Texte intégral
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur le thème : " Quelles réponses apporter à la crise du logement ? "
Je vous rappelle que dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s'il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l'orateur disposera alors à son tour du droit de repartie, pour une minute.
Monsieur le ministre, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura retrouvé une place dans l'hémicycle.
Dans le débat, la parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis trois ans, notre pays s'enfonce dans une crise du logement sans précédent, dont les effets dramatiques sur le pouvoir d'achat, la qualité de vie et les parcours résidentiels engendrent découragement, frustration et même colère chez nombre de nos concitoyens.
Nous en connaissons les causes. Certains décrivent cette crise comme un phénomène exogène et conjoncturel, que la baisse des taux viendrait résoudre comme par magie. Je crois au contraire qu'elle a des racines structurelles, à savoir les renoncements et les coups de canifs portés à la politique du logement dans notre pays depuis 2018.
Nous connaissons aussi les chiffres et les drames que ceux-ci reflètent bien souvent. Rappelons que la construction neuve est loin d'avoir retrouvé son niveau d'avant la crise sanitaire, que plus d'un Français sur deux déclare avoir des difficultés à se loger et que le taux d'effort des ménages sur le logement a atteint un niveau inégalé.
Ce qu'il nous manque aujourd'hui, c'est une action publique résolue et volontariste en faveur du logement, et s'inscrivant dans la durée.
La crise du logement est un sujet trop grave pour faire les frais de l'instabilité politique. Depuis un an, nous agissons par petites touches, au gré de propositions de loi sectorielles. Je pense, par exemple, à la régulation de la location meublée touristique ou à la transformation des bureaux en logements : ces textes sont assurément utiles, mais ils ne donnent ni un cap ni un souffle à notre politique du logement !
Il est temps de reconstruire les fondations d'une politique de moyen terme, à la hauteur de la promesse républicaine du droit au logement. C'est pourquoi, comme je l'ai annoncé l'été dernier, je déposerai prochainement une proposition de loi de refondation de la politique du logement ; aucun segment ne sera écarté.
La première pierre à l'édifice de cette refondation doit être, me semble-t-il, la programmation. C'est indispensable : comment agir dans la durée sans se fonder sur une vision partagée de l'ampleur de la tâche ? Cessons de naviguer à vue ! Les élus locaux et les acteurs économiques ont plus que jamais besoin de visibilité.
Pour refonder la politique du logement, il nous faut avancer sur nos deux jambes : le logement privé et le logement social. Ne nous enfermons pas dans une opposition stérile entre les deux.
Appuyons-nous sur les bailleurs sociaux. Ils peuvent jouer un rôle contracyclique déterminant. Il faut leur redonner des marges de manœuvre pour relancer la production de logements.
Le budget 2025 avait marqué une avancée, grâce à Valérie Létard, en réduisant de 200 millions d'euros la réduction de loyer de solidarité, la fameuse RLS, source d'économies budgétaires pour l'État au détriment des capacités d'investissement du secteur. Hélas, dans sa version actuelle, le projet de budget 2026 revient en arrière : en plus de rétablir cette ponction contre-productive, il augmente considérablement la contribution des bailleurs sociaux au fonds national des aides à la pierre, le Fnap.
C'est d'autant plus regrettable que, depuis 2018, l'État s'est totalement désengagé du Fnap, qui est dans une situation financière critique, comme l'a rappelé en juillet dernier notre collègue Jean-Baptiste Blanc, que je salue.
Alors qu'il faudrait des mesures contracycliques pour permettre aux organismes HLM de répondre à la crise, c'est précisément le chemin inverse que prend le nouveau gouvernement.
Nous devons ensuite bâtir un pacte renouvelé avec les élus locaux. La planification se fait avant tout à l'échelle locale : faisons confiance aux maires et renforçons leurs moyens d'action, notamment en matière de foncier, véritable clé de la relance.
