Interview de Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées, à France Info le 7 novembre 2025, sur la vaccination contre la grippe, le projet de loi de finances de la sécurité sociale et la crise de l'Hôpital.

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Média : France Info

Texte intégral

ALIX BOUILHAGUET
Bonjour Stéphanie RIST. La grippe est arrivée en France. Elle est précoce cette année, si l'on en croit Santé publique France. Les passages aux urgences se multiplient. Alors, est-ce qu'il y a déjà de l'inquiétude dans les hôpitaux ? Où est-ce qu'on en est ?

STÉPHANIE RIST
Pour l'instant, on en est toujours à ce qu'on appelle une circulation basse du virus. Ce qui veut dire que, comme tous les ans, elle est en train d'arriver. Mais on est encore au moment où il faut se faire vacciner. Vous savez que le vaccin met quelques jours avant d'être efficace. Donc, je dis à toutes les personnes fragiles, les plus de 65 ans qui ont des maladies chroniques, allez-vous faire vacciner maintenant. C'est le bon moment. Vous pouvez aller chez votre médecin, chez le pharmacien, chez d'autres professionnels de santé. Allez vous faire vacciner ?

ALIX BOUILHAGUET
Le vaccin, on peut se faire vacciner depuis le 14 octobre en France, c'est ça ?

STÉPHANIE RIST
Oui. On a bien démarré, d'ailleurs, cette année. Et je remercie les professionnels qui ont travaillé avec mon ministère, par rapport à l'année dernière, pour améliorer la quantité de gens qui doivent se faire vacciner. Donc, allez-y. C'est le moment, là. C'est le bon moment.

ALIX BOUILHAGUET
Alors, est-ce qu'il faut rendre obligatoire la vaccination des professionnels de santé et les résidents en EHPAD ? C'est en tout cas une proposition qui est dans le débat du budget de la Sécu à l'Assemblée en ce moment.

STÉPHANIE RIST
Oui, exactement. On a mis cette proposition dans le débat pour les parlementaires, mais on l'a mis à la condition que la Haute autorité de santé, qui est une agence indépendante, nous dise qu'il y a une confirmation scientifique, qu'il y a un intérêt à le faire. Est-ce que de vacciner les soignants, ça protège les malades ? Si la Haute Autorité le dit, et ça, elle va s'exprimer début 2026. Eh bien, comme ça, nous pourrons, pour la prochaine saison, obliger les soignants à le faire.

ALIX BOUILHAGUET
Alors, passons au budget. Ça nous amène directement à cette question : le budget de la sécurité sociale qui est en cours de discussion à l'Assemblée nationale. Les retraités manifestaient hier. Et ils appellent à manifester à nouveau le 2 décembre. Ils ont peur des mesures qui seront adoptées, entre gel des pensions de retraite, minimas sociaux. Même si le Premier ministre s'est voulu rassurant, il y a aussi le doublement des franchises médicales. Et quand on est retraités, les visites chez les médecins se multiplient. Ça veut dire médicaments. Est-ce que vous comprenez leurs inquiétudes ?

STÉPHANIE RIST
Oui. Il y a beaucoup d'inquiétudes autour de ce budget de la sécurité sociale, que je comprends. La plus grosse inquiétude qu'on devrait avoir, c'est celle de la non-pérennité de notre sécurité sociale. Parce que si on n'a plus de financement pour la sécurité sociale, on n'arrive pas à se protéger, notamment les plus fragiles. Et ce que je veux dire, par exemple, sur les franchises. L'augmentation, le doublement des franchises, ces forfaits de responsabilités, ça épargne les gens qui ne peuvent pas les payer. Vous savez qu'un Français sur trois ne paye pas ces franchises : les plus fragiles financièrement, ou les femmes enceintes, les mineurs. D'autre part, ça fait un coût moyen de 42 euros par an supplémentaire, ces franchises, ces doublements de franchises. Et en parallèle, nous travaillons aussi à diminuer les dépassements d'honoraires chez les médecins. Donc, je dis à ces personnes retraitées qui sont inquiètes, je le comprends. Nous allons essayer aussi d'améliorer le coût total qu'ils ont, à la fin, à payer pour la santé. Vous savez qu'on est le pays du monde où c'est le moins élevé.

