Texte intégral
M. Laurent Lafon, président. - Nous poursuivons notre séquence budgétaire avec l'audition de M. Philippe Baptiste, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'espace.
Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit d'ouvrir 31,5 milliards d'euros de crédits pour la mission interministérielle "Recherche et enseignement supérieur", la Mires, soit 566 millions d'euros de plus qu'en loi de finances initiale pour 2025. Sur le périmètre de votre ministère, monsieur le ministre, qui correspond aux programmes budgétaires 150, 231 et 172, les crédits pour 2026 sont de 27 milliards d'euros, en hausse de 176 millions.
En ce qui concerne, tout d'abord, les crédits de l'enseignement supérieur, vous avez peut-être pris connaissance du rapport adopté la semaine dernière par notre commission sur les relations stratégiques entre l'État et les universités, dont le processus annuel d'allocation des moyens budgétaires des établissements constitue un pilier central. Nos rapporteurs, Laurence Garnier et Pierre-Antoine Levi, ont formulé plusieurs préconisations pour améliorer le processus de définition et de répartition de la subvention pour charges de service public (SCSP) ainsi que le diagnostic porté sur les marges de manœuvre financières des universités, notamment en ce qui concerne leur trésorerie.
Ils ont plus largement mis en évidence les faiblesses et les carences de l'État dans la définition de sa stratégie universitaire, et regrettent que votre ministère ne satisfasse plus à l'obligation qui lui est faite par la loi d'adopter et de mettre en œuvre une stratégie nationale de l'enseignement supérieur (Stranes) concertée. Comment, monsieur le ministre, accueillez-vous ces constats et ces propositions ?
S'agissant, ensuite, du secteur de la recherche, cette année a été marquée par la revoyure de la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche (LPR), menée au printemps dernier "en interne", selon l'expression de votre ministère. Si nous comprenons parfaitement votre démarche de concertation avec les acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche (ESR), monsieur le ministre, nous regrettons que les parlementaires n'aient pas été associés à ce travail, d'autant que nous vous avions fait part de notre intérêt et de notre disponibilité lors de votre audition le 9 avril dernier. Le Gouvernement de l'époque avait pourtant été content de trouver le Sénat lors de l'élaboration de la LPR...
Quelle est la traduction de cette revoyure dans le projet de budget 2026 ? Comment celui-ci concilie-t-il poursuite du déploiement de la LPR et contrainte budgétaire ? Alors que la question de la souveraineté de notre recherche, dans un contexte international très troublé, est de plus en plus prégnante, quelle orientation stratégique comptez-vous donner à la politique de recherche, avec quels moyens et selon quelle gouvernance ?
M. Philippe Baptiste, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'espace. - S'agissant de la stratégie nationale de recherche et d'innovation (SNRI), dans une vie antérieure, j'avais participé à sa définition. Je pourrais la caractériser en disant que tout était prioritaire, quels que soient les sujets et quelle que soit la granularité, pour une capacité de priorisation peu satisfaisante...
Cela n'enlève rien pour autant à l'obligation de présenter une stratégie nationale en matière de recherche et d'innovation. Je vous propose donc qu'elle soit articulée autour des agences de programme, qui portent aujourd'hui les grands défis sociétaux correspondant aux priorités sur lesquelles nous devons nous concentrer, dont le numérique, l'écologie, l'environnement, la santé ou encore l'énergie.
M. Laurent Lafon, président. - Je vous interrogeais plutôt sur la Stranes.
M. Philippe Baptiste, ministre. - Certes, j'ai plutôt évoqué la SNRI, mais les deux stratégies sont proches.
S'agissant de la LPR, je sais le rôle qu'a joué le Sénat. Un travail de revoyure a effectivement été mené avec les acteurs de l'ESR. Je n'ai pas eu l'occasion de venir vous le présenter, le calendrier politique ayant quelque peu percuté les consultations, ce dont je me désole. Je suis bien évidemment à votre disposition pour revenir vous présenter les trois sujets principaux : renforcer l'attractivité des carrières et des parcours scientifiques, simplifier et rendre plus efficace le financement de la recherche et développer la recherche partenariale. Ces différentes priorités n'ont de sens qu'au travers du budget dont nous discutons.
Je vous avais présenté les priorités du ministère il y a quelques mois ; elles n'ont pas beaucoup changé et tiennent en peu de mots : garantir les conditions qui nous permettent de préparer un avenir collectif en investissant dans notre jeunesse, d'une part, dans les leviers de notre souveraineté, présente et future, d'autre part, en les ancrant dans les territoires.
L'enseignement supérieur français continue de former des chercheurs au meilleur niveau. Cette année encore, nous avons eu la fierté de compter deux lauréats du prix Nobel, en physique et en économie. Leur réussite est le fruit d'investissements consentis depuis des décennies. Ainsi, Philippe Aghion avait bénéficié d'une bourse de thèse grâce au gouvernement de Raymond Barre. Nous parlons donc bien d'investir sur des temps très longs, qui dépassent les questions d'alternance politique, ce qui est difficile à envisager dans un monde politique contraint par des échéances de plus court terme. L'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (Cern) et d'autres grands équipements s'inscrivent dans la même logique.
Or, depuis plus de quinze ans, l'investissement dans la recherche stagne à 2,2 % du produit intérieur brut (PIB), alors que, dès 2000, la cible était de 3 % du PIB. Ce taux a été largement dépassé par l'Allemagne, les États-Unis, la Corée du Sud, Israël ou la Suisse. Cet écart est problématique à deux titres.
D'une part, cet argent manque à nos laboratoires publics de recherche et à la recherche fondamentale. D'autre part se pose la question de l'investissement de nos entreprises dans la recherche. Ainsi, dans le détail de l'effort de recherche, on constate, certes, un manque de la part de l'État, mais surtout un immense retard de nos entreprises sur les activités de recherche et développement (R&D). Tout cela a des conséquences majeures sur le type d'activités industrielles qui sont menées dans le pays et, par conséquent, sur notre capacité à créer des produits et des emplois, en d'autres termes, sur notre potentiel de croissance.
Cette année encore domine le besoin de redresser nos finances publiques. Malgré cela, le Gouvernement a donné un gage en permettant une progression du budget de notre ministère. En 2026, celui-ci s'établit à 28,9 milliards d'euros, spatial compris, répartis en quatre programmes. 15,6 milliards d'euros, soit 54 % du budget, sont consacrés au programme 150 "Formations supérieures et recherche universitaire", ce qui représente une progression d'un peu moins de 160 millions d'euros, soit 1 % de plus par rapport à la loi de finances initiale pour 2025. Le programme 172 "Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires" - qui finance principalement les grands organismes nationaux de recherche - est lui doté de 8,2 milliards d'euros, soit une progression de 44 millions d'euros. Le programme 231 "Vie étudiante" bénéficie de 3,2 milliards d'euros. Enfin, 1,8 milliard d'euros sont alloués au programme 193 "Recherche spatiale".
