Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur la lutte contre le dérèglement climatique, à Paris le 29 octobre 2025.

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Circonstance : Clôture des tables rondes sur les dix ans de l'accord de Paris

Texte intégral

Merci beaucoup. Merci, Madame la Première ministre. 
Merci, chère Mia, d'être là une fois encore et d'avoir un discours si clair. 
Merci, madame la ministre, de nous permettre de conclure ces travaux.

En effet, je veux saluer tout le travail qui a été fait il y a 10 ans lors des accords de Paris. Et d'une COP à l'autre, c'est une chance d'avoir Laurent Fabius ici avec nous et André avec la préparation de la COP de Belém dans quelques jours où nous serons d'ailleurs ensemble pour porter cet agenda.

La COP de Paris et les accords de Paris ont permis de stopper un train qui était parti à pleine vitesse. La trajectoire de l'époque était au-dessus des 4 degrés. On a mis en place collectivement un processus, des mécanismes de contrôle, une discipline qui a très fortement freiné ce train avec des objectifs, on le sait, on devrait être sur la pente des 1,5 avec cet objectif de neutralité carbone 2050. On n'y est pas aujourd'hui totalement au niveau international, mais on a déjà beaucoup freiné. Je le dis parce que c'est important aujourd'hui de rester mobilisé sur cette trajectoire. Il y a un avant, un après. On a quand même montré à l'international qu'on avait su résister, y compris à tous les choix, dans tous les sens, les retraits, les retours, etc.  Il y a quelque chose d'irréversible qui s'est quand même créé grâce aux accords de Paris et à la mécanique collective.

Maintenant, je ne veux pas être trop long, et je veux me concentrer sur 3 choses, dans la continuité exacte et en sympathie avec ce que vient de dire Mia Mottley. La première, sur quoi concentrer nos efforts ? On sait les étapes. À Belém, on va porter nos trajectoires 2035, et les Européens seront au rendez-vous. On a d'ailleurs décidé, il y a quelques jours, au dernier Conseil européen, d'avoir ce point de rendez-vous de 2040, d'être au rendez-vous de 2040 en réduction pour être sur une trajectoire de neutralité carbone 2050, et de se mettre les bons leviers techniques pour pouvoir y arriver.

Qu'est-ce qu'on doit faire, nous ? Aller plus vite sur l'innovation, réussir à mieux accompagner dans nos pays pour que les transitions soient justes, et sans doute mettre plus de neutralité technologique parce qu'en fait, la science, chaque secteur évolue encore beaucoup plus vite. Il y a des choses qu'on pensait régler, qu'on a parfois surnormées, on peut arriver au même résultat avec plus de neutralité technologique. Mettre les bons niveaux d'investissement public et privé. Bataille qui est clé, je vais y revenir.

Après, au niveau international, je crois pouvoir dire, si on voulait dézoomer, on a deux combats essentiels. Le combat sur le méthane, Mia Mottley vient de l'évoquer, il est clé. Il est clé pour accélérer sur, au fond, un gaz qui est extrêmement émetteur. On sait que ça touche quelques secteurs, on sait que ça touche quelques pays, mais on a maintenant les technologies qui permettent d'y arriver, et donc le but, c'est de mobiliser sur cette coalition. En effet, c'est une coalition où on peut récupérer les États-Unis avec nous et qui est compatible avec un agenda de plusieurs pays qui ont pu émettre des doutes sur le reste de l'agenda climatique. Le méthane, c'est très efficace, il y a plus de consensus, il faut aller très vite et très fort.