Plusieurs évolutions récentes doivent être poursuivies, comme la transformation des bureaux en logements, qui n'est pas suffisante, ou encore les adaptations à la trajectoire zéro artificialisation nette adoptées par le Sénat via la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux (Trace).
En matière de logement social, nous avons déjà assoupli, en 2022, le cadre posé par la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) : nous pouvons et devons aller plus loin, pour prendre davantage en compte les contraintes de nos territoires et leurs spécificités.
Il s'agit enfin de répondre au sentiment de dépossession des maires dans l'attribution des logements sociaux, et de les replacer au centre des décisions.
Il convient aussi de relancer l'investissement locatif. À cet égard, je défends depuis plusieurs années la création d'un véritable statut du bailleur privé : il est temps de voir les propriétaires non plus comme les profiteurs d'une rente, mais bien comme des contributeurs essentiels à la vie économique et sociale de notre pays.
Appuyons-nous pour cela sur le travail de notre collègue Marc-Philippe Daubresse (M. le ministre acquiesce.) pour faire aboutir enfin ce statut du bailleur privé au cours des prochaines discussions budgétaires.
M. Marc-Philippe Daubresse. Tout à fait !
Mme Dominique Estrosi Sassone. Ce dispositif doit encourager l'investissement dans le neuf, mais aussi dans l'ancien, car ce parc est un réservoir immédiatement mobilisable.
En outre, n'envisageons pas le statut du bailleur privé seulement sous l'angle de son coût, comme Bercy a tendance à le faire : c'est un véritable choc d'investissement qu'il s'agit de créer, source de recettes nouvelles pour l'État et pour nos collectivités. Ne nous contentons pas d'un compromis frileux qui dénaturerait le dispositif avant même de l'avoir fait vivre. Monsieur le ministre, avec Marc-Philippe Daubresse, le Sénat sera au rendez-vous sur ce statut du bailleur privé !
Enfin et surtout, il faut débloquer les parcours résidentiels. Relancer l'accès à la propriété est une urgence politique. Pour les classes moyennes, ne pas parvenir à sortir du parc locatif est une source de frustration, qui alimente le sentiment de déclassement et d'assignation à résidence. C'est malheureusement le terreau du ressentiment dont nous voyons aujourd'hui les effets sur l'échiquier politique.
Outre le maintien de la généralisation du prêt à taux zéro (PTZ), il nous faut encourager l'accession sociale à la propriété. Comme l'a décidé l'Assemblée nationale, le prêt à taux zéro doit être ouvert aux logements acquis une première fois en bail réel solidaire (BRS), pour ne pas gripper les parcours résidentiels des classes moyennes, à qui ce produit est destiné, et ne pas créer un véritable goulet d'étranglement.
Face à la crise, durable et multifactorielle, aucun segment du logement ne doit être négligé, aucune solution ne doit être écartée. Surtout, il nous faut rompre avec les réponses par à-coups : il nous faut regarder loin, fixer un cap clair et penser une politique de moyen terme pour redonner confiance à ceux qui construisent, investissent et font vivre nos territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Viviane Artigalas applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie Dominique Estrosi Sassone d'avoir dit les choses si clairement et de porter le combat du sauvetage – je pense qu'on peut le nommer ainsi – du logement depuis tant d'années, y compris au travers de l'action de la commission des affaires économiques, qu'elle préside avec talent.
Sa volonté de sortir de la crise du logement n'est plus à démontrer, puisqu'elle a elle-même été corapporteur, avec les sénatrices Gacquerre et Artigalas, d'une mission d'information dont le rapport m'a été très utile pour ma prise de fonctions. Je tenais à vous en remercier, madame la sénatrice.
Vous avez raison, madame Estrosi Sassone, de parler de découragement, de frustration, de colère. Nous sommes face à une crise d'ampleur, à une crise majeure, et il va falloir ouvrir les yeux à tous ceux qui n'auraient pas encore perçu la réalité de la crise qui nous attend, de cette bombe sociale qu'est la crise du logement. C'est pour cela que je suis très heureux que nous ayons ce débat aujourd'hui.
