Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle, à la demande de la commission des finances, le débat sur le rapport sur la situation des finances publiques locales remis en application de l'article 52 de la loi organique relative aux lois de finances.
(…)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
M. Olivier Paccaud. Dont la tenue montre bien qu'elle voit la vie en rose ! (Sourires.)
Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Je connaissais le Sénat sage, je ne le savais pas taquin… (Nouveaux sourires.)
Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de l'organisation de ce débat sur la situation des finances locales : il me permet, en amont des prochains débats budgétaires, de rappeler la position du Gouvernement.
Je remercie également M. le rapporteur général d'affirmer que le Sénat sera, comme à son habitude, un partenaire loyal et exigeant.
Chacun le mesure, le niveau d'endettement de la France est considérable. Nous connaissons notre situation de départ : chaque heure qui passe, près de 12 millions d'euros s'ajoutent à la dette nationale. C'est un fait et je le dis ici très clairement, monsieur le rapporteur général, les collectivités territoriales n'en sont pas à l'origine.
De même, je réaffirme haut et fort qu'aucun membre de ce gouvernement n'a jamais accusé les collectivités d'être responsables de la situation dans laquelle nous sommes.
Les collectivités sont soumises à des contraintes budgétaires, à des normes et à des dépenses souvent incompressibles ; c'est notamment le cas des départements. Pourtant, elles continuent de supporter la majorité de l'investissement public, voire plus, dans le respect du principe de libre administration auquel nous sommes attachés et de l'exigence d'équilibre de leur budget de fonctionnement.
Toutefois, le constat de la dette nous oblige. Les services publics – l'action publique, en somme –, qu'ils soient assurés par l'État – la justice, la police, la sécurité – ou par les collectivités – écoles, voiries, etc. –, doivent être garantis à nos concitoyens. C'est la promesse d'avenir que nous partageons tous.
Pour préserver cette capacité d'action collective, il nous faut redresser nos comptes. C'est pourquoi, ainsi que l'a présenté le Premier ministre, le Gouvernement a choisi comme boussole le redressement des comptes publics.
L'objectif est de ramener le déficit public de 5,4% du PIB en 2025 à 3% d'ici à 2029. Telle est la condition pour que nous préservions, demain, notre capacité d'action dans les territoires comme à l'échelle nationale.
Redresser le bateau France est donc une responsabilité collective, où chacun est amené à prendre sa part : l'État, les entreprises, les ménages et les collectivités locales, qui représentent environ 20% de la dépense publique et 8% de la dette nationale, mais plus de la moitié de l'investissement public du pays.
En quarante ans, le rôle des collectivités s'est profondément élargi. Celles-ci ont su façonner un équilibre subtil entre autonomie locale et solidarité nationale. J'ai conscience que celui-ci s'est vu profondément bousculé ces dernières années par les crises successives. Pourtant, il a tenu, preuve de la solidité de notre modèle et de la résilience des élus locaux.
Malgré les tempêtes, les budgets des collectivités locales ont tenu bon, soutenus pour certains par la dynamique de la TVA, mais aussi, je le répète, grâce à la gestion rigoureuse des élus et à une solidarité nationale constante.
L'année 2024 a sans doute marqué un tournant. Le recul des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) a pesé très lourd sur les finances des départements, dont l'épargne brute s'est considérablement contractée.
De son côté, l'État a tenu ses engagements. La dotation globale de fonctionnement (DGF) a été stabilisée à hauteur d'un peu plus de 27 milliards d'euros et a progressé de 800 millions d'euros depuis 2023.
Par ailleurs, le projet de budget pour 2026 qui vous est présenté ne contient aucun recul en matière de solidarité territoriale. Au contraire, il prévoit une augmentation de 150 millions d'euros de la dotation de solidarité rurale (DSR) et de 140 millions d'euros de la dotation de solidarité urbaine (DSU).
Les enveloppes d'investissement, que nous aborderons probablement, sont maintenues à un haut niveau et tiennent compte du cycle électoral qu'évoquait M. le rapporteur général.
Enfin, la dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales (DSCAR) est passée de 42 millions d'euros en 2023 à 110 millions d'euros en 2025.
Au total, les concours financiers de l'État aux collectivités représentent près de 55 milliards d'euros, essentiellement sous forme de dotations et de prélèvements sur recettes. Toutefois, si l'on prend en compte l'ensemble des transferts financiers de l'État – cela inclut la fiscalité transférée et les programmes d'accompagnement, quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), Villages d'avenir, Petites Villes de demain –, l'effort global atteint 104 milliards d'euros. C'est dire si l'État reste très engagé aux côtés des collectivités.
Les communes et les intercommunalités affichent des finances plutôt solides. Quant aux régions, elles ont retrouvé un certain équilibre après la crise sanitaire, portées par la reprise économique et les efforts de réindustrialisation.
Les départements, en revanche, connaissent des tensions très importantes du fait, je le répète, de la baisse des DMTO, qui représentent parfois un quart de leurs recettes, tandis que leurs dépenses sociales, qui sont imposées, continuent de croître, tirées par la démographie et par la conjoncture.
Résultat, l'épargne brute des départements s'érode – 6% en moyenne – et une vingtaine de départements frôlent à ce jour la tutelle budgétaire.
Face à ces écarts, la péréquation reste un pilier du modèle de solidarité nationale.
La péréquation verticale représente actuellement 35% de la dotation globale de fonctionnement (DGF), contre 15% en 2007. La solidarité a plus que doublé en vingt ans. En 2026, cet effort sera encore renforcé de 290 millions d'euros pour les communes, de 90 millions d'euros pour les intercommunalités et de 10 millions d'euros pour les départements.
Quant à la péréquation horizontale, que chacun connaît ici, elle représente environ 2 % des recettes de fonctionnement de nos collectivités.
Je dirai quelques mots sur les fragilités de certains territoires, sujet qui, je le sais, tient à cœur au rapporteur général. Celui-ci a déposé une proposition de loi visant à garantir une solution d'assurance à l'ensemble des collectivités territoriales, afin de répondre aux difficultés qu'elles rencontrent pour s'assurer et faire face à la hausse de la sinistralité, au risque climatique ou encore aux émeutes, qui a été adoptée par le Sénat avant l'été.
Je rappelle que le montant de la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques sera rehaussé, conformément aux conclusions du rapport de la mission d'inspection que nous avons sollicitée en début d'année.
Un plan d'action sur l'assurabilité des collectivités territoriales a été lancé à l'issue du Roquelaure de l'assurabilité des territoires, organisé par mon prédécesseur François Rebsamen. Ce plan associe les maires, les assureurs et l'État. Il faut également mentionner les textes réglementaires qui ont suivi, la publication du guide pratique de la passation des marchés publics en matière d'assurance ou encore la mobilisation inédite des préfets.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous pouvez compter sur moi pour continuer à déployer ces mesures, dans un cadre budgétaire contraint que nul ne saurait nier.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très bien ! Nous comptons sur vous, madame la ministre !
Mme Françoise Gatel, ministre. Nous travaillerons ensemble, monsieur le rapporteur général !
Il me semblait en tout cas utile, à ce stade, en préambule de ce débat, d'indiquer que le Gouvernement a voulu élaborer un budget pour 2026 qui reconnaisse le rôle essentiel des collectivités. Telle est la copie que nous vous proposons.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il faut la corriger !
Mme Françoise Gatel, ministre. Comme le Premier ministre a eu l'occasion de le dire, vous débattrez, vous discuterez, il pourra même vous arriver de décider ! (Sourires.)
Parallèlement aux débats budgétaires en cours au Parlement, nous devons poursuivre deux types de travaux.
Je pense tout d'abord à l'effort de simplification que nous devons entreprendre pour faciliter l'action publique, mais aussi pour éviter des dépenses parfois superfétatoires. À cet égard, je soumettrai dans les jours qui viennent une proposition de méthode au Premier ministre.
Je pense ensuite à la décentralisation. Comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur général, le Premier ministre a une ambition en la matière. Nous pouvons nous appuyer sur les excellents travaux – je le dis très franchement – qui ont été réalisés, notamment au Sénat, dont nous aurons l'occasion de débattre tout à l'heure.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cela ne coûte pas cher !
Mme Françoise Gatel, ministre. C'est tout à fait vrai. La vérité n'a pas de prix, monsieur le rapporteur général ! (Sourires)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très bien ! (Nouveaux sourires.)
Mme Françoise Gatel, ministre. Je termine ainsi mon propos introductif. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
- Débat interactif -
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.
Le Gouvernement dispose pour répondre d'une durée équivalente et aura la faculté de répondre à la réplique pendant une minute ; l'auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.
Dans le débat interactif, la parole est à Mme Mireille Jouve. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s'il est désormais nécessaire de poser la question de la dette, de la contenir et de la réduire, je ne peux m'empêcher de m'interroger sur le sens à donner à ce débat.
