches ?
En matière de santé, seul domaine où des tiers interviennent en sus de l'administration, vous n'hésitez pas à manier le rabot, certes en couche mince, et à mettre en danger un système déjà à l'os pour quelques centaines de millions. Les officines pharmaceutiques, les radiologues et les biologistes débauchent déjà. Je ne m'attarderai pas sur la méthode qui consiste à débattre à l'infini d'amendements et à voter des lois sans jamais prendre les décrets d'application correspondants. Arc-boutés sur l'Ondam et les comités d'alerte, vous pilotez fièrement des outils de trente ans d'âge qui ont fait la preuve de leur toxicité et dont les résultats doivent sans cesse être rectifiés tant ils sont archaïques et aveugles. J'en veux pour preuve la dette de l'Acoss, passée de 10 millions en 2010 à 83 milliards aujourd'hui.
Nul besoin de question ni de réponse, les actes suffiront.
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Un budget n'est jamais une simple suite de chiffres : c'est une orientation, une responsabilité, un engagement. Il exprime ce que notre nation choisit de protéger, d'encourager et de réparer.
Ce texte s'inscrit dans un moment de vérité pour notre société : celui du vieillissement de la population. C'est une bonne nouvelle : nous vivons plus longtemps, et souvent mieux, grâce à la prévention, à l'innovation médicale, à la recherche et à la qualité de vie dans notre pays. C'est un progrès collectif, une réussite humaine et sociale, mais aussi un défi qu'il est de notre responsabilité de relever. Ce budget social devra ainsi satisfaire une double exigence : de responsabilité et de justice.
La responsabilité s'impose, car maîtriser nos comptes publics est indispensable. Chaque euro consacré au remboursement de la dette est un euro en moins pour répondre aux besoins des Français en matière de santé, d'aide aux familles et de pouvoir d'achat. La justice est nécessaire parce qu'un budget n'est équilibré que s'il est équitable. Nous devons faire en sorte que l'argent public aille à celles et ceux qui en ont le plus besoin tout en garantissant la soutenabilité de notre modèle social.
Notre groupe prendra toute sa part dans les débats et s'engagera dans un travail fondé sur l'écoute, la concertation et le dialogue. Nous faisons le pari de l'intelligence collective au service d'un budget juste et responsable, fondé sur un effort partagé et acceptable.
Madame la ministre Rist, la prévention doit être au cœur de notre système de santé. En quoi ce texte la renforce-t-il ?
Monsieur le ministre Farandou, l'apprentissage est un marqueur de l'action des majorités précédentes. Vous engagez-vous à préserver cette réussite et à conforter cette politique publique essentielle pour les entreprises et l'insertion des jeunes ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. La prévention est effectivement un élément structurant du texte. L'idée est de changer complètement de philosophie et de payer avant que les gens ne tombent malades. Le vieillissement de la population se traduira par une forte hausse de la prévalence des ALD. Pour prévenir cette évolution, nous comptons créer un nouveau statut pour les personnes présentant des facteurs de risque. Ces dernières pourront se faire rembourser des soins qui n'étaient pas pris en charge jusqu'à présent, comme l'activité physique ou les séances chez un psychologue. Cette très belle réforme, prévue à l'article 19, constitue un changement culturel majeur.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. L'augmentation du nombre d'apprentis, passé de 300 000 à 1 million, a changé en profondeur la manière de former des jeunes diplômés capables de rentrer dans l'emploi. C'est une belle réforme, qui porte ses fruits.
Cela étant posé, pour tout système, il faut étudier les retours d'expérience et voir si des améliorations sont possibles. Les aides à l'apprentissage coûtent environ 16 milliards d'euros. Il est donc normal de s'assurer de leur efficacité. Ainsi, dans un souci d'efficience, il me semble important de renforcer le lien avec l'emploi : je ne voudrais pas que l'apprentissage conduise à donner des diplômes à des jeunes qui auraient ensuite du mal à trouver du travail. Il faut donc resserrer les liens avec le monde des entreprises pour proposer les formations les plus utiles possibles.
Un ajustement des coûts de fonctionnement sera également nécessaire pour mettre le système en tension, afin de poursuivre cette belle politique dans les années à venir.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Edgar Allan Poe disait que les limites entre le rire et l'horreur sont plus ténues qu'on ne le croit. Ce mot convient parfaitement à votre budget : on pourrait en rire s'il s'agissait seulement d'une mauvaise farce, mais, l'hypothèse du rire écartée, il ne reste que l'horreur d'une cure d'austérité.
Ce projet doit être combattu. J'adresse un message aux Françaises et aux Français qui nous écoutent, qui attendent que leur vie change et qui s'inquiètent : ne désespérez pas, le pire n'est pas certain ; le groupe insoumis fera son maximum pour empêcher la guerre sociale qu'ils veulent vous imposer. Et vous n'êtes pas seuls : le rejet de ce gouvernement et de son budget est massif. Toutes les fédérations d'établissements de santé, publiques comme privées, alertent : il manquera 1,1 milliard d'euros aux établissements de santé en 2026, soit l'équivalent de 20 000 postes d'infirmiers. Le niveau de l'Ondam, historiquement bas, ne permettra pas de répondre à des besoins croissants. Le Syndicat national des professionnels infirmiers témoigne : "derrière les chiffres, c'est une autre réalité qui se profile : celle d'un système de santé qui soigne moins, faute de moyens". Les soignants connaissent la suite : épuisement, turnover, perte de sens.
Ce PLFSS accélère l'instauration d'un système de santé à deux vitesses. Les inégalités vont se creuser : les territoires déjà fragiles, les zones rurales, les quartiers prioritaires et les outre-mer seront une nouvelle fois les premiers touchés. Toutes les organisations syndicales expriment leurs inquiétudes face à la brutalité du texte. Elles s'inquiètent particulièrement du gel des minima sociaux et de la menace qu'il représente pour les plus précaires. Aussi demandent-elles que l'Ondam soit augmenté de 4 %. Ce gouvernement ne le fera pas ; nous, si.
Les associations dénoncent un PLFSS qui cible les patients et les usagers et fait des économies sur le dos des malades tout en accordant si peu de place à la prévention. La Ligue contre le cancer fustige des mesures qui culpabilisent les malades sans s'attaquer aux responsables. Nous sommes viscéralement attachés à notre modèle social. Alors que nous célébrons les quatre-vingts ans de la sécurité sociale, le budget voulu par ce gouvernement introduit une hausse intolérable des franchises médicales et des participations forfaitaires. C'est une double injure qui nous est faite, notamment aux plus fragiles d'entre nous, qui s'inquiètent légitimement pour leur pouvoir d'achat et leur santé. Ce gouvernement ne les écoutera pas ; nous, si.
Que dire de la psychiatrie, une cause majeure pour laquelle je me bats chaque jour de mon mandat ? Le Gouvernement propose un plan de 65 millions d'euros, dont il faut relativiser le montant : 13 millions de personnes présentent un trouble psychique ; en ajoutant les familles, ce sont près de 39 millions de Françaises et de Français qui sont concernés. Le plan en faveur de la "grande cause nationale" repose donc sur un investissement de 1,66 euro par personne et par an. Ce n'est même pas de la charité, c'est du cynisme !
En résumé, voici ce que contient votre projet : la précarisation des apprentis, la paupérisation des retraités, le gel des minima sociaux – dont l'allocation aux adultes handicapés (AAH) –, la surtaxation des malades et l'éloignement de nombreuses personnes du système de soins. Vous mettez en avant des mesures destinées à améliorer la retraite des femmes, mais combien seront concernées et combien toucheront-elles à la fin du mois ? En tout cas, ce ne sont pas les plus précaires, celles aux carrières hachées, qui exercent les métiers les plus pénibles, qui en bénéficieront – et ce alors même qu'à partir du 10 novembre, les femmes travailleront gratuitement.
Voici ce qu'il ne contient pas : la progressivité des recettes pour tenir compte des évolutions démographiques, l'égal accès aux soins grâce à une prise en charge complète et au 100 % sécu, une véritable politique de prévention en santé physique et mentale. Surtout, il ne contient pas l'abrogation de la réforme des retraites, tout au plus un décalage. Une lettre rectificative, dont nous ne savons rien, a été envoyée. Nous attendons des réponses sur le contenu et le calendrier. Je crois comprendre que vous aussi. Cette réforme, ce gouvernement ne l'abrogera pas ; nous, si.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Si nous nous efforçons de respecter les contraintes qui s'imposent à nous, c'est précisément parce que nous voulons pérenniser la sécurité sociale.
M. Jérôme Guedj (SOC). Nos débats s'ouvrent dans un moment inédit de notre vie démocratique. Pour la première fois depuis des décennies, le Gouvernement ne peut plus s'abriter derrière l'article 49, alinéa 3 : il doit proposer, argumenter, convaincre. Vous proposerez, nous déciderons. C'est pourquoi mon intervention s'adresse autant à mes collègues parlementaires qu'aux membres du Gouvernement. En nous mettant à l'épreuve, la situation actuelle nous condamne à œuvrer pour garantir la justice à laquelle nous aspirons – en tous les cas pour ce qui nous concerne.
Nous, socialistes, avons fait le choix de ne pas censurer, non par confort ni par calcul, mais pour obtenir des avancées. La suspension de la réforme des retraites, que la lettre rectificative permettra de garantir, en fait partie. Pour autant, le PLFSS qui nous est proposé n'est pas bon. Nous devons donc travailler à le rendre meilleur.
Pourquoi n'est-il pas bon ? Parce qu'il ignore un constat pourtant général, confirmé notamment par le rapport des trois hauts conseils – le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (Hcaam), le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge et le Haut Conseil du financement de la protection sociale – sollicité par le précédent gouvernement : la crise de la sécurité sociale est d'abord une crise de financement, une crise des recettes. Cela ne nous exempte pas de chercher à maîtriser les dépenses – nous n'y sommes pas opposés –, mais nous ne devons pas le faire au détriment des classes moyennes, des classes populaires, des assurés sociaux, des malades.
Or les mesures d'économie ou de maîtrise de la dépense que vous proposez font peser un effort démesuré, disproportionné, sur les assurés sociaux : non seulement vous créez une nouvelle catégorie de franchises médicales, mais vous en doublez le montant, comme vous l'aviez déjà fait il y a deux ans. Nous ne pouvons pas prendre ce chemin. Le rendement de cette mesure étant évalué à 2,3 milliards d'euros pour 2026, nous devrons être capables, si nous voulons la supprimer, de trouver une source d'économies ou de recettes qui permette de dégager un montant similaire.
Vous entendez réduire les niches sociales, mais vous le faites de la façon la plus injuste qui soit en vous attaquant aux titres-restaurant et aux accessoires de salaire, pour une économie estimée à 1 milliard d'euros. Êtes-vous prêts à accepter, à la place, une mesure qui porterait sur les autres niches sociales recensées par la Cour des comptes et le Conseil des prélèvements obligatoires ?
Le texte ne contient aucun élément concernant la fiscalité comportementale, qui joue pourtant un rôle important en matière de prévention et influe donc sur les remboursements, tout en permettant d'engranger des recettes. Si nous nous accordions sur des mesures de fiscalité comportementale, pourrions-nous, en contrepartie, supprimer certaines dispositions problématiques comme le gel des prestations ou la hausse des franchises médicales ?
Vous avez annoncé une nouvelle baisse des allégements généraux de cotisations patronales, à hauteur de 1,5 milliard d'euros. Mais pourquoi ne pas présenter une baisse des points de sortie du dispositif au sein d'un texte de loi, plutôt que de renvoyer à un décret à l'élaboration duquel vous assurez que nous pourrons participer ?
Aurons-nous une latitude pleine et entière pour dégager de nouvelles ressources, par exemple en augmentant la CSG sur les revenus du patrimoine afin de résorber les inégalités et d'améliorer le rendement de cette taxe, comme le proposaient les hauts conseils dans leur rapport ?
Mme Justine Gruet (DR). Quatre-vingts ans, quel bel âge ! Mais qui peut croire qu'un modèle pensé pour la société d'hier soit toujours adapté à celle d'aujourd'hui ? Avec 23 milliards d'euros de déficit en 2025, l'enjeu est clair : assurer la pérennité de notre système social. Il nous faut, au minimum, ramener le déficit à 17,5 milliards tout en répondant aux besoins de nos concitoyens, qui attendent que nous réduisions les dépenses injustes, que nous utilisions mieux l'argent public et que nous anticipions les changements démographiques.