Nous mesurons qu'il existe encore énormément de clichés, notamment une volonté farouche de considérer que la France des propriétaires est dépassée, qu'elle est derrière nous. Il faut absolument battre cette idée en brèche. Je crois, au contraire, comme vous l'avez très justement rappelé, qu'il faut donner un rôle crucial et central aux familles qui souhaitent investir, non pas dans la finance, mais dans la pierre et, ce faisant, fournir un logement, une habitation digne et décente à des familles françaises qui en ont grand besoin. Un quart des ménages français sont logés par de petits propriétaires qui ont investi dans la pierre.
J'aurai l'occasion d'y revenir en répondant aux différents intervenants, mais je peux dire d'ores et déjà que je souscris à certains de vos constats.
Oui, cette crise du logement dure, depuis maintenant longtemps. Il faudra donc lui apporter une réponse inscrite elle aussi dans la durée. Cela passe, vous l'avez dit, par la programmation et par une synergie absolument fondamentale entre le social et le privé.
Bien sûr, il faut décentraliser et donner beaucoup plus la main aux maires, et c'est un ancien maire, dont je puis vous assurer qu'il n'a pas oublié les années où il exerçait un mandat local, qui vous le dit.
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre. Il faut évidemment soutenir le statut du bailleur privé.
Je reviendrai sur les autres points et vous remercie de ce propos introductif.
Mme la présidente. Dans la suite du débat, la parole est à Mme Amel Gacquerre.
Mme Amel Gacquerre. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour commencer, je veux vous faire part de mon incompréhension.
Voilà quelques semaines, j'ai publié une tribune, cosignée par mes collègues du groupe Union Centriste, qui appelait le Gouvernement à prendre la mesure de la grave crise du logement que nous traversons et à faire du logement la grande cause nationale 2026, tribune que je me suis empressée d'adresser directement au Premier ministre ; vous n'étiez pas encore en fonction, monsieur le ministre. À ce jour, nous n'avons reçu aucune réponse, aucune réaction.
Pourtant, ce n'était pas un simple exercice de communication : c'était un cri d'alarme, appelant à regarder ce qui se passe dans notre pays, dans l'ensemble de nos territoires, à prendre la mesure de la détresse des millions de Français qui sont dans l'impossibilité de se loger dignement, voire de se loger tout court.
C'était un appel à voir qu'un pan entier de notre économie vacille sous l'effet de la baisse historique des constructions neuves, des transactions immobilières, des reports en cascade des projets de rénovation.
Au regard de la situation plus que critique que traverse le secteur, faire du logement la grande cause nationale 2026 serait tout à fait justifié. Nos appels à l'engagement pour un logement pour chacun, quel qu'il soit, méritent d'être entendus. Le débat inscrit à l'ordre du jour de la séance publique de cet après-midi va dans ce sens. J'en profite pour saluer le groupe Les Républicains, qui en a pris l'initiative.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 350 000 personnes sont aujourd'hui sans domicile, nombre qui a plus que doublé depuis 2012, et 2,8 millions de ménages sont dans l'attente de l'attribution d'un logement social, alors que seulement 82 000 logements sociaux ont été financés en 2024, le pire résultat depuis vingt ans.
Cette crise touche tous les secteurs, tous les publics – les étudiants, les salariés, nos aînés… – et elle affecte directement le pouvoir d'achat des Français, le logement représentant près de 30 % de leurs dépenses. C'est le premier poste de dépenses, loin devant l'alimentation ou les transports.
Face à cette urgence absolue, nous devons bâtir une politique du logement sur trois horizons temporels : à court, moyen et long termes. En effet, ce dont souffrent véritablement les acteurs du logement, c'est du manque de stabilité et de visibilité. Une politique du logement ne doit pas subir l'instabilité politique que nous traversons : elle exige une continuité.
Cette ambition doit se traduire par une politique volontariste, bien sûr dotée de moyens, et articulée autour de quatre axes majeurs.
