Interview de M. Édouard Geffray, ministre de l'éducation nationale, à TF1 le 3 novembre 2025, sur la hausse du budget de l'éducation, la suppression de 4 000 postes d'enseignants, la création de postes d'infirmières, d'assistants sociaux et de psychologues et le harcèlement scolaire.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : TF1

Texte intégral

BRUCE TOUSSAINT
Bonjour Adrien GINDRE.

ADRIEN GINDRE
Bonjour Bruce.

BRUCE TOUSSAINT
Votre invité ce matin, Édouard GEFFRAY, le nouveau ministre de l'Éducation nationale.

ADRIEN GINDRE
Bonjour Édouard GEFFRAY.

ÉDOUARD GEFFRAY
Bonjour.

ADRIEN GINDRE
C'est la rentrée des classes ce matin, après les vacances de la Toussaint. Il y a deux ans, le Chef de l'État avait promis un professeur devant chaque classe. Est-ce que ce matin, cette promesse est tenue à 100 % dans toutes les classes de France ?

ÉDOUARD GEFFRAY
Alors d'abord, avant de vous répondre, peut-être juste pour souhaiter une bonne reprise. Parce qu'actuellement, on a 12 millions d'enfants et de jeunes qui sont en train de prendre leur petit-déjeuner et de prendre le chemin. Et puis aussi, pour vous rappeler juste une petite merveille, parce que c'est tellement banal qu'on n'y pense pas, mais dans une heure, un Français sur cinq sera dans les murs de l'école et un actif sur 30 dédiera sa journée à faire progresser les enfants des autres. Voilà, ça c'est l'école.

ADRIEN GINDRE
Et dans 100 % des classes, avec un professeur ?

ÉDOUARD GEFFRAY
Et alors, j'y viens. Garantir que ce matin, tous les élèves de France auront, à coup sûr, dans chacune de leurs matières un professeur, c'est objectivement… Ça serait vous mentir. Mais très clairement, depuis maintenant deux ans, on a sensiblement amélioré le remplacement des professeurs qui sont absents pour raisons de santé par exemple. Donc ce n'est pas encore parfait, c'est un chemin, mais c'est un chemin sur lequel on s'est amélioré énormément.

ADRIEN GINDRE
Je disais d'ailleurs "vacances de la Toussaint". Il y a quelques semaines, le Conseil supérieur de l'éducation préconisait de les rebaptiser "vacances d'automne". Vous, vous dites vacances d'automne ou vacances de la Toussaint ?

ÉDOUARD GEFFRAY
Très honnêtement, je crois que la sémantique chez les Français est assez mixte. Donc on peut dire l'un de l'autre, tout le monde comprend. C'est les 15 jours qui viennent de s'écouler et qui ont permis à nos élèves de se reposer.

ADRIEN GINDRE
Mais le terme officiel ?

ÉDOUARD GEFFRAY
Le terme officiel, à ma connaissance, reste encore "vacances de la Toussaint", puisque pour ces vacances-ci, c'était déjà programmé par les arrêtés. Mais une fois encore, ce sont des questions sémantiques qui ne sont pas très graves.

BRUCE TOUSSAINT
Donc vous ne souhaitez pas que ça reste Toussaint ? Vous pensez que ça peut évoluer ?

ÉDOUARD GEFFRAY
Honnêtement, je pense que les Français emploient l'une ou l'autre expression.

BRUCE TOUSSAINT
Oui mais vous, en tant que ministre de l'Éducation nationale, vous dites quoi ?

ÉDOUARD GEFFRAY
Moi, je pense qu'il y a un certain nombre de repères sémantiques qui sont connus, comme vacances de Toussaint, vacances de Noël. Ça n'a absolument aucune signification pour les Français… Enfin, ça n'a pas de signification particulière pour les Français, en fonction de leurs convictions personnelles. C'est déjà long, temporel. On peut dire vacances d'automne, on peut dire vacances de Toussaint. Franchement, ça m'est complètement égal. Ce n'est pas mon sujet.

ADRIEN GINDRE
Mais le temps où vous serez au ministère, vous utiliserez quel terme, vous ?

ÉDOUARD GEFFRAY
Écoutez, il y a une discussion qui est actuellement en cours avec les organisations syndicales dans le cadre du CSE. On va me faire remonter les textes. Je me prononcerai à ce moment-là.