Ces budgets constituent avant tout un socle indispensable au fonctionnement du système d'enseignement supérieur et de recherche. Ce sont eux qui permettent de payer les enseignants-chercheurs, les ingénieurs et les techniciens qui font fonctionner les petits, les moyens et les gros équipements. C'est ce qui fait tourner les laboratoires et les amphithéâtres.
Par ailleurs, nous entendons mobiliser ces fonds au service de notre stratégie, à commencer par la poursuite de la mise en oeuvre de la LPR, à laquelle votre assemblée a largement contribué. À ce titre, 87 millions d'euros supplémentaires sont prévus pour le programme 150 et 34 millions d'euros pour le programme 172. Ces 121 millions d'euros financent en particulier la poursuite des mesures statutaires en faveur des jeunes chercheurs, des personnels des bibliothèques et des ingénieurs techniques, ainsi que du repyramidage des chargés et des directeurs de recherche. Pour être transparent, nous avions prévu de faire un peu plus : cette marche est inférieure à celle qui est prévue dans la LPR et une partie de la revalorisation des autres personnels ne pourra pas être effectuée cette année. J'insiste néanmoins sur le bénéfice apporté aux jeunes et aux titulaires d'un contrat doctoral. Ainsi, à compter du 1er janvier 2026, leur rémunération sera portée à 2 300 euros, contre moins de 1 800 euros il y a cinq ans. La LPR produit donc bien des effets de revalorisation très nets et très concrets sur les bourses de thèse, par exemple.
Les financements fléchés par la LPR, pérennisés en 2026, permettront également d'investir dans les équipements et dans les infrastructures indispensables à une recherche de très haut niveau, dont la flotte océanographique et les grands équipements de physique de Saclay ou Grenoble, éléments extraordinaires qui font rayonner le pays.
On entend souvent un discours un peu morose sur les universités et sur la recherche. Sans nier les difficultés, soyons fiers de nos grandes universités, de nos grands laboratoires, qui sont très attractifs et qui sont au meilleur niveau international aujourd'hui.
Le programme 172 permet de soutenir les organismes publics de recherche placés sous la tutelle ou la cotutelle du ministère - le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), etc. -, qui couvrent tous les champs disciplinaires. Une part importante de ce programme est dédiée au financement de la recherche sur projets via l'Agence nationale de la recherche (ANR), modalité d'organisation et de financement de la recherche que l'on trouve dans tous les grands pays. Les crédits de l'ANR s'élèvent aujourd'hui à 1 milliard d'euros par an. Le financement de la recherche en France s'appuie aussi sur des crédits récurrents, non ciblés sur des projets, qui sont essentiels pour la recherche fondamentale, la liberté dans la conduite des travaux de recherche et le bouillonnement d'idées des équipes.
Ensuite, plus on monte en maturité dans les projets en se rapprochant de l'industrie, plus il faut prendre des risques. C'est le rôle que devraient jouer les grands opérateurs de recherche. Il faut donc bien une vision stratégique, avec de grands programmes qui tendent vers l'industrialisation, mais aussi une recherche fondamentale correctement financée.
Je voudrais ici mentionner que le niveau de crédits alloués au dispositif de la convention industrielle de formation par la recherche (Cifre) est maintenu en 2026, à 73 millions d'euros. Ces thèses Cifre sont un élément essentiel de transfert, au sens où elles permettent d'envoyer de jeunes doctorants dans des entreprises. Une partie du coût est indirectement prise en charge par l'État, et cela permet de créer un lien immédiat entre le laboratoire d'origine du jeune chercheur et l'entreprise. Ce transfert de fait évite les achoppements autour de la propriété industrielle. Ce système, concret, fonctionne bien : il faut absolument le préserver.
De manière plus générale, ce budget permettra d'accroître la performance des établissements d'enseignement supérieur, notamment grâce aux contrats d'objectifs, de moyens et de performance (Comp). Ils sont le levier principal, pour le ministère, de la déconcentration de l'action publique, afin d'assurer un pilotage au plus près des territoires et des établissements. C'est le même effort d'efficacité et de lisibilité qui m'a conduit à présenter un projet de loi sur la régulation de l'enseignement supérieur privé, qui, je j'espère, pourra être débattu rapidement.
À partir de 2026, les Comp couvriront l'intégralité de la stratégie des établissements. Ils auront vocation à mettre autour de la table tous les acteurs, tous les financeurs d'un établissement qui le souhaitent, en particulier les collectivités territoriales, les régions, mais aussi l'État. C'est l'endroit où nous devrons discuter concrètement de la carte de formation, en tenant compte des spécificités du territoire, des bassins d'emploi, des besoins et des zones blanches de formation. Cette discussion stratégique n'a pas lieu aujourd'hui.
Nous sommes au milieu d'une expérimentation avec un grand nombre d'établissements des régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Nouvelle-Aquitaine, avant une généralisation dès l'an prochain. C'est une petite révolution, qui doit nous amener à déconcentrer l'action du ministère. En effet, si celui-ci comporte beaucoup d'opérateurs, il reste très concentré. Cette petite révolution interne s'appuiera, en particulier, sur les rectorats. À ces fins, une enveloppe de 45 millions d'euros figure dans le programme 150, en complément des 100 millions d'euros déjà déployés pour la mise en œuvre des Comp.
Le budget 2026 doit aussi nous permettre de poursuivre la lutte contre la précarité étudiante. Un étudiant précaire est un étudiant qui ne peut pas bien étudier, qui ne peut pas aller bien. Nous agissons pour la santé mentale des étudiants, mais nous devons aussi et avant tout leur garantir des conditions de vie décentes. Voilà pourquoi la subvention pour charges de service public (SCSP) du Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous) augmentera de 15 millions d'euros en 2026, ce qui la portera à 163 millions d'euros.
Grâce à un budget d'investissement maintenu, pour la troisième année consécutive, à 120 millions d'euros, le réseau pourra aussi poursuivre les plans de réhabilitation et de construction engagés. Je rappelle aussi l'engagement de la Banque des territoires, qui atteint 5 milliards d'euros, pour la rénovation et l'extension du parc de logements étudiants. Ainsi, 45 000 nouvelles places doivent être construites dans les deux prochaines années, dont 30 000 au titre de logements sociaux. Si, au cours d'exercices précédents, nous avons eu du mal à tenir nos annonces, tel ne devrait pas être le cas pour celle-ci, grâce à une mobilisation des préfets, des recteurs, de la Banque des territoires et du Cnous. La première précarité, pour les étudiants, est celle du logement.
Enfin, comme vous le savez, le spatial fait désormais pleinement partie des attributions du ministère. S'il concerne plusieurs de mes collègues, nous essayons d'avoir un point de coordination politique unique. Son financement revêt une importance particulière cette année, en raison de la conférence ministérielle de l'Agence spatiale européenne (ESA) : les budgets du spatial doivent se déployer pour les trois prochaines années en Europe. La question est donc celle de la contribution française à l'ESA, mais aussi du budget national du spatial. Cela concerne aussi bien la défense que les grandes coopérations internationales avec des pays situés hors d'Europe, dont le Japon, les Émirats, l'Inde, les États-Unis ou, historiquement, la Chine. Les semaines que nous vivons constituent à ce titre un moment clé.