Premier axe : redonner confiance aux bailleurs privés, en créant un statut attractif, afin de relancer l'investissement locatif, comme cela a été soutenu par nos collègues.
Deuxième axe fort : réhabiliter l'accession à la propriété, afin que celle-ci redevienne un objectif atteignable pour les classes moyennes et populaires, par exemple en maintenant l'extension du prêt à taux zéro et en développant le bail réel solidaire.
Troisième axe : la relance massive de la construction de logements sociaux, en redonnant prioritairement des capacités d'investissement aux bailleurs ; en maintenant à tout le moins la réduction de loyer de solidarité au niveau actuel, soit 1,1 milliard d'euros, comme l'avait soutenu Valérie Létard pour le PLF 2025 ; en sécurisant le fonds national des aides à la pierre, qui a été sacrifié dans la copie initiale du PLF 2026 ; en soutenant les collectivités territoriales qui construisent ; enfin, en simplifiant les normes qui alourdissent les coûts de construction.
Quatrième et dernier axe : la refonte de la politique de rénovation des logements. Le dispositif MaPrimeRénov', dont on peut saluer le succès, a connu d'importantes difficultés en 2025. Ces incertitudes permanentes découragent les ménages et paralysent les professionnels du bâtiment.
Le logement n'est pas un sujet technique parmi tant d'autres : c'est le premier poste de dépenses des Français et celui qui conditionne leur capacité à se projeter dans l'avenir.
Nous avons le devoir d'apporter des réponses concrètes, ambitieuses et durables. Monsieur le ministre, quels engagements prenez-vous en ce sens ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Madame la sénatrice, vous avez raison de pousser ce cri d'alarme et je veillerai à ce que la tribune que vous avez adressée au Premier ministre obtienne réponse.
Je souscris à vos priorités et, comme vous le savez, puisque nous avons déjà eu l'occasion de nous rencontrer et d'échanger à ce sujet, je considère qu'il est fondamental que nous puissions apporter un certain nombre de réponses et sécuriser, avec une vision de long terme, les différents outils que vous avez évoqués.
Votre premier point – redonner confiance – est absolument crucial. J'ai déjà pu échanger sur ce point avec Marc-Philippe Daubresse : redonner confiance à tous ceux qui participent à la construction et à la production de logements dans notre pays est fondamental.
Nous devons évidemment aller plus loin. Je pense que j'aurai l'occasion d'y revenir, le débat budgétaire doit conduire à préciser les modalités de soutien de l'aide à la pierre et à permettre aux bailleurs sociaux de jouer un rôle éminent dans la résolution de cette crise. Nous l'avons dit, aucun logement privé ne sort de terre aujourd'hui si l'on ne soutient pas le logement social à certains endroits et, inversement, on ne construit pas de logements sociaux sans opérations conjointes avec le privé. Cette symbiose est fondamentale ; il faut évidemment la soutenir.
Votre cri d'alarme est très juste, car la crise que nous évoquons ici est multiple.
C'est évidemment une crise économique : un pan entier de notre économie, de notre industrie, est menacé si nous ne faisons rien.
C'est également une crise écologique : si nous n'avons pas la capacité d'agir sur la rénovation – sujet qui vous tient particulièrement à cœur, madame la sénatrice –, notamment de l'ancien, des passoires thermiques continueront d'exister.
Enfin, c'est évidemment une crise sociale. Il s'agit d'une bombe à retardement énorme. J'ignore si nous pourrons faire du logement une grande cause nationale, mais celui-ci mérite au moins que nous nous en fassions tous aujourd'hui une grande cause et une urgence. En effet, derrière la question du logement, il y a des familles qui ne se logent pas correctement, dignement, voire qui ne se logent pas tout court et qui, par conséquent, ne peuvent pas étudier, travailler, s'insérer, bref, faire partie de notre pays, de notre société. C'est évidemment inacceptable.
Faire en sorte de développer avec vous, en coconstruction, un grand plan pour le logement, un plan d'urgence pour que, demain,…
Mme la présidente. Veuillez conclure.