Le PLFSS ne réglera pas tout. Il faudra aussi consacrer des lois spécifiques à la fraude et au travail. Si nous avions le même taux d'emploi que l'Allemagne, nous gagnerions 15 milliards d'euros de cotisations sociales et économiserions 5 milliards de prestations. La Droite Républicaine fera toujours de la revalorisation du travail, plutôt que de l'assistanat, sa priorité. Nous proposons une aide sociale unique, plafonnée à 70 % du Smic, pour simplifier notre système et le rendre plus juste en luttant contre les trappes à inactivité. Nous souhaitons également revenir à l'exonération des heures supplémentaires qu'avait instaurée le président Sarkozy. Il faut libérer le travail.
Défendre ceux qui travaillent, c'est également lutter contre ceux qui abusent ou qui bénéficient de notre système social sans avoir cotisé. Le sentiment d'injustice devra être traité dans le PLF, par exemple par une réforme de l'aide médicale de l'État (AME).
Nous défendrons également la suppression de mesures qui pénalisent ceux qui travaillent ou ont travaillé, comme la cotisation patronale de 8 % sur les compléments de salaire, la fin des exonérations pour les autoentrepreneurs ou la double pénalisation des retraités jusqu'en 2030. Nous ne voulons pas de taxes supplémentaires. Notre système de santé souffre d'une bureaucratie excessive. Il est temps d'en finir avec la multiplication des sigles et des structures : rationalisons les agences paraétatiques.
Santé, famille, perte d'autonomie, travail sont des enjeux forts. Les traiter supposera des choix de société importants. Sur tous ces thèmes, place au débat budgétaire.
Outre la suspension de la réforme des retraites, quels amendements le Gouvernement compte-t-il introduire ? Envisagez-vous d'améliorer le dispositif d'exonération des heures supplémentaires ? Pouvons-nous compter sur votre détermination à poser les premières pierres de l'aide sociale unique plafonnée ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Nous sommes effectivement disposés à travailler sérieusement sur un projet d'aide sociale unique ; c'est une question de lisibilité et de simplicité, mais aussi de lutte contre les éventuels abus, donc de justice. La démarche nécessitera d'abord un important travail technique au vu de la multitude de bases de données et d'acteurs impliqués – certaines aides sont gérées à l'échelon local. Il nous faut donc commencer par mettre tout le monde autour de la table avant de commencer à fabriquer l'outil, pas à pas. Le débat sur le montant se tiendra dans un second temps, le moment venu.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Les heures supplémentaires font déjà l'objet d'une exonération fiscale – dans la limite de 7 500 euros –, dont le coût atteint 2 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent 2,3 milliards d'exonérations de charges salariales et 0,8 milliard d'exonérations de charges patronales. Au total, les exonérations se montent donc à 5 milliards. La CSG, qui, par principe, s'applique aux heures supplémentaires comme à l'ensemble des revenus, rapporte quant à elle 2 milliards.
Les personnes qui bénéficieraient le plus d'une suppression du plafond, que peu d'ouvriers et d'employés atteignent, seraient les cadres. Il y a donc un choix politique à faire : peut-être y a-t-il des mesures mieux ciblées à prendre pour améliorer le pouvoir d'achat de la classe moyenne – puisque je crois comprendre que c'est là votre objectif. Pour information, si nous supprimions la CSG sur les heures supplémentaires, il en résulterait un gain d'environ 300 euros par an pour les ouvriers et les employés, contre 400 à 500 euros pour les cadres.
M. Hendrik Davi (EcoS). Au terme de la lecture du PLFSS 2026, un constat s'impose à moi : vous n'aimez vraiment pas les gens.
Vous n'aimez pas les retraités, comme le montrent le gel des pensions de retraite en 2026, la sous-indexation par rapport à l'inflation prévue jusqu'en 2030 et le gel du barème de la CSG.
Vous n'aimez pas les malades, ce dont témoignent le doublement des franchises sur les médicaments et la création de nouvelles franchises pour qui doit se rendre chez le dentiste ou bénéficier de prothèses ou de béquilles.
Vous n'aimez pas les personnes en situation de handicap, puisque vous prévoyez de baisser le montant de l'AAH de près de 100 euros et d'étendre la tarification à l'activité aux établissements sociaux et médico-sociaux accueillant des enfants en situation de handicap. Ces derniers verront défiler une multitude d'intervenants, chacun chronométrant ses actes pour mieux les enregistrer dans des tableaux Excel que seul un diplômé de Polytechnique peut comprendre.
Vous n'aimez pas les apprentis : la taxe Zucman pour les milliardaires, c'est non, mais la taxe Lecornu pour les apprentis qui vivent avec moins de la moitié du Smic, c'est oui !
Vous n'aimez pas les travailleurs : vous voulez réduire les indemnités pour les salariés en dépression ou les caissières et les ouvriers du bâtiment atteints de troubles musculo-squelettiques, limiter à trente jours la durée de l'arrêt de travail initial – alors que la Haute Autorité de santé ne référence pas moins de trente-sept pathologies qui nécessitent un arrêt plus long – et réduire la durée maximale pendant laquelle les victimes d'un accident du travail perçoivent des indemnités journalières, ce qui diminuera mécaniquement leur indemnisation. Vous ne faites pas contribuer les multinationales, mais vous voulez soumettre à cotisation les chèques restaurant – tout un symbole.
Vous n'aimez pas non plus les soignants : vous entendez sanctionner les médecins qui n'ont pas le temps de remplir le dossier médical partagé (DMP). La hausse de l'Ondam que vous proposez – 1,6 % – est très insuffisante et promet, selon la Fédération hospitalière de France, la pire cure d'économies jamais vue. Rien n'est prévu pour former et recruter davantage de médecins, d'infirmières et d'aides-soignantes, rien non plus pour revaloriser les salaires.
En revanche, vous aimez les plus riches et les grandes entreprises, à qui vous ne demandez strictement aucun effort. Pourtant, le déficit de la sécurité sociale n'est pas dû à des dépenses excessives, mais à un manque de recettes. Sur ce point, je suis vraiment en désaccord avec ce qui a été dit par les ministres. Les dépenses de santé sont stables : entre 2014 et 2024, elles sont passées de 11,3 % à 11,4 % du PIB.
L'effort doit être supporté par les plus riches et les grands groupes. Par nos amendements, nous proposerons donc de supprimer les exonérations de cotisations sociales au-delà de deux Smic ; de soumettre à cotisation l'intéressement, la participation et les heures supplémentaires et complémentaires ; de porter à 12 % le taux de CSG sur les revenus du patrimoine ; de créer une contribution sur les retraites chapeau, les fonds de pension et les successions ; d'augmenter les contributions sur les produits sucrés et ultra-transformés, l'alcool et le tabac. Si nos amendements sont adoptés, la sécurité sociale percevrait au total près de 22 milliards d'euros de plus – largement de quoi éponger le déficit, augmenter l'Ondam de 3,5 % et abroger la réforme des retraites.
Face aux profits pharaoniques de l'industrie pharmaceutique, aux pénuries honteuses de médicaments et aux déserts médicaux, vous ne faites presque rien. Nous proposons depuis des années la création d'un véritable service public du médicament et le développement de centres de santé publics dans l'ensemble du territoire. Qu'en pensez-vous ?
Enfin, le groupe Écologiste et Social estime que votre choix d'intégrer la suspension de la réforme des retraites dans ce projet de loi indigne pour nous forcer à le voter n'est qu'un piège inique.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Les débats ne font que commencer : le projet qui vous est soumis n'est qu'un point de départ. Nous examinerons vos propositions avec intérêt. En revanche, et j'y tiens particulièrement, ce projet met l'accent sur la responsabilité collective et individuelle. Chacun doit faire un effort pour pérenniser notre système de sécurité sociale. Or ce que vous proposez ne le permet pas. Les dépenses de santé, contrairement à ce que vous avez indiqué, ont progressé – de 66 milliards d'euros par an par rapport à 2019.
Les forfaits de responsabilité – terme que je préfère à celui de franchises – obéissent effectivement à une logique de responsabilisation individuelle. J'insiste également sur le fait qu'ils préservent les plus fragiles, puisqu'un Français sur trois n'y est pas assujetti. Nous pourrons discuter des populations qui devront être concernées, mais l'idée que des gens comme vous et moi consacrent 42 euros supplémentaires à leurs frais de santé chaque année ne me paraît pas choquante.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Monsieur le député, vous proposez de relever le taux de CSG de 1 point afin d'augmenter les recettes de 20 milliards d'euros.
M. Hendrik Davi (EcoS). Ma proposition concernait uniquement la CSG sur les revenus du patrimoine.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Mais pour collecter une telle somme, il faudrait une hausse massive qui toucherait l'ensemble des épargnants. Les travailleurs, les retraités, les personnes en arrêt maladie payent tous la CSG. Je reviendrai vers vous sur ce point avec des chiffres précis.
M. Philippe Vigier (Dem). Notre groupe aborde cette discussion avec pour principale ambition de doter la sécurité sociale d'un budget – c'est d'ailleurs pourquoi nous avons déposé très peu d'amendements.
En matière de prévention, quand parviendrons-nous enfin à un partage entre le périmètre des mutuelles et celui de l'assurance maladie qui permettrait de réelles économies ?
S'agissant des prix des médicaments, nous devons arrêter avec les coupes auxquelles nous procédons incessamment depuis 2014 : elles mettent l'industrie du médicament en grand danger et accentuent des carences désormais très nombreuses.
J'ai bien noté qu'il était question de faire évoluer le dispositif des ALD non exonérantes, pour un montant qui devrait être compris entre 2 et 3 milliards d'euros. Rappelons que la prise en charge des patients en ALD représente 170 milliards d'euros, soit 82 % des dépenses d'assurance maladie. Les assurés qui entrent dans ce régime n'en ressortent jamais. Il faut agir.
Avez-vous évalué l'impact des trois coups de lame de rasoir prévus pour les retraites – le gel du barème, l'abattement forfaitaire de 2 000 euros et le fait que de nouvelles personnes seront soumises à l'impôt ?
Afin d'améliorer le pouvoir d'achat, êtes-vous prêts à étudier la possibilité de supprimer les dernières charges sociales qui pèsent encore sur les salaires, en les compensant par une hausse de la CSG ou de la TVA ?
La France est le seul pays au monde où personne ne sait combien il coûte à la sécurité sociale chaque année. Communiquera-t-on enfin aux assurés sociaux le montant des prestations sociales dont ils bénéficient ? Dans le même ordre d'idées, l'utilisation de l'application Mon espace santé deviendra-t-elle obligatoire, ce qui permettrait d'améliorer le suivi des patients, donc de gagner en efficience et en transparence ?
Enfin, une loi de programmation pluriannuelle est indispensable pour revoir l'architecture de notre système de santé et refonder la sécurité sociale.
Mme Stéphanie Rist, ministre. La création du parcours d'accompagnement préventif est une réforme structurelle qui doit éviter à de nombreux malades d'entrer dans le régime d'ALD. Ce parcours sera bien financé en partenariat par les organismes complémentaires et l'assurance maladie obligatoire.
Un effort est effectivement demandé à l'industrie pharmaceutique pour réduire le prix des médicaments de 1,6 milliard d'euros, tout comme des efforts sont demandés aux assurés et aux organismes complémentaires.
J'espère que chacun ici a créé son espace santé : il s'agit d'un outil très intéressant et utile pour avoir accès à ses données de santé. Le PLFSS prévoit effectivement de contraindre les professionnels à remplir le DMP, dont on sait qu'il permet d'améliorer la prise en charge du malade et la pertinence des soins, donc les comptes de la sécurité sociale.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). La ligne de notre groupe est claire : dire la vérité aux Français sur la situation budgétaire de notre pays comme sur la nécessité de travailler mieux et plus et refuser les mesures qui mettraient en péril l'avenir de nos enfants.
Le Premier ministre a annoncé vouloir suspendre la réforme des retraites. Quel sera le coût exact de cette mesure pour l'État et la sécurité sociale en 2026 et 2027 ?
L'article 10 prévoit de simplifier la régulation du secteur des médicaments. Si l'intention – donner de la visibilité aux fabricants et rendre à la clause de sauvegarde son rôle originel – est tout à fait louable, nous ne disposons d'aucune étude d'impact. Dans un pays où le prix des médicaments est l'un des plus bas d'Europe, quels seront les perdants et les gagnants de cette réforme ? Est-on certain qu'elle ne pourra pas donner lieu à une double taxation des fabricants ?