Nous savons que, dans leur immense majorité, les collectivités ont un réel souci de bonne gestion. Depuis la crise du covid, au cours de laquelle leur action, indispensable, a été remarquable, elles ont dû faire face à l'inflation et à la hausse des coûts de l'énergie. Malgré la suppression totale de la taxe d'habitation sur les résidences principales, qui représentait plus de 21 milliards d'euros de recettes, et malgré la disparition progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), elles ont su faire des choix courageux.
Dès lors, à quoi bon soulever une fois encore la question de la responsabilité des collectivités locales ? Nous devrions plutôt engager, sans œillères, une discussion sur les transferts de compétences, notamment sur les transferts rampants, qui ne sont jamais – ou si peu, ou si mal – compensés. Leur multiplication met à mal l'idée même de décentralisation.
Le Premier président de la Cour des comptes se plaît à pointer le rôle « significatif » des collectivités territoriales dans la dégradation de la situation des finances publiques dans leur ensemble. Je veux lui dire que, si la part desdites collectivités dans le déficit a progressé de 10 milliards d'euros depuis 2017, celle de l'État a, quant à elle, bondi de plus de 880 milliards d'euros au cours de la même période. De même, le projet de loi de finances pour 2026 prévoit que la contribution des collectivités territoriales représentera plus de 15 % de l'effort budgétaire global, alors que leur dette ne représente que 8 % de la dette publique, soit 262 milliards d'euros sur un total de 3 305 milliards d'euros.
Ma question est simple : en quoi les collectivités, soumises à une règle d'or qui leur impose de voter des budgets en équilibre, sont-elles responsables du déficit ? Que M. Moscovici ose donc désigner les vrais responsables, sans transformer les collectivités locales en boucs émissaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Madame la sénatrice Mireille Jouve, vous interpellez M. Moscovici. Je lui transmettrai le message, mais il l'a sans doute déjà entendu.
Je pense sincèrement ce que j'ai dit tout à l'heure. Au nom du Gouvernement, je peux affirmer qu'aucun membre de ce gouvernement, ni du précédent, n'a dit que les collectivités étaient responsables de ce déficit.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Du précédent, si !
Mme Françoise Gatel, ministre. En tout cas, vous n'entendrez jamais cela dans ma bouche. Je sais, madame de La Gontrie, que les gouvernements se succèdent rapidement, mais le dernier n'a guère eu le temps de dire ce qu'il pensait… (Sourires.)
Une chose est sûre, nous n'avons qu'un seul budget : celui de la France. Si nous avons eu l'occasion de dire que l'État avait peut-être été un peu trop cigale, il faut aussi rappeler que le budget de la France n'est pas en équilibre depuis plus de cinquante ans. Nous avons connu des périodes où la DGF n'avait pas été revalorisée à hauteur de l'inflation ; d'ailleurs, dans les années 2015, celle-ci a baissé très significativement. Il y a donc eu des aléas et des trous d'air.
Ce que nous vous proposons, c'est d'affirmer notre volonté collective de redresser nos finances et de limiter l'endettement. Il s'agit d'un effort collectif, auquel nous demandons aux collectivités de participer. En effet, il ne faut pas oublier que l'État finance la justice, les forces de police, les forces de gendarmerie, etc. Pendant la crise sanitaire, il est même intervenu pour aider les entreprises et pour éviter la destruction du tissu économique. On peut penser ce que l'on veut de la manière dont cet argent a été dépensé, mais il est indéniable qu'il a bénéficié en partie à l'ensemble des Français.
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans son rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements en 2024, la Cour des comptes aborde la question du soutien de l'État à l'investissement local, qui, nous le savons, est essentielle pour tous les territoires de France.
Permettez-moi tout d'abord de me réjouir que le Gouvernement ait pris en compte les propositions que nous avons formulées pour sauver le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT). Cela permettra notamment de poursuivre les actions du plan France Ruralités.
En revanche, madame la ministre, je veux vous alerter sur les risques que ferait peser sur nos territoires ruraux la suppression de la DETR – car c'est bien de cela qu'il s'agit ! –, que le Gouvernement propose de diluer dans un fonds unique regroupant l'ancienne DETR, l'ancienne DSIL et aussi l'ancienne dotation politique de la ville (DPV).
La DETR, je le rappelle, est un outil financier au service des territoires ruraux, un outil simple, bien connu et apprécié de tous les élus ruraux.
Pourquoi casser ce qui marche bien ? Alors qu'il y a tant de problèmes à régler dans notre pays, pourquoi en créer là où il n'y en a pas, madame la ministre ?
Nous comptons sur vous pour ne pas envoyer ce mauvais message aux communes rurales et pour maintenir la DETR dans sa forme actuelle, qui, j'y insiste, est très appréciée des élus locaux.
Surtout, ne mettez pas en avant l'argument séduisant de la simplification pour justifier cette mesure. Nous pouvons facilement simplifier la vie des élus tout en maintenant la DETR. Je suis prêt à en parler avec vous.
Madame la ministre, accepteriez-vous de nous aider à sauver la DETR, en renonçant à ce projet de fusion ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, INDEP et SER.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Oui, bien sûr !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur Delcros, j'aime beaucoup votre question, car la réponse s'y trouve ! (Sourires.)
Permettez-moi de vous exposer l'origine de cette proposition, qui consiste à regrouper les dotations que vous avez citées dans un fonds d'intervention territoriale (FIT) – c'est ainsi que nous l'avons nommé.
Il est envisagé de créer ce fonds, sans diminution des enveloppes financières concernées – c'est important –, pour répondre aux demandes de simplification des élus et des préfets.
Vous avez raison : la DETR vise une certaine catégorie de communes et ses modalités de calcul sont bien définies. Il en est de même pour la DSIL, que tout le monde connaît dans cet hémicycle, et pour la DPV.
Vous savez comme moi, parce que vous siégez à la commission d'élus de la DETR de votre département, que les préfets, qui font toujours preuve d'une agilité et d'une grande écoute des territoires, parviennent à soutenir certains projets des communes grâce à la DETR ou à la DSIL, quelquefois même en combinant les deux ou en ayant en plus recours à des crédits provenant du fonds vert.
Lorsque nous avons proposé de créer le FIT tel qu'il figure dans le projet de loi de finances, notre idée était de faire en sorte que tous les crédits soient consommés à la fin de l'année, ce qui n'est jamais le cas.
Je ne préjuge pas des discussions qui auront lieu au Sénat sur ce point.
Je vous assure toutefois, et vous le savez très bien, qu'au sein de cette enveloppe globale de dotations nous avons isolé la DETR. Nous avons d'ailleurs pris soin de préciser que, si le FIT était mis en place, les critères d'éligibilité à cette dotation ne changeraient pas. Les communes qui y étaient éligibles le seront donc toujours, et de la même manière.
Je sais qu'il faut tenir compte du poids des mots et que ces derniers sont parfois des symboles. C'est pourquoi vous pouvez avoir l'impression que la DETR, parce qu'elle n'est plus mentionnée de manière isolée, a disparu. Je tiens à vous rassurer : ce n'est pas du tout le cas.
Nous aurons certainement l'occasion de débattre de ce sujet durant l'examen du projet de loi de finances.
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour la réplique.
M. Bernard Delcros. Madame la ministre, je vous remercie de cette ouverture ; c'est en tout cas ainsi que je comprends vos propos.
Toutefois, je suis persuadé, et je ne suis pas le seul à le penser, que toutes les explications du monde ne suffiront pas à justifier la suppression de la DETR. Le Sénat mènera le combat pour la sauver de façon déterminée ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, INDEP et SER, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nos collectivités ont du talent, ce talent même qui, trop souvent, manque à l'État. Quand elles ne sont pas maltraitées, elles font systématiquement les bons choix budgétaires.
Cette bonne gestion, si on la compare à celle de l'État, peut se mesurer à une seule aune : l'investissement.
La dynamique d'investissement du bloc communal a ainsi continué de croître l'an dernier, et ce à un rythme accéléré. Après une année 2023 où les investissements ont progressé de 8%, en 2024, les communes ont augmenté de 10% leurs dépenses en la matière. C'est cela, le bon sens communal, madame la ministre !
De même, les dépenses réelles d'investissement des régions ont progressé de 6,6%, en 2024, comme en 2023.
Parlons enfin de nos départements, dont les finances et la liberté d'action sont malmenées depuis si longtemps. Nous connaissons bien les conséquences de cette situation sur le terrain : les départements n'ont d'autre choix que de réduire leur dynamique d'investissement, qui s'établit, en moyenne, à 3,7% en 2024.
Voici donc la leçon que nous devons apprendre de nos collectivités : quand nous leur laissons suffisamment de liberté et de marge de manœuvre, elles privilégient les dépenses d'investissement plutôt que celles de fonctionnement.
Madame la ministre, comment l'État compte-t-il s'inspirer des élus locaux pour donner la priorité aux dépenses d'investissement sur ses dépenses de fonctionnement ? Comment, par ailleurs, allez-vous diminuer la facture que le projet de loi de finances fait peser sur nos collectivités, afin de les laisser continuer à investir, c'est-à-dire à préparer l'avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Madame la sénatrice Paoli-Gagin, votre question est intéressante, car les dépenses d'investissement sont des dépenses qui visent à préparer l'avenir. Comme je l'ai déjà indiqué, les collectivités réalisent à peu près 70% de l'investissement public.