M. Vincent Jeanbrun, ministre. … les Français puissent se loger dignement, c'est tout le sens de la mission que m'a confiée le Premier ministre.
Mme la présidente. La parole est à Mme Amel Gacquerre, pour la réplique.
Mme Amel Gacquerre. Merci beaucoup de votre réponse, monsieur le ministre. J'ajouterai simplement un point sur un sujet que vous avez évoqué ; la question du logement comporte des volets extrêmement nombreux, tous importants, mais je veux m'attarder sur celui de la rénovation énergétique.
Nous avons bien conscience du contexte budgétaire. Or, si nous devons évidemment mobiliser des fonds publics, il est également possible de mobiliser des fonds privés. Je n'ai pas pu évoquer le sujet de la " banque de la rénovation ", que j'ai déjà eu l'occasion d'aborder avec vous ; nous pourrions en parler longuement. Cet outil mutualisé entre banques volontaires permettrait de mobiliser davantage les financements privés.
La création de cet outil a été préconisée par la mission d'information que j'ai présidée et dont ma collègue Marianne Margaté, ici présente, était rapporteure, avec d'autres acteurs, comme Yannick Borde, président de Procivis.
Je vous invite à regarder ce projet de près et à le soutenir. Merci beaucoup !
Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'interruption de l'examen du projet de loi de finances pour 2026 à l'Assemblée nationale n'augure rien de bon pour le logement, alors que la France traverse aujourd'hui une crise sans précédent dans ce domaine.
Les causes de cette crise sont multiples et bien connues : augmentation du coût du foncier et des prix de la construction, arrêt des chantiers, parc vieillissant, métropolisation, fiscalité locative trop importante, durcissement des conditions de crédit et relations complexes entre bailleurs et locataires. Tous les indicateurs sont dans le rouge.
Cette situation a des conséquences catastrophiques dans nos territoires : nos concitoyens n'investissent plus, l'offre se tarit, certains sont mal logés et d'autres ne le sont pas du tout, le logement affecte trop fortement notre pouvoir d'achat, nos entreprises sont à la peine, nos finances publiques sont affectées, l'équilibre de nos territoires est menacé.
Cette crise est le produit de dynamiques économiques, sociales, fiscales et territoriales. Nous devons agir sur tous ces sujets en même temps. C'est une urgence sociale et économique.
Parce qu'elle est multifactorielle, cette crise ne pourra être résolue par une seule loi ou par quelques apports au projet de loi de finances. Nous pouvons toutefois, à ce stade, saluer des propositions avancées lors de l'examen du budget à l'Assemblée nationale, comme l'augmentation des plafonds d'opération du prêt à taux zéro ou la volonté d'introduire un statut de bailleur privé.
Néanmoins, il nous faut une vision globale et une volonté politique, car la situation ne cesse d'empirer.
En Haute-Savoie, la production de logements neufs s'est effondrée. En 2024, à peine 1 500 logements ont été vendus, contre plus de 4 200 en 2019. Dans le même temps, la population augmente de plus de 1 % par an depuis 2014, ce qui représente près de 7 900 habitants supplémentaires chaque année.
Comment répondre aux besoins de nos habitants ?
Nous devons agir sur la demande en relançant l'accession à la propriété pour réduire la pression sur le marché locatif. Néanmoins, étant donné que l'État ne peut pas loger tous les Français et que tous les Français ne peuvent pas être logés dans le parc social, nous devons aussi agir sur l'offre. Je rappelle à mon tour que 25 % des Français sont locataires dans le parc locatif privé !
Nous devons multiplier les sources de logements, donc encourager l'investissement locatif, dans le neuf comme dans l'ancien.
Cet effort passe nécessairement par la fiscalité. Il faut améliorer la rentabilité de la location à usage de résidence principale. Rehaussons le taux d'abattement du régime micro-foncier pour la location nue, afin de rendre la location de longue durée plus attractive, sans pour autant resserrer la vis de la location meublée.