L'article 34 comporte plusieurs réformes techniques relatives aux dispositifs d'accès précoce, d'accès compassionnel et d'accès direct. Ont-elles fait l'objet d'une concertation avec les acteurs du secteur ? Répondent-elles réellement à leurs besoins et surtout à ceux des patients ?
L'article 35 prévoit l'expérimentation d'une procédure de référencement national pour certains médicaments génériques. Ce système ne pourrait-il pas renforcer la concentration de l'offre de médicaments, au risque d'une plus grande exposition aux pénuries ?
Pouvez-vous décrire concrètement le cadre expérimental de lutte contre le gaspillage des médicaments dans les établissements de santé prévu à l'article 32 ? Dans quelle mesure cette expérimentation de redispensation pourrait-elle être étendue aux officines de ville ?
L'article 24 vise à lutter contre les phénomènes de rente au sein du système de santé, notamment en radiothérapie et en imagerie. Vise-t-il davantage les activités de ville ou les hôpitaux ?
Enfin, j'insiste sur la nécessité d'aller vers la création d'une allocation sociale unique. Ma collègue Sandrine Runel et moi-même y avons, à l'issue d'une mission "flash", consacré un rapport que nous avons rendu en juillet dernier. Le précédent gouvernement s'était engagé à présenter un projet de loi avant la fin de l'année. Où en sommes-nous ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. S'agissant du coût de la suspension de la réforme des retraites, le Premier ministre a donné de premiers ordres de grandeur. Les caisses concernées sont en train d'affiner les chiffres. Le processus sera finalisé avant le passage du texte en Conseil des ministres jeudi et nous vous transmettrons ces éléments dès que possible.
Pour ce qui est de l'ASU, nous avons vraiment l'intention d'avancer. Déposer un projet de loi avant la fin de l'année me paraît un peu ambitieux, mais nous allons former un groupe de travail, fixer un calendrier et définir un programme qui nous permettra de travailler sur la partie technique avant d'ouvrir le débat sur le montant de l'allocation.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Il n'y a pas de double taxation pour le médicament. Nous prenons une mesure de simplification en revenant au rôle originel de la clause de sauvegarde. La taxe, assise uniquement sur le chiffre d'affaires brut, sera beaucoup plus prévisible.
S'agissant des rentes, la Cnam a pris la décision de baisser les tarifs de radiologie par palier car les négociations sur la maîtrise des dépenses de radiologie qu'une disposition de la LFSS de l'année dernière avait décidé d'ouvrir ne sont pas parvenues à leur terme. Nous espérons bien sûr qu'elles pourront reprendre.
Quant à l'expérimentation relative à la redispensation de médicaments non utilisés, elle répond à une demande d'Unicancer ; centrée sur les médicaments onéreux, elle sera entourée de toutes les précautions nécessaires.
M. Paul-André Colombani (LIOT). La mesure la plus importante à nos yeux est la suspension de la réforme des retraites, réforme injuste à laquelle notre groupe s'est toujours opposé. Cette suspension est absente du texte. Le Gouvernement ne peut se dérober face aux attentes qu'elle suscite. Le Premier ministre vient d'annoncer que, grâce à une lettre rectificative, elle sera intégrée dans une nouvelle version du PLFSS. Quelles en seront les modalités et les contreparties ? Quel calendrier est prévu ?
Le budget de la sécurité sociale nous inquiète. Si nous partageons vos préoccupations s'agissant des comptes, nous refusons que les économies reposent sur les plus modestes et les travailleurs, au détriment de leur pouvoir d'achat. Il est inacceptable de geler les prestations sociales et les retraites, qui sont des filets de solidarité essentiels pour lutter contre la pauvreté. La sous-revalorisation des retraites pour cinq ans accentuera les inégalités. Envisagez-vous au moins de limiter cette mesure aux pensions les plus élevées pour épargner les plus modestes ?
Nous nous opposerons également à la réforme précipitée de l'exonération issue de la loi d'orientation pour le développement économique des outre-mer de 2009, dite Lodeom, qui fragilisera les entreprises implantées en outre-mer, ce qui aura des conséquences négatives sur l'emploi.
Plus inquiétant encore, vous semblez vouloir réaliser des économies au détriment de la santé. L'Ondam atteint un niveau historiquement bas alors même que nos établissements de santé peinent à fonctionner.
Notre groupe se prononcera, en outre, contre les mesures qui détériorent l'accès aux soins au prétexte de responsabiliser les acteurs. Vous limitez la durée des arrêts maladie et voulez mettre fin au régime des ALD non exonérantes, mais vous ne proposez rien pour agir sur les causes, telles les maladies chroniques ou les conditions de travail. Votre choix d'augmenter les franchises et participations financières fragilisera encore les plus modestes. Alors que l'inflation pèse déjà lourdement sur les ménages et que le reste à charge ne cesse d'augmenter, chaque euro supplémentaire devient un obstacle pour les patients précaires et aggrave le renoncement aux soins.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Ce PLFSS est une copie de départ sur laquelle travailler. Nous pourrons débattre notamment de la limitation de la durée maximale des arrêts de travail. S'agissant de l'Ondam, son niveau est en effet bas, mais il faut aussi prendre en considération ses composantes. L'Ondam hospitalier, s'il est fortement contraint, augmente ainsi de 2,6 milliards d'euros, ce qui nous permettra de préserver les mesures nouvelles consacrées à la pédopsychiatrie, à la psychiatrie ou aux unités de soins palliatifs.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. La suspension de la réforme des retraites dégagera un temps utile pour reposer les termes du débat. Nous acceptons le principe d'une remise à plat. La conférence consacrée au travail et aux retraites qui s'ouvrira fin novembre avec les partenaires sociaux permettra de rouvrir les discussions pour six mois. Vous disposerez donc d'une fenêtre pour faire à nouveau des propositions. Nous verrons bien si nous sommes capables de converger.
La lettre rectificative, qui doit être adoptée jeudi en Conseil des ministres, fixera dans le texte du PLFSS les modalités de la suspension, sur la base de calculs qui sont en train d'être affinés. Nous disposerons des montants, qui devront faire l'objet de compensations. Nous pourrons donc débattre de tout cela.
M. Yannick Monnet (GDR). Nous abordons l'examen du PLFSS au lendemain de la célébration du quatre-vingtième anniversaire de la sécurité sociale. Chacun a pu dire à cette occasion son attachement à notre modèle de protection sociale. Pour ma part, je suis convaincu qu'il est grandement maltraité, au détriment de ceux par qui et pour qui il existe, à savoir chacun d'entre nous.
Je pars de l'idée qu'il manque des recettes. Les trois hauts conseils saisis conjointement en mars dernier par François Bayrou, ont rappelé qu'elles étaient un élément constitutif de la sécurité sociale. Selon eux, il est tout à fait possible de bâtir une stratégie cohérente et juste, inscrite dans la durée, pour rétablir les comptes sociaux et de proposer des solutions répartissant équitablement la charge de l'effort sans renoncer à la couverture des besoins, en particulier ceux des populations les plus vulnérables. Oui, chers ministres, il est tout à fait possible d'être financièrement responsables et socialement ambitieux.
L'année dernière, un consensus s'était établi au sujet de l'Ondam et des lois de financement : nous arrivions au bout d'une pratique. À quand des lois de programmation pluriannuelles ?
La Fédération hospitalière de France a transmis à vos prédécesseurs au printemps dernier un programme détaillé de ce que serait une loi de programmation pour nos hôpitaux et nos établissements sociaux et médico-sociaux. Cette proposition reste lettre morte alors que les trois hauts conseils l'ont relayée. Tout se passe comme si ces rapports, ces diagnostics n'existaient pas : ce budget ressemble à ceux qui l'ont précédé. Toutefois, il est encore plus austéritaire, avec ses 7 milliards d'euros d'économies principalement à la charge des assurés sociaux et un Ondam historiquement bas, fixé à 1,7 %. Si ce dernier chiffre est légèrement supérieur à l'inflation, estimée à 1 %, il est très inférieur à l'augmentation naturelle des dépenses, évaluée à 4,5 %, soit 10 milliards d'euros en l'absence de mesures de réduction. Il ne faut pas être un grand comptable pour savoir que ce budget creusera un peu plus le déficit de nos hôpitaux, qui culmine à plus de 2,8 milliards, et de nos Ehpad et qu'il affectera lourdement la qualité de l'accès aux soins.
Ce n'est pas parce que vous allez réduire les droits relatifs aux arrêts de travail qu'il y aura moins de malades, moins de maladies professionnelles et moins d'accidents du travail. De la même manière, il n'y aura pas moins d'affections de longue durée parce que vous allez rogner les droits des personnes qui sont atteintes d'ALD non exonérantes. Et la paupérisation de notre société ne ralentira pas parce que vous allez geler l'ensemble des prestations sociales, bien au contraire.
Sur le fond, ce budget pas plus que les précédents n'affronte les enjeux véritables, ceux qui sont au cœur de la sécurité sociale : le financement solidaire par la cotisation sociale, la préservation de l'accès aux soins et la réponse aux besoins sociaux pour tous. Toutes les mesures budgétaires qui ne correspondent pas à une politique publique de santé n'ont finalement pas grand sens quand elles ne servent pas un projet de société. Or les Français ont besoin de ces perspectives. Voici des débats qui nous paraissent urgents et utiles pour l'avenir de la sécurité sociale et que nous tenterons d'aborder chaque jour durant l'examen du PLFSS.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Au fond, la question que vous posez est la suivante : doit-on acter collectivement que notre objectif est d'accompagner la croissance des dépenses sociales et chercher les recettes correspondantes ? Le taux de croissance de l'Ondam voté l'année dernière, de 3,4 %, a été dépassé en exécution, pour atteindre 3,6 %. Si je vous comprends bien, il faudrait viser un rythme de croissance des dépenses de 3,5 % au lieu des 2 % que nous sommes en train de construire compte tenu des différentes ouvertures que nous envisageons. Peut-être que pour une seule année, il est possible de prélever les recettes correspondantes, mais serait-ce possible chaque année ? Comment trouver des recettes pour combler l'écart entre une augmentation de 4 % de nos dépenses de santé et une croissance de seulement 2 % de notre économie ? C'est une question de soutenabilité.
M. Davi a affirmé que nous n'aimions pas les gens. Sans faire de populisme de bas étage, je lui répondrai que nous devons aimer nos enfants. Ils vont hériter d'un monde où ils ne pourront plus faire des choix pour le budget de la sécurité sociale. Les charges d'intérêt, de 74 milliards d'euros l'année prochaine, vont passer à 100 milliards avant la fin de la décennie, à raison d'une augmentation de 8 milliards chaque année. Et ces milliards supplémentaires que nous devons donner à nos créanciers, je n'ai pas encore de recettes nouvelles pour les financer. Voulons-nous générer des recettes au-delà du niveau que nous permet d'atteindre notre évolution économique pour financer une hausse des dépenses très supérieure à notre croissance ? C'est une question fondamentale.
M. Éric Michoux (UDR). Sandrine Runel a posé une question très intéressante : comment allez-vous concrètement financer le système des retraites ? J'aurais tendance à dire qu'il fallait se poser la question avant de pousser à la suspension de la réforme. Il y a plusieurs possibilités : la répartition, solution sur laquelle on se penche depuis des années sans aboutir ; l'augmentation du nombre d'heures travaillées pendant un nombre d'années défini ; l'augmentation du nombre d'années travaillées sans modification du nombre d'heures travaillées. Il s'agit de trouver un équilibre.
Il y a une autre possibilité dont on parle rarement et que nous défendons à l'UDR, c'est la capitalisation. Je vais partir de mon expérience personnelle en tant que dirigeant d'un groupe familial dont 100 % des capitaux sont français : les résultats sont réinvestis et contribuent à redistribuer de la richesse dans notre pays. Si les capitaux d'une entreprise appartiennent à un fonds de pension étranger, les salariés risquent de travailler pour des retraités américains. Allons plus loin : si un grand groupe industriel, qui bénéficie du crédit d'impôt recherche, est détenu par un fonds de pension, ce sont les contribuables français qui paient les pensions de retraités américains.