ADRIEN GINDRE
Le budget… À partir de ce matin, 9h, on va revoir cette image d'un hémicycle fourmillant de propositions. C'est toujours le volet recettes qui est examiné. Pour l'éducation nationale, pour les dépenses, ça viendra normalement un petit peu plus tard, avec notamment une hausse de 200 millions d'Euros pour le budget de l'éducation, avec également plus de 4 000 suppressions de postes qui sont prévues. Alors, elles s'expliquent, et vous les expliquez, notamment par la baisse du nombre d'élèves chaque année. 21 élèves par classe, dites-vous, dans le premier degré, c'est-à-dire les niveaux qui regroupent la maternelle et l'élémentaire. Est-ce que c'est satisfaisant ? Est-ce que les élèves sont suffisamment encadrés ? Aujourd'hui, l'éducation nationale suffisamment performante pour se permettre de supprimer des postes.

ÉDOUARD GEFFRAY
D'abord, il faut qu'on soit bien d'accord sur l'état démographique du pays.

ADRIEN GINDRE
Il y a une baisse du nombre d'élèves.

ÉDOUARD GEFFRAY
Oui, mais qui n'est pas petite, qui est importante, qui s'accélère. On aura bientôt perdu un million d'élèves dans le premier degré, donc école élémentaire et primaire, sur 6,7 millions d'élèves à la rentrée 2019. On en aura 5,7 millions à la rentrée 2029.

ADRIEN GINDRE
Est-ce que l'école donne suffisamment de satisfaction pour qu'on réduise la voilure ?

ÉDOUARD GEFFRAY
Je vous explique. Simplement, on perd un million d'élèves. Et quand on recrute des professeurs, par définition, on les recrute pour 40 ans. Tout l'enjeu pour nous, c'est de s'adapter à cette démographie, parce qu'une fois encore, ce sont des territoires qui sont très différents. Ce n'est pas une règle de trois. L'idée, c'est de s'adapter à la démographie, en fonction des territoires, progressivement de baisser le nombre d'élèves. Vous savez que c'est un record. À la rentrée 2026, on aura 21 élèves en moyenne par classe. L'idée, c'est que d'un côté, on baisse le nombre d'élèves par classe là où ils sont encore assez nombreux. De l'autre, on limite la fermeture des classes. Et puis, évidemment, en parallèle, on est obligé, dans certains endroits, de tenir compte de la chute démographique, parce qu'elle est réelle et parce qu'elle est absolument considérable.

ADRIEN GINDRE
Donc, baisse justifiée pour vous. Sur le budget, des propositions d'amendements très importantes également portées par deux députés, à priori incompatibles, qui sont Paul VANNIER de La France Insoumise et Violette SPILLEBOUT du Parti Renaissance. À la suite de leur rapport sur les violences au milieu scolaire, ce qu'on avait appelé le rapport Bétharram. Ils vous proposent de créer un fonds d'indemnisation des enfants victimes, de créer 240 postes d'inspecteurs, des postes en plus, pour le coup, d'engager le recrutement de 5 000 personnels médico-sociaux pour, justement, mieux suivre ces élèves, d'augmenter les subventions des associations, et ainsi de suite. Est-ce que vous allez soutenir l'ensemble de ces amendements dans le cadre de la discussion budgétaire ?

ÉDOUARD GEFFRAY
Alors, le propre des amendements, c'est qu'ils soient examinés dans l'hémicycle. Donc, ça, ça se verra dans l'hémicycle.

ADRIEN GINDRE
Avec une position du Gouvernement.

ÉDOUARD GEFFRAY
En revanche, en termes d'objectifs généraux, très clairement, on converge sur un certain nombre de nécessités. Et d'ailleurs, on a déjà commencé. Les contrôles, c'est indispensable. On aura fait 1 000 contrôles d'établissements privés sous contrat cette année. 40 % des établissements ont été contrôlés d'ici 2027. Et on va encore créer dans la loi de finances, que je porte, pour la partie éducation nationale, des postes dédiés à ces contrôles, faits pour renforcer ces contrôles.
La partie médico-sociale, vous savez que l'une de mes priorités, c'est la santé physique et psychique des élèves. On va créer cette année 300 postes d'infirmières, d'assistants sociaux et de psychologues et ainsi de suite. Donc, il y a un certain nombre de mesures qui sont d'ores et déjà dedans. Il y aura d'autres amendements. On va les examiner en hémicycle. Mais très clairement, l'objectif, c'est une fois encore de marcher sur nos deux jambes, instruire et protéger. Et protéger, ça veut dire contrôler.

ADRIEN GINDRE
Protéger, ce serait également jeudi, avec ce qu'est la journée nationale de lutte contre le harcèlement, qui est organisée chaque jeudi, justement, après les vacances de la Toussaint. Est-ce un phénomène qui recule ou qui continue d'augmenter ? Vos prédécesseurs se sont beaucoup mobilisés. Est-ce que ça a eu un effet ?