Il faut rééquilibrer la relation entre propriétaires et locataires. Le durcissement des mesures contre le squat et la délinquance, qui a été évoqué, est nécessaire dans les logements sociaux, mais également dans le parc privé : les propriétaires ont peur des impayés et des dégradations. Il faut restaurer la confiance pour redonner de la fluidité au marché.
Il convient de repenser l'aménagement du territoire, en incluant dans notre réflexion les mobilités, les activités économiques, les services publics et les transports. L'offre doit pouvoir se développer sur l'intégralité de nos territoires afin d'alléger la pression qui pèse sur les métropoles. Nos territoires sont riches et variés ; profitons-en !
Nous devons poursuivre dans la simplification. De fait, construire ou réhabiliter est devenu un parcours du combattant : l'accumulation des procédures et des contraintes paralyse l'action publique et nous empêche de répondre aux besoins de nos habitants.
C'est pourquoi nous attendons avec impatience que soit inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale la proposition de loi de notre collègue Amel Gacquerre visant à clarifier les obligations de rénovation énergétique des logements et à sécuriser leur application en copropriété. De même, nous attendons la promulgation de la loi de simplification du droit de l'urbanisme et du logement.
Alors que les conséquences de cette crise ont un impact négatif sur nos recettes publiques, entre contraction des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et perte de TVA pour l'État, la politique du logement coûte par ailleurs, chaque année, près de 40 milliards d'euros à nos finances. Nous devons mieux cibler les besoins.
La politique du logement doit être incitative pour les particuliers bailleurs, protectrice pour les plus fragiles et cohérente avec nos objectifs de transition écologique.
Notre débat d'aujourd'hui est utile, mais nous devons désormais passer à l'action. Monsieur le ministre, vous aviez parlé d'un plan d'urgence pour le logement. Nous l'attendons !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Monsieur le sénateur, vous avez raison : il va falloir que nous envoyions un électrochoc.
C'est d'ailleurs tout l'objet du rapport de votre collègue Marc-Philippe Daubresse et du député Mickaël Cosson, qui souhaitent que les investisseurs comprennent qu'il est de nouveau rentable d'investir dans la pierre. C'est un vrai enjeu compte tenu de l'urgence à laquelle nous devons faire face.
Il est bien évident que, si plan logement il y a, nous devrons le coconstruire ensemble. À cet égard, la crise politique que nous traversons, liée à l'absence de majorité, doit être vécue non pas comme une souffrance, mais presque comme une chance, puisque c'est l'occasion de se mettre autour de la table pour discuter et d'avoir un moment parlementaire inédit sous la Ve République.
Ce grand plan devra aller au-delà de la simple question de la fiscalité : il devra restaurer la confiance, comme nous l'avons dit tout à l'heure. Cette confiance passe par un élément très simple : pour qu'un propriétaire ait la garantie de percevoir un loyer, il faut que son logement soit occupé. Autrement dit, il faut accélérer un certain nombre de procédures en cas de squat – je répète que des progrès ont déjà été réalisés sur ce point grâce à la loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite, dite « loi Kasbarian » – et d'impayés, de façon à balayer les inquiétudes.
Il est vrai qu'aujourd'hui, quand bien même nous redonnerions un peu d'oxygène et de respiration fiscale à l'investissement dans la pierre, le risque subsiste que l'investisseur potentiel, en allumant sa télévision, voie des histoires de squats à répétition et se décourage face à ce risque. Notre rôle est de le rassurer et de faire en sorte que la confiance revienne.
Vous avez dit que le logement devait aussi, dans le cadre de la politique d'aménagement de notre territoire, être partout et pour tous. Cela tombe bien : c'est, à mes yeux, le « sous-texte » du plan logement. Nous devons repenser le logement, non seulement dans les zones tendues et les zones denses, mais bien sur l'ensemble du territoire.