Toutefois, nous savons que les collectivités ne peuvent investir que si elles dégagent des excédents de fonctionnement : ce n'est que si leur budget de fonctionnement est équilibré qu'elles peuvent ensuite investir.
Dans le projet de loi de finances que vous aurez à examiner, le Gouvernement propose de préserver la capacité de fonctionnement des collectivités territoriales. Nous prévoyons ainsi d'augmenter les crédits de la DSR de 150 millions d'euros et ceux de la dotation de solidarité urbaine (DSU) de 140 millions d'euros.
Il a également maintenu une enveloppe de crédits pour accompagner les collectivités qui investissent, tout en prenant en compte le fait que, comme l'a souligné le rapporteur général de manière pertinente, dans les cycles électoraux, l'année du scrutin est en général une année de baisse de l'investissement.
M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour la réplique.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la ministre, nous comptons vraiment sur vous, car, comme vous le savez, les bons gestionnaires se trouvent plutôt parmi les collectivités. L'État devrait s'inspirer de leurs méthodes de saine gestion. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Anglars. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la fiscalité locale doit servir à financer les services publics locaux. Voilà une évidence qui se heurte aujourd'hui à une réalité plus complexe.
Depuis la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales, les communes sont en effet privées d'un outil crucial de fiscalité directe locale, dont elles avaient la maîtrise.
Pour neutraliser la perte de ressources communales, l'État a mis en place un outil de compensation, le coefficient correcteur, dit Coco. (Sourires.) Entré en vigueur en 2021, il vise à ce que le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) perçu par une commune – composé désormais de l'ancienne part départementale de TFPB, désormais transférée, et de la part communale – corresponde à l'euro près à ce que la commune percevait auparavant au titre de sa part de la taxe d'habitation et de sa part de la TFPB.
Les communes pour lesquelles le montant du reversement de la part départementale de TFPB est supérieur à la perte des ressources de la taxe d'habitation sont dites surcompensées et se voient alors prélevées au bénéfice des communes dites, à l'inverse, sous-compensées.
Ce dispositif a été vivement critiqué, car il désavantage les communes rurales, qui sont souvent plus contributrices que les communes urbaines, et il supprime le lien entre l'impôt local et le territoire concerné.
Son mécanisme est désormais encore plus contestable : en raison de l'effet du Coco sur la dynamique des assiettes, les communes rurales se voient infliger une double peine, tandis que leurs contribuables sont trompés.
Dans la mesure où le coefficient correcteur est figé dans le temps, son effet multiplicateur sur le produit de la TFPB est constant et cela s'ajoute désormais à la dynamique des bases. En d'autres termes, les collectivités qui investissent pour leur attractivité, l'accueil de la population et le développement économique de leur territoire sont conduites à partager, à cause du Coco, la croissance du produit de la TFPB obtenue grâce à la construction de nouveaux logements ou aux résultats des entreprises. Le Coco apparaît donc dès lors comme un mécanisme non plus compensatoire, mais confiscatoire.
Madame la ministre, n'est-il pas temps de revenir aux fondamentaux ? Comment envisagez-vous de corriger et de neutraliser l'impact du Coco sur la dynamique de l'assiette foncière des communes ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Jean-Claude Anglars, j'apprécie que la gravité du sujet ne vous empêche pas de faire preuve d'humour ! (Sourires.)
Vous me posez en fait deux questions.
La première la suppression de la taxe d'habitation, qui a fait disparaître le lien entre les habitants, les citoyens et la commune. Il s'agit là d'un sujet de fond qui, à mon avis, ne sera pas traité dans le projet de loi de finances.
La seconde concerne la pertinence de ce que vous appelez le Coco, à savoir le coefficient correcteur qui a été créé pour compenser la perte de recettes, pour les communes, provoquée par la suppression de la taxe d'habitation.
Nous serons sans doute, monsieur le sénateur, en désaccord sur l'appréciation de ce mécanisme. Ce système est fiable, car il est stable dans le temps. Il est contrôlé chaque année et l'État en demeure le garant, car il prend à sa charge tout écart éventuel entre les versements et les prélèvements.
En 2023, l'État a ainsi pris à sa charge 728 millions d'euros, ce qui était nécessaire pour garantir la compensation à l'euro près des communes sous-compensées. En 2021, l'abondement de l'État a été de 581 millions d'euros, pour équilibrer le dispositif et rattraper les effets du fameux coefficient correcteur.
Ce dispositif ne crée donc ni perdants structurels ni situations de fragilisation durable d'une collectivité. Ce principe de neutralité entre collectivités est le garant de la pertinence du coefficient correcteur. En outre, le Conseil constitutionnel a validé le mécanisme, estimant que sa création est conforme à l'objectif d'équité territoriale.
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis des années, le Sénat plaide pour que les élus locaux se voient octroyer davantage d'autonomie fiscale. Force est pourtant de constater que cette autonomie se réduit comme peau de chagrin.
Il va de soi que j'assume mon soutien à la réforme visant à supprimer la taxe d'habitation. J'estimais alors que, pour diverses raisons, cette réforme renforcerait le pouvoir d'achat de nombreux foyers. C'est toujours le cas.
Néanmoins, je dois reconnaître qu'en dépit d'une compensation de la part de l'État la suppression de la taxe d'habitation a suscité beaucoup d'inquiétudes et entraîné des conséquences parfois contre-productives.
Dans un moment crucial pour notre pays, qui a besoin de décentralisation – le débat qui nous occupera après celui-là portera d'ailleurs sur ce sujet –, le temps est venu de réformer le schéma de nos finances locales.
Au lendemain des élections sénatoriales de 2023, mon collègue Didier Rambaud a soulevé à plusieurs reprises la question du lien fiscal entre un habitant et sa commune.
Sous réserve d'une réforme globale du schéma des finances locales, pour que chaque strate de collectivité dispose d'un impôt clairement identifié, que pense le Gouvernement de l'organisation d'une réflexion portant sur la création d'un nouveau lien fiscal entre un habitant et sa commune ?
Il s'agirait non pas d'ajouter une taxe à la taxe foncière, mais bien de repenser tout le système. Beaucoup de foyers, en effet, ne comprennent plus où vont leurs impôts, où ils sont décidés, ni même où ils sont votés.
Il devient donc urgent de recréer de la lisibilité à cet égard. Ce serait dans l'intérêt des élus locaux, mais cela permettrait aussi, plus largement, de préserver le consentement à l'impôt dans notre pays. (Mme Mireille Jouve applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, votre question, comme un grand nombre de celles qui m'ont déjà été posées, dépasse le strict cadre du projet de loi de finances.
Vous posez une question de fond, si je puis dire, que l'on peut reformuler ainsi : à quel moment allons-nous entreprendre la mise à jour du système de financement des collectivités locales ?
Pour avoir longtemps siégé sur les travées de cette assemblée, je sais que nous appelions régulièrement de nos vœux cette réforme, qui n'est pas un petit chantier.
Lorsque nous réformons, nous ne cessons de le faire de manière partielle, impôt par impôt, dotation par dotation, en prévoyant des compensations. Nous avons ainsi construit un système de rustines, qui est unique au monde. En dehors de quelques spécialistes des finances locales présents dans cet hémicycle, nous sommes tous parfois un peu perdus et incapables de comprendre comment le système fonctionne.
C'est pourquoi, comme vous, monsieur le sénateur, je considère qu'il est nécessaire d'entreprendre avec sérieux une véritable réforme des finances locales.
Voilà qui nécessite beaucoup de courage et d'endurance. En effet, les tentatives de réforme n'ont jamais abouti.
Nous devrions commencer par la question : qui fait quoi ? En fonction de ce que chaque collectivité devra faire – c'est le " quoi " –, il nous faudra définir les recettes nécessaires, en créant, comme cela se fait dans certains grands pays européens, en Allemagne par exemple, des dotations à partir d'impôts nationaux. Si chaque collectivité est dans une situation particulière, elles ont toutes les mêmes obligations. Chacune doit donc jouir d'une capacité de financement assurée par l'État et, sans doute, disposer aussi d'un levier fiscal, comme le souhaitent certains d'entre vous, pour lui permettre de mener ses propres politiques, conformément au principe de libre administration des collectivités territoriales.
Ce chantier est très important. Je ne prendrai qu'un exemple, qui a été avancé par M. Éric Woerth. Il estime que les départements dont les dépenses sont essentiellement d'ordre social et les recettes constituées de DMTO se trouvent dans une situation d'incohérence entre compétences et ressources. Dès lors, il demande que les départements bénéficient d'une part de la contribution sociale généralisée (CSG) nationale.
Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question, qui constitue aussi une ouverture pour mener une réflexion sur certains dossiers sur lesquels il convient d'avancer.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Isabelle Briquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la situation financière des départements devient critique. Il y a trois ans, quinze d'entre eux étaient en difficulté ; ils sont désormais trente-cinq à être dans cette situation. Certains d'entre eux affichent une épargne nette, voire brute, négative.
Cette dégradation est le fruit non pas d'une mauvaise gestion, mais d'un effet ciseaux : alors que leurs dépenses sociales progressent fortement, leurs recettes sont figées depuis la suppression de la part départementale de la taxe foncière départementale, qui a été remplacée par l'octroi d'une fraction de la TVA, qui ne compense ni la volatilité des droits de mutation ni la hausse structurelle des charges sociales.
Les départements supportent les conséquences sociales des difficultés économiques de notre pays. Ils ne peuvent plus être la variable d'ajustement d'une politique d'austérité qui les prive de moyens, tout en leur transférant toujours plus de charges.
Il avait pourtant été annoncé que leur situation particulière serait prise en compte. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Aucune mesure structurelle n'a été engagée. Pis encore, de nouvelles ponctions sont prévues dans le projet de loi de finances pour 2026, par exemple 280 millions d'euros au titre du dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico).
La création d'un fonds de sauvegarde allait dans le bon sens, mais son enveloppe demeure insuffisante. Madame la ministre, comptez-vous pérenniser et renforcer ce fonds et mieux le cibler pour aider les départements les plus en difficulté ?
C'est une question de cohérence républicaine. L'État ne peut pas, d'un côté, confier aux départements des missions toujours plus lourdes, de l'autre, les laisser affronter seuls la tempête sociale.
Oui, le redressement des finances publiques est nécessaire, mais il doit être proportionné. Les départements ne demandent pas de faveur. Ils souhaitent seulement que l'État tienne ses engagements et compense intégralement les charges qu'il décide d'instaurer. À défaut, la décentralisation elle-même perdra son sens. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Je vous remercie, madame la sénatrice Briquet, de cette question, qui porte sur les collectivités sans doute actuellement le plus en difficulté.
Je vous remercie, en même temps, d'avoir rappelé que la France a un déficit budgétaire et que cela a des effets sur l'ensemble des services publics, y compris sur ceux qui sont assurés par les collectivités.
D'une manière générale, lorsqu'un transfert de compétences intervient, dont le coût est calculé au moment du transfert, une clause de revoyure doit être prévue – le Sénat a d'ailleurs beaucoup insisté sur ce point. En effet, quand les collectivités se voient imposer, par l'État ou par la loi, de nouvelles normes et dépenses obligatoires qu'elles ne peuvent pas refuser, une révision des conditions financières du transfert s'impose.
Par ailleurs, on en parle peu, même si je l'ai évoqué dans mon propos liminaire : nous devons être très attentifs aux normes. Nous sommes en effet confrontés à une surenchère en la matière. Je souhaite que nous soyons plus frugaux en ce qui concerne le flux de normes et que nous travaillions sur le stock.
Madame la sénatrice, nous serons en léger désaccord sur ce point : le budget 2026 est un budget non pas d'austérité, mais frugal, qui permet d'envisager un redressement de nos comptes. Ce n'est pas tout à fait la même chose.
Le projet de loi de finances, tel qu'il sera soumis à votre examen, prend en compte la particularité des départements. Nous proposons en effet d'alimenter le fonds de sauvegarde, comme cela a été le cas non pas en 2025, mais en 2024, à hauteur de 100 millions d'euros. En 2026, nous le ferons à hauteur de 300 millions d'euros, afin d'aider la trentaine de départements en difficulté.
Le fonds de sauvegarde a vocation à être conjoncturel. En effet, si le produit des DMTO a beaucoup baissé, nous assistons depuis quelques mois à un frémissement à la hausse, même si la situation varie fortement selon les territoires.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Madame la ministre, je vous écoute attentivement, mais votre gouvernement ne réduit pas seulement les budgets des communes, il réduit aussi la démocratie vécue. Il faut le dire !
À quelques mois des élections municipales, ce n'est pas qu'une affaire de chiffres, c'est aussi un signal politique. On bride l'action locale, on conditionne l'engagement, on place les scrutins sous tutelle budgétaire.
Après un prélèvement de 5,7 milliards d'euros en 2025, le budget 2026 – le vôtre, madame la ministre – prévoit encore près de 8 milliards supplémentaires de contributions, directes ou indirectes, imposées aux collectivités territoriales. C'est colossal ! Cela représente l'équivalent d'un quart de leur épargne brute, alors que celle-ci est déjà en recul de 7% cette année et est fragilisée par le désengagement continu de l'État.
Au-delà de ces montants se dévoile une philosophie de Gouvernement, une manière de penser la décentralisation non plus comme un partage de responsabilités publiques, mais comme une chaîne hiérarchique de la rigueur.
Le meilleur exemple est le Dilico 2, dont le montant double, pour s'élever à 2 milliards d'euros – 1,2 milliard pour le bloc communal. Il concernera trois fois plus de municipalités que l'an dernier. C'est l'esprit du dispositif qui inquiète surtout les élus : si la croissance des dépenses locales est supérieure à 1%, soit le taux de croissance du PIB, les sommes mises en réserve ne seront pas restituées.
La réalité contredit ce soupçon : les collectivités sont à l'origine de 70 % de l'investissement public, pour une dette équivalant à 9% du PIB. Nous le savons tous.
Madame la ministre, si les collectivités doivent à ce point se plier à la trajectoire de l'État, quelle place leur reste-t-il pour l'initiative ?
Plus profondément, peut-on encore parler de décentralisation quand la libre administration devient à ce point conditionnelle ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur Savoldelli, vous ne serez pas surpris si je vous dis que je ne partage pas tout à fait votre analyse.
M. Pascal Savoldelli. Ce n'est pas un scoop !
Mme Françoise Gatel, ministre. Non, mais nous allons confirmer ce constat dans l'allégresse et le respect. (Sourires.)
Vous parlez du Gouvernement. Il s'agit du gouvernement de la France, qui présente une proposition de budget, laquelle est discutée de manière très démocratique dans les assemblées. Quand vous affirmez qu'il briderait l'action locale, permettez-moi non pas d'être offusquée – entre nous, ce mot ne conviendrait pas –, mais d'exprimer mon désaccord.
J'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer en répondant aux précédentes questions, le budget proposé par le Gouvernement préserve les recettes de fonctionnement des collectivités. Ainsi, la dotation de solidarité rurale est augmentée de 150 millions d'euros et la dotation de solidarité urbaine de 140 millions d'euros. Ne me dites pas que nous bridons l'action locale !
En tout cas, monsieur le sénateur, vous ne pouvez pas déduire de budgets qui sont des budgets de transition – la France n'a pas eu de budget équilibré depuis cinquante ans – que nous serions dans un moment de recentralisation. Je vous rappelle que le premier acte du Premier ministre, Sébastien Lecornu, a été d'écrire à tous les maires de France pour leur exprimer toute sa reconnaissance, puis de solliciter l'ensemble des collectivités pour recueillir des suggestions et des propositions sur la décentralisation.
Monsieur le sénateur, il ne vous a pas échappé que ce budget est un budget de redressement. Quand, à l'issue de ce débat, nous multiplierons les quelques heures passées ensemble – pour le plus grand plaisir de chacun d'entre nous – par 12 millions d'euros, ce qui correspond à l'augmentation de la dette par heure, nous aurons une idée de l'urgence à stopper l'aggravation de l'endettement. C'est ce que nous nous efforçons de faire, pour une promesse d'avenir.
Enfin, monsieur le sénateur, vous le savez comme moi, des pays comme la Grèce ou le Portugal, parce qu'ils n'ont pas su redresser leurs finances, ont, à un moment donné, vu les services publics assurés par l'État ou par les collectivités considérablement diminuer.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre !
Mme Françoise Gatel, ministre. C'est la dette qui est l'ennemie de la démocratie !
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.
M. Pascal Savoldelli. Je vais peut-être surprendre mes collègues, mais je pense à cet instant à Jacques Chirac, qui disait : on ne change pas la société par décret.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ce n'est pas Jacques Chirac !
M. Pascal Savoldelli. C'est pourtant bien un décret que vous êtes en train de préparer. C'est une hiérarchie inversée !
Je reformule ma question : allez-vous laisser aux collectivités territoriales, particulièrement aux communes, une autonomie fiscale ?
M. Jean-Raymond Hugonet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée.
Mme Ghislaine Senée. Madame la ministre, je concentrerai mon propos sur la dotation globale de fonctionnement.
Cette dotation reste la première ressource versée aux collectivités territoriales. Elle est un dû : elle compense les transferts de charges de l'État vers les collectivités territoriales. À périmètre constant, son montant sera le même en 2026 qu'en 2025, soit 27,3 milliards d'euros. Sa non-indexation dans la durée asphyxie les communes et fragilise directement leur capacité d'action. Parallèlement, les collectivités voient s'éroder, voire disparaître, la part de fiscalité sur laquelle elles exerçaient un pouvoir de taux par le passé.