ALIX BOUILHAGUET
Oui, mais par exemple, quand vous voulez étendre la participation forfaitaire aux dentistes. On sait très bien aujourd'hui, en France, que beaucoup de Français ne vont plus chez le dentiste, parce qu'ils n'ont plus les moyens. Donc, augmenter la participation forfaitaire aux dentistes. Passer la boîte de médicament de 1 à 2 euros, 4 euros pour les actes médicaux. Mine de rien, c'est beaucoup pour le pouvoir d'achat des Français, ceux qui sont limites.

STÉPHANIE RIST
Vous avez raison, je comprends. Vous savez aussi que c'est plafonné, parce que je ne voudrais pas qu'on fasse croire des sommes. Donc, il y a un plafond à 200 euros par an. J'entends que ça peut être, pour certains, beaucoup. Le débat va être à l'Assemblée, dans les mains des parlementaires, vous le savez. Cette mesure sur les dentistes est une mesure qui concerne l'année 2027. Donc, nous allons voir si les parlementaires souhaitent conserver cette mesure ou pas.

ALIX BOUILHAGUET
Alors, l'Hôpital de Caen n'a plus d'internes pour le moment. La maternité des Lilas a fermé à Paris. Elle a fermé ses portes. L'Hôpital va mal. Sébastien LECORNU a promis 1 milliard d'euros, il y a quelques jours. C'est pour financer quoi ? Du personnel, un meilleur fonctionnement ? C'est pour faire quoi ces 1 milliard d'euros qu'il a promis ?

STÉPHANIE RIST
Je voudrais redire que dans ce budget de la Sécurité sociale, c'est 5 milliards de plus, au stade initial de ce budget, pour la santé. Donc, c'est une augmentation de 5 milliards pour la santé. Le budget de la santé, on est à 250 milliards, juste pour la santé, par an. Les 1 milliard supplémentaires sont pour plusieurs raisons : pour les hôpitaux et puis pour le développement des maisons FRANCE SANTÉ. Vous savez que le Premier ministre s'est engagé à ce qu'il y a un médecin à 30 minutes de chaque Français et dans les 48 h. Il y a un financement aussi pour ces maisons FRANCE SANTÉ dans ces 1 milliard.

ALIX BOUILHAGUET
Oui, mais est-ce que ça veut dire plus de personnel dans les hôpitaux, un meilleur fonctionnement ? Puisqu'en attendant, vous avez été obligés de débloquer la réserve financière pour l'hôpital de Caen. Et il n'y a pas que Caen qui est concerné par toutes ces difficultés de personnel.

STÉPHANIE RIST
Il y a deux choses. Il y a un problème de démographie, un manque de médecins qui fait que parfois, on est obligé de fermer des services à l'hôpital. Ça, ça n'a pas de rapport avec le financement. Et puis, il y a parfois des sujets de financements pour l'hôpital, avec certains hôpitaux qui sont en déficit et pour lequel nous renforçons les financements à travers ces 1 milliard.

ALIX BOUILHAGUET
Là, à force de revenir sur de nombreuses mesures. Comment maintenir l'objectif de 4,7 % et être à un déficit de 17,5 milliards, alors qu'on prévoit 23 milliards ?

STÉPHANIE RIST
C'est tout l'exercice qu'on fait, je dirais, heure par heure à l'Assemblée, avec les parlementaires.

ALIX BOUILHAGUET
Oui, mais à force de faire des concessions, comment est-ce qu'on va tenir cet objectif de 4,7 % ?

STÉPHANIE RIST
A chaque fois qu'il y a des concessions, à chaque fois qu'il y a des parlementaires qui votent des mesures qui augmentent les dépenses ou qui baissent les recettes, eh bien, à chaque fois, en face, il y a des mesures qui viennent compenser. En tout cas, c'est tout le travail de la discussion qu'on a avec les parlementaires. En tant que Gouvernement, on est là, on les accompagne pour, techniquement, chiffrer, leur dire : "ben, voilà, là, vous perdez 500 millions, il va falloir les trouver ailleurs". C'est tout ce travail de compromis qu'on est en train de faire à l'Assemblée.