Le deuxième, c'est le charbon dans la transition. On a encore plusieurs pays riches qui sont des gros émetteurs, des gros producteurs, parfois encore des exportateurs. On a des pays émergents qui n'ont pas encore atteint leur pic, alors certains sont en train de l'accélérer. Mais tout ce qu'on peut faire pour aider à accélérer le pic chez les uns, mais surtout à sortir plus vite du charbon, parfois même, c'est pour ça qu'il ne faut pas être doctrinaux, mais aller du charbon vers le gaz, c'est une énorme avancée dans beaucoup de ces pays, évidemment, aller vers le nucléaire et le renouvelable, c'est encore mieux. Mais le retrait du charbon est une bataille clé en termes d'efficacité, à l'échelle internationale. À cet égard, ce qu'on a bâti ces dernières années avec les JETP, nos fameux pactes qu'on a bâtis à Glasgow lors de la COP, qui permettent d'accompagner des pays dans leur stratégie de décarbonation et surtout de sortie charbon, c'est vital, vital. Il y a tout un processus aussi qu'on a lancé à Glasgow puis Charm-el-Cheikh qui est très important, qui est d'accompagner la transition. Je dis ça parce qu'on a beaucoup de pays qui sont encore en train d'investir sur des centrales à charbon. Si on veut décarboner et être à ce rendez-vous, il faut donner une perspective à ces investissements, et donc, il faut changer, réinvestir, si je puis dire, pour justement les sortir du charbon eux-mêmes. Là, on a créé la technique à l'international, avec l'aide de quelques-uns, et c'est un combat-clé. Voilà, méthane, charbon.

Le troisième combat-clé pour y arriver à court terme, c'est évidemment les financements. Là-dessus, je voudrais insister sur l'importance, évidemment, des financements publics. L'Union européenne est leader à cet égard, mais elle ne pourra pas se substituer à tous ceux qui retirent un peu de leur financement public. Mais nous, on continue, on donne de la visibilité aux collègues. Mais derrière, il faut mobiliser beaucoup plus de financements privés. Ce qu'on a fait ces dernières années avec les One Planet Summit, en particulier pour les fonds souverains, je les ai réunis encore il y a quelques jours, et les Asset Managers etc. est clé, c'est-à-dire créer des catégories d'actifs qui sont identifiables par les acteurs privés et qui permettent, justement, de rediriger beaucoup des liquidités internationales privées vers les classes d'actifs qui permettent cette transition beaucoup plus facilement. Ça, c'est l'agenda, si je puis dire, des accords de Paris, et ce sur quoi, me semble-t-il, il faut qu'on accélère : résister, méthane, charbon et financement.

À côté de ça, c'est ma deuxième catégorie de remarque : on a, ces dernières années, consolidé, les scientifiques l'ont consolidé, l'IPES est venu compléter les travaux du GIEC, on a un énorme sujet biodiversité. Ce sujet n'est pas anecdotique du tout, c'est un sujet qui est complètement jumeau, parce que notre biodiversité est une des solutions aux émissions, parce que des mangroves aux forêts primaires et à nos océans, ce sont des puits de carbone, parce que ce sont aussi des sources d'innovation naturelle qui nous permettent justement de réduire les émissions et parce que ce sont des leviers aussi d'adaptation au changement climatique. Quand on a une nature qui est stable, on résiste beaucoup mieux au dérèglement du climat. Je veux aussi avoir à mon tour un mot, une pensée très forte pour nos collègues des Caraïbes. Mia est là avec nous aujourd'hui, ce qui est un privilège immense, alors que tous les voisins en ce moment ont été touchés par des ouragans absolument terribles. En effet, pour nos amis d'Haïti, de la Jamaïque, de Cuba, je veux avoir une pensée toute particulière.

Mais la biodiversité, c'est un combat qu'on doit maintenant mener. On l'a établi scientifiquement et on consolide cela. On est en train de bâtir, là aussi, une méthodologie avec des crédits biodiversité. C'est le travail qu'on a demandé à Madame Goulard et Dame Amelia Fawcett. On commence à avoir quelque chose qui se stabilise en méthode. Ce nexus, si je puis dire, climat-biodiversité, est absolument fondamental si on veut réussir. Là, le cœur de la bataille, c'est évidemment toutes les politiques de reforestation, mais c'est aussi les politiques de conservation des forêts primaires et des mangroves.