Dans nos territoires, de nombreux maires nous alertent. Les évolutions dans le temps du versement de la DGF par commune ne sont pas comprises et les critères d'attribution de ses composantes, que ce soit la dotation forfaitaire ou la dotation de solidarité urbaine, produisent des écarts incompréhensibles entre des communes pourtant comparables. Le critère de richesse semble, par exemple, assez obsolète aujourd'hui. Je relaie ici l'alerte d'un maire de mon département : une commune qui construit des logements sociaux et qui est en dynamique démographique voit sa dotation forfaitaire décroître, alors même que de nouvelles charges, notamment scolaires, s'ajoutent.
L'opacité des attributions nourrit le sentiment d'injustice entre collectivités et complique la programmation budgétaire, alors que chaque euro non couvert en fonctionnement se traduit par des investissements différés ou annulés, notamment au détriment de la transition écologique, qui exige des moyens massifs et immédiats. Cette situation interroge le respect du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, dont l'autonomie fiscale est le fondement.
Madame la ministre, que répondez-vous aux demandes d'indexation de la DGF que vous exprimiez comme sénatrice ? Que répondez-vous aux demandes de clarté et d'équité des critères d'attribution de cette dotation ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Madame la sénatrice, oui, j'ai apporté ici même un soutien constant à l'augmentation de la DGF, mais nous n'étions pas dans une période où le montant de la dette était grave au point qu'elle menace aujourd'hui notre pays et les services publics. Je l'ai dit, nous sommes dans un effort de redressement et de frugalité.
Sur la DGF, j'ai déjà répondu. Elle donne lieu à de nombreux commentaires. Par exemple, les écarts de dotation entre les territoires ruraux et les territoires urbains ne paraissent pas justifiés. À l'intérieur de l'enveloppe, certaines répartitions interrogent. La question que vous posez est légitime, mais ce n'est pas dans un projet de loi de finances que nous devons corriger, comme on l'a fait souvent, ou " rustiner " le problème des finances des collectivités locales. Il faut entreprendre une réforme plus globale.
Les modalités de répartition de la DSU ont fait l'objet d'une réforme dans la loi de finances pour 2017. Il n'est pas souhaitable de décider de manière conjoncturelle, dans le projet de loi de finances pour 2026, de modifier ces critères sans analyse d'impact sur l'ensemble des dotations.
J'entends vos préoccupations, mais je le répète, il est nécessaire de réfléchir à une réforme globale. En même temps, je vous rappelle que la DSU augmentera cette année de 140 millions d'euros.
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour la réplique.
Mme Ghislaine Senée. Oui, il faut entreprendre une réforme globale, mais je m'interroge : dans la mesure où il n'est pas possible de redonner de l'autonomie fiscale, comment le Gouvernement peut-il souhaiter lancer un nouvel acte de décentralisation ? Il y a là une contradiction qu'il faudra régler une bonne fois pour toutes.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, il existe une différence importante entre la part forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement des communes rurales et celle des communes urbaines. En 2025, la part attribuée aux communes de 500 habitants est environ deux fois et demie inférieure à celle des communes de 170 000 à 350 000 habitants.
À plusieurs reprises, le Sénat a adopté des amendements visant à corriger cette disparité. Les gouvernements successifs ont toujours fait en sorte que cette disposition soit retirée des textes budgétaires définitivement adoptés, en promettant, en contrepartie, des travaux visant à remettre à plat le mode de calcul de la DGF. Ces annonces et ces promesses n'ont jamais été suivies d'effet et cette injustifiable différence perdure.
Madame la ministre, ma question est donc très simple : que comptez-vous faire pour remédier à cette situation tout à fait inacceptable ?
M. Stéphane Sautarel. Excellente question !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Maurey, vous avez raison de souligner l'attachement du Sénat à cette question. Bruno Belin a d'ailleurs interrogé le Gouvernement à ce sujet lors d'une séance de questions d'actualité au Gouvernement voilà quinze jours.
Il existe en effet un écart de dotation entre les territoires ruraux et les territoires dits urbains. C'est un motif d'interrogation, comme l'est également la répartition au sein de l'enveloppe dédiée aux villes. C'était d'ailleurs l'objet de la précédente question.
J'y insiste, il est nécessaire d'entreprendre une réforme globale sur l'initiative du Parlement et des associations d'élus. Il faudra à cet effet dire qui fait quoi. Je connais les besoins des territoires ruraux, mais je sais également qu'il existe des fonctions de centralité, y compris dans de petites villes de 15 000 ou 20 000 habitants, qui permettent à des territoires ruraux de se maintenir.
Je rappelle les efforts de l'État. Ainsi, la dotation de solidarité rurale augmentera de 150 millions d'euros, la DSCAR, dotation à destination des seules communes rurales, est passée de près de 42 millions d'euros lors de sa création en 2023 à 110 millions d'euros en 2025.
Il conviendrait de justifier l'écart que vous évoquez, monsieur le sénateur, mais en ayant une approche globale de tous les concours de l'État en faveur tant des territoires ruraux que des territoires urbains.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour la réplique.
M. Hervé Maurey. Madame la ministre, je connais votre attachement à ce sujet. Vous avez d'ailleurs été la première cosignataire d'un amendement que j'ai déposé en ce sens lors de l'examen d'un projet de loi de finances et déclaré à cette occasion en séance publique qu'il fallait " prendre l'engagement de regarder avec courage, au Comité des finances locales (CFL) comme au Sénat, ce sujet ". " Cessons de mettre des rustines et d'inventer des usines à gaz ! ", avez-vous ajouté. Vous avez même affirmé, et nous en attestons : " Le sénateur est endurant, persévérant et conséquent. "
Vous le voyez, nous continuons ce combat. Puisque vous n'avez a priori pas changé d'avis sur le sujet – ce qui est déjà une bonne chose, madame la ministre –, j'aimerais que vous passiez de la parole aux actes, maintenant que vous êtes aux responsabilités, et que ce vrai débat annoncé par tous les gouvernements successifs ait, grâce à vous, enfin lieu. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu.
Mme Marie-Carole Ciuntu. Madame la ministre, l'État est en manque de recettes, mais jamais à court d'inventions pour s'en procurer. Depuis l'année dernière, un dispositif a été inventé afin de retirer aux collectivités locales des recettes fiscales qui leur sont totalement dues, qu'elles perçoivent légalement en application des textes, et ce non pas en fonction de leur bonne ou mauvaise gestion financière, mais à partir d'un calcul basé sur leur potentiel financier par habitant et leur revenu par habitant.
Le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités locales, puisque tel est son nom, est désormais bien identifié par les élus locaux. Et pour cause : la ponction était déjà considérable en 2025, voici qu'elle est doublée dans le projet de loi de finances pour 2026 pour atteindre 2 milliards d'euros. Il est prévu que davantage de communes contribuent et pour des montants beaucoup plus importants.
Ainsi, dans le département du Val-de-Marne, dont je suis élue, trente et une communes sur quarante-sept devront contribuer et la contribution passera de 7,5 millions d'euros à 27,5 millions d'euros. Vous le constatez, nous sommes plus près d'un quadruplement que d'un doublement.
De surcroît, le Dilico, mesure principale d'économie demandée aux collectivités, est loin d'être la seule, puisque l'effort total s'élève à plus de 5 milliards d'euros d'après le Gouvernement. Ce montant serait même supérieur à 7 milliards d'euros d'après d'autres estimations, une fois cumulées toutes les mesures.
Que chacun doive participer à l'effort national, nous pouvons vous rejoindre sur ce point, madame la ministre. Reste que tout est une question de proportion et d'équité. Comme le souligne le rapporteur général, les administrations locales ne sont responsables que de 3% de la progression de la dette depuis 2019. L'effort demandé par le Gouvernement aux collectivités locales dans ce projet de loi de finances pour 2026 pèse, quant à lui, pour 13%.
Notre pays tient debout aujourd'hui en grande partie grâce aux administrations locales, qui entretiennent très largement l'espace public, alimentent l'investissement et font vivre les services publics. Pourquoi s'en prendre à ce qui marche encore ?
Madame la ministre, comptez-vous renoncer au doublement du Dilico pour 2026 ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Madame la sénatrice, je souhaite rendre à César ce qui appartient à César, mais que César a partagé avec l'ensemble des Romains… Le Dilico est une création intelligente et pertinente du Sénat, à qui je rends hommage pour cet ouvrage en réalité coconstruit.
Madame la sénatrice, le sénateur Maurey a rappelé mes propos et je n'ai pas changé d'avis : je sais l'importance du travail conduit par les collectivités pour préserver la cohésion sociale et fournir des services publics. C'est d'ailleurs pour pérenniser ce modèle qu'il nous appartient d'entreprendre, à regret sans doute, un budget de redressement auquel nous devons, à regret également, tous contribuer.