Au-delà du projet de loi de finances, la mobilisation des financements issus de France 2030 et des fonds européens est une priorité. Pour ces derniers, la France doit faire mieux. Nous devrions avoir un retour à la hauteur de notre contribution, c'est-à-dire 17,5 %, mais nous en sommes loin. J'ai insisté fortement sur la nécessité d'une mobilisation de notre écosystème de recherche en direction des appels d'offres européens. Ces derniers ne permettront cependant pas de résoudre à eux seuls le sous-financement global de l'enseignement supérieur et de la recherche en France. L'atteinte de la cible de 17,5 % n'apporterait que 200 millions d'euros supplémentaires.
Je m'efforce également de travailler avec l'Europe pour qu'elle finance de grandes infrastructures de recherche. La France en a beaucoup, qui sont, certes, très attractives, mais aussi très coûteuses.
Le ministère dont j'ai la charge a vu son périmètre s'étendre avec l'espace. J'insiste sur l'importance du temps long et des investissements pluriannuels. Ils traduisent notre capacité à nous projeter dans l'avenir, non seulement pour la recherche académique, mais aussi pour les industries de demain, dans tout le pays et dans tous les territoires.
Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure pour avis des crédits de la recherche. - En 2025, la marche prévue par la LPR a été amputée des deux tiers. Ce premier accroc dans la trajectoire de programmation avait suscité l'inquiétude des acteurs de la recherche. Vous les avez réunis en mars dernier dans le cadre de concertations sur la revoyure de la LPR, où il a bien sûr été question du financement de la recherche. Or les parlementaires n'ont été ni associés à cette revoyure, qu'ils ont pourtant inscrite dans la loi, ni informés de ses conclusions. Qu'en est-il ressorti, notamment pour l'élaboration du projet de budget 2026 ? Excluez-vous toute actualisation législative de la LPR ? J'ai bien pris note des trois grands sujets que vous venez d'évoquer :l'attractivité des carrières, le financement de la recherche et le développement de la recherche partenariale.
Nous voudrions également comprendre dans quelle proportion la sixième marche de la LPR sera effective et connaître précisément les mesures dont le financement ne serait pas intégralement assuré l'année prochaine.
Ma deuxième interrogation porte sur la trajectoire financière de l'ANR, dont les autorisations d'engagement dépassent aujourd'hui le milliard d'euros. Son réarmement budgétaire a permis d'atteindre de bons résultats en termes de taux de succès aux appels à projets et de taux de préciput. Faut-il d'aller au-delà ou une stabilisation est-elle envisageable ?
Ma troisième question concerne les priorités stratégiques de la politique publique de recherche dans un contexte budgétaire contraint. Les nouvelles agences de programmes ont pour mission d'identifier les domaines de recherche dans lesquels investir en priorité. Quels programmes ont été retenus, pour quel calendrier de mise en œuvre ? Par ailleurs, comment comptez-vous clarifier la relation des agences de programmes à leur organisme national de recherche (ONR) hôte ?
Ma quatrième question a trait au chantier de simplification de la recherche. Vous avez demandé aux acteurs de l'ESR de mettre en œuvre la délégation globale de gestion (DGG) dans les unités mixtes de recherche (UMR). Comment votre ministère compte-t-il accompagner les laboratoires dans cette démarche ? D'autres formes de simplification, comme celle des appels à projets de l'ANR, très attendue par la communauté de recherche, sont-elles également prévues ?
Enfin, ma dernière question concerne deux dispositifs de recherche, les instituts Carnot et les sociétés d'accélération du transfert de technologies (Satt), qui jouent un rôle d'interface entre la recherche publique et le secteur privé, mais dont vous avez à plusieurs reprises pointé les limites, ce qui fait débat. Quel sort comptez-vous réserver à ces structures ? De manière plus générale, où en est le chantier de la recherche partenariale ?
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur. - Cette année encore, les conséquences financières de mesures décidées par l'État sont laissées à la charge des établissements. Je fais bien entendu référence au relèvement du taux de cotisation au compte d'affectation spéciale (CAS) "Pensions", mais également au régime de la protection sociale complémentaire, sans aucune compensation de la part employeur, pour une dépense que vous avez évaluée à 60 millions d'euros hier à l'Assemblée nationale.
L'habitude est donc désormais bien ancrée de laisser chaque année à la charge des établissements tout ou partie des mesures sociales ou salariales décidées par le seul Gouvernement. Je trouve cette situation très choquante sur le principe et délétère sur le fond, car elle soumet les établissements à la menace annuelle d'une augmentation exogène de leurs dépenses contraintes. Cela complique la préparation de budgets pluriannuels, pourtant préférables d'un point de vue stratégique pour la formation et la recherche.
L'an dernier, un arbitrage de dernière minute avait permis la compensation intégrale du CAS "Pensions". Œuvrez-vous pour qu'il en aille de même cette année ? Quid des années suivantes ?
L'année 2026 sera marquée par le déploiement des nouveaux Comp, ou Comp100 %, qui suscitent de fortes interrogations. Sur ce point, vous avez partiellement répondu quant à la construction du programme 150 : pouvez-vous confirmer que l'enveloppe de 44,5 millions d'euros est totalement affectée aux Comp100 %, sans couvrir les Comp lancés en 2023 ?
J'aimerais ensuite comprendre comment les moyens budgétaires des établissements, et notamment leur SCSP, seront définis dans le cadre des Comp100 %. Quelle sera votre base de départ ? Partirez-vous du dernier montant de la SCSP ou la reconstruirez-vous enfin, à partir de critères objectifs propres à chaque établissement ? Plusieurs présidents d'université craignent que l'exercice ne donne finalement lieu qu'à davantage d'évaluation et de contrôle, sans moyens supplémentaires. La mise en œuvre de ces outils pourrait pourtant être l'occasion de se pencher enfin sur la correction d'inégalités de dotations historiques, comme le préconise le rapport de nos collègues Garnier et Levi.
En ce qui concerne la vie étudiante, je regrette le choix fait par le Gouvernement de réguler la dépense en matière de bourses par le gel de leur barème, c'est-à-dire par l'inaction. Comme souvent en matière d'enseignement supérieur, la régulation intervient donc en laissant filer plutôt que par une mesure réfléchie et pilotée. Monsieur le ministre, quelles perspectives pouvez-vous nous donner sur ce point ?
Sur la mise en œuvre de la loi dite Levi du 13 avril 2023 visant à favoriser l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, je constate que le conventionnement doit se poursuivre, avec toutefois une enveloppe en baisse de 3 millions d'euros par rapport à l'année dernière. Comment expliquez-vous ce recul sur un dispositif qui doit continuer à se déployer ?