On a dans ces forêts primaires des réserves de biodiversité. On a plus des ¾ de la biodiversité mondiale et on a, je parle sous le contrôle de Monique, 14% du carbone irrécupérable. C'est-à-dire que si on les détruit, on recule de plusieurs cases. Ce que certains ont su faire avec des politiques totalement particulières comme au Gabon pendant des décennies, ce qu'on n'a pas su faire dans d'autres pays avec les déforestations, si on continue comme ça, on va détruire en quelque sorte beaucoup plus rapidement, et je salue à cet égard tout l'engagement du président Lula, qui a stoppé ce qui était en train d'être fait dans son pays par l'administration précédente, qui s'est beaucoup engagé sur ce sujet. On a besoin, et il y a plusieurs fondations qui sont ici présentes, qui nous ont beaucoup aidés sur ce point, de valoriser en quelque sorte, ces crédits de conservation et d'accompagner les pays, mais aussi avec les peuples autochtones, les collectivités locales qui sont essentielles dans cette dynamique, pour qu'elles aient la rémunération d'une politique de préservation. C'est exactement ce qu'on a essayé de bâtir avec nos One Forest Summit et ce qu'on doit continuer à bâtir à l'échelle internationale. La politique de reforestation et de préservation des mangroves et des forêts primaires est essentielle si on veut délivrer la trajectoire des accords de Paris et si on veut préserver la biodiversité.

Le dernier combat, c'est exactement ce qu'a dit Mia Mottley en prenant l'exemple du méthane et en parlant des peuples et de la planète qui ne sont pas opposés. On a bâti en 2023, avec une soixantaine de pays du monde entier, d'ailleurs bousculant ceux qui voudraient opposer un sud global à un nord égoïste, l'est ou l'ouest, tout le monde s'est réuni, on a construit une plateforme commune qui est ce pacte pour les peuples, la prospérité et la planète. Au fond, la méthode qui a découlé de cela et qui a été initiée par l'agenda de Bridgetown et ce que Mia Mottley avait lancé, c'est un discours vibrant de pays, en l'espèce pays à revenus intermédiaires, touchés par le dérèglement climatique, qui croient au climat, mais en quelque sorte, à qui on demandait chaque jour, depuis les pays riches : vous devez faire le climat, mais renoncer à des politiques de développement. C'était inaudible, c'est un facteur de division. C'était parfois une incompréhension entre certains dans nos opinions publiques qui disaient à des pays qui, parfois, n'étaient pas électrifiés comme il fallait, qui étaient encore à lutter contre la pauvreté : “vous ne devriez pas faire ça, vous. Vous ne devriez pas aller faire des explorations de gaz ou des exploitations de gaz, parce que ce n'est pas bon pour la planète”. Et eux nous regardaient en disant : “vous êtes sympas. Vous êtes parfois en train de le faire, vous rouvrez chez vous des centrales à charbon parce que vous n'avez plus le gaz russe et vous venez nous donner des leçons”.

La réconciliation qui marche, c'est une stratégie globale, mais qui se décline après par des stratégies nationales, des financements publics et privés mobilisés ensemble, une stratégie pays compatible et la réconciliation d'un agenda climat, biodiversité, développement et donc lutte contre les inégalités et financement des grandes politiques communes et en particulier de la santé. Beaucoup sont en train de revenir à cet agenda aujourd'hui, qui est un agenda qui seul permet d'être inclusif, c'est-à-dire d'associer tout le monde, d'être respectueux des stratégies nationales. Je salue Chrysoula, qui a présidé après sa fonction ministérielle, aux destinées justement du 4P.

Le 4P, qui est abrité par l'OCDE, joue ce rôle essentiel de réconcilier tout le monde autour de cet agenda : prospérité, climat, biodiversité et financement de nos grands communs, en particulier la santé. C'est fondamental de garder cet agenda parce que c'est celui qui va permettre de continuer d'avoir l'adhésion à l'agenda de Paris, d'avoir les bons résultats et de réconcilier, comme l'exemple du méthane donné par Mia Mottley le montre, l'ensemble de ces lignes.

Je ne veux pas être plus long, mais merci infiniment. Merci à tous ceux qui sont là et continuent de le faire vivre et à tous ceux qui sont actifs sur cet agenda.