Le Dilico a été créé l'an dernier. En soi, c'est une innovation intéressante, car elle permet de diminuer la dépense des collectivités, non pas en confisquant leurs recettes, mais en retenant une partie de leur capacité de dépense, étant précisé que l'État rendra cette année 30 % de ces sommes. C'est ce que l'on a appelé le Dilico 1 – un intitulé appelant sans doute un Dilico 2. C'est en tout cas ce que prévoit le projet de loi de finances pour 2026, dont vous aurez à débattre très prochainement.
Il appartiendra à l'Assemblée nationale et au Sénat de discuter de l'ensemble des dispositions de ce texte, y compris du Dilico, en ayant toujours en ligne de mire le redressement global de nos finances publiques et le ralentissement de notre niveau de déficit.
Travaillons sur des propositions, comme nous l'avons fait d'une manière très positive sur le Dilico 1.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu, pour la réplique.
Mme Marie-Carole Ciuntu. Le Dilico 1 devait être unique ; or il y a un Dilico 2. C'est ce qui nous pose problème, mais nous travaillerons ensemble pour qu'il ne reste pas en l'état, ce qui serait un trop mauvais coup porté aux collectivités. (M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Frédérique Espagnac. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la création du fonds d'investissement pour les territoires, qui fusionnerait la dotation de soutien à l'investissement local, la dotation d'équipement des territoires ruraux et la dotation politique de la ville.
Présentée comme une simplification, cette réforme suscite pourtant beaucoup d'inquiétudes chez les élus, car, nous le savons bien, ces fusions s'accompagnent trop souvent de baisses de crédits. De fait, il est regrettable de constater qu'à cette fusion s'ajoute une réduction des dotations de 200 millions d'euros. Cette contraction budgétaire fait craindre, au-delà de la simplification annoncée, une dilution des moyens et des priorités. On note par exemple une priorité accordée aux quartiers prioritaires de la politique de la ville sur les territoires ruraux et la DETR.
Ce nouveau fonds envoie un mauvais signal aux élus locaux. Il limitera leurs moyens d'action en plafonnant les sommes allouées, en plus de fusionner les dotations.
Dans la période que nous traversons, nos collectivités ont besoin de stabilité et de visibilité sur les moyens de soutien à l'investissement dont elles peuvent bénéficier.
En privant les collectivités de leur autonomie et en multipliant les fusions de dotations, vous mettez à mal l'esprit même de la décentralisation, cette décentralisation que votre gouvernement promet pourtant d'accélérer.
Comment nos maires peuvent-ils bâtir une stratégie d'investissement solide si les règles changent tous les deux ans, au gré des contraintes budgétaires ?
Madame la ministre, entendez leur appel ! Allez-vous sanctuariser un socle de dotations d'investissement pour garantir enfin aux collectivités la visibilité nécessaire à la conduite des projets dont nos territoires ont besoin ?
De leur côté, les sénateurs du groupe SER resteront pleinement mobilisés pour défendre le maintien de la DSIL, de la DETR et de la DPV sans diminution de moyens ni plafonnement des aides aux projets, dans le respect des principes de la décentralisation et de la confiance envers les élus locaux. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – M. Guislain Cambier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Madame la sénatrice Espagnac, votre interpellation rappelle celle du sénateur Delcros.
J'entends ce qui se dit sur la création du FIT. Je rappelle l'origine de cette proposition : vous le savez comme moi, les commissions d'élus de la DETR examinent des projets pouvant bénéficier à la fois de la DETR et de la DSIL et, quand il n'y a plus assez de DETR, ils prennent sur la DSIL, etc. Vous voyez donc l'intérêt de mutualiser les enveloppes, …
Mme Frédérique Espagnac. Si on ne les plafonne pas !
Mme Françoise Gatel, ministre. … car tous les territoires, y compris les territoires ruraux, en bénéficient. Nous faisons donc une proposition d'officialisation de la mutualisation et de simplification.
Néanmoins, je vous invite à regarder tout ce que mon ministère a produit. Nous avons sacralisé, si je puis dire, la DETR.
M. Patrick Kanner. Sanctuarisé !
Mme Françoise Gatel, ministre. Nous avons fait les deux, sacralisé et sanctuarisé, me semble-t-il.
Connaissant l'attachement très justifié des territoires ruraux à la DETR, j'ai souhaité faire en sorte que celle-ci ne bouge pas en montant et que les conditions d'attribution, donc les territoires éligibles, n'évoluent pas.
Maintenant, je le répète, je connais le poids des mots. Selon vous, supprimer le mot revient à supprimer l'argent, mais nous aurions pu – mon humeur ne vous plaira pas – supprimer et le mot et l'argent ; nous n'avons pas fait cela. Nous avons préservé l'argent, et il vous appartiendra d'en discuter.
Je rappelle simplement que, comme moi, vous avez dû participer à de nombreuses inaugurations. J'y rencontre des maires très heureux d'annoncer qu'ils ont obtenu 100 de DETR, 100 de DSIL, 50 du fonds vert. Je rappelle que c'est bien de l'argent de l'État.
Je devine que nous aurons l'occasion de rediscuter de ce sujet…
M. Patrick Kanner. Rétablissons la réserve parlementaire… (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour la réplique.
Mme Frédérique Espagnac. En effet, nous allons en rediscuter, madame la ministre.
Je le répète, une baisse de crédits de 200 millions d'euros aujourd'hui n'est pas acceptable dans le cadre de cette fusion.
Dans les commissions d'élus de la DETR, les préfets imposent aujourd'hui des plafonds. Ainsi, contrairement à ce que vous prétendez dans votre exemple, les collectivités n'auront pas 100 plus 100 plus 50, mais seulement 100. C'est gravissime au moment où nos collectivités, notamment les plus petites, ont besoin de continuer à investir. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE. – M. Guislain Cambier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la ministre, je ne vous cache pas qu'année après année, ici même, dans la chambre des territoires, quand on demeure un élu local avant d'être un parlementaire, si les formes ne sont pas mises, l'examen du rapport sur la situation des finances publiques locales peut être perçu comme une véritable provocation.
En effet, durant sept ans, nous avons dû supporter un ministre des finances, véritable Schubert de la banqueroute (M. le rapporteur général de la commission des finances rit.), osant se présenter devant nous et nous expliquer avec aplomb que les collectivités étaient responsables de la dérive des comptes publics.
Eh oui, mes chers collègues, il a fallu supporter cela !
Madame la ministre, rassurez-vous, puisque vous fûtes l'une des nôtres et que vous avez vocation à le redevenir (Exclamations amusées. – Mme la ministre acquiesce en souriant.), je suis parvenu, non sans mal, à trouver une vertu à ce rapport.
Il a en effet l'avantage de mettre en lumière deux mondes qui ne se comprennent plus, mais alors plus du tout !
D'un côté, un État protéiforme et suradministré – songez aux administrations publiques centrales (Apuc), aux administrations de sécurité sociale (Asso) et autres administrations publiques locales (Apul) –, toujours plus éloigné des réalités de terrain et noyé dans un sabir technocratique dont le Dilico est le dernier avatar.
De l'autre, des élus locaux hagards, qui, au contact quotidien des populations qu'ils représentent, essayent, tant bien que mal, de mener à bien de plus en plus de politiques publiques, dont au passage l'État se défausse joyeusement sur eux, avec de moins en moins de ressources.
Il est plus que temps de faire œuvre de réconciliation, me semble-t-il. Il y va de notre démocratie et, je le crois profondément, de l'essence même de notre République.
Croyez-vous sérieusement, madame la ministre, que cela soit encore possible ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Hugonet, je vous remercie d'avance de l'accueil que vous me réserverez à mon retour, un jour prochain… (Sourires.)
Plus sérieusement, vous exprimez en des termes très justes ce que les élus disent et ce que les sénateurs et les ministres, parfois, ressentent.
En effet, nous sommes face à un véritable enjeu d'efficacité de l'action publique jusqu'au dernier kilomètre et de simplicité. Aujourd'hui, l'État s'est alourdi au point de s'ankyloser et d'être totalement hémiplégique, parce qu'il s'occupe de tout et qu'aucune des réformes territoriales entreprises depuis plus de dix ans n'a jamais défini ce qui était de son ressort.
Par conséquent, la volonté du Premier ministre d'avancer sur ce que l'on appelle la décentralisation consiste à définir qui fait quoi, quelles sont les responsabilités et comment les choses sont organisées. Je l'ai souvent dit, l'État doit se détendre, c'est-à-dire qu'il doit faire confiance aux élus locaux, qui sont aussi responsables que des ministres : ils ont des projets à mener à terme et ils vivent au milieu de leurs concitoyens, qui sont leurs principaux interlocuteurs. L'efficacité de l'action publique à l'échelon local est avérée.
Il nous faut donc entreprendre ce travail, être dans une relation de confiance avec les élus locaux et redonner, comme l'a fait le Premier ministre François Bayrou, du pouvoir au préfet de département, qui doit être le chef d'orchestre de tous les services de l'État et des agences.