Je donnerai un exemple chiffré. Prenons le cas d'une personne dont le salaire serait de 3 000 euros. Avec une cotisation de 900 euros et une capitalisation à 3 %, sa retraite passerait de 1 800 euros à 2 200 euros. Avec une capitalisation à 9 %, elle atteindrait 3 100 euros. La capitalisation permet donc d'obtenir une pension bien supérieure à celle qui résulte de la répartition. Ce système existe déjà en France, dans la fonction publique : la retraite additionnelle de la fonction publique affiche un rendement extraordinaire de 4,2 %. Pourquoi n'allons-nous pas davantage dans cette voie ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Cette question sera abordée lors de la conférence sur le travail et les retraites. Nous ferons preuve d'honnêteté intellectuelle et nous examinerons tous les systèmes : le système par capitalisation, en nous demandant comment il fonctionne et qui paie quoi ; le système par répartition, qui est notre régime historique, en nous demandant si on peut le sauver et comment ; le système par points, également, qui a ses partisans. Nous nous tournerons aussi vers ce que font les autres pays européens. Nous nous ouvrirons à d'autres formes de construction des régimes de retraite en nous interrogeant sur leur résistance face aux enjeux stratégiques auxquels nous sommes confrontés, notamment l'évolution démographique. Vous aurez l'occasion de défendre votre point de vue.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Jean-François Rousset (EPR). Les dépassements d'honoraires suscitent régulièrement des interrogations. Le rapport "Charges et produits" de l'assurance maladie pour 2026 fait apparaître un chiffre préoccupant : 4,5 milliards d'euros de dépassements d'honoraires sont supportés par les patients directement ou indirectement, par l'intermédiaire des complémentaires santé. Le Hcaam a publié un état des lieux mettant en évidence une progression régulière du nombre de jeunes médecins s'installant en secteur 2 : 56 % des praticiens exercent dans ce secteur en 2024 contre 37 % en 2000. Cette évolution nous pousse à nous interroger sur l'équité d'accès aux soins et la soutenabilité du système pour les assurés.
S'agissant toujours des dépassements d'honoraires, je souhaite vous alerter sur l'article 26 du PLFSS, qui propose de les soumettre à une cotisation additionnelle. Cette mesure, bien qu'elle soit destinée à encadrer ces pratiques, risque d'avoir un effet inflationniste en incitant les praticiens à augmenter encore leurs honoraires pour compenser la perte de revenus.
Madame la ministre de la santé, avec Yannick Monnet, nous nous tenons prêts à remettre notre rapport sur les dépassements d'honoraires dans les professions de santé. Nous souhaitons traduire dans le PLFSS les propositions concrètes qu'il contient en déposant des amendements visant à réduire ces dépassements : il s'agit pour nous de favoriser l'accès aux soins facturés aux tarifs opposables et d'enrayer l'augmentation des installations en secteur 2.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Je serai ravie d'assister à la remise prochaine de votre rapport au Premier ministre. Les dépassements d'honoraires grèvent les finances de nos concitoyens et le budget que nous construisons fait appel à la responsabilité collective : au-delà des assurés, nous comptons sur les professionnels de santé, les laboratoires pharmaceutiques et les organismes complémentaires. Nous pourrons faire, je l'espère, évoluer la copie grâce à vos apports en partant des mesures comprises dans cette version initiale.
M. Didier Le Gac (EPR). En tant que rapporteur pour avis de la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux, je ferai part de trois préoccupations.
La première concerne les effectifs de France Travail, que le projet de loi de finances prévoit de réduire de 500 ETP, alors que les agents ont dû absorber l'inscription de 1,5 million de bénéficiaires du revenu de solidarité actives (RSA), comme le prévoyait la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi.
La deuxième porte sur l'insertion par l'activité économique (IAE), qui subit une baisse de 540 millions d'euros en autorisations d'engagement. Cela inquiète beaucoup les associations qui accompagnent dans ce cadre les publics très éloignés de l'emploi – la moitié des personnes embauchées sont bénéficiaires du RSA.
Ma troisième préoccupation, c'est l'apprentissage, dont les crédits baissent de 30 % en autorisations d'engagement. Vous avez insisté, monsieur Farandou, sur un resserrement autour des formations utiles à l'emploi. Nous sommes à votre disposition pour travailler avec vous, mais il faut vraiment faire attention à ne pas déstabiliser un secteur qui fonctionne bien. Nous sommes très fiers que le nombre d'apprentis soit passé de 300 000 à 1 million en quelques années : il ne faudrait pas casser cette dynamique.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. La solidarité, au cœur de l'intitulé de mon ministère, consiste à ramener vers l'emploi des gens qui ont des difficultés. Nous avons mis en place un ensemble de dispositifs qui remplissent cette mission et ils fonctionnent bien.
France Travail est le bras armé de cette politique, avec 55 000 agents et un budget de 12 milliards d'euros. De gros moyens ont été déployés et nous ne le regrettons pas, d'autant qu'il y avait une impulsion à donner. L'efficacité de ce service et l'adéquation des moyens par rapport aux objectifs relèvent presque d'un débat interne comme il peut y en avoir au sein d'une entreprise, puisque France Travail relève de mon ministère. Il est normal que j'aie avec son directeur, qui est très actif, une discussion pour bien mesurer avec lui comment il peut exercer ses missions. Je m'engage à le faire, ce n'est pas un tabou. Pour ce qui est des effectifs, il faut rapporter les 500 ETP que vous évoquiez au nombre total d'agents, qui est de plus de 50 000 : cela ne représente même pas 1 %. Les moyens avaient beaucoup augmenté car il fallait lancer une dynamique. À présent, nous abordons une période d'atténuation de la bosse, comme dans d'autres domaines. Ces mesures me semblent réalisables : elles ne nuiront pas à l'efficacité du dispositif. Voilà notre philosophie. Nous sommes prêts, bien sûr, à discuter d'autres possibilités.
Pour l'IAE, il s'agit d'une évolution semblable : après que le dispositif a pris son envol, nous procédons à des ajustements.
S'agissant de l'apprentissage, j'ai déjà apporté des réponses. Je redis que c'est un bon système. L'augmentation du nombre d'apprentis est une réussite, pour les entreprises comme pour les jeunes gens qui ont trouvé grâce à ce dispositif un moyen de se former. La doctrine est conservée, il n'y a aucun doute là-dessus. En vue d'une plus grande efficacité, nous procédons là aussi à des ajustements, qui seront à discuter avec les centres de formation d'apprentis. Le recentrage autour des formations utiles à l'emploi est nécessaire. Nous pourrons bien sûr débattre, notamment du quantum d'économies qui paraît raisonnable.
M. Michel Lauzzana (EPR). Le médicament représente seulement 10 % des dépenses de l'assurance maladie mais, chaque année, il doit contribuer toujours plus aux économies : il concentre 40 % des efforts demandés. Qu'en est-il, madame la ministre, de la souveraineté, enjeu mis en relief par la crise sanitaire ? Comment tenir compte de la territorialité ? Comment éviter la disparation des spécialités devenues matures, donc les pénuries ?
L'article 34 porte sur les dispositifs d'accès dérogatoire. Le dispositif d'accès précoce pour les traitements innovants est une réussite que tout le monde nous envie, mais si nous avons dû le mettre en place, c'est parce que les délais d'autorisation étaient beaucoup trop longs. Les délais d'instruction des demandes ne sont plus que de 77 jours contre 600 auparavant. Quant au dispositif d'accès direct, inspiré de l'expérience allemande, il n'a été expérimenté en France que sur six produits. S'il est élargi à un plus grand nombre de médicaments, nous risquons d'avoir de gros problèmes. Ce sera une régression. Les médecins et les laboratoires que j'ai pu interroger ainsi qu'Unicancer s'accordent pour dire que nous aurons moins de médicaments et que nous perdrons en efficacité pour les traitements innovants.
Mme Stéphanie Rist, ministre. En matière de clause de sauvegarde, notre objectif est de pouvoir en faire usage si un contexte exceptionnel le justifie et de la simplifier. La taxe est rendue plus prévisible car elle est uniquement assise sur le chiffre d'affaires brut, ce qui est de nature à préserver certains traitements matures.
S'agissant de l'accès précoce, nous pourrons avoir un débat et faire évoluer la copie.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Depuis plusieurs jours, je reçois des courriels de personnes malades qui ont bien compris que les franchises médicales allaient augmenter et qu'elles auraient à payer jusqu'à 100 euros. Personnellement, je me demande parfois quoi leur répondre. Compte tenu du caractère forfaitaire des plafonds annuels que vous prévoyez, les pauvres paieront plus que les riches, comme d'habitude en Macronie. Madame Rist, vous avez désigné ces franchises par le terme de "forfaits de responsabilité", mais qu'est-ce que ça veut dire ? Pensez-vous que si l'on taxe les gens, ils modifieront leur système immunitaire et éviteront d'être malades ? Ils ne le choisissent pas. Ce n'est pas parce que vous leur ferez payer 2 euros de plus une boîte de médicaments qu'ils iront mieux. Il n'y a pas de responsabilité individuelle dans la maladie ; en revanche, il y a une obligation pour la puissance publique d'assurer la santé de tous. Dites-nous ce que doivent faire les gens pour continuer à se soigner quand ils n'ont plus que 5 ou 6 euros à la fin du mois : couper le chauffage, sauter des repas ? Que conseille le guide de survie macroniste quand on doit faire face aux franchises médicales ?
La semaine dernière, l'association Jeune & Rose a été accueillie en grande pompe par la Présidente de l'Assemblée nationale. Or vous n'avez toujours pas signé les décrets portant sur la création du registre national général des cancers et sur le remboursement des traitements du cancer du sein, mesure qui figure dans une loi qui remonte au mois de février – vous avez seulement annoncé que cela allait avancer, huit mois après. En revanche, vous trouvez le temps et l'énergie d'infliger des surcoûts à ces femmes atteintes d'un cancer du sein : elles devront payer plus pour les consultations, le transport sanitaire, les médicaments – le tamoxifène, notamment –, les éventuels soins psy, leurs traitements pour la peau, les cheveux, les problèmes digestifs, la pédicure et l'hygiène intime.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Vous l'avez constaté par les courriels que vous recevez, beaucoup de nos concitoyens sont inquiets. J'assume de dire qu'il s'agit d'un forfait de responsabilité, pour ceux qui peuvent payer – un tiers des Français n'auront pas à s'en acquitter. Le débat est ouvert pour savoir qui est concerné, des évolutions sont possibles, je le répète.
Oui, j'en appelle à la responsabilité individuelle. On peut en effet se demander pourquoi notre pays est au premier rang pour la consommation d'aspirine et de paracétamol, ce qui représente une dépense de près de1 milliard d'euros. On peut aussi se demander quel usage est fait de la possibilité d'aller voir aussi souvent qu'on le veut un médecin généraliste. Je ne nie pas qu'il s'agit d'une grande liberté, mais il faut rappeler qu'en 2023, plus de 16 000 patients ont vu plus de dix médecins généralistes différents au cours de l'année 2023. Cette responsabilité individuelle nous engage. En tant que ministre de la famille et de la santé, je dois protéger les plus fragiles ; c'est le sens des exonérations et du maintien des plafonds. Pour les personnes atteintes d'une maladie grave nécessitant beaucoup de soins, le plafond restera à 200 euros. En Belgique, le reste à charge par patient est de 400 à 4 000 euros par an. Malgré l'augmentation du montant du forfait de responsabilité, la France demeure le pays où l'on paye le moins. Si nous faisons ce choix, c'est pour construire un meilleur accès aux soins, grâce aux maisons France Santé, aux mesures du pacte de solidarité et à la poursuite des mesures structurelles de prévention. Ce forfait de responsabilité, qui épargne les plus fragiles, je l'assume, monsieur Clouet.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Antonin, infirmier au centre hospitalier universitaire de Limoges, m'interpellait dans la rue il y a une semaine. Il me disait que l'hiver dernier avait été catastrophique : il a été le déclencheur d'un grand nombre de départs parmi ses collègues. Sur une équipe de cinquante, vingt sont partis ou ont demandé une disponibilité. C'est presque toutes les semaines qu'on entend cette inquiétude s'exprimer ; je ne sais plus quoi dire aux soignants.