ÉDOUARD GEFFRAY
Alors, c'est un phénomène qui est, par définition, pas évident à appréhender… Mais dans nos études, lorsqu'on va faire des questionnaires aux élèves, etc., ces deux dernières années, il est resté stable. La semaine dernière, vous avez vu peut-être vu qu'il y avait une association en France, qui gère le numéro 3018, qui a fait une nouvelle étude qui montre que le phénomène continue, en tout cas - j'allais dire malheureusement - à prospérer, notamment à cause des réseaux sociaux. Ce qui est intéressant, en revanche, c'est que la réponse a changé. Vous savez peut-être qu'il y a eu une loi dite Balanant il y a deux ans, qui a permis, en 2022, qui a pénalisé le délit de harcèlement scolaire.

ADRIEN GINDRE
Qui crée un délit de harcèlement scolaire passible jusqu'à 10 ans de prison.

ÉDOUARD GEFFRAY
Exactement.

ADRIEN GINDRE
Et avec quel résultat ?

ÉDOUARD GEFFRAY
Et avec quel résultat ? Eh bien, écoutez, c'est assez intéressant, puisque fin 2024, on avait eu plus de 600 poursuites engagées. On n'a pas encore les chiffres sur les condamnations, mais plus de 600 poursuites engagées. Et plus de 4 200 mesures pénales alternatives.

ADRIEN GINDRE
Qu'est-ce que ça recouvre ?

ÉDOUARD GEFFRAY
Donc, les mesures alternatives, ça peut être, par exemple, des interdictions de fréquentation de certains lieux ou de certaines personnes. Ça peut être simplement des rappels à l'ordre. Enfin, il y a toute la gamme, si vous voulez, qui permet aussi de s'adapter à l'âge des mineurs. Mais ça veut dire qu'aujourd'hui, on a une réponse, y compris pénale, qui est extrêmement forte. Et puis, dans les établissements, on a aussi une réponse très forte. 100 % aujourd'hui des écoles et établissements ont mis en place ce qu'on appelle le programme pHARe, qui est un programme à la fois de prévention et de détection. Donc, on n'a jamais été aussi armés, très clairement, pour faire face. Maintenant, l'école ne peut pas tout faire toute seule. Il faut être très clair. C'est-à-dire que ça nous dépasse. Ça dépasse nos murs. Ça passe par les réseaux, notamment les réseaux sociaux. Et donc, il faut que collectivement on se mobilise pour protéger nos jeunes.

ADRIEN GINDRE
Mais la loi Balanant, telle qu'elle a été rédigée en 2022, pour vous, suffit et permet de répondre, d'apporter la réponse, notamment judiciaire ?

ÉDOUARD GEFFRAY
Sur le plan pénal, à mon sens, oui. Mais la réponse, elle ne peut pas être que pénale. On parle de jeunes, parfois de très jeunes. Ça commence dès l'école primaire. Donc, la réponse, elle est globale. Il faut prévenir. Il faut en parler en famille. Il faut détecter. Il faut témoigner quand on voit des événements. Il faut traiter. Il faut agir. Il faut sanctionner.

BRUCE TOUSSAINT
Est-ce que vous avez aussi des chiffres d'exclusion dans les établissements ?

ÉDOUARD GEFFRAY
On est en train de consolider les chiffres d'exclusion puisque vous savez que, notamment, le premier degré, maintenant, on peut sortir un élève… enfin changer un élève d'école. A priori, depuis l'intervention de la mesure qui avait été prise par Gabriel ATTAL, on a déjà plusieurs centaines d'élèves qui ont été sortis de leur école initiale. J'aurai les chiffres d'ici la fin de la semaine.

ADRIEN GINDRE
Un petit mot rapidement. Il y a quelques jours, vous avez concédé chez nos confrères de BFMTV que vous aviez des enfants qui avaient été scolarisés dans le public et dans le privé. Ça vous a attiré certaines critiques. Mais laissant de côté la partie polémique, de manière très simple, quel avantage ou quel intérêt il y a pour vous, il y a pour les parents concernés, de votre point de vue, à scolariser des enfants dans le privé ? Qu'est-ce que le privé apporte aujourd'hui en France que le public n'apporte pas ?

ÉDOUARD GEFFRAY
Pour moi, il n'y a pas d'avantage… Enfin, moi, je ne suis jamais rentré dans une logique différentielle. Il n'y a pas d'avantage différentiel. On n'est pas meilleur dans le public que dans le privé. Les professeurs sont même mieux remplacés en public que dans le privé. Il y a des circonstances, j'allais dire éminemment personnelles - et d'ailleurs protégées par la vie privée, mais éminemment personnelles - qui conduisent des parents, à un moment ou à un autre, par rapport à ce que sont leurs enfants, à faire tel choix ou tel autre. Et c'est tout. En tout cas, moi, ça n'a jamais été autre chose.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 novembre 2025