Interview de Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées, à RTL le 17 novembre 2025, sur l'augmentation du trafic et de la consommation de drogue qui augmentent, le projet de loi de finances de la sécurité sociale et les propositions pour maîtriser les dépenses.

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Média : RTL

Texte intégral

THOMAS SOTTO
Ministre de la santé cherche budget de la sécurité sociale pas trop ruineux et efficace. Elle s'appelle Stéphanie RIST, elle est médecin, rhumatologue, la ministre de la Santé est donc l'invité de RTL Matin. Bonjour et bienvenue sur RTL, Stéphanie RIST,

STÉPHANIE RIST
Bonjour Thomas SOTTO,

THOMAS SOTTO
On va, bien sûr, parler budget mais pour commencer, je voudrais qu'on évoque le sujet qui gangrène nos villes tous les jours ou presque désormais, le trafic de drogue. La consommation explose en France. Vous, la ministre de la Santé, est-ce que vous considérez les consommateurs comme des malades ou comme des délinquants ?

STÉPHANIE RIST
Alors évidemment comme des malades et surtout comme des tristesses pour les familles qui y sont confrontées, ça c'est la première chose. Ensuite c'est compliqué pour nos villes. Moi, j'étais conseillère municipale à Orléans. Je sais la complexité pour les élus, pour les riverains. Nous avons du travail à faire bien sûr pour la santé, éducation à la santé, j'ai vu le ministre de l'éducation, nous allons y travailler. La prévention, les fonds de lutte contre les addictions mais aussi les structures de prise en charge. Il y a des expérimentations.

THOMAS SOTTO
Mais est-ce qu'il ne faut pas être sur les deux jambes ? On entendait tout à l'heure Sébastien CHENU qui était l'invité du Grand Jury qui dit il faut : "Il faut taper le consommateur". Est-ce qu'il faut sévir avec les consommateurs, avec les fumeurs de joints, avec les consommateurs de cocaïne et autres ?

STÉPHANIE RIST
Oui alors c'est ce qui est porté depuis ces derniers mois, années.

THOMAS SOTTO
Sans grande efficacité.

STÉPHANIE RIST
Alors, vous savez sur le sujet de la drogue, les augmentations sont importantes en consommation c'est vrai. Mais c'est aussi un sujet de société et c'est pour ça d'entrée que je vous parlais de l'éducation à la santé.

THOMAS SOTTO
Mais pourquoi on n'y arrive pas ? On y arrive à peu près avec le tabac et pas avec la drogue. On a réussi à ringardiser le tabac en quelque sorte depuis quelques années. Il y a un problème de volonté politique, il y a un problème d'impuissance. C'est quoi le problème ?

STÉPHANIE RIST
Il n'y a pas une drogue, il y a des drogues. Il y a une société aussi avec une santé mentale qui ne va pas bien.

THOMAS SOTTO
Ça ne justifie pas quand même de devenir usager de drogue.

STÉPHANIE RIST
Tout ce travail qui doit être fait et notamment je le redis avec l'éducation à la santé, très tôt, tout le travail qu'on fait sur les mille premiers jours de la naissance, toutes ces mesures permettront de prévenir un peu la consommation. Et je resterai humble sur le sujet mais quand on se compare avec les autres pays, on voit cette augmentation dans toutes les classes de la société d'ailleurs.

THOMAS SOTTO
Les consommateurs de cocaïne, un chiffre de l'Observatoire français des drogues, passaient de 600 milles en 2022 à 1 million 100 en 2023 et on peut imaginer que ça a encore augmenté puisqu'on est deux ans plus tard. Est-ce que selon vous, vous êtes médecin, je le rappelle, il faut légaliser certaines drogues pour casser le marché ? Votre point de vue médical ?

STÉPHANIE RIST
C'est le débat d'un point de vue médical. On peut se poser la question. Ensuite le médical…

THOMAS SOTTO
Vous y êtes favorable vous ?

STÉPHANIE RIST
Le médical, il ne se retire pas de la réalité pratique de la vie. Sur certaines légalisations dont on a beaucoup parlé, par exemple, le cannabis, une fois que vous dites qu'il faut légaliser, il y aura un intérêt probablement médical à le faire. Vous avez quand même des gens qui se retrouvent conducteurs de leur voiture, dont on sait que les réflexes sont diminués, peuvent créer des accidents. Voyez, le médical ne ne retire pas de tout ce qu'il y a autour.

THOMAS SOTTO
Il y a un fléau qui prend de plus en plus d'ampleur chez les jeunes et qui tue, ça s'appelle le protoxyde d'azote, qu'on appelle aussi le gaz hilarant. Quelles mesures souhaitez-vous prendre et dans quel calendrier pour tenter d'endiguer ce fléau ? On entendait les parents de Mathis, ce jeune homme qui a été tué à Lille il y a quelques jours par un conducteur qui avait pris du protoxyde d'azote. Est-ce qu'il y a des mesures urgentes qui vont être prises ? Est-ce que vous le souhaitez ?