Le Parlement se débrouille. Nous avons voté une loi fixant le principe d'un nombre maximum de patients par soignant pour qu'Antonin et ses collègues n'aient plus vingt personnes chacun à prendre en charge. Neuf mois ont passé depuis sa promulgation et le ministère n'a toujours pas publié de décret. S'il ne s'agissait que d'attendre, nous pourrions tenir : il me suffirait de dire à Antonin que cela va venir, qu'en ce quatre-vingtième anniversaire de la sécurité sociale, les jours heureux, ou moins nuageux, arrivent. Mais voilà, vous nous présentez un budget qui n'est ni fait ni à faire.
Il fait l'unanimité contre lui. Au-delà des syndicats et des collectifs, les fédérations hospitalières dans leur ensemble – y compris la Fédération de l'hospitalisation privée –, pourtant si modérées, ont signé un communiqué commun intitulé "Un budget qui met en danger l'accès aux soins". Alors que 12 % des services d'urgences ont fermé cet été – citons Saint Yrieix-la-Perche, Landerneau, Agen, Carhaix, Lyon –, alors que le déficit global des hôpitaux atteint le niveau jamais dépassé depuis 2005 de 2,4 milliards d'euros, alors que les établissements hospitaliers doivent souvent choisir entre rénover et recruter, votre budget s'illustre par un grave sous-financement des besoins. Les charges des hôpitaux augmentent tous les ans de 4 % et vous proposez une hausse de leur budget de seulement 1,6 %. Selon les fédérations hospitalières, c'est 1,1 milliard qui manquera aux établissements de santé en 2026, soit l'équivalent du financement de 20 000 postes d'infirmiers. Non seulement c'est cuit pour l'amélioration du taux d'encadrement, mais vous agissez comme si tout allait bien à l'hôpital.
Les fédérations hospitalières insistent : "ce PLFSS signerait la pire cure d'économies sur l'hôpital depuis les années 2010". Les années 2010 pour l'hôpital, c'est ce qu'Amnesty International appelle la "décennie perdue" : les diverses réformes de l'hôpital menées dans les États membres de l'Union européenne dans le but de procéder à des économies ont abouti à la suppression de milliers de lits. D'immenses mouvements de grève ont eu lieu dans les hôpitaux en 2019. Pendant la crise sanitaire, face à l'adversité, la France a pu se rendre compte du désastre qui a résulté de toutes les économies réalisées : dégoût des soignants, brancards dans les couloirs, survenue d'incidents faute de prises en charge.
Pensez-vous vraiment que l'hôpital résistera à cette nouvelle spirale infernale ? J'ai entendu les arguments sur la soutenabilité et la recherche de ressources. Ce sont 80 milliards d'euros par an qui sont happés par les baisses de cotisations et d'impôts et par les exonérations d'impôts, qui ont doublé : n'est-ce pas là qu'il faut chercher les moyens au lieu de les prendre à l'hôpital ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Je vais rectifier les chiffres que vous avez cités. Nous avons prévu une progression de l'Ondam hospitalier de 2,4 %, soit 2,6 milliards d'euros de plus pour les établissements, ce qui permettra de préserver les mesures en faveur de la pédopsychiatrie et de la psychiatrie. Nous nous sommes engagés à améliorer la prévisibilité en publiant les tarifs hospitaliers dès le 1er janvier. L'année dernière, comme le PLFSS n'avait pas pu être voté avant le 31 décembre 2024, la publication de ces tarifs, intervenue seulement au mois de mai, avait été très déstabilisante. Outre une transparence et une simplification accrues, les établissements hospitaliers ont tous besoin de plus de prévisibilité ; nous répondrons à leurs attentes en annonçant avant la fin de l'année des investissements pour la décennie à venir.
Mme Stella Dupont (NI). La baisse du plafond des remises commerciales sur les médicaments génériques place les pharmaciens dans une situation préoccupante. Cette mesure vient d'être suspendue, mais je partage leurs inquiétudes et je vous remettrai à l'issue de cette réunion un document recensant des pistes alternatives d'économies, issu des échanges que j'ai eus avec des pharmaciens de ma circonscription. Le dialogue me semble toujours préférable aux décisions incomprises et difficiles.
C'est surtout la question du financement de la dépendance liée au grand âge que je veux aborder. Nous connaissons tous le contexte : compte tenu du mur démographique, les financements restent insuffisants malgré les efforts consentis, les milliards ajoutés et la création d'une cinquième branche dédiée à l'autonomie. Pour éviter toute ambiguïté, je réaffirmerai ici mon attachement profond au recours à la solidarité nationale, mais face à l'écart grandissant entre les besoins et les contraintes budgétaires, je crois qu'il nous faut innover. Nous pourrions explorer la piste d'une assurance obligatoire inspirée des travaux du Comité consultatif du secteur financier. Un contrat dépendance solidaire, équitable et généralisé, permettrait de mieux répartir les coûts et de garantir une couverture adaptée en cas de perte d'autonomie. Pour avancer concrètement, j'ai déposé un amendement au PLFSS visant à évaluer l'intérêt social, économique et budgétaire de cette proposition sur laquelle j'aimerais, mesdames les ministres, avoir votre avis.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Pour la bonne information de la commission, je précise qu'un arrêté vient de suspendre pour plusieurs mois la mesure de baisse des remises commerciales prise dans un précédent arrêté. Une mission conjointe de l'Igas et de l'IGF est en cours. Elle permettra de déterminer comment mieux cibler ces baisses et éviter des répercussions trop importantes pour nos pharmacies rurales.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Le financement de la dépendance est un défi majeur. Nous n'avons pas encore anticipé le mur démographique de 2030 – après cette date, le vieillissement de la population s'accélérera et les baby-boomers auront plus de 85 ans.
Pour assurer ce financement, plusieurs outils existent. Vous en avez évoqué un. Nous explorons d'autres pistes, comme celle du viager solidaire et d'autres outils financiers simplifiés qui permettent de prendre en charge une partie des dépenses d'hébergement et des dépenses relatives à la dépendance.
Plus généralement, nous devons réfléchir à la manière dont notre système de protection sociale pourra relever ce défi. Nous avons évoqué la nécessaire loi de programmation sur le grand âge, qui reste à élaborer. Je souhaite que nous avancions rapidement sur ces chantiers.
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Qui sont les grands absents de ce PLFSS ? Les infirmières et les paramédicaux. Pas une fois ne figure dans le texte le mot de revalorisation, ni celui d'infirmière. Ce sont pourtant celles-ci, en particulier les infirmières libérales, qui maintiennent l'accès aux soins dans les nombreux déserts médicaux et dans les départements ruraux. Désormais, 58 % disent vouloir s'arrêter ; pour toute réponse, elles récoltent le mépris.
La Macronie leur avait promis une reconnaissance et l'autonomie ; elle s'était même engagée à indexer la rémunération de leurs actes sur l'inflation, comme nous le proposons. Mais au lendemain même du vote de la loi sur la profession d'infirmier, elles ont subi un premier revers : vous avez décoté la rémunération des perfusions. Je vous laisse imaginer leur colère en découvrant six mois plus tard les projets de décrets d'application de la loi sur la profession d'infirmier : l'accès direct des patients aux infirmières est censuré par l'Ordre des médecins ; la prescription infirmière est réduite à peau de chagrin ; le master pour les infirmières scolaires est devenu lettre morte, etc.
Vous-même, monsieur le président Valletoux, avez dénoncé ce mépris envers le législateur : des dispositions votées et promulguées sont bloquées. Mesdames et monsieur les ministres, quand allez-vous respecter la volonté du Parlement ? Quand allez-vous revaloriser la profession, notamment les infirmiers diplômés d'État libéraux, dont la lettre-clef n'a pas bougé depuis quinze ans ?
Par ailleurs, nous constatons une explosion du nombre de cancers, de burn-out et de maladies professionnelles, mais aussi l'explosion de la pauvreté. On retiendra cette unique réponse de la Macronie en huit ans : la saignée. Des malades ont été radiés des dispositifs en raison d'effets de seuil résultant de calculs effectués au centime près pour économiser sur le dos des plus vulnérables. Qui vous a donné la légitimité pour dérembourser 115 millions d'euros sur les soins des personnes atteintes d'affections de longue durée ? Au nom de quoi vous autorisez-vous à maltraiter les gens à ce point ?
Un autre budget est possible. Tout est question de choix politique.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Les décrets relatifs à la loi sur la profession d'infirmier font l'objet d'une concertation et seront pris prochainement – vous pouvez me faire confiance à ce sujet.
Les négociations conventionnelles devraient reprendre rapidement ; je me suis entretenue avec le directeur général de la Cnam à ce sujet.
Nous serons attentifs à vos propositions visant à améliorer la santé de nos concitoyens et les conditions de travail des professionnels de santé, dans un cadre budgétaire qui permet de pérenniser la sécurité sociale – ne faisons pas croire des choses qui ne seraient pas vraies.
M. Christophe Bentz (RN). Vous proposez une désindexation partielle des pensions de retraite et des prestations sociales très dure pour les personnes handicapées, les familles, les retraités.
Il y a un an, le gouvernement de Michel Barnier est tombé pour moins que ça en s'entêtant à mener une politique profondément injuste. Cette désindexation était pour le Rassemblement national une ligne rouge ; elle le demeure. Grâce à la censure, les pensions de retraite ont augmenté de 2,2 % à compter du 1?? janvier 2025. Non seulement vous réitérez cette erreur pour 2026, mais vous allez encore plus loin. Les mêmes causes risquent de produire les mêmes effets.
Sous-revaloriser une prestation, c'est bien la désindexer : dans un contexte d'inflation et d'augmentation du coût de la vie, c'est pour les Français une perte sèche de pouvoir d'achat. Les Français – retraités, familles, personnes handicapées – ne doivent pas être les variables d'ajustement rendues nécessaires par les échecs des gouvernements successifs d'Emmanuel Macron ; ils ne doivent pas être les victimes collatérales de vos erreurs budgétaires.
Allez-vous enfin écouter les oppositions et surtout les Français qu'elles représentent, qui rejettent cette injustice sociale aux lourdes conséquences ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. J'entends votre volonté de protéger le pouvoir d'achat des Français. Permettez-moi de rappeler quelques faits.
En 2024, nous avons, avec nos ressources publiques, augmenté les pensions de retraite de 25 milliards d'euros. En 2025, nous les avons de nouveau revalorisées de 10 à 12 milliards, soit une augmentation de 2,2 % au 1er janvier, alors que l'inflation n'a pas dépassé 1,1 % cette année. Nous avons donc bien protégé le pouvoir d'achat des retraités ; nous l'avons d'ailleurs mieux protégé que celui des actifs.
Or, dans un système par répartition, l'équation est simple : si nous protégeons plus le pouvoir d'achat des retraités que celui des actifs, cela signifie que ces derniers ont été plus ponctionnés que la croissance de l'économie. Autrement dit, nous avons affaibli le pouvoir d'achat des actifs au profit de celui des retraités.
Il n'est évidemment pas question de créer une quelconque opposition entre générations, mais de faire en sorte que les actifs comme les retraités participent de manière proportionnée à la reprise en main des comptes publics l'année prochaine.
Pour les actifs, cela se fera essentiellement par le gel du barème de l'impôt sur les revenus. Pour les retraités, cela prendra la forme du gel en valeur des pensions de retraite. Cela passera également par la stabilité des prestations sociales.
On peut se faire croire qu'on peut continuer comme avant et qu'on a les moyens de pérenniser un déficit de 5,4 %. Mais tous les pays qui s'en sont convaincus ont été confrontés à une crise – le Portugal, l'Espagne, l'Italie, la Suède ou le Canada. Or une telle crise provoque non pas un gel en valeur des pensions de retraite et des prestations sociales, mais des baisses de 5%, 10 %, 15 % voire 20 %.
Nous demandons un effort collectif, il n'est pas question de le nier. Mais nous proposons que cet effort ne soit pas consenti uniquement par les actifs au bénéfice des retraités, mais qu'il soit partagé et réparti de façon homogène entre tous les Français. Ce faisant, nous serons en mesure de poursuivre nos politiques d'accès aux soins, de prévention, d'éducation, etc.
M. René Lioret (RN). Alors que nos compatriotes subissent de plein fouet une baisse de pouvoir d'achat et une dégradation de l'accès aux soins, le Gouvernement souhaite une fois encore faire porter l'effort sur les malades en doublant la franchise sur les médicaments.