Ici, au Sénat, vous vous êtes beaucoup intéressés à l'efficacité de l'action publique et aux agences. Je ne dis pas qu'il faut supprimer les agences. Elles rendent des services ; il faut réfléchir à la manière dont nous devons optimiser leur organisation. Toutefois, nous souffrons d'un manque de clarté sur le " qui fait quoi " : il y a trop d'intervenants.
Au-delà des dotations qu'il nous faut préserver – je rappelle qu'aujourd'hui nous sommes dans un budget de redressement –, il faut travailler sur le désengorgement des normes et sur la décentralisation.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre. Un budget de redressement, je l'ai dit, n'est pas un budget sans horizon : nous voulons nous redresser pour améliorer les services et redonner des moyens aux collectivités locales.
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.
M. Jean-Raymond Hugonet. Je bois vos paroles, madame la ministre.
En ce qui concerne les agences, la difficulté réside dans le tri, nous l'avons bien compris.
Pour ce qui vous concerne, nous sommes partagés entre le désir de vous voir rentrer au bercail et le fait rassurant de vous savoir là où vous êtes. (Exclamations amusées. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit. – Mme la ministre sourit.)
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Simon Uzenat. Madame la ministre, l'une des questions posées par ce débat est celle de la valeur de la parole de l'État. En effet, pour 2025 était annoncé un effort pour les collectivités à hauteur de 2,2 milliards d'euros ; en réalité, il sera supérieur à 7 milliards d'euros. A priori, à regarder de près le texte budgétaire que vous nous proposez, ce sera le même niveau pour 2026.
Sur l'autonomie fiscale, j'ai bien entendu certaines des réponses que vous avez apportées. Toutefois, lorsque nous observons que les transferts financiers de l'État représentent près de 80% des recettes réelles de fonctionnement et d'investissement pour les départements ou pour les régions, la question demeure.
Le débat, nous le voyons aujourd'hui, est bien celui de la crise des recettes, pour l'État comme pour les collectivités. La suppression de la taxe d'habitation a été financée par de l'endettement, madame la ministre, au prix d'une perte de pouvoir d'agir pour les collectivités.
Sur les ressources de financement d'investissement des collectivités territoriales, notamment rurales, vous apportez des garanties sur le fonds d'investissement pour les territoires, mais, encore une fois, la parole de l'État peut être très largement mise en doute. En effet, depuis le début de l'automne 2025, les acomptes de DSIL, jusqu'à présent autorisés à hauteur de 30 %, ne le sont plus par les préfectures. De même, nous pouvons constater la quasi-disparition du fonds vert, divisé par quatre en deux ans.
Enfin, madame la ministre, pour les régions, nous redisons notre opposition à la transformation de la part de TVA en DGF. Dans votre rapport, vous évoquez une situation financière solide pour les régions, mais la Cour des comptes tient un autre discours. Pour elle, ce sont les régions dont la situation financière s'érode qui sont les plus mises à contribution. Il faut les aider. Êtes-vous prête, notamment sur le financement des mobilités, à envisager une taxe de séjour additionnelle en lieu et place du versement mobilité régional et rural (VMRR) ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Uzenat, je ne voudrais pas, par des réponses rapides, priver le Sénat de débattre du projet de loi de finances et d'apporter lui-même ses réponses. Le Gouvernement présente sa copie et je pense que nous ne nous contredisons pas forcément, même si nous ne disons pas la même chose.
J'ai dit que les départements étaient les collectivités les plus fragiles, et c'est une réalité. J'ai dit que les régions, proportionnellement, reprenaient un peu de couleur après la crise sanitaire, ce qui est vrai. Pour autant, vos chiffres sont exacts.
En même temps, à mon sens, nous ne connaissons pas seulement une crise de recettes : c'est surtout une crise de dépenses. (M. Laurent Somon exprime son désaccord.)
En effet, je cite souvent cet exemple, depuis cinquante ans, nous avons conjugué la fable de La Fontaine, La Cigale et la Fourmi, en étant essentiellement des cigales, sans doute, à chaque fois, pour des motifs justes et à bon escient – sauf qu'à un moment l'ardoise est là. Et nous y sommes !
Quand on a une ambition, comme vous l'avez tous ici, et que l'on veut préserver l'avenir et les services publics, il faut se ressaisir et redresser la situation. C'est désagréable, mais nous proposons de le faire ensemble.
Vous m'interrogez sur deux points.
D'abord, l'État a maintenu ses engagements, à la fois sur la tenue du déficit 2025 – sauf dérapage au mois de décembre, nous serons au niveau de déficit annoncé – et sur le remboursement du Dilico tel que cela est prévu. Si la baisse de dotation aux investissements existe, je l'ai dit, vous ne pouvez nier que, dans un cycle électoral communal normal, l'année du scrutin est une année où l'investissement diminue.
Ensuite, vous appelez à une visibilité accrue et à une véritable pluriannualité. Je suis d'accord avec vous : je me satisferais de voir l'État capable de contractualiser avec des collectivités sur tel ou tel projet, comme il le peut aujourd'hui avec les régions seulement.
Quant au regret que vous exprimez vis-à-vis du non-versement de certains crédits de paiement, certes, je ne crois pas au père Noël, mais il me semble que certains de ces problèmes seront réglés prochainement.
Pour ce qui est de la situation des régions, je ne puis aujourd'hui me prononcer pour ou contre telle ou telle mesure.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre. L'Assemblée nationale a été saisie de plusieurs amendements sur ce sujet. Les services rendus par les régions doivent être financés à la fois par l'impôt et par les dotations. Sur ces dispositions, nous verrons quelle position le Sénat adoptera.
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour la réplique.
M. Simon Uzenat. Madame la ministre, je reprends vos propres mots : " L'ardoise est là. " Oui, l'ardoise du macronisme depuis huit ans ! (Mme la ministre s'exclame.) Quelque 60 milliards d'euros d'impôts n'ont pas été prélevés ; nous en voyons les effets aujourd'hui. Si cet argent avait été effectivement perçu, nous ne connaîtrions pas la crise actuelle. Oui, c'est bien une crise des recettes ! (Mme Ghislaine Senée acquiesce.)
Enfin, madame la ministre, l'arrêt des acomptes de DSIL est une décision de l'État.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Simon Uzenat. Au moment où nous nous parlons, les collectivités ne peuvent plus percevoir les 30 % d'acompte permis jusqu'à présent. Vous en portez la responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Madame la ministre, ma question sera assez courte et rapide. Chacun ici connaît cette antienne, désormais célèbre : " Le Gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez. "
Toutefois, pour qu'il en soit ainsi, il faudrait que le Parlement dispose de la bonne information. En ce qui concerne les collectivités, une fois que j'aurai dressé la liste des documents pertinents à cette fin, nous reconnaîtrons tous que l'exercice est extrêmement difficile.
En effet, afin de recenser et de retracer les 315 milliards d'euros de recettes des administrations publiques locales, il est nécessaire de se référer à sept types de recettes, relevant d'au moins autant de documents différents, que je veux vous énumérer : les prélèvements sur recettes (PSR), qui figurent dans la première partie du projet de loi de finances ; les comptes de la mission " Relations avec les collectivités territoriales ", que l'on trouve dans la deuxième partie ; le compte de concours financiers " Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution " ; la fiscalité transférée et les taxes affectées, recensées dans le tome I de l'annexe Évaluation des voies et moyens ; les dégrèvements et subventions, disséminés entre les différentes missions ministérielles ; les transferts entre administrations de sécurité sociale et administrations publiques locales inscrits au seul projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), à l'instar du versement mobilité ; toutes les recettes locales et subventions européennes, dont le montant est précisé dans le seul rapport de l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL).
Que pouvez-vous nous proposer pour que le Parlement puisse, enfin, disposer pour les débats budgétaires d'une vision claire des recettes des collectivités ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Madame la sénatrice, le sujet que vous évoquez est réel et revient dans le débat chaque année.
Rappelons qu'une proposition de simplification a été examinée par le Sénat. Elle n'a pas abouti, car elle présentait des risques. Disons-le franchement : une bonne idée avait émergé des groupes de travail créés sous la houlette du président Larcher, celle d'une loi de financement des collectivités locales et de leurs groupements. Un tel texte nous aurait offert de la clarté, car nous y aurions retrouvé l'ensemble des éléments relatifs aux collectivités.
Toutefois, cette idée, nous y avons renoncé ! Le Sénat a en effet mesuré les risques de cette proposition et a craint que l'on n'aboutisse à des textes similaires aux lois de financement de la sécurité sociale, où l'on aurait chaque année inventé l'équivalent de l'Ondam (objectif national de dépenses d'assurance maladie) pour les collectivités. De fait, l'ultra-simplification et l'ultra-clarté nécessitent des garanties.
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.
Mme Christine Lavarde. Madame la ministre, vous m'avez répondu sur la prévisibilité. C'est indéniablement une qualité à laquelle les collectivités sont attachées. Je me souviens que, lors de ma campagne pour les élections sénatoriales de 2017, les élus locaux m'interrogeaient déjà sur cette loi de financement, dont l'idée avait été évoquée pendant la campagne présidentielle. Nous sommes en 2025 et elle ne s'est toujours pas concrétisée.