STÉPHANIE RIST
La première, c'est informer et expliquer aux parents, qu'ils doivent expliquer aussi à leurs enfants que c'est dangereux, même à la première prise. Vous pouvez avoir, après la première prise, des troubles neurologiques qui font que... Définitifs parfois, qui font que vous ne pourrez plus marcher. Ça donne des atteintes de difficultés à la marche. Ça fait rire deux secondes, mais c'est très dangereux. Et donc il y a le premier message à passer, ce n'est pas parce qu'on peut acheter les cartouches de protoxyde, puisque c'est les cartouches pour faire de la chantilly, qu'ils peuvent être utilisées.

THOMAS SOTTO
Et quelles mesures vous voulez prendre ? C'est quoi ? C'est un avertissement ?

STÉPHANIE RIST
L'interdiction a été prise pour les mineurs. Ils ne peuvent plus normalement acheter ce protoxyde d'azote. Nous devons être plus fermes. C'est pareil que pour l'alcool. Les mineurs ont une interdiction à l'alcool. Nous devons être plus fermes sur l'achat des mineurs à ces produits.

THOMAS SOTTO
Stéphanie RIST, on va parler budget. On a l'impression d'une grande embrouille budgétaire en ce moment. On va essayer d'être le plus concret possible. Est-ce qu'on risque d'avoir encore plus de mal à se faire soigner l'an prochain en France ?

STÉPHANIE RIST
Alors, non. Il n'y a pas de raison. Et en tout cas, je mets toute mon énergie pour que ce ne soit pas le cas. Le budget considère qu'il y a un trou de la Sécurité Sociale, à moins 23 milliards cette année. C'est beaucoup, ça met en cause la pérennité de notre protection sociale. Et ça, c'est important de le redire.

THOMAS SOTTO
Sauf que ce qui se passe en ce moment, les débats autour du projet de loi de finances de la Sécurité Sociale, prévoient à date un déficit encore plus important pour l'année prochaine. Quel est le seuil acceptable de ce déficit pour vous ?

STÉPHANIE RIST
Vous avez raison, mais on est au début de la discussion du budget. Et la barre qu'il ne faut pas franchir, pour moi, elle est de 20 milliards. Il faut être en dessous des 20 milliards. Il faut retourner vers une trajectoire qui permettra la pérennisation de notre protection sociale. C'est de ça dont on parle.

THOMAS SOTTO
Mais concrètement, quand on va se faire soigner, c'est ça que je vous demandais, est-ce qu'on risque d'avoir plus de mal à se faire soigner l'année prochaine ? On prend l'hôpital. J'imagine que vous entendez l'inquiétude des professionnels hospitaliers, celles et ceux qui portent les blouses blanches et qui nous disent qu'on n'y arrive pas, qu'ils voient venir la pire cure d'économie sur l'hôpital depuis les années 2010. Qu'est-ce que vous leur répondez ?

STÉPHANIE RIST
Deux choses. C'est que j'entends que ce budget est contraint et que l'effort est demandé dans tous les secteurs, aussi pour l'hôpital. Le Premier ministre a annoncé, j'ai déposé un amendement gouvernemental à l'Assemblée, qui rapporte un milliard de plus pour l'Onda, l'objectif de dépense de l'hôpital.

THOMAS SOTTO
Ça c'est l'enveloppe globale.

STÉPHANIE RIST
L'enveloppe globale, on a rajouté un milliard.

THOMAS SOTTO
Même avec ce milliard, elle reste de deux points inférieurs à ce qu'elle était l'an dernier, c'est-à-dire qu'on a deux points de moins pour le fonctionnement quotidien.

STÉPHANIE RIST
C'est vrai Thomas SOTTO, nous demandons un effort à tous les secteurs, aux assurés, avec les franchises qui vont augmenter.

THOMAS SOTTO
Ça c'est sûr, elles vont augmenter les franchises médicales.

STÉPHANIE RIST
On est dans le débat parlementaire, mais en tout cas c'est ce que propose le gouvernement. Je pense qu'on peut avoir ce débat. On peut avoir ce débat, un français sur trois ne les paye pas. On peut savoir, on peut avoir le débat de : "Est-ce qu'il faut augmenter le nombre de gens qui ne payent pas ces franchises". Mais en tout cas ceux qui le peuvent pourraient payer un peu plus de franchises. Il me semble qu'on doit avoir ce débat.

THOMAS SOTTO
Ça passera par décret, le Gouvernement le fera passer par décret.

STÉPHANIE RIST
Non, j'ai été très clair, nous devons avoir un débat qui nous emmène à moins de 20 milliards de déficit de la Sécurité Sociale l'année prochaine. Si les mesures et le compromis que les parlementaires font est de moins de 20 milliards, il n'y aura pas de raison de passer ce décret.