Au-delà du programme 150, je continue de m'interroger sur le fait que les financements de l'apprentissage bénéficient au développement de formations de piètre qualité, voire frauduleuses. L'examen du projet de loi relatif à la régulation de l'enseignement supérieur privé, que vous avez déposé, ayant été retardé, envisagez-vous de prendre des mesures d'encadrement par voie réglementaire ? S'agissant des cotisations sur les contrats d'apprentissage, au développement massif, êtes-vous en accord avec votre collègue chargé du travail, selon lequel des cotisations salariales et patronales devraient être mises en œuvre, comme pour tout employé ?
Enfin, les établissements publics expérimentaux (EPE), créés par l'ordonnance du 12 décembre 2018, se retrouveront sans statut législatif à partir de 2028, ce qui suscite l'inquiétude légitime des acteurs engagés dans ces nouvelles formes de gouvernance. Le projet de loi de régulation de l'enseignement supérieur privé comporte une disposition sur ce point ; que prévoyez-vous pour le cas où il ne pourrait pas être adopté prochainement ? Les transformations nécessaires doivent en effet être anticipées par les établissements. Je m'interroge également sur la nécessité de prévoir une inscription du statut d'établissement-composante dans la loi.
M. Philippe Baptiste, ministre. - Objectivement, une actualisation législative de la LPR n'est pas nécessaire. Il n'y a pas d'outil spécifique dont nous ayons besoin immédiatement. Cela étant, et bien évidemment, cela ne nous dispense aucunement de vous présenter le résultat des travaux de concertation et nos orientations stratégiques.
Comme je vous l'ai dit, notre stratégique de recherche repose à la fois sur un socle de soutien à la recherche fondamentale - il s'agit du moyen de soutenir les bons projets et de bons laboratoires, de manière très pluridisciplinaire, sur l'ensemble des champs - et sur des priorités thématiques, pilotées par les cinq agences de programmes que j'ai mentionnées tout à l'heure. Celles-ci travaillent actuellement sur leur stratégie et sur leurs grandes priorités. Nous pourrions d'ailleurs organiser une présentation de leurs travaux devant votre commission. En regard de cela, des programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR) vont être mis en œuvre, autant de briques stratégiques susceptibles d'être présentées à la commission.
J'en viens aux Comp, qui ont, à mon sens, deux objectifs. Le premier est de mettre autour de la table tous les acteurs, les financeurs comme ceux qui sont directement intéressés par l'enseignement supérieur dans un territoire donné, ainsi que l'État, afin de susciter la discussion stratégique sur les priorités. Par exemple, à Angers, monsieur Piednoir, quelles sont les spécificités du bassin d'emploi ? Comment se projeter demain ? De quels métiers l'avenir est-il fait ? De quel type de formation aurons-nous besoin ? En effet, sans réduire l'université à la simple préparation à un métier, c'est aussi cela qu'attendent les familles, les entreprises et les jeunes. Il faut donc débattre de ces sujets, et que l'État participe aux discussions.
J'aimerais expliciter nos priorités au niveau national. Aujourd'hui, nous devons former plus de personnes dans le domaine médical, dans les sciences, les technologies, ainsi que des ingénieurs et des techniciens. Cette question me semble absolument centrale, alors que, actuellement, nous n'avons pas cette discussion territoire par territoire.
En outre, les Comp sont le moyen de répondre à des questions très simples. Par exemple, un jeune Meusien bachelier ne peut suivre que deux formations d'enseignement supérieur dans son département. Cela est, bien évidemment, intolérable. Nous devons évoquer cette question avec l'université, en prenant en compte l'ensemble des formations disponibles dans la région, afin de progresser.
Le second objectif a trait au financement. Il convient de mettre en cohérence, d'une part, les financements des régions, qui, bien qu'elles n'y soient pas obligées, financent très souvent les universités, soit directement, soit au travers des contrats de plan État-région (CPER), et, d'autre part, les fonds et les priorités de l'État. Or ce travail, aujourd'hui, n'est pas complètement fait. Nous ne pouvons éluder le sujet de la SCSP et de difficultés ponctuelles. Malheureusement, les universités sont plus nombreuses à se plaindre de sous-dotations que de surdotations. La question du rééquilibrage est donc complexe.
C'est d'autant plus vrai qu'il n'y a pas de modèle, avec une hétérogénéité considérable des universités, en particulier en matière de recherche. La différence est grande entre des physiciens des hautes énergies, dont les recherches coûtent parfois des dizaines de milliers d'euros par heure, d'un côté, et des gens comme moi, qui font des mathématiques ou de l'informatique, n'ayant besoin que d'un ordinateur portable tous les cinq ans. Se contenter de diviser le budget de l'université par le nombre d'étudiants n'aurait donc aucun sens. Ce serait mentir que d'affirmer que j'ai la solution pour résoudre ce problème dès demain matin. En revanche, tenir compte de ces différences, des sous-dotations et des surdotations est une manière d'ouvrir le dialogue.
Quant à la DGG, certains laboratoires de recherche et les UMR relèvent de plusieurs financeurs, comme l'Inserm, le CNRS ou des universités, chacun d'entre eux participant à la gestion de la structure de recherche selon des règles différentes Ainsi, le directeur de laboratoire se retrouve avec trois ou quatre carnets de chèques d'interlocuteurs qui ne communiquent pas entre eux. Cela nuit à l'efficience de la dépense publique et à la compréhension de ce qui est dépensé. Or cela fait vingt ans que j'entends parler de cette difficulté, tandis que les progrès sont extrêmement faibles.
Beaucoup de choses ont été essayées. On a demandé aux acteurs de s'entendre, mais ils n'y arrivent pas, pour de nombreuses raisons, ce qui empêche de trouver un délégataire unique des crédits. On a demandé des systèmes informatiques qui pouvaient se parler ; cela n'a pas pu se faire, pour mille et une raisons ... Ce que je demande aujourd'hui aux établissements, c'est de désigner un gestionnaire unique du laboratoire de recherche d'ici à 2026, faute de quoi nous le désignerons nous-mêmes. La gestion de crédits n'est pas la valeur ajoutée du CNRS ou d'une université. Vous pouvez donc compter sur mon énergie pour régler ce problème.
J'en arrive à la non-compensation de mesures obligatoires : mesures Guerini, CAS "Pensions", protection sociale complémentaire (PSC). Il est objectif que les enseignants-chercheurs, les chercheurs, les ingénieurs et les techniciens bénéficient de mesures obligatoires nécessaires, mais pas intégralement financées. Pour cette année, cela représente 60 millions d'euros, notamment au titre de la PSC, et ce sera plus en 2026, qui sera une année pleine. À ce stade, je n'ai pas de solution évidente. Toutefois, il convient de relativiser, puisque cette somme équivaut à 0,3 % de la SCSP globale des établissements. Sans que ce soit facile, trouver ce montant n'est donc pas non plus totalement inaccessible.
Ensuite, si beaucoup d'établissements votent un budget initial en prévoyant un déficit, bien peu sont effectivement dans cette situation en fin d'année, en raison souvent de sous-exécutions massives. Ainsi, nous aidons les établissements en difficulté. En revanche, quand certains ne respectent pas certains critères, comme leur trajectoire de ressources humaines, nous nous montrons plus intrusifs. Le rectorat peut alors prendre la main.