À vrai dire, je vous interrogeais plutôt sur la lisibilité de la maquette budgétaire. Mes collègues de la commission des finances savent que c'est un modeste combat que j'ai commencé à mener auprès de la ministre des comptes publics – je compte bien revenir à la charge régulièrement…
En effet, si nous avions une telle lisibilité, peut-être ne passerions-nous pas des dizaines d'heures dans cet hémicycle à débattre des 5 milliards d'euros de la mission " Relations avec les collectivités territoriales ", sur 315 milliards d'euros, puisque les enjeux réels des collectivités se trouvent ailleurs. Malheureusement, nous ne pouvons en avoir pleinement conscience, parce que nous ne disposons pas de cette vision globale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel. Madame la ministre, nous pourrions revenir sur les nombreuses étapes qui, depuis 1982, ont rythmé les relations financières entre l'État et les collectivités dans leur diversité. Notre pays, malgré ces évolutions, reste très jacobin ; il est même, depuis 2017, plus centralisateur que jamais, à contre-courant de l'histoire et de l'efficacité de l'action publique.
Nous pourrions évoquer tous les chiffres, nous opposer des ratios, des indicateurs, des références, rappeler notamment le triste épisode qui fit subir aux collectivités, entre 2013 et 2017, une baisse aveugle d'un tiers de la DGF – plus de 11 milliards d'euros ! –, une somme qui arrangerait bien aujourd'hui les comptes de nos collectivités. (Mme la ministre acquiesce.)
Sachant que, dans le contexte actuel, il est impossible de dégager une véritable ambition décentralisatrice (Mme la ministre acquiesce.), qui serait pourtant seule à même d'inspirer une réforme profonde, je préfère ici parler du réel, du terrain. Les collectivités territoriales – la commune et le département au premier chef – sont des acteurs du quotidien, qui offrent un service public de proximité et assument les investissements qui font, encore, tenir le pays. C'est notre bien commun à tous et une promesse faite à chacun.
Le véritable enjeu est donc de renouer le pacte de confiance entre l'État et les collectivités territoriales. Si ce pacte est actuellement très largement affaibli, c'est parce que l'État, d'une part, s'enferme dans une vision court-termiste pour boucler son budget, comme un ménage dépensier en difficulté tente de boucler ses fins de mois, d'autre part, impose des contraintes à son voisin, alors que celui-ci ne cesse de faire des efforts pour offrir un visage encore présentable.
Je souhaite donc vous soumettre trois attentes urgentes, madame la ministre, en espérant que vous partagez ces préoccupations. Vous me direz ce qu'il en est.
Premièrement, comme en 2025, il faudrait ne pas aller au-delà de 2 milliards d'euros de ponctions, tout en limitant au maximum la contribution des communes, dans l'attente d'une vraie réforme systémique.
Deuxièmement, il faudrait répondre, enfin, aux besoins à la fois structurels et urgents des départements.
Troisièmement, il faudrait conserver non seulement le cadre actuel du Dilico, tout en allégeant les normes, afin de conserver notre trajectoire jusqu'en 2029, mais aussi le périmètre des aides à l'investissement au sein de la DETR, aides auxquelles nous sommes tous très attachés .
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Sautarel, je reconnais dans vos suggestions la sagesse et la précision bien connues du Sénat, mais je relève aussi que vous préféreriez que je réponde par " oui " ou par " non " à chacune d'entre elles. Dès lors, je crains de vous décevoir en me refusant à cette approche binaire et en vous répondant qu'il appartiendra au Sénat, suivant la formule citée par Mme Lavarde, de débattre et de voter.
Je dis une nouvelle fois très sincèrement ce que vous savez pertinemment : la cohésion sociale dépend avant tout de l'engagement des collectivités et des élus locaux – nous l'avons vu dans toutes les crises. Je ne dirai jamais le contraire. En même temps, nous savons tous aussi que l'État est très engagé en faveur de la justice et de la sécurité.
Je suis d'accord avec vous : nous avons besoin de visibilité. Je l'ai dit tout à l'heure : l'annualité budgétaire génère une incapacité à travailler, alors même que les collectivités, en particulier les départements, ont des charges fixes très lourdes et des recettes aléatoires. La recentralisation actuelle résulte, entre autres choses, du recours accru à des dotations financières et à des compensations plutôt qu'à des recettes propres aux collectivités, ce qui suscite bien des incertitudes ; je suis la première à le reconnaître. Lorsque vous laissez aux collectivités un levier fiscal, en revanche, tout dépend de leur capacité à lever l'impôt et du rendement de celui-ci ; il y a donc un effort de péréquation à mener.
Le Dilico, fruit d'un effort de coconstruction entrepris l'an dernier par le Sénat et le Gouvernement, connaît cette année sa saison 2, si je puis dire, via la copie que nous soumettons au Parlement. J'ai bien conscience des débats qu'il suscite et des questions que vous posez. Il nous appartiendra d'avoir ensemble un dialogue franc, sans oublier le montant de l'endettement – vous le connaissez mieux que quiconque – et l'ampleur de l'effort de redressement que nous devons consentir. À l'intérieur de ce cadre, nous pouvons faire bouger les choses, mais l'objectif doit être préservé.
Sur l'allégement des normes, j'ai comme vous une obsession : la norme doit être utile et pertinente ; en revanche, elle ne doit pas être superfétatoire et empêcher d'agir.
Je proposerai donc dans les prochains jours au Premier ministre d'organiser, autour du Conseil national d'évaluation des normes,…
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre !
Mme Françoise Gatel, ministre. … un travail rigoureux et pérenne d'évaluation des normes existantes, car il nous faut agir tant sur le stock que sur le flux pour retrouver des capacités.
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Somon. Madame la ministre, le Dilico, adopté dans la dernière loi de finances sur l'initiative du Sénat, a un effet de bord très net : il pénalise les intercommunalités les plus intégrées, c'est-à-dire celles dont le coefficient d'intégration fiscale (CIF) est supérieur à 60%, qui sont pourtant celles qui ont fait l'effort majeur de mutualiser leurs services pour maîtriser leurs charges.
Le cas d'Amiens Métropole est typique de cette situation. Avec un CIF au-delà de 60%, elle compte parmi les 72 EPCI (établissements publics de coopération intercommunale), sur 1 254 en France, qui ont poussé à leur terme la logique historique du bloc communal : intégrer, mutualiser, rationaliser. Pourtant, elle se voit imposer au titre du Dilico une contribution dépassant 3,4 millions d'euros, soit plus de 2% de ses recettes de fonctionnement, et ce du seul fait qu'elle contribue à la compensation des intercommunalités qui bénéficient de plafonnements ou d'exonérations.
En d'autres termes, on impose aujourd'hui plus lourdement ceux qui ont déjà fait l'effort de réduire leurs coûts de fonctionnement, alors que le législateur considérait explicitement qu'un CIF de 60 % était un niveau d'intégration exceptionnel et souhaitable.
Nous proposerons donc lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2026, à enveloppe constante, d'intégrer dans le Dilico 1 une modulation favorable à ces intercommunalités, à savoir un coefficient réducteur spécifique aux EPCI dont le CIF dépasse 60 %, sur le modèle de celui dont bénéficie déjà la métropole de Lyon. L'idée est simple : récompenser l'intégration réelle plutôt que la sanctionner.
Nous ne doutons pas de la nécessité de partager l'effort pour réduire les déficits, mais cela doit se faire de manière juste et égale.
Madame la ministre, êtes-vous prête à envisager l'introduction, dès cette année, d'un coefficient réducteur spécifique pour les EPCI très fortement intégrés, afin d'alléger leur contribution au titre du Dilico 1 et de rétablir, pour les années qui viennent, une cohérence économique dans le financement du bloc communal ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, votre question s'apparente davantage à une suggestion, elle-même amenée à se traduire dans un amendement au projet de loi de finances…
De manière générale, sans fuir votre question, je rappellerai l'objet initial du Dilico : limiter la dépense des collectivités ; nous souhaitons que l'effort de compensation par l'État soit poursuivi à hauteur de l'engagement pris par lui l'année dernière. Il appartiendra au Sénat de débattre de cette proposition d'aménagement du Dilico 2 et de ses conditions économiques, notamment de restitution.
Vous comprendrez donc que je ne puisse répondre par " oui " ou par " non " à votre question, parce que c'est ici que se tiendra le débat budgétaire sur les collectivités. Nous discuterons alors ensemble et nous verrons à quoi nous aboutirons.
En tout cas, soyez assuré, monsieur le sénateur, même si cela ne suffit pas à votre bonheur, que j'ai bien entendu votre question.
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour la réplique.
M. Laurent Somon. Pour rebondir sur les propos de ma collègue Marie-Carole Ciuntu, je souligne combien il importe de récompenser les vertueux qui ont déjà fait des efforts de maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement, en tenant bien compte du caractère communal ou intercommunal de cette gestion.
Source https://www.senat.fr, le 25 novembre 2025