Texte intégral
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Bonjour à vous Laurent PANIFOUS,
LAURENT PANIFOUS
Bonjour,
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ça y est, c'est le jour J, c'est le jour des retraites à l'Assemblée Nationale. Dites-moi Laurent PANIFOUS, vous cédez à tout, j'ai l'impression, puisque le Gouvernement, par un amendement, accepte d'élargir la suspension de la réforme aux carrières longues.
LAURENT PANIFOUS
Oui, c'est juste, et vous avez raison de le dire, c'est un jour particulièrement important pour le Gouvernement, mais aussi pour notre pays, parce que c'était une des conditions de la stabilité politique, la stabilité de nos institutions. La question de la suspension de la réforme des retraites et aujourd'hui aussi la question des carrières longues.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
C'est une exigence de la gauche.
LAURENT PANIFOUS
Oui, ben écoutez, je fais partie de ces ministres, ou peut-être le seul, je ne sais pas, mais qui... Président du groupe LIOT, il y a encore quelques semaines, je m'étais battu contre cette réforme des retraites, parce que je pense que s'il faut équilibrer nos retraites, c'est important, il faut pouvoir apporter une solution juste. Et aujourd'hui, un des sujets de compromis qui a été posé sur la table par le Premier ministre LECORNU, c'est celui-là, c'est la suspendre, et peut-être renvoyer ce sujet à l'élection présidentielle, où un grand débat de société doit avoir lieu, sur la question de la réforme. Il y a plusieurs hypothèses qui sont posées sur la table. On a entendu le groupe EPR, le président ATTAL, qui vient de commencer à faire des propositions. C'est intéressant.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Laurent PANIFOUS, vous dites renvoyer à 2027, mais le budget, il est là, ce n'est pas 2027, c'est tout de suite. Il faut faire des économies. Si vous injectez, on va dire, les carrières longues, on n'est plus à 1,4 milliard de surcoûts en 2027, on passe à 2 milliards. Jusqu'où ça va, cette histoire ?
LAURENT PANIFOUS
Effectivement, vous avez raison de le souligner. Chaque fois qu'on fait un budget, ça génère une dépense supplémentaire. Il y a la grande question de l'équilibre de nos comptes publics, notre situation déficitaire, notre situation de dette, elle est connue de tous et de toutes. Mais aujourd'hui, je crois que c'était au Gouvernement de faire ce premier pas de côté, ce budget. Le Premier ministre l'avait annoncé. C'est vrai qu'aujourd'hui est une journée importante, puisque c'est la journée où, à l'Assemblée nationale, on va débattre la suspension de la réforme. C'est vrai qu'il y aura un coût important, plusieurs centaines de millions pour l'année 2026, peut-être plusieurs milliards pour l'année d'après. Il va falloir trouver des solutions de financement.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ce qu'a dit Sébastien LECORNU, une dépense, il faut trouver une ressource en face. Quelle est la ressource ? Qu'est-ce que vous allez faire ? C'est la hausse de la CSG sur les revenus du capital que le parti socialiste a réussi à faire voter ?
LAURENT PANIFOUS
C'est un début de solution. Le fait de financer sur les revenus du patrimoine du capital une partie de notre protection sociale, c'est, là aussi, un sujet de société qui est mis sur la table dès aujourd'hui, qui part en voyage en 2027. Est-ce que notre protection sociale peut être uniquement financée par le travail ? Ou est-ce qu'il faut élargir sa base au regard de l'évolution du choc démographique que nous sommes en train de vivre ? C'est un vrai sujet qui commence à être abordé à l'Assemblée nationale.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Est-ce que la désindexation des pensions de retraite est une piste ? Est-ce que vous allez désindexer les retraites ? Est-ce que les retraités vont payer ?
LAURENT PANIFOUS
Le Premier ministre a dit vendredi dernier à l'Assemblée nationale qu'il était prêt à bouger sur ce sujet-là. Oui, c'était une des pistes de financement. Encore une fois, il va falloir trouver les ressources pour apporter l'équilibre dont nous avons besoin. Le Premier ministre a accepté de bouger aussi sur ce point-là. Les députés, tout à l'heure, dans quelques heures, vont débattre de ce sujet et il va falloir qu'ils apportent aussi des solutions. On ne peut pas qu'uniquement souhaiter la suppression de mesures d'économie sans proposer des mesures en face.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Laurent PANIFOUS, on a l'impression, aujourd'hui, que vous achetez la paix politique avec la gauche au détriment des finances publiques, on va dire les choses telles qu'elles sont.