Enfin, même si mes collègues universitaires n'aiment pas que je rappelle ce chiffre, le niveau de trésorerie des universités atteint 5,6 milliards d'euros, dont une majorité est certes fléchée sur des projets et des programmes engagés : recherche, jouvence d'équipements, etc. Mais cela laisse tout de même plus de 1 milliard d'euros libres d'emploi, répartis sur 70 établissements, montant qui croît d'année en année.
Il est donc vrai que certains établissements sont en difficulté, qu'ils doivent parfois recruter moins qu'ils ne le voudraient. Il reste que la trésorerie n'est pas toujours employée. En outre, celle-ci a gonflé au travers de nombreux contrats, lesquels ont parfois pâti d'un manque d'ingénierie. Nous devons donc revoir nos modes de contractualisation et créer des dispositifs plus simples. Mais la situation budgétaire des établissements, ce n'est pas Zola, non plus !
Concernant l'ANR, son budget d'intervention a beaucoup progressé grâce à la LPR. Initialement inférieur à 17 %, ce qui était très bas, le taux de succès aux appels à projets est monté à 25 %, soit un projet financé sur quatre, ce qui est raisonnable. Il faut le stabiliser à ce niveau, avec une difficulté toutefois : les autorisations d'engagement (AE) ont été définies en fonction de la trajectoire de la LPR, alors que les crédits de paiement (CP) sont quelque peu en deçà de ce qui était prévu. Ce léger effet ciseau ne devrait cependant pas obérer de manière significative le maintien du taux de succès que nous connaissons aujourd'hui.
Sur la loi Levi, il y a bien une baisse faciale dans le budget, mais, comme vous le savez, il s'agit d'une dépense de guichet. Peut-être son montant a-t-il été surestimé pour la première année. Quoi qu'il en soit, nous ne fermerons pas le guichet.
Vous avez mentionné le projet de loi de régulation de l'enseignement supérieur privé. Il me semble absolument impossible de mettre en œuvre ses mesures par voie réglementaire, de même que pour la prolongation du statut des établissements publics expérimentaux. Il faut absolument que nous arrivions à adopter ce texte dans des délais raisonnables, compte tenu des difficultés du moment.
Concernant l'apprentissage, il faut être prudent. Nous avons bien constaté des abus, raison pour laquelle nous avons élaboré des régulations avec le ministère du travail. Il faut tout de même rappeler un point essentiel : la plupart des formations en apprentissage, y compris dans le supérieur, sont vertueuses et plébiscitées par les jeunes, par beaucoup d'entreprises, même si les dispositifs ont quelque peu changé, et par les familles. Le système fonctionne. Nous devons donc arriver à maintenir l'effort.
Enfin, les instituts Carnot font actuellement l'objet d'un débat. Je précise qu'ils constituent un mécanisme de financement qui réabonde des laboratoires de recherche travaillant avec l'industrie. Ainsi, un contrat avec un industriel mobilise des forces de recherche. Ce réabondement, d'une certaine manière, récompense le travail accompli de la sorte en permettant de maintenir le financement de la recherche de base. Le principe est donc vertueux : plus vous travaillez avec l'industrie, plus vous avez de moyens pour la recherche fondamentale. Créé il y a une vingtaine d'années, ce dispositif s'est montré assez efficace.
Cependant, il convient de noter que les acteurs qui en bénéficient restent à peu près les mêmes depuis vingt ans. En effet, cela suppose un lien professionnel étroit avec les entreprises, la marche à franchir étant haute. Voilà pourquoi seuls quelques très gros acteurs ont réussi à se faire labelliser et captent les fonds Carnot. En outre, les récentes injections de financement sur les instituts Carnot n'ont eu qu'un faible effet sur l'activité contractuelle.
Il faut donc remettre à plat ce dispositif. Si certains des bénéficiaires actuels, qui pourraient être touchés, protestent fortement contre une ouverture du dispositif - je ne doute pas que vous les avez entendus -, je serai ferme sur cette question importante.
Quant aux Satt, certes, elles ont permis de professionnaliser le métier du transfert de technologies, mais leurs coûts de fonctionnement sont considérables. Alors que j'occupais d'autres fonctions, j'avais dit que tout cela serait très coûteux et je constate, sans grande surprise, que je ne m'étais pas trompé. Ainsi, pas moins de 600 emplois parapublics ont été créés dans les Satt, ce qui est massif, mais seule une partie d'entre eux aident effectivement les entreprises. Cela mériterait un sérieux recentrage sur l'essentiel.
En particulier, alors qu'elles devaient dégager des ressources financières, les Satt en sont venues à gérer des contrats de recherche au profit des universités, ce qui n'a aucune valeur ajoutée, si ce n'est que les gestionnaires en question sont quatre fois mieux payés que leurs homologues dans les universités. Nous travaillons actuellement sur cette question.
Mme Karine Daniel. - Malgré des augmentations, les budgets restent en deçà des besoins et de la trajectoire de la LPR.
Dans nos échanges avec les établissements universitaires, la question du glissement vieillesse technicité (GVT) revient régulièrement. Comme vous l'avez mentionné, il est compensé de manière incomplète pour les organismes de recherche. Quant à la PSC, environ 100 millions d'euros restent à la charge des universités. Enfin, seule la moitié du coût des mesures Guerini est compensée, l'autre devant être prélevée sur le fonds de roulement, d'où un effet de ciseaux pour les universités et les établissements.
Je voudrais également insister sur les montants de fonds de roulement que vous avez mentionnés, dont une partie est le fruit d'appels à projets.
M. Philippe Baptiste, ministre. - Absolument.
Mme Karine Daniel. - Je réalise actuellement, pour le compte du Comité de surveillance des investissements d'avenir (CSIA), un rapport sur l'utilisation de ces fonds par les établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Dans ce cadre, nous constatons, et les établissements le confirment, que ces fonds sont fléchés. Ainsi, les universités qui se mobilisent le plus sur les appels à projets ont l'impression de subir une double peine, puisque, lorsqu'elles obtiennent des appels à projets fructueux et des crédits importants, leur trésorerie les place en première ligne face aux baisses de crédits de fonctionnement.
M. Philippe Baptiste, ministre. - Cela n'a jamais été le cas à ce stade.
Mme Karine Daniel. - Certes, cela n'a jamais été le cas, mais c'est la crainte qui prévaut, au vu des discussions en cours. En effet, ce sont parfois les universités les plus dynamiques, ou qui ont mobilisé des moyens pour répondre à ces appels à projets, qui se retrouvent en porte-à-faux et inquiètes quant aux frais de fonctionnement. Au-delà, 58 de nos 70 universités déclarent des budgets en déficit. La tendance est tout de même inquiétante et nous recevons de nombreuses alertes sur ce sujet.
J'aborde un dernier sujet, qui nous tient tous à cœur, comme l'a souligné Stéphane Piednoir : la vie étudiante. L'alignement des bourses, sachant que notre démographie reste croissante, nous préoccupe, de même que les enjeux de la précarité étudiante.