Contrairement à ce qui est dit, ce n'est pas une mesure de responsabilisation mais une taxe sur la maladie. Elle ne pénalise ni les fraudeurs ni les profiteurs, mais les malades, qui n'ont d'autre choix que de se soigner. Rappelons qu'elle a été fixée à 0,50 euro à sa création en 2008 et qu'elle a déjà doublé en mars 2024 ; à peine dix-huit mois plus tard, il faudrait à nouveau la doubler pour atteindre 2 euros par boîte de médicaments ! Autrement dit, en dix-huit mois, le Gouvernement la ferait grimper de 300 % par rapport à son niveau initial. Le coût d'une telle mesure pour un patient polymédiqué ou atteint d'une maladie chronique a-t-il été évalué ?
Vous justifiez cette décision en expliquant qu'il faut responsabiliser les assurés, mais les Français n'ont pas besoin d'être responsabilisés ! Ils sont déjà contraints par l'inflation et le coût de l'énergie : certains doivent choisir entre manger ou se chauffer ; quant aux déplacements, il n'en est même plus question pour d'autres. Cette mesure est une atteinte directe au pouvoir d'achat et à l'accès aux soins des Français, en particulier des plus modestes.
Permettez-moi de revenir sur la situation des retraités. Madame la ministre, vous avez parlé d'une revalorisation des pensions en 2024, mais pas de la désindexation intervenue en 2021, 2022 et 2023 ; au total, les retraités ont déjà perdu en pouvoir d'achat. Or il est désormais question de geler leurs pensions en 2026, avant une désindexation à compter de 2027 et jusqu'en 2030, ce qui entraînerait une perte de pouvoir d'achat d'environ 3 %. Autrement dit, les retraités verront leur pension stagner alors que leurs dépenses de santé augmenteront considérablement – ce sont eux qui ont le plus besoin de se soigner. Nos aînés subiront donc une double peine : moins de revenus et plus de charges.
De tout cela, les Français ont légitimement le droit de s'indigner. Mais le plus révoltant à leurs yeux, c'est que dans le même budget, l'aide médicale de l'État n'est pas remise en cause, même partiellement, même petitement, alors qu'elle atteint désormais 1,2 milliard d'euros. Jusqu'où irez-vous pour faire payer aux Français les déficits que votre politique a creusés ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Permettez-moi de rappeler qu'un tiers des Français ne paient pas la franchise sur les médicaments et ne seront pas concernés par son doublement : les plus fragiles et les plus précaires, qui bénéficient de la contribution complémentaire solidaire, les femmes enceintes et les mineurs.
Nous avons fait le calcul que vous évoquez : pour un patient souffrant d'une ALD impliquant des soins parmi les plus coûteux, cette mesure entraînerait une augmentation de 75 euros par an en moyenne. Au maximum, ce forfait est plafonné à 200 euros. Or tous les patients souffrant d'une maladie grave ne sont pas dans l'incapacité de s'en acquitter. De plus, il me semble que les retraités malades souhaiteraient également pouvoir consulter un médecin près de chez eux et sont favorables à une réforme structurelle de la prévention.
On peut responsabiliser les Français en leur demandant un effort supplémentaire à condition d'améliorer l'accès aux soins. Voilà ce que nous proposons.
Mme Sandra Delannoy (RN). Madame la ministre de l'action et des comptes publics, permettez-moi de vous demander des comptes sur la frilosité de certains organismes d'État quant au déploiement des outils d'intelligence artificielle dans la détection et la prévention de la fraude, qu'elle soit fiscale ou sociale.
Je ne rappellerai pas les chiffres, mais à l'heure où les finances françaises côtoient l'abîme, il me paraît urgent non seulement de détecter ces manœuvres, mais aussi de recouvrer les sommes indues. Le très intéressant rapport d'information sénatorial d'avril 2024 intitulé "IA, impôts, prestations sociales et lutte contre la fraude" souligne le contraste entre des organismes du secteur social très réticents à recourir aux technologies d'intelligence artificielle et la direction générale des finances publiques (DGFiP), pionnière et volontariste. Celle-ci a développé des outils performants de data mining et de deep learning pour détecter la fraude, comme le dispositif Foncier innovant. Les caisses de sécurité sociale semblent hésiter à franchir ce cap. Cela témoigne d'une certaine complaisance pétrie de bons sentiments ou d'une certaine pudeur à utiliser des outils performants et disponibles pour simplement appliquer la loi.
L'usage raisonné de l'intelligence artificielle dans un cadre juridique clair et transparent pourrait non seulement renforcer la lutte contre la fraude, qu'elle soit sociale ou fiscale, mais aussi contribuer à rétablir l'équité entre contribuables et allocataires, tout en améliorant le recouvrement des prestations indûment perçues.
Quelles actions concrètes le gouvernement entend-il mener pour favoriser la mutualisation des outils et des compétences entre la DGFiP et les organismes sociaux, voire automatiser le déploiement de ce genre d'outils ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Ce sujet devrait nous réunir de manière républicaine, parce que frauder revient à enfoncer un coin dans le pacte républicain. Certains Français paient en pensant que les règles sont respectées alors que d'autres se comportent comme des passagers clandestins.
J'ai pris mes fonctions le 23 décembre 2024 ; avec Catherine Vautrin, nous avons présenté en mars 2025 les résultats des politiques de lutte contre la fraude, menées en 2024. Nous sommes parvenues au même constat : l'existence, dans le champ social, d'un déficit d'outils, de règles et de mécanismes ayant la même efficacité que ceux appliqués dans le domaine fiscal.
Le projet de loi présenté la semaine dernière en Conseil des ministres vise précisément à améliorer la détection de la fraude. Depuis quelques années, la détection a déjà été nettement améliorée à la Cnam et par les Urssaf ; le nombre des sanctions en a été augmenté.
Nous publierons dans les prochains jours un rapport conjoint de l'IGF et de l'Igas sur la fraude sociale dont il ressort que, pour être appliquées, les sanctions doivent être clarifiées, simplifiées et automatisées. Il montre également à quel point l'efficacité des recouvrements a été améliorée dans la sphère fiscale grâce à des gels et à des saisies – des mesures de flagrance ; c'est la raison pour laquelle nous souhaitons déployer des mesures comparables dans la sphère sociale. L'approche actuelle consiste à signaler la fraude, ce qui laisse au contrevenant – particulier, praticien ou entreprise éphémère – le temps d'organiser son insolvabilité et de transférer ses fonds à l'étranger, si bien que lorsque la saisie des actifs est déclenchée, il n'y a plus d'argent. Cette approche explique l'important écart dans le champ social entre ce qui est détecté et ce qui est recouvré.
Je vous remercie d'avoir rappelé l'efficacité des agents de la DGFiP, qui travaillent avec plusieurs outils : l'Office national antifraude, un office commun à la douane et à la DGFiP, et l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, l'organe de saisie des fonds issus du blanchiment. Il est frappant de constater que les réseaux qui fraudent la sécurité sociale sont souvent des réseaux de criminalité organisée – quasi mafieux. C'est pourquoi nous devons être intraitables.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Le ministère du travail soutient pleinement cette initiative et ce projet de loi, dont nous attendons beaucoup de résultats.
Mme Angélique Ranc (RN). Je note avec satisfaction que la question de la natalité occupe une place importante dans ce budget. Nous pourrions être satisfaits de la création d'un congé supplémentaire de naissance, qui vise à résoudre les problèmes démographiques et de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, mais certaines zones demeurent floues.
Je passe rapidement sur l'aspect idéologique de l'exposé des motifs du projet de loi, qui ne se détache pas d'une logique dirigiste où l'État prétend savoir ce qui est le mieux pour ses citoyens et s'ingère encore une fois dans la vie quotidienne des ménages. Peu importe la manière dont le couple doit s'organiser pour le partage des tâches parentales et la façon de pousser les pères à s'impliquer davantage à long terme dans les tâches ménagères. Il importe en revanche de savoir quelles mesures financières concrètes vous souhaitez affecter à ce congé supplémentaire de naissance.
Or le texte reste assez flou sur le montant de l'indemnité. Pour le premier mois, il est indiqué qu'elle correspondra à une fraction des revenus d'activité antérieure, mais elle reste limitée par un plafond déterminé par un décret en Conseil d'État, sans plus de précisions. Pour le second mois, le montant de l'indemnité peut être dégressif, sans qu'on ait plus de détails. Notre inquiétude est légitime en l'absence de précisions sur le plafond et l'éventuel plancher pour les ménages les plus modestes.
Madame la ministre, vendredi 17 octobre, sur France 2, vous avez indiqué que ce congé serait plus court, mais mieux rémunéré que le congé parental. Nous sommes en droit de douter de l'ampleur du montant de cette allocation puisqu'avant de rétropédaler, l'exécutif envisageait initialement de l'instaurer pour remplacer le congé parental, qui peut durer trois ans.
Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le montant de la rémunération de ce nouveau congé parental et sur les conditions de son application ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Il ne s'agit pas de s'immiscer dans la vie des parents, mais de proposer un dispositif nouveau, attendu par les familles.
Ce congé dure un ou deux mois pour chacun des deux parents. La rémunération est égale à 70 % du salaire net pour le premier mois et à 60 % pour le second ; elle est donc très supérieure à celle du congé parental.
Ce congé supplémentaire est limité à deux fois deux mois ; en le cumulant aux congés maternité et paternité, le congé total est de six mois au maximum. Il peut être pris par les deux parents en même temps, mais ne peut être transféré de l'un à l'autre, pour des raisons évidentes d'égalité entre les femmes et les hommes. Son coût sera de 300 000 millions d'euros en 2026 et doublera en 2027.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Madame la ministre, vendredi dernier, la France a célébré la septième Journée mondiale des soins palliatifs. J'aimerais qu'un jour, nous puissions enfin célébrer l'accès réel à ces soins.
En avril 2024, Mme Vautrin présentait une stratégie décennale : dix ans pour garantir à chaque Français une fin de vie digne, sans inégalités territoriales. Belle promesse, mais dix ans pour réparer ce qu'on n'a pas su faire en trente ans, c'est déjà trop long.
On nous annonçait 1,1 milliard d'euros supplémentaires ; des chiffres bien calibrés et bien présentés. Mais entre les PowerPoint et la réalité dans les services hospitaliers, il y a un gouffre, dans lequel les familles tombent.
En 2023, vingt-deux départements étaient toujours dépourvus d'unité de soins palliatifs. Mme Vautrin avait promis que neuf en ouvriraient une en 2024 et que tous seraient couverts en 2025. Finalement, trois unités seulement ont ouvert et d'autres ont même fermé, à Guérande et à La Roche-sur-Yon. C'est un peu comme remplir un seau percé en jurant qu'il sera plein demain.
On nous parle de justice, d'équité et de dignité, mais un Français sur deux seulement a accès aux soins palliatifs. Une moitié de la France meurt accompagnée, l'autre meurt seule. Voilà l'une des inégalités les plus insupportables et les plus silencieuses de notre République. Le changement promis en 2024 n'est pas à la hauteur, il est à la remorque ! S'agissant de la fin de vie, le retard n'est pas un détail technique, c'est une question d'humanité.
Madame la ministre, quand notre pays consacrera-t-il enfin les moyens nécessaires à ce que nos concitoyens aient une fin de vie digne ? Dans le PLFSS, quels crédits sont réellement consacrés à la mise en œuvre de la stratégie décennale ? Combien de temps faudra-t-il encore pour que la dignité humaine cesse d'être une promesse ? L'accès aux soins palliatifs pour tous et partout est un préalable indispensable à toute évolution des lois Leonetti et Claeys-Leonetti et à toute légalisation de l'euthanasie.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Dans le budget de la sécurité sociale, 100 millions d'euros sont consacrés au développement des soins palliatifs. En ce domaine, je reprends l'engagement total de mes deux prédécesseurs.
Toutefois, vos propos en témoignent, les financements ne suffisent pas pour garantir l'accès aux soins de manière générale ; il en faut donc davantage et c'est pourquoi nous confirmons, dans ce PLFSS, les promesses des deux dernières années. Mais il est parfois inévitable de fermer des services lorsque les médecins manquent. Nous nous efforçons de renforcer l'attractivité de certains métiers et les revalorisations afin d'augmenter le nombre de médecins formés.
M. Guillaume Florquin (RN). Le PLFSS 2026 affiche la volonté de renforcer l'autonomie des aînés et des personnes handicapées et de garantir leur dignité. Vous annoncez de nouvelles mesures sans les détailler et sans que nous en ayons eu connaissance. Toutefois, dans les faits, la branche autonomie demeure la grande oubliée de ce budget. Le texte établit ses dépenses à 43,5 milliards d'euros pour 2026, soit une progression inférieure aux besoins exprimés sur le terrain.