C'est d'ailleurs pour cette raison que la question de la rénovation est elle aussi fondamentale : il est des parties de notre territoire national où construire du neuf, a fortiori en grande quantité, n'aurait pas de sens, mais où, en revanche, il existe déjà des maisons, des logements qu'il suffirait de rénover, de réhabiliter pour avancer.
Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour la réplique.
M. Cyril Pellevat. Monsieur le ministre, je vous remercie des éléments clairs que vous avez apportés.
Il faut bien évidemment rétablir la confiance pour les personnes qui veulent investir, ainsi qu'une forme de stabilité. Nous en avons besoin.
Nous voyons, sur certains territoires, notamment sur des territoires dynamiques, comme celui de la Haute-Savoie, que des entreprises précédemment fortes commencent à couler parce que nous n'arrivons pas à produire des logements ; j'ai rappelé les chiffres.
Comme vous l'avez dit, il faut effectivement une coconstruction, avec une prise en compte des enjeux locaux.
Un département comme la Haute-Savoie, qui, je le répète, accueille, en moyenne, 7 900 nouveaux habitants par an – parfois 13 000 et parfois 5 000 –, a besoin de cette production et de cette confiance ! Nous devons nous aussi pouvoir aller de l'avant sur ce sujet.
Il faut également que nous prenions en compte les spécificités du diagnostic de performance énergétique (DPE) et de la rénovation dans les stations de montagne, qui est aussi un enjeu très important sur nos territoires.
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Berthet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Martine Berthet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est du logement des jeunes que je souhaite vous parler dans le cadre de ce débat. Ce sujet du logement vu à travers le prisme des 18 – voire 16 – à 30 ans a fait l'objet d'un rapport d'information récent, que j'ai eu l'honneur de rédiger avec mes deux collègues corapporteurs.
Apprentis, alternants, étudiants, jeunes ménages, primo-accédants, saisonniers : voilà une jeunesse qui travaille, mais qui ne peut plus se loger.
Les jeunes cumulent les obstacles : revenus modestes et instables, contrats courts, manque de garanties familiales, mais aussi concurrence sur le marché privé face à des ménages plus solvables et, tout simplement, grave pénurie de logements dans notre pays.
Les logements trop petits, les passoires énergétiques, les appartements surpeuplés à cause des colocations sont une réalité qui touche autant les grandes villes que les territoires ruraux, où l'offre adaptée est presque inexistante.
Or la politique du logement des jeunes est aujourd'hui centrée sur les étudiants, alors que les jeunes non étudiants sont majoritaires à partir de 21 ans. Si le plan estudiantin, lancé en janvier 2025, est nécessaire, ses mesures doivent absolument être élargies aux jeunes actifs et prolongées jusqu'en 2030.
C'est l'objet d'une partie de nos recommandations, qui prévoient aussi une programmation territorialisée et une plateforme nationale regroupant tous les logements sociaux et intermédiaires accessibles aux jeunes, au-delà du seul public étudiant.
En effet, il faut dépasser la segmentation artificielle entre étudiants et jeunes actifs et expérimenter des modèles mixtes incluant les saisonniers. La fragmentation des offres n'est plus tenable face à la réalité de la porosité des statuts des jeunes.
Pour les saisonniers, nous devons aller au-delà du bricolage et élaborer des solutions de logement ad hoc. Les résidences à vocation d'emploi, comme celles qui ont été adoptées par notre commission dès 2024, sont une bonne solution. Certains territoires commencent, en outre, à développer des résidences mixtes.
Enfin, nous recommandons de mieux mobiliser le parc social classique et d'accélérer la production de logements consacrés aux jeunes. Je pense notamment au développement de petites surfaces, à la reconversion de grands logements, à l'expérimentation de la cooptation encadrée des colocataires et à la récupération des charges via un forfait.
Nous proposons de renforcer la communication autour de la garantie Visale afin d'en améliorer l'acceptabilité auprès des bailleurs privés et publics.
Par ailleurs, les jeunes ont une forte aspiration à l'accès à la propriété, contrairement à ce que certains peuvent penser. Aussi