THOMAS SOTTO
Mais en revanche, si on n'est pas à la somme que vous souhaitez, il y aura des décrets.

STÉPHANIE RIST
Je crois qu'il faut être responsable. Et encore une fois, je le dis, l'effort est porté sur l'industrie pharmaceutique avec une baisse des tarifs des médicaments de 1,6 milliard, sur les organismes complémentaires avec une taxe de 1 milliard. Tous les secteurs vont devoir faire un effort. Nous devons ensemble faire ces efforts pour pouvoir encore avoir une protection sociale.

THOMAS SOTTO
Est-ce que vous faites confiance aux médecins, madame la ministre ?

STÉPHANIE RIST
Alors, vous savez que je suis moi-même médecin. J'étais il y a un mois rhumatologue à l'hôpital d'Orléans le lundi. Je connais les difficultés. Je fais évidemment confiance aux professionnels, mais la confiance ne retire pas le coup. Et les professionnels de santé ont aussi dans ce budget des mesures difficiles aussi pour eux.

THOMAS SOTTO
Pourquoi faire voter une mesure par les députés qui prévoit une durée maximale pour un premier arrêt-maladie ? Est-ce que ce n'est pas la négation de la compétence et de l'éthique des médecins ?

STÉPHANIE RIST
D'un autre côté, quand vous regardez les gens qui sont en arrêt maladie long, ils ne sont parfois pas revus par leur médecin alors qu'ils ont trois mois d'arrêt-maladie. Je crois que quand on veut suivre les gens, éviter qu'ils aillent et qu'ils soient abandonnés pendant trois mois, il faut les revoir. Le parlement a décidé de mettre à un mois leur revu.

THOMAS SOTTO
C'est un problème de défiance ou pas ? Il y a un médecin qui est aussi un de vos collègues députés qui s'appelle Paul-André COLOMBANI qui est chez LIOT qui parle de flicage.

STÉPHANIE RIST
Non, on peut considérer ça, mais la sécurité sociale, nous devons maîtriser les dépenses. Et les maîtriser, c'est aussi prendre les responsabilités qui nécessitent de les maîtriser. Les arrêts-maladie ont des croissances de 6 à 8 % ces dernières années.

THOMAS SOTTO
Il y a des abus ?

STÉPHANIE RIST
Je ne dis pas ça, je dis que partout où nous devons pouvoir maîtriser, nous devons le faire.

THOMAS SOTTO
Est-ce que pour faire des économies, parce qu'il y a eu des propos qui ont été difficilement reçus par les professionnels de santé, vous allez supprimer les ARS, les agences régionales de santé ? Est-ce que c'est au programme ?

STÉPHANIE RIST
Alors, ce qu'a dit le Premier ministre devant les départements, c'est deux choses. Nous devons avoir un état fort régalien qui correspond au fait que les crises augmentent, qu'il peut y avoir des crises géopolitiques, donc, une meilleure hiérarchie fonctionnelle avec les préfets pour les administrations de la santé.

THOMAS SOTTO
Mais il a aussi dit, en gros, qu'il voulait bien organiser la santé au niveau des départements qu'au niveau des régions.

STÉPHANIE RIST
C'est mon deuxième point qui est très important. Et je vous annonce Thomas SOTTO que dès cette semaine, j'engage un mouvement de simplification massif de notre administration en santé et qui répond à ce qu'a dit le Premier ministre. Je vous donne un exemple très concret dans le Loiret, avec la maire de Main-sur-Loire, Aurore CARO, avec la sénatrice, Pauline MARTIN. Depuis plus d'un an, on essaye d'avoir la possibilité d'installer une IRM, en plus, dans un département où l'accès aux soins est très difficile. Nous avons la possibilité de le faire. L'ARS ne donne pas l'autorisation parce que dans le projet de régional de santé, il y a un an, il ne fallait pas qu'il y ait plus qu'une IRM, une autorisation d'IRM. Ces autorisations, quand les départements, quand les élus du territoire considèrent qu'il faut le faire, qu'ils ont les financements à côté, eh bien nous, ce n'est pas à l'administration centrale de dire si c'est autorisé ou pas. Donc oui, dans l'aménagement de proximité, mais je le redis, il faut une équité de tous les français sur notre territoire. Et pour ça, nous avons besoin d'une administration de la santé forte, mais recentrée sur son cœur de métier.

THOMAS SOTTO
Et donc sur le département plutôt que sur la région, si j'ai bien compris.

STÉPHANIE RIST
Mais les collectivités, la région a un rôle très important dans la formation des professionnels de santé, on ne peut pas l'ignorer. Les collectivités auront un rôle, mais je le redis, Il faut un bras armé pour répondre aux régaliens de la santé.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 novembre 2025