Les professionnels du secteur nous alertent sur l'insuffisance des revalorisations salariales, la hausse continue des charges et le manque criant de personnel. Les Ehpad publics et associatifs sont étranglés financièrement, les services d'aide à domicile manquent de bras et les départements, premiers financeurs, dénoncent une asphyxie budgétaire généralisée.
Cette situation est d'autant plus alarmante que la France vieillit rapidement : près de 22 % de la population a 65 ans ou plus et près de 3 millions de personnes connaîtront une perte d'autonomie d'ici à 2030. Ces chiffres augmentent chaque année, tandis que le coût de la dépendance, de l'hébergement, des soins et du reste à charge pèse toujours davantage sur les familles.
Dans de nombreux territoires, une place en Ehpad coûte plus de 2 000 euros par mois, alors que les soignants peinent à vivre de leur vocation, sans parler des 8 à 11 millions d'aidants familiaux, véritable pilier invisible de notre système. Ces derniers ne disposent toujours pas d'un statut unifié ni d'une indemnisation réellement protectrice.
Certes, l'allocation journalière du proche aidant indemnise le congé de proche aidant dans la limite de soixante-six jours par proche aidé, mais cela reste très insuffisant au regard de l'engagement humain et financier que cela représente. Le Rassemblement national plaide pour la création d'un statut renforcé et indemnisé du proche aidant, prévoyant un congé de douze mois tout au long de la carrière, une indemnisation proportionnée aux revenus, la déconjugalisation de l'aide ainsi qu'une indemnité mensuelle pour celles et ceux qui s'installent au domicile du proche dépendant. Parce qu'aider un parent dépendant, c'est aussi un acte de solidarité nationale qui mérite reconnaissance, stabilité et protection sociale.
Madame la ministre, ajuster à la marge les budgets ne suffit plus, il faut une réforme structurelle qui rapproche la branche autonomie des besoins humains et des réalités du terrain. À défaut, notre système, déjà fragilisé par le sous-financement, la démographie et la fatigue des personnels, s'effondrera sur lui-même, financièrement et humainement.
Vous savez comme moi que ces quelques mesures nouvelles ne répondront pas aux attentes des Français. Comment comptez-vous réviser la trajectoire financière de la branche autonomie pour tenir compte de l'explosion des besoins ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Les dépenses de la branche autonomie ont augmenté de 1,5 milliard d'euros en 2025 et aucun recul n'est prévu en matière d'investissements. Au contraire, nous continuons d'apporter des réponses, notamment la création des 50 000 solutions pour les personnes en situation de handicap. Parmi ces solutions figurent des mesures supplémentaires de répit. Citons également le décret relatif au baluchonnage, qui vient d'être pris : cette solution de répit, plébiscitée par nos concitoyens, permet la prise en charge d'un proche dépendant pendant plusieurs jours et plusieurs nuits.
La question de l'offre d'accompagnement se pose également. Cela concernerait notamment les 4 500 emplois supplémentaires dans les Ehpad, qui s'ajouteraient aux 10 000 emplois projetés pour l'année 2025. Mais, sans adoption du PLFSS, les nouvelles mesures ne pourront être appliquées et aucun emploi supplémentaire ne pourra être créé ; les modalités de renforcement des financements des Ehpad ne pourront pas non plus être mises en œuvre.
J'ai évoqué la fusion des sections soins et dépendance des Ehpad, qui concerne vingt-trois départements depuis quelques mois. L'adoption tardive de la LFSS 2025 a décalé la mise en œuvre de cette importante réforme. Après avoir été appliquée pendant une année pleine dans ces départements, elle sera généralisée à l'ensemble des départements l'année suivante. Elle s'accompagne de financements supplémentaires. Enfin, la révision des grilles Pathos a amélioré la prise en charge de la dépendance.
Par ailleurs, différentes mesures ont permis aux Ehpad de revoir le financement de l'hébergement, qui constitue un autre enjeu. Enfin, l'aide sociale à l'hébergement reste bloquée dans certains territoires, ce qui empêche de solvabiliser les Ehpad.
M. Serge Muller (RN). Dans le Bergeracois comme dans tant de territoires oubliés de la République, la situation en matière de santé mentale est devenue dramatique. Les habitants n'ont plus accès à des soins décents et les délais pour obtenir un rendez-vous en psychiatrie dépassent parfois six mois. Les services hospitaliers sont saturés et les soignants sont à bout de souffle. J'ai visité lundi dernier l'hôpital de Périgueux et je vous confirme qu'en Dordogne, nous manquons de lits, de personnel et de moyens. Pendant que les grandes annonces ministérielles se succèdent, sur le terrain, rien ne change.
La santé mentale a pourtant été proclamée grande cause nationale. Nous avons salué cette annonce, mais nous attendons des actes. La santé mentale n'est pas un luxe, sa préservation est une urgence nationale ; les Français des territoires ruraux vivent cette situation dramatique dans la solitude et l'indifférence.
Les gouvernements successifs ont abandonné la psychiatrie publique, fermé des lits et laissé partir nos praticiens à cause d'une politique budgétaire aveugle. Madame la ministre, je vous demande d'être la première à sauter le pas et d'agir pour garantir un véritable accès à la santé mentale, grâce à des médecins, des moyens et une présence de l'État à la hauteur des souffrances humaines.
La détresse psychique progresse dans nos campagnes, notamment dans le Périgord, tandis que le service public recule.
Mme Stéphanie Rist, ministre. La santé mentale voit son financement augmenter dans le PLFSS, mais cela ne peut suffire à améliorer la situation et à renforcer l'accès aux soins. Nous avons besoin de professionnels et, pour cela, nous devons augmenter le nombre de psychiatres, de pédopsychiatres et d'infirmiers en pratique avancée en psychiatrie.
Les précédents ministres de la santé ont lancé cette montée en charge, en partenariat avec les équipes concernées. Permettez-moi de saluer cette démarche, d'autant plus importante que la prévalence des pathologies en santé mentale a augmenté depuis l'épidémie de covid.
Nous avons bien conscience des enjeux en ce domaine et de la nécessité d'augmenter le budget qui lui est consacré. Le repérage précoce est également indispensable, tant pour les enfants que pour les plus âgés de nos concitoyens. À cet effet, la médecine de proximité est indispensable. Je le répète depuis le début de cette audition, il faut se montrer responsable dans le cadre de ce budget pour que soient possibles des mesures d'accès aux soins et de prévention, notamment grâce aux maisons France Santé que le Premier ministre s'est engagé à créer.
Je ne serai pas la ministre qui promettra de régler ce problème demain ; ce serait mentir aux Français.
M. Théo Bernhardt (RN). En juin dernier, votre prédécesseur, M. Neuder, avait affirmé devant la représentation nationale qu'il serait inconcevable de porter un coup d'arrêt brutal au thermalisme. Or à la mi-septembre, nous avons appris l'existence d'un projet de décret visant à réduire de 100 % à 65 % le remboursement des cures thermales pour les patients atteints d'une affection de longue durée. Depuis, nous sommes dans le flou, sans nouvelles de ce projet de décret et sans mesures explicites à ce sujet dans le PLFSS 2026.
Cette diminution frapperait 118 000 patients souffrant d'une ALD, alors que les assurés en ALD sont âgés de 65 ans en moyenne et, pour un tiers, issus de milieux modestes. Réduire le taux de remboursement à 65 %, c'est leur imposer un surcoût de 250 à 300 euros par cure, pour une économie de 25 millions, soit 0,01 % du total des dépenses de santé.
En contrepartie, nous assisterions à la destruction programmée d'un secteur économique dégageant 4,5 milliards d'euros de retombées économiques et fournissant 25 000 emplois dans 88 communes rurales, dont 71 % comptent moins de 5 000 habitants, comme celles de Niederbronn-les-Bains et de Morsbronn-les-Bains, dans ma circonscription.
Vous conviendrez que les habitants de nos territoires ruraux ne peuvent accepter cette double peine : être malades et voir leur accès aux soins réduit, être économiquement fragiles et subir la destruction d'un important secteur économique.
Ce projet de décret est-il toujours d'actualité ? Y êtes-vous favorable, madame la ministre ? Allez-vous vous montrer favorable aux amendements de votre camp politique portant atteinte au taux de remboursement des cures thermales ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Une mesure du PLFSS vise à faire rentrer dans le droit commun le remboursement du thermalisme ; nous aurons donc l'occasion de débattre de ce sujet, qui occupe cette commission au moins une fois par an, à l'occasion de l'examen du PLFSS. Je l'ai dit, le texte est une copie de démarrage.
Mme Annie Vidal (EPR). Les députés du groupe EPR soutiennent la trajectoire de retour à l'équilibre qui sous-tend le PLFSS 2026, y compris la modification relative à la réforme des retraites pour se conformer aux engagements pris.
Nous pouvons adopter ce PLFSS tout en protégeant les plus fragiles d'entre nous. Au-delà de l'enjeu humain, ce serait un non-sens de ne pas le voter, puisque le coût de l'absence de prévention et d'accompagnement des plus fragiles est supérieur à celui d'une politique d'anticipation. C'est pourquoi je proposerai d'exclure les plus fragiles et les plus modestes du gel des pensions de retraite. Monsieur le ministre, quelle est votre position à ce sujet ?
Par ailleurs, pourriez-vous rappeler le calendrier et les grandes lignes de la conférence sur le travail et les retraites que vous avez évoquée ?
Un Français sur trois aura plus de 60 ans en 2030 et le nombre de personnes âgées de plus de 85 ans doublera d'ici à 2050. Le vieillissement de la population n'est cependant pas la seule composante de la transition démographique : il faut y inclure la baisse de la natalité et le décalage entre le nombre d'actifs et le nombre de retraités. Or nous manquons d'une vision d'ensemble, d'une stratégie englobant les politiques du logement, de la santé, de la prévention de la perte d'autonomie, de l'accompagnement des personnes âgées et des retraites. Seriez-vous prêt à travailler à un grand projet de loi tenant compte de toutes ces composantes ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Le gel des pensions de retraite concerne tout le monde : il est possible de discuter du sort des pensions les plus modestes ; cependant, s'agissant des retraites, les volumes sont considérables et on atteint vite le milliard d'euros. Le débat est ouvert.
La conférence sur le travail et les retraites démarrera à la fin du mois de novembre. Elle réunira les partenaires sociaux et les directions de mon ministère apporteront leur expertise technique. Elle sera dirigée par une personnalité reconnue par tous les acteurs et pourra être ouverte à des experts. À ce stade, il est prévu de consacrer deux ateliers à la retraite, publique et privée, les enjeux et les acteurs n'étant pas tout à fait les mêmes. Un grand atelier sera consacré au travail : le travail en soi, mais aussi le lien entre le travail et la retraite. Enfin, les différents types de régimes de retraite seront examinés – notamment la retraite par points et la retraite par capitalisation – du point de vue tant de leur répartition que de leur solidité.
M. Fabien Di Filippo (DR). Monsieur le ministre, vous dites être ouvert à la discussion sur le plafonnement de l'allocation sociale unique. Parce qu'il aura une influence sur le résultat, nous devons définir clairement le cap que nous nous donnons. Jusqu'où êtes-vous prêt à aller ? Considérez-vous déjà que ce plafonnement doit être inférieur au Smic, pour qu'il soit toujours intéressant de reprendre un travail ?
L'année dernière, sur un échantillon de 240 000 contrôles d'arrêts maladie, 30 % de ces derniers pouvaient être considérés comme abusifs – à tout le moins comme n'étant pas légitimes. Comment comptez-vous améliorer ces contrôles, sachant que les indemnités journalières s'élèvent à 17 milliards d'euros ? C'est un très gros gisement d'économies.