LAURENT PANIFOUS
Non, je ne suis pas d'accord. Le compromis que l'on évoque souvent, c'est que les uns et les autres fassent un pas. La droite l'a fait, la gauche le fait, le centre le fait. Le budget qui est en train d'être construit, c'est un budget de compromis, c'est un budget qui est fait de concessions, qui ne satisfait personne.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
De recul, de surcoût…
LAURENT PANIFOUS
Je ne suis pas d'accord avec vous. La droite, par exemple, a obtenu des choses importantes sur le travail, sur la défiscalisation des heures supplémentaires. C'est un marqueur important pour la droite. C'est vrai que le bloc central fait cette concession sur la suspension de la réforme des retraites. Donc vous voyez, la droite, le centre ne sont pas satisfaits de ce qui est en train de se passer sur ces sujets-là. Mais encore une fois, si on veut apporter de la stabilité, ça exige des uns et des autres de faire ces compromis.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Pierre MOSCOVICI a dit, je le cite, je le lis : "Ceux qui racontent qu'il n'y a pas de problème de financement des retraites ne dise pas la vérité".
LAURENT PANIFOUS
Je suis d'accord avec lui. On doit trouver un système, on doit trouver le chemin pour avoir un régime de retraite équilibré. Il y a des propositions qui commencent à être mises sur la table, la question de la capitalisation, la question de la retraite par points, la question de l'élargissement, on vient de l'évoquer, de la base de financement de notre système de protection sociale. Tout ceci devra être tranché dans les mois, ça ne sera pas tranché aujourd'hui, dans les mois et au moins, je pense, à échéance de 2027.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Laurent PANIFOUS, vous l'évoquiez tout à l'heure, Gabriel ATTAL, 1 000 euros dès la naissance pour chaque nouveau-né afin de constituer une sorte de fonds pour financer les retraites. C'est une bonne idée, une mauvaise idée ? Vous avez un avis tranché là-dessus ou pas ?
LAURENT PANIFOUS
Ce que je veux dire là-dessus, c'est que le groupe EPR, sur la question des 1 000 euros pour les enfants, sur la question du mode de financement de la réforme des retraites, ils viennent de mettre sur la table la question et de la capitalisation et de la retraite par points. Je crois que c'est bien le rôle des groupes politiques, des femmes et des hommes politiques aujourd'hui, d'essayer de trouver des solutions et de commencer à tracer un chemin pour l'avenir, que ce soit un capital à la naissance, que ce soit un nouveau mode de financement des retraites. Il faut que les partis politiques fassent des propositions.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Il faut se dépêcher parce que le vote du budget de la Sécu, c'est ce soir minuit, on a encore quelques heures.
LAURENT PANIFOUS
Personne n'imagine que ce soir minuit nous aurons réglé la question des retraites.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Laurent PANIFOUS, vous avez fait les comptes parce que vous êtes le chef des Casques Bleus. C'est ça le nouveau job du ministre des Relations avec le Parlement. Qui vote pour ? Qui vote contre ? Alors, pour la suspension, on a bien compris. Le Parti Socialiste, évidemment, veut suspendre. Le Rassemblement National, vous comptez sur Marine LE PEN pour suspendre cette réforme ?
LAURENT PANIFOUS
Non, écoutez-moi, ce que j'ai vu et ce que j'ai pu défendre comme député et comme président de groupe, c'est qu'il y a à l'Assemblée Nationale une majorité pour suspendre cette réforme et pour essayer de trouver une autre solution pour équilibrer notre système de retraite qui pourrait être plus juste. Ce que je trouve fort aujourd'hui, c'est que le Premier ministre respecte un engagement. La parole donnée, c'est quelque chose d'essentiel, la bonne foi qui est mise sur la table aujourd'hui.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Le RN, vous savez, la gauche a fait barrage au RN pour les élections législatives. Vous avez quelque chose, vous, vous étiez quasiment dissidents chez vous à ne pas revenir là-dessus. Là, pour le coup, le RN, c'est très bien, il peut voter, ce n'est pas grave.
LAURENT PANIFOUS
Non, ce n'est pas le RN, vous savez, vous avez la France Insoumise de l'autre côté qui annonce voter contre la suspension des retraites, ce qui est quand même assez contre-intuitif.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous avez fait les comptes, justement, vous pensez que vous allez y arriver ?