ALIX BOUILHAGUET
Alors, le Premier ministre le disait, a fait beaucoup de concessions aux socialistes, a fait grincer des dents dans le socle commun et chez les LR. Les LR qui menacent clairement de ne pas voter le budget. A force de ménager les uns, il perd les autres. Il joue à un jeu dangereux, Sébastien LECORNU, sur ce budget de la Sécurité sociale ?

STÉPHANIE RIST
La situation politique est compliquée. Je crois que chaque Français le sait. Mais la situation politique, elle entraîne aussi une responsabilité. Et j'espère, et je le pense, en tout cas, je le souhaite, qu'il y ait une majorité de parlementaires responsables, qui ont un intérêt au pays avant des intérêts politiques, et je suis persuadé qu'on aura une majorité de parlementaires qui souhaitera cette responsabilité. Le débat est compliqué, évidemment, parce que chacun a ses convictions. Et heureusement. Mais ce que je vois à l'Assemblée, c'est un grand nombre de Députés qui débattent très profondément du sujet.

ALIX BOUILHAGUET
Très durement même.

STÉPHANIE RIST
Très durement, mais qui sont là, en train de rappeler leurs convictions et de dire : "ok, je fais un peu de compromis, c'est douloureux. Donc, fait un pas aussi vers moi." Voilà.

ALIX BOUILHAGUET
Et au bout du bout ?

STÉPHANIE RIST
C'est vraiment intéressant. Vous savez, ça fait huit ans que je fais ce débat à l'Assemblée, du budget de la Sécurité sociale. J'ai été rapporteur de ce budget. Moi, je trouve vraiment les débats intéressants et pour l'intérêt des Français. Qu'on soit LR, socialiste ou Renaissance, on est là pour l'intérêt des Français. Et je pense que ça fait du bien.

ALIX BOUILHAGUET
Mais au bout du bout, les débats traînent. Est-ce qu'il ne va pas falloir passer par des ordonnances, au final ? Puisque si le budget n'est pas voté, il reste ordonnance, loi spéciale.

STÉPHANIE RIST
Le Premier ministre, la ministre Amélie DE MONTCHALIN, a été assez claire... Nous, notre travail, il est, heure par heure, à l'Assemblée, à ce stade. Ensuite, le texte va aller au Sénat, va revenir. Pour l'instant, on n'est pas du tout dans le sujet des ordonnances. Pour l'instant, on est dans un sujet d'obtenir un compromis. Et à ce stade, je pense qu'on peut y arriver et on doit y arriver. C'est l'intérêt des Français, vraiment.

ALIX BOUILHAGUET
Alors, Stéphanie RIST, vous êtes ministre de la Santé, mais vous allez bientôt repartir en campagne électorale pour une législative partielle dans votre circonscription. C'est une circonscription... Vous l'aviez largement emporté en 2024, grâce ou à cause du front républicain. Est-ce que vous prenez votre risque, comme dit Emmanuel MACRON ?

STÉPHANIE RIST
Oui, mais l'état du pays le nécessite. Comme je vous l'ai dit, je connais bien le budget de la Sécurité sociale. C'était important au moment où le ministre de la Santé arrivait dans le budget, d'avoir quelqu'un qui connaît. Chacun prend ses risques. Là, je suis vraiment concentré sur le budget de la Sécurité sociale. Et puis après, je serai concentré sur l'élection. Mais je vous rassure toutes les équipes qui feront la campagne pendant que je serais ministre de la Santé. Et puis, on verra bien.

ALIX BOUILHAGUET
Vous n'avez pas peur, justement, après ce budget, de retourner sur le terrain et de faire campagne, et que selon ce qui se passe sur ce budget, vous seriez obligé de justifier et que votre poste de Députée soit potentiellement…

STÉPHANIE RIST
Vous savez, le sujet, ce n'est pas moi, là, vraiment. Le sujet, un, pour moi, là, c'est qu'on réussisse une campagne de vaccination contre la grippe, parce que ça protège les gens, et ça protège nos services d'urgence et les professionnels de santé. Donc, allez vous faire vacciner. Et c'est le budget de la sécurité sociale. C'est ça dont ont besoin les Français.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 novembre 2025