Enfin, l'AME est un serpent de mer depuis une dizaine d'années. Il est souvent question de la réduire, mais en réalité elle a augmenté. Êtes-vous prêt à la réformer, qu'il s'agisse du panier de soins ou des personnes concernées ? Quelle économie estimez-vous faisable sur cette dépense ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Ma méthode concernant l'ASU est la suivante : commencer par défricher ce sujet très technique, après quoi le débat se fera en avançant. Je préfère ne pas répondre trop vite aux questions qui ne se posent pas encore. La question que vous posez sera débattue le moment venu ; vous comprenez que je ne puisse vous répondre aujourd'hui. Commençons par construire l'outil, faisons des simulations, voyons comment il fonctionne en pratique et ouvrons ensuite le débat.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Cet été, les ordonnances prescrivant les arrêts maladie ont été modifiées ; les arrêts sont désormais sécurisés. Il est encore trop tôt pour tirer les premières conclusions de cette réforme. Par ailleurs, rappelons que les arrêts délivrés par télémédecine sont limités dans le temps, comme nous l'avions voté ici.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. La Cnam a identifié les praticiens prescrivant le plus d'arrêts maladie afin de discuter avec eux. La dernière vague de cette opération a entraîné une baisse de 30 % des prescriptions par les médecins concernés. Cette démarche est confraternelle et vise un double objectif de modération du nombre d'arrêts et d'amélioration du suivi des pathologies.
Mme Stéphanie Rist, ministre. S'agissant de l'AME, nous nous appuyons sur le rapport de décembre 2023 corédigé par Claude Évin – une personnalité de gauche – et Patrick Stefanini – une personnalité de droite.
Mme Christine Le Nabour (EPR). J'associe à ma question Sébastien Peytavie, mon corapporteur de la mission d'évaluation de la loi du 11 février 2005. Je souhaite revenir sur la persistance des barrières d'âge dans l'accès à la prestation de compensation du handicap. L'article 13 de la loi de 2005 prévoyait la suppression de ces distinctions dans un délai de cinq ans afin de garantir une égalité de traitement à toutes les personnes handicapées, quel que soit leur âge. Vingt ans plus tard, cette promesse reste non tenue : si la limite des 75 ans a été levée, celle des 60 ans demeure et continue de créer des inégalités profondes. Une personne devenue handicapée avant 60 ans relève de la PCH, calculée selon ses besoins, tandis qu'une autre victime du même accident après 60 ans est orientée vers l'APA, un dispositif moins favorable et soumis à conditions de ressources. Deux situations identiques, deux traitements différents : c'est une rupture d'égalité. J'ai donc déposé un amendement pour lever cette barrière d'âge. Un second proposera la création d'une PCH unique pour favoriser une approche plus inclusive et personnalisée, qui tienne compte des besoins globaux du bénéficiaire. Ces deux amendements correspondent aux recommandations n° 8 et n° 10 de notre rapport d'évaluation. Madame la ministre, soutiendrez-vous ces deux évolutions ? L'une nécessite une dépense ; l'autre pourrait générer des économies.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Je voudrais tout d'abord rendre hommage aux travaux que vous avez menés avec Sébastien Peytavie, qui est absent, car souffrant – je lui adresse un salut amical. Le Conseil d'État a réaffirmé qu'il n'y avait pas d'obligation de lever la barrière d'âge. Même si cela ne nous empêche pas d'y travailler, il ne faut pas exclure la question du financement d'une telle mesure, qui représenterait un coût d'environ 1,5 milliard d'euros. Elle n'est pas prévue dans ce projet de loi ni à court ou moyen terme.
En revanche, à l'issue de l'évaluation de la loi de 2005, je souhaite réunir un groupe de travail pour réfléchir à la manière dont la PCH répond aux besoins, étudier la manière dont ses différentes modalités s'articulent entre elles, si la distinction des différents besoins est optimale, et étudier la piste d'une PCH unique. Ces préoccupations sont partagées par de nombreux acteurs, qui expliquent qu'une évolution nécessite des réflexions très approfondies dans la mesure où les différentes prestations ne répondent pas aux mêmes besoins. Nous ne pouvons donc pas aller trop vite.
M. le président Frédéric Valletoux. J'adresse également, au nom de la commission, des vœux de prompt rétablissement à notre ami Sébastien Peytavie.
Mme Josiane Corneloup (DR). Mesdames les ministres, je vous rejoins évidemment lorsque vous évoquez la nécessité de réformes structurelles et non plus de coups de rabot. Nous devons absolument prendre le virage de la prévention – primaire, mais aussi secondaire et tertiaire. En effet, beaucoup de personnes ne sont pas inscrites dans un parcours de soins alors que nous pourrions peut-être éviter certaines aggravations. Je vous rejoins également en ce qui concerne les ALD – il faut faire preuve de la plus grande vigilance pour savoir ce qui en relève et ce qui n'en relève pas – ainsi que l'utilisation du DMP, un outil important. Je partage enfin votre souhait d'une simplification majeure.
J'ai beaucoup plus de peine à vous suivre lorsque vous rabotez le prix des médicaments, alors que le prix des médicaments remboursables en France est le plus bas d'Europe. Nous risquons de ne plus avoir accès aux nouveaux médicaments et d'augmenter les probabilités de ruptures, qui induisent un surcoût très important.
Le corollaire de cette baisse de prix, c'est la baisse du plafond des remises sur les médicaments génériques aux pharmaciens. Les génériques représentent un tiers du chiffre d'affaires des officines. Faire passer la remise de 40 à 20 % a donc une incidence énorme. L'arrêté du 6 octobre a suspendu cette baisse pour trois mois. Qu'en sera-t-il après le 31 décembre ? Je suis très inquiète. Si la mesure devait s'appliquer après cette date, nous verrions la fermeture de nombreuses officines, des officines de petits chiffres, particulièrement dans les territoires ruraux ; en raison des problèmes de démographie médicale, elles sont la dernière voie d'accès à la santé. Les conséquences, sociales et humanitaires, seraient majeures.
Je comprends encore moins l'article 21, qui vise à permettre l'installation d'une officine par voie de création dans les communes de moins de 2 500 habitants dans lesquelles la dernière officine a définitivement cessé son activité : si elle a cessé son activité, c'est qu'elle n'était tout simplement plus viable. Notre responsabilité est de faire en sorte que celles qui sont là puissent demeurer en évitant de les fragiliser économiquement.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Je suis tout à fait ouverte à l'introduction d'amendements sur la prévention tertiaire. Il y a des choses à faire, par exemple, pour éviter qu'une personne qui sort de l'hôpital après un infarctus n'y revienne pour la même raison. Des expérimentations sont en cours, mais n'hésitez pas à nous soumettre vos idées.
S'agissant des médicaments, la responsabilité est collective et concerne aussi les laboratoires pharmaceutiques. Je reste très attachée aux négociations conventionnelles qui ont lieu avec le Comité économique des produits de santé. Vous avez raison, c'est un chemin de crête.
Pour ce qui est des pharmacies, l'article répond à la demande de plusieurs parlementaires. Ce dispositif pourrait être utile dans certains endroits. Le débat sera intéressant.
M. Jérôme Guedj (SOC). Madame Rist, le niveau de l'Ondam hospitalier va conduire à des tarifications négatives. Pour éclairer nos débats, pourriez-vous nous donner les conclusions du rapport de l'Igas relatif à la sous-compensation des mesures salariales, ainsi que celles du deuxième rapport de l'Igas et de l'IGF sur l'efficience hospitalière ? Le déficit des hôpitaux publics est passé de 1 milliard à 2,8 milliards d'euros. Quelle y est la part de la sous-compensation ?
Reconduisez-vous le fonds d'urgence pour les Ehpad du dernier PLFSS ? Son décaissement a été efficace ces derniers jours.
Le niveau de l'Ondam va-t-il menacer les mesures de revalorisation envisagées, notamment celles des kinésithérapeutes prévues en 2025 et en 2026 ?
Que pensez-vous de la fiscalité comportementale, notamment sur la malbouffe ? Seriez-vous prête à renoncer à votre mesure sur les titres-restaurant si l'on vous proposait une mesure de fiscalité comportementale à rendement comparable ?
Concernant les exonérations de cotisations, vous travaillez sur la convexité de la courbe. Nous autorisez-vous à déposer des amendements pour modifier le point de sortie et à inscrire ces dispositions dans la loi ?
Enfin, quelles mesures en faveur du pouvoir d'achat envisagez-vous ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Je n'ai pas encore les rapports de l'Igas et de l'IGF sur le niveau de l'Ondam.
Les revalorisations des professionnels, notamment des kinésithérapeutes, sont bien programmées pour 2026.
Le débat sur la fiscalité comportementale doit avoir lieu au Parlement.
Enfin, il n'y a pas à ce stade de fonds d'urgence pour les Ehpad.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. En ce qui concerne les niches sociales, il s'agit de revenir sur des exonérations totales. Les titres-restaurant, créés pour pallier l'absence de cantine, ont changé de nature : on fait ses courses avec ; il s'agit donc quasiment d'un revenu, ce qui soulève la question de la fiscalité. Notre proposition d'un prélèvement de 8 % pour l'employeur, alors qu'il est de 40 % sur le salaire, reste très raisonnable.
Nous entendons néanmoins que cette mesure touche à un symbole et qu'elle fait débat ; nous prenons le sujet au sérieux. Nous sommes donc prêts à étudier des contre-propositions : traiter différemment les titres-restaurant et les chèques-vacances, ajuster à la hausse et à la baisse ; peut-être en avez-vous d'autres encore. Je n'écarte aucune possibilité – ce serait contraire à l'esprit du débat.
M. Elie Califer (SOC). Le Gouvernement prévoit une rationalisation des niches sociales visant notamment les exonérations issues de la Lodeom. Or, dans de nombreux territoires ultramarins, ces exonérations constituent un levier économique majeur pour compenser les handicaps structurels tels que l'éloignement, la dépendance aux importations, la faible diversification économique et les surcoûts salariaux liés à l'insularité.
Madame la ministre Montchalin, comment comptez-vous traduire dans les faits les engagements pris par M. le Premier ministre Lecornu dans un courrier adressé aux élus ultramarins le 15 octobre ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. À côté du régime de droit commun des allégements généraux, la Lodeom a créé des allégements spécifiques pour les outre-mer. La question se pose de leur efficacité – permettent-ils d'atteindre les résultats que nous souhaitons ? – et de leur complexité – il existe des régimes différents par secteur et par territoire ultramarin, sources de nombreuses erreurs. Il y a parfois aussi des fraudes, comme avec tous les mécanismes publics, mais ce n'est pas le sujet.
Il nous a donc semblé utile de proposer un système plus simple, que j'aimerais présenter à l'ensemble des parlementaires ultramarins ; le Premier ministre s'est engagé à ce Naïma Moutchou et moi-même le fassions ensemble. Nous avons des contraintes d'agenda très fortes en ce début de séquence budgétaire, mais nous trouverons un moment pour le faire. Je suis ouverte à toutes les contre-propositions dès lors qu'elles respectent deux objectifs : que le système crée des emplois et qu'il ne soit plus si compliqué que personne ne comprend son fonctionnement. Une étude d'impact est envisageable. Peut-être peut-on aussi lisser les évolutions dans le temps. Mais nous devons nous assurer que l'argent public, qui est une ressource rare, a vraiment les effets que nous recherchons. C'est dans cet esprit que nous allons travailler, avec sérieux et responsabilité, et en toute transparence – nous pourrons partager avec vous les études et les objectifs de nos travaux.
M. Thierry Frappé (RN). Je me fais le messager de ma collègue Anchya Bamana, qui ne peut être présente aujourd'hui. À Mayotte, non seulement les retraités perçoivent les pensions les plus faibles du pays, mais ils sont confrontés à une inégalité persistante : le montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées y est inférieur à celui en vigueur dans l'Hexagone. Dans un souci de justice sociale et d'égalité républicaine, les Mahorais demandent son alignement sur celui pratiqué au niveau national ; quelle est la position du Gouvernement à ce sujet ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. La convergence entre Mayotte et le reste du territoire s'agissant des allocations, des minima et, plus généralement, des éléments de rémunération est l'un des enjeux de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte, votée il y a quelques semaines. Nous n'avons pas encore défini le calendrier, la méthode et les étapes pour parvenir à cette convergence. Au fond, vous nous demandez comment nous allons mettre en œuvre la loi. Nous pourrons travailler ensemble sur les éléments qui avaient été préparés, mais ce n'est pas prévu ni financé dans ce PLFSS. Nous connaissons néanmoins les difficultés de l'île et ses besoins très importants ; nous savons qu'elle mérite un accompagnement et la mise en œuvre de cette convergence.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous vous remercions, mesdames les ministres, monsieur le ministre, de vous être prêtés à cette audition.
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 29 octobre 2025