LAURENT PANIFOUS
Oui, je pense que la suspension sera actée tout à l'heure, en tout cas, à titre personnel, je le souhaite. C'est quelque chose que j'ai défendu et je veux remercier le Premier ministre d'avoir respecté cet engagement et de faire en sorte qu'il y ait ce débat devant les Françaises et les Français tout à l'heure à l'Assemblée Nationale. Écoutez, depuis 2023, la question des retraites, on peut presque le dire, pollue le débat public. Et aujourd'hui, parce que le Premier ministre l'a rendu possible, nous allons avoir enfin ce débat et il va être enfin tranché. Écoutez, les masques vont tomber. Qui va accepter ? Qui va soutenir la suspension ? Et qui va voter contre ? J'ai hâte de voir le résultat.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Laurent PANIFOUS, ça va passer parce qu'au fond, les carrières longues, de les mettre dans la suspension, c'est demandé par les communistes, les écologistes. Du coup, ils vont voter pour la suspension. C'est une façon d'attraper le vote. Ça coûte cher.
LAURENT PANIFOUS
Oui, mais c'est une question de justice sociale. Et je crois que c'est important qu'on puisse soutenir cela. Et, encore une fois, la responsabilité de dire qu'il va falloir proposer des chemins différents pour équilibrer. Parce qu'on ne peut pas, d'un côté, supprimer toutes les mesures d'économie sans proposer des solutions de financement.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Laurent PANIFOUS, est-ce que vous êtes optimiste ? Est-ce que vous pensez que ce budget sera voté avant le 31 décembre ? Est-ce que vous pensez, c'est une question multiple, mais la réponse peut être la même, Sébastien LECORNU, il va passer l'hiver en réalité ? Il n'y aura pas de censure ?
LAURENT PANIFOUS
L'objectif, c'est qu'on apporte un budget à la France avant le 31 décembre. Pour cela, il y a le travail qui est fait à l'Assemblée Le Sénat qui commence, c'est important aussi. On oublie trop souvent de dire qu'il va commencer ce travail à la fois sur le budget de la Sécurité sociale, sur le budget de l'État, et ensuite, cette commission mixte paritaire qui sera majeure.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Détricoter la suspension de la réforme des retraites.
LAURENT PANIFOUS
Probablement, mais il faut respecter leur travail aussi.
Ils en ont donné, ils vont apporter des modifications à ce texte. Et à la fin, vous aurez la réunion des sénateurs, des députés en commission mixte paritaire qui vont pouvoir débattre sur la base des textes qui ont été travaillés à l'Assemblée et au Sénat. Et ce sera ce moment crucial où nous devrons trouver ce fameux compromis qui nous permettra de voter quelque chose qui sera forcément pas totalement satisfaisant pour la gauche, ni pour la droite, ni pour le centre, mais qui sera ce chemin de compromis qui apportera un budget. Personne n'a la majorité à l'Assemblée nationale. Nous avons l'impérieuse obligation de faire des concessions de part et d'autre. Et oui, pour répondre directement à votre question, je crois que c'est possible.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Et Sébastien LECORNU va passer l'hiver ?
LAURENT PANIFOUS,
Je le souhaite, oui.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous le souhaitez ? Vous pensez qu'il va passer l'hiver
LAURENT PANIFOUS,
Je pense que c'est tout à fait possible. Mais ça dépend de la volonté des uns et des autres à apporter de la stabilité.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Et dites-moi, les ordonnances dont parle le Rassemblement national, il n'y aura pas d'ordonnances ?
LAURENT PANIFOUS
On ne peut pas empêcher les uns et les autres d'évoquer leurs ordonnances et leurs spéciales. Ce, n'est absolument pas l'objectif. L'objectif, c'est de faire voter un budget à l'Assemblée nationale et au Sénat.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Laurent PANIFOUS, vous êtes un élu de l'Ariège.
LAURENT PANIFOUS
Oui.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous aimez votre…
LAURENT PANIFOUS
Profondément.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Votre pays.
LAURENT PANIFOUS
Oui.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Pas très loin, à Toulouse, Emmanuel MACRON est en visite officielle. Et les agriculteurs veulent à propos du Mercosur.
LAURENT PANIFOUS
Oui. Très important.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Le Président a dit qu'il était confiant mais vigilant. Il faut être précis. Vous-même, vous êtes pour ou contre la signature du Mercosur ?