Mme Laurence Garnier. - M. Levi et moi-même avons présenté les conclusions de la mission d'information sur les relations stratégiques entre l'État et les universités.
Je souhaiterais évoquer un premier point important : le manque de confiance des acteurs, en général, dans l'université française - étudiants, familles, acteurs économiques, entreprises et haute administration de l'État, qui, pour une grande partie, n'a pas fréquenté l'université française. Ce manque de confiance confine parfois à la défiance, et vient nuire à l'image et au travail de nos universités.
Les frais d'inscription et l'orientation des étudiants lors de l'entrée à l'université doivent être évoqués. Nous pouvons envisager ces deux questions d'un point de vue budgétaire ou du point de vue de la transmission des savoirs et de la formation.
Il faut former le mieux possible nos étudiants au coût le plus juste pour nos finances publiques, qui n'est pas le coût le plus bas. Nos étudiants paient 178 euros par an en licence, pour un coût réel de formation de 12 250 euros. Notre impôt paie la différence. Plusieurs présidents d'université nous ont parlé d'un signal négatif envoyé aux familles françaises : la quasi-gratuité renvoie une image de mauvaise qualité de la formation, selon eux. Quelle est votre analyse, monsieur le ministre ?
Concernant l'orientation des étudiants, je rappelle que seuls 36 % des étudiants obtiennent leur licence en trois ans, 47 % en quatre ans, et 50 % en cinq ans. Ainsi, 50 % des étudiants n'obtiennent pas leur licence, même après cinq ans. Cela coûte 550 millions d'euros par cohorte, selon la Cour des comptes. S'ajoutent le coût humain, les désillusions. Notre université est sélective, et elle sélectionne a posteriori et par l'échec. Cet échec pèse sur le fonctionnement des universités, sur la qualité de la formation et sur nos finances publiques. Qu'en pensez-vous ?
Vous nous indiquer que la trésorerie des établissements est de 5,6 milliards d'euros, dont 1 milliard d'euros libre de tout fléchage. Or Bercy et la Cour des comptes nous ont dit qu'il est impossible de connaître le montant de la trésorerie libre d'emploi. D'où vient ce chiffre, et comment est-il construit ?
M. Pierre Ouzoulias. - "La recherche n'est pas une dépense, c'est un investissement. Elle conditionne notre indépendance et notre capacité de progrès." Tels sont les mots de Raymond Barre lors du débat budgétaire de 1976 sur la recherche. Il ajoutait : "La recherche publique doit être préservée même en période de rigueur économique." Vous aurez tout entendu, y compris un communiste citer Raymond Barre !
Il nous faut un exercice de vérité. Nous devons, devant la représentation nationale, admettre que la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, dite LPR, n'a pas été respectée. Cela remet en cause l'exercice même des lois de programmation. Plusieurs lois de programmation sont en cours, et la LPR est la seule qui n'est pas respectée. La France a un problème avec son université et avec sa recherche. La France n'aime pas ses universités. Si les élites qui nous gouvernent étaient davantage passées par les universités, les choses seraient différentes. La clause de revoyure de la LPR doit faire l'objet d'un débat public.
Vous dites qu'il faut retrouver un équilibre entre les crédits récurrents et les appels d'offres. Les crédits récurrents viennent défendre le champ disciplinaire. Les appels d'offres sont en train de casser une réflexion disciplinaire qui reste fondamentale. Les disciplines rares sont particulièrement en difficulté. Or nous ne pouvons pas demander aux universités de mener des politiques qui ne concernent que quelques étudiants. Une politique nationale doit assurer que dans chaque domaine la France dispose d'au moins quelques chercheurs. N'abandonnons pas le caractère universaliste de la recherche française !
Je vous mets en garde contre la DGG. Les tutelles qui gèrent les UMR ne peuvent plus faire face à la charge administrative que représentent les appels à projets. Si vous imposez une seule tutelle, cela signifie que toute la charge lui reviendra. Il nous faudrait renforcer les moyens de l'ingénierie gestionnaire si nous voulions persévérer dans cette politique d'appels à projets.
M. Pierre-Antoine Levi. - La loi visant à favoriser l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré impose un bilan annuel. Les décrets d'application ont été publiés en juillet 2024. L'aide bénéficie aux 100 000 étudiants situés en zone blanche, avec des montants différenciés - 40 euros par mois pour les boursiers, 20 euros pour les autres, avec une majoration de 10 euros pour les étudiants ultramarins.
Pouvez-vous dresser un bilan ? Combien d'établissements ont été identifiés, combien de conventions de partenariat ont été nouées par les Crous (centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires) ? Dans quelles villes l'offre est-elle accessible ? Quels sont les progrès en matière de résorption des inégalités territoriales ? Quand le bilan sera-t-il transmis au Parlement ?
La loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur était très attendue. Les universités doivent monter une mission "égalité et diversité", avec les moyens adéquats, et nommer en son sein un référent pour prévenir les actes d'antisémitisme, avec des obligations de formation et de signalement, ainsi que de nouvelles procédures en matière disciplinaire. Les événements récemment survenus à Paris 8 montrent qu'il est urgent de rendre cette loi opérationnelle.
Vous avez dit que flécher directement les moyens irait à l'encontre de l'autonomie des établissements et que les universités bénéficieraient d'une enveloppe globale pour faire leurs choix. Étant donné le contexte budgétaire, ne craignez-vous pas que les universités ne consacrent pas les moyens nécessaires à ces missions obligatoires ?
Quel est le coût moyen de la mise en conformité pour les établissements ? Si les moyens manquent, le Gouvernement envisage-t-il de créer une enveloppe spécifique ? Comment allez-vous vérifier que les établissements répondent à leurs obligations légales ?
Entre le vote d'une loi et son effectivité, il y a souvent un gouffre. Cette loi ne peut rester lettre morte.
Mme Mathilde Ollivier. - Formation, recherche, vie étudiante : les crédits qui sont au coeur de la vie universitaire stagnent, voire reculent en euros constants.
Je veux m'intéresser au programme de lutte contre la précarité étudiante et à la non-indexation des bourses sur critères sociaux. Que de reculs ! Les files de distribution alimentaire ne se sont pas résorbées. Des étudiants ne mangent pas à leur faim. La réforme des bourses semble ne plus être à l'ordre du jour. Comment comptez-vous avancer sur la précarité étudiante ?
Vous avez évoqué l'objectif de 17,5 % de financements européens à travers le programme Horizon Europe. Quelle est la stratégie du ministère pour aider les établissements à aller chercher les fonds européens, notamment les plus petites universités ?
La mise en oeuvre de l'accord de protection sociale complémentaire (PSC) est décalée de sept mois. Comment l'expliquez-vous ?
Une enquête de Libération s'intéresse aux contrats de mécénat entre les entreprises et les universités. Certains contrats bâillonnent des universités : il leur devient alors interdit de dénigrer les entreprises en question. Comment accompagner les universités pour que ces contrats n'empiètent pas sur leur liberté académique ?
M. Max Brisson. - Les établissements d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (Eespig) sont exclus, sans réelle justification, de nombreux dispositifs de soutien à la recherche, alors même qu'ils participent activement à la dynamique de recherche et d'innovation française.
La France cherche à renforcer son attractivité scientifique et à encourager la recherche partenariale. N'est-il pas indispensable de garantir un accès équitable aux dispositifs publics pour l'ensemble des acteurs reconnus par l'État, y compris les Eespig ? Leur contribution, notamment en matière de recherche appliquée et technologique, pourrait constituer un levier stratégique pour atteindre nos objectifs de souveraineté scientifique et industrielle.
Je reviens sur la sécurité des professeurs et des étudiants dans nos campus. Beaucoup a été fait, mais nous voyons les actes antisémites et l'apologie du terrorisme proliférer - je vous rappelle l'épisode dramatique de Paris 8.
Au-delà de vos réactions face à ce type d'actes odieux, quelles mesures envisagez-vous pour lutter plus efficacement contre le fléau de l'antisémitisme ? Comment comptez-vous, le plus rapidement possible, mettre en oeuvre l'excellente loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur de MM. Fialaire et Levi ?
M. Bernard Fialaire. - La diminution de la subvention pour charge de service public (SCSP) par étudiant est perçue comme particulièrement inéquitable. Le ministère devrait être capable de nous donner des éléments objectifs ; cela rassurerait.
Atteindre les 3 % de PIB consacrés à la recherche semble une gageure. Le président du Medef m'a alerté sur notre retard. Aux États-Unis, les entreprises consacrent deux fois plus d'argent à la recherche et accordent deux fois moins de dividendes. Comment inciter le secteur privé français à participer davantage au financement de la recherche ?
Les étudiants ont besoin d'une meilleure information. Ils ne savent pas ce qu'est la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC). Des informations pourraient être données sur son utilisation en début d'année.
On nous a souvent parlé du tutorat : que prévoyez-vous en la matière ? Je ne pense pas qu'aux études de médecine, mais à toutes les disciplines, pour que les étudiants réussissent mieux leur licence.
Mme Paulette Matray. - Je m'adresse à vous comme sénatrice de Saône-et-Loire, mais aussi comme ancienne assistante sociale et ancienne maire de Marigny, petit village de 167 habitants. Je souhaite alerter le Gouvernement sur les conséquences concrètes de la fracture territoriale, qui compromet gravement l'égalité entre tous les jeunes face à l'avenir.
Dans nos territoires ruraux, j'ai vu des jeunes pleins de volonté se heurter à des obstacles que d'autres ignorent : la distance, le coût, l'isolement. Pour beaucoup, l'ambition d'intégrer une filière sélective à Lyon, Dijon ou Paris s'éteint face à la réalité des kilomètres et à la difficulté de partir loin de chez soi. Quand 70 % des formations postbac se concentrent dans les métropoles, les études deviennent un parcours du combattant et aboutissent trop souvent à un renoncement.
En Saône-et-Loire, cette inégalité se traduit par des chiffres alarmants. Seuls 4 % des élèves de troisième en 2005-2006 ont accédé à une grande école dans les neuf ans suivants, et presque 0 % aux établissements les plus sélectifs. Ce constat local illustre une tendance nationale, documentée par l'Institut des politiques publiques et l'Institut Terram. Malgré l'augmentation des effectifs entre 2006 et 2016, le recrutement dans les grandes écoles demeure concentré socialement et géographiquement.
Si le PLF pour 2026 prévoit des moyens pour l'enseignement supérieur, la recherche et l'espace, le programme "Vie étudiante", la CVEC ou encore le renforcement des dotations rurales via le fonds d'investissement pour les territoires (FIT), aucune mesure spécifique ne corrige aujourd'hui le déséquilibre structurel de l'offre de formation d'excellence.
Monsieur le ministre, vous avez parlé de dialogue et de la nécessité d'être au plus près des territoires. Pourrions-nous aller plus loin et parler de décentralisation, afin qu'il existe une véritable répartition territoriale de l'offre de formation et d'excellence ? L'enjeu dépasse la seule question sociale : il s'agit de cohésion républicaine et d'égalité face à l'avenir.
Quelle action le Gouvernement entend-il engager pour bâtir une réelle démocratisation territoriale de l'enseignement supérieur, y compris dans ses filières d'excellence, afin que l'ambition ne dépende pas du code postal ?
M. Adel Ziane. - Concernant les événements graves de Paris 8, je voulais faire une précision complémentaire, à la suite de la question au Gouvernement de M. Levi. Le sujet doit être pris très au sérieux. J'ai été très vite en contact avec le président de l'université. Il a très vite saisi le procureur de la République et il a diligenté une enquête administrative.
Concernant le budget, un an après le PLF pour 2025, rien n'a changé : 80 % des universités ont présenté un budget initial en déficit. Cela en dit beaucoup sur le malaise ambiant.
À Paris 8, malgré un plan de rétablissement de l'équilibre financier, l'université a connu deux exercices déficitaires consécutifs. Le résultat prévisionnel de 2025 reste négatif, à hauteur de 5,6 millions d'euros, ce malgré un prélèvement continu. Le fonds de roulement est passé de 28 millions d'euros en 2021 à 3,8 millions d'euros en 2025. Nous devons savoir ce que représente le milliard d'euros de trésorerie non fléchée. Paris 8 souffre aussi d'une sous-dotation chronique : la dotation par étudiant est inférieure de 15 % par rapport à la moyenne nationale. Comment expliquer une telle disparité entre établissements ? Il faudrait plus de transparence.
Nous avions tenu l'année dernière une table ronde sur l'accueil des étudiants étrangers. Il y va du rayonnement et de l'attractivité de la France. La suppression des aides personnalisées au logement (APL) pour les étudiants étrangers extracommunautaires pourrait être très problématique.
France Universités, le 15 octobre dernier, a publié un rapport intitulé "Défendre et promouvoir la liberté académique". Que pensez-vous des 65 recommandations du rapport ?
Je souhaiterais aussi vous parler prochainement de ma proposition de loi visant à garantir la liberté académique des chercheurs et des enseignants-chercheurs, l'indépendance des travaux de recherche et la transparence des fonds privés affectés à l'enseignement supérieur et à la recherche.
M. Philippe Baptiste, ministre. - Les chiffres de la réussite des étudiants peuvent sembler inquiétants. Je voudrais cependant faire deux remarques.
Les redoublements sont nombreux, mais 200 000 dossiers sur un million de dossiers Parcoursup concernent des réorientations. Jamais les taux n'ont été aussi élevés. Les jeunes changent de voie en cours d'étude. C'est un phénomène global nouveau ; nous devons essayer de valoriser cette dynamique.