LAURENT PANIFOUS
Je pense qu'en l'état, le Mercosur n'est pas acceptable. Je pense en particulier à nos agriculteurs. On ne peut pas envisager, on ne peut pas imaginer de pouvoir importer des produits qui ne respecteraient pas nos normes, qui s'imposent à nos propres agriculteurs. Ça n'est absolument pas envisageable. Alors, peut-être que le Président de la République a voulu dire qu'il constatait une certaine forme d'évolution, d'avancer au niveau européen. En revanche, il ne peut pas être acceptable qu'il n'y ait pas les clauses miroirs, qu'il n'y ait pas des contrôles plus importants, qu'il n'y ait pas de clauses de sauvegarde pour faire en sorte, je le redis, qu'il n'y ait pas dans notre pays des produits importés qui ne respecteraient pas nos normes. C'est tout simplement inacceptable. C'est ce qu'on dit aux agriculteurs. Depuis des mois, depuis maintenant des années, avec les crises qui se succèdent, on ne va pas maintenant changer d'avis.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ursula VON DER LEYEN veut signer le 20 décembre à peu près, là, parce qu'il faut conclure. D'ici là, qu'est-ce qui nous fait croire que les fameuses mesures miroirs, les clauses miroirs et les clauses de sauvegarde seront effectives et efficaces, opérationnelles avec les personnels qu'il faut pour contrôler tout ça.
LAURENT PANIFOUS
Le gouvernement doit se donner les moyens de faire en sorte qu'elles soient respectées. Encore une fois, il n'est pas acceptable, je ne peux pas vous dire les choses mieux que cela, il n'est pas acceptable que des produits...
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
C'est des convictions, ça.
LAURENT PANIFOUS
Mais comment, techniquement, vous allez rassurer les agriculteurs ? C'est d'abord au niveau européen que les choses doivent être mises en place pour faire en sorte que ce soit possible. C'est impossible, pardon, que nous importions des produits qui ne peuvent pas être produits chez nous et de la même manière, au Gouvernement français, de le faire. Mais oui, je veux dire que la situation actuelle, le contrat tel qu'il est prévu, n'est pas acceptable.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Pas acceptable, mais la France va signer, on est d'accord ?
LAURENT PANIFOUS
Non, écoutez, ce n'est pas moi qui vais vous dire, aujourd'hui, que la France va signer. Que le président de la République ait constaté qu'il y avait des améliorations dans la position au niveau européen, c'est une chose, vous dire qu'aujourd'hui, le Mercosur, tel qu'il est, est acceptable et qu'il peut être signé, je vous dis non.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Il a parlé un peu vite, Emmanuel Macron, entre nous.
LAURENT PANIFOUS
Je ne me permettrais pas. En tout cas, je pense qu'il a voulu parler plutôt d'une tendance que d'une réalité définitive.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
En tout cas, merci à vous, Laurent PANIFOUS, d'avoir accepté notre invitation et puis bonne chance pour le vote à minuit.
LAURENT PANIFOUS
Nous y sommes jusqu'à minuit, je vous confirme.
PATRICK ROGER
Ah bah oui, c'est assez long, là, effectivement, à l'Assemblée.
LAURENT PANIFOUS
De 9h à minuit, tous les jours. Les députés sont mis à l'épreuve.
PATRICK ROGER
Certains vont dire qu'il faut bien qu'ils bossent, ils sont payés pour ça.
LAURENT PANIFOUS
Oui, mais écoutez, moi je veux dire qu'ils bossent. Je suis le témoin de leur travail important.
PATRICK ROGER
Le travail important des députés. Vous n'êtes pas d'ailleurs pour le cumul, vous, des mandats ?
LAURENT PANIFOUS
J'étais maire de mon petit village, j'ai dû abandonner ce mandat et respecter la loi.
PATRICK ROGER
Ce n'est pas regrettable, ça, quand même. Parce que souvent, on dit que l'expérience que l'on a sur le terrain, ça sert aussi pour aller défendre.
LAURENT PANIFOUS
Je crois que mon expérience de maire, de président d'intercommunalité, m'est utile, aujourd'hui, dans mon rôle de ministre. Il était hier dans mon rôle de député, je crois. Après, comme tout le monde, je respecte la loi. Mais je pense que ce n'est absolument pas le moment, aujourd'hui, de remettre ce débat sur la table. Ça serait explosif.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 novembre 2025