Le taux d'échec est inquiétant. Cependant, nous confions aux universités une mission impossible ! Le taux de réussite au baccalauréat est de 96 %, contre peut-être 75 % il y a quinze ans : nous avons ouvert les vannes ! L'université accueille des étudiants pour lesquels on a trouvé une place au chausse-pied. Je rappelle que 25 % des bacheliers professionnels ne savent pas lire un texte simple. Comment dire ensuite aux universités que leurs résultats ne sont pas bons ? Si nous tirons le fil, cela pose plein de questions. Pour certains bacheliers professionnels, il faudrait une année de propédeutique, alors que le taux de succès des bacheliers professionnels en licence est inférieur à 8 %. Le taux de réussite des mentions "très bien" est d'environ 80 %. La question de l'orientation est mal traitée au lycée. Il faudra traiter ce sujet de fond.
Concernant les frais d'inscription, il existe un grand nombre de diplômes à côté du système LMD (licence-master-doctorat). Pour ces diplômes, les frais d'inscription sont librement fixés. Il me semble que les conditions politiques pour ouvrir le débat sur les frais d'inscription en LMD ne sont pas réunies. Je suis profondément convaincu que, pour la prochaine élection présidentielle, il faudra un débat de fond.
Concernant l'accueil des étudiants non communautaires, ces derniers ne bénéficient pas des APL ; très peu ont accès au système des bourses, par manque d'années de résidence en France. Ces étudiants doivent présenter des ressources qui leur permettent de vivre en France. Je suis profondément convaincu que nous devons continuer à accueillir massivement des étudiants internationaux. Des filières entières, notamment techniques et scientifiques, dans les laboratoires de recherche, sont désertées par les Français : 50 % des doctorants y sont non communautaires. Sans étudiants étrangers, comment allons-nous faire de la recherche et réindustrialiser le pays ?
Le système ne fonctionne pas bien. Nous n'arrivons pas à prioriser les étudiants ni les pays d'accueil. Le système des bourses n'est pas efficace. Les droits différenciés sont mal appliqués. Il existe des irritants pour la droite comme la gauche, mais il faudra revoir la politique d'accueil des étudiants internationaux.
Les bourses de l'enseignement supérieur sont le seul dispositif d'aide sociale qui n'est pas indexé. Il n'y a pas de revalorisation cette année, cela est vrai. Cela fait 35 millions d'euros de moins dans le budget, car l'effet de seuil fera sortir des étudiants du système des bourses. Il va falloir revoir les choses. Les seuils créent des problèmes, il faut linéariser par le haut - linéariser par le bas est impossible, tous les étudiants descendraient dans la rue. Revoir le système coûte 400 millions d'euros. Je n'ai pas cet argent, je le regrette, mais, un jour, nous devrons réformer.
J'en viens au bilan de la loi Levi : 65 000 étudiants bénéficient des nouveaux dispositifs d'aide à la restauration, avec 211 conventions d'agrément signées à la fin de 2024. Nous sommes en deçà de l'objectif de 100 000 étudiants aidés, et il faudra faire mieux.
L'enveloppe budgétaire pour les Eespig est aussi contrainte. Malheureusement, je ne peux pas actionner la planche à billets pour accueillir de nouveaux établissements sous ce statut. Il faudrait que tous ces établissements puissent bénéficier des dispositifs d'enseignement supérieur et de recherche et répondre aux appels d'offres correspondants ; c'est ce qui est prévu dans le texte actuellement en discussion à l'Assemblée nationale.
La fracture territoriale est un enjeu majeur. Quand on naît dans le 7e arrondissement de Paris ou dans la Meuse, les chances sont radicalement différentes.
Cependant, je suis tiraillé entre deux positions. En matière de recherche, nous devons concentrer les laboratoires, pour dégager une masse critique et partager les grands équipements. Cela plaide pour des regroupements dans les grandes métropoles. Toutefois, se pose aussi l'exigence d'égalité d'accès aux études. Je vois là une forme de tension permanente. Ouvrir des antennes coûte très cher. Les collectivités s'impliquent et offrent le gîte et le couvert, mais il faut rémunérer les enseignants-chercheurs. Nous avons créé des campus connectés, qui fonctionnent si le nombre d'étudiants est assez important au sein d'un même campus. Continuons à travailler sur la question, via des contrats d'objectifs et de performance.
Le milliard d'euros de trésorerie libre d'emploi est un chiffre issu de la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (Dgesip). Les situations sont très hétérogènes. Personne ne pense à des ponctions sur les trésoreries fléchées, cela n'aurait pas de sens. Sur la trésorerie libre d'emploi, la question se pose.
Entre disciplines, entre établissements, les situations sont très différentes. Que faire avec les universités qui accueillent peu d'étudiants et font une très bonne recherche, comme Sorbonne Université ? Que faire avec celles qui ont beaucoup d'étudiants, mais une recherche moins bien placée au niveau international ? Je n'ai pas de modèle : il faut tout regarder au cas par cas, et je suis hostile à tout modèle général.
Je n'ai pas de solution de financement pour la protection sociale complémentaire dans ce budget. Concernant le décalage de la mise en œuvre, le seul engagement de l'État était qu'elle soit mise en place en 2026 : or l'année 2026 finit en décembre. Cette mise en œuvre sera effective, mais peut-être avec l'argent des opérateurs. Je pense que les choses seront lancées dans les établissements en mai.
J'ai lu le rapport de France Universités sur la liberté académique. Partout dans le monde, notamment aux États-Unis, les libertés académiques sont attaquées. Cela doit nous amener à réfléchir sur ce qui se passerait dans notre pays si certaines majorités moins ouvertes à la polyphonie académique arrivaient au pouvoir. Un projet de modification de la Constitution propose d'y inscrire ces libertés académiques. Le chemin ne sera cependant pas simple. Ne pourrait-on pas l'inscrire dans la loi ?
Le mécénat est une bonne chose. Nous devons trouver des partenariats public-privé, mais certainement pas au prix de bâillons. Le ministère est prêt à donner un cadre.
Sur la lutte contre l'antisémitisme, je ne souhaite pas trop corseter l'utilisation des moyens des universités. Nous devons laisser une grande autonomie aux établissements. L'obligation est d'ordre législatif, et nous ferons un suivi et un bilan, via les recteurs.
Dans certaines disciplines rares, les chercheurs se comptent sur les doigts d'une main. Le CNRS, la Dgesip et la direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI) travaillent sur la question. Le point de vigilance est bien identifié.
Concernant Horizon Europe, les derniers résultats du European Research Council (ERC) ne sont pas bons. Précédemment, nous avions peu de dépôts, mais un bon taux de succès. Mes prédécesseurs ont donc fortement incité les établissements à déposer des dossiers, ce qu'ils ont fait, mais les taux de succès se sont effondrés. Les organismes de recherche s'en sortent bien, mais les universités sont à la traîne. Elles doivent se mobiliser. Nous travaillons en menant des stratégies d'influence auprès de la Commission européenne, et nous nous intéressons à l'utilisation des fonds de la Commission pour financer les structures de recherche.
M. Laurent Lafon, président. - Merci, monsieur le ministre, pour la précision de vos explications et la franchise de vos propos très appréciée de notre commission.
Source https://www.senat.fr, le 7 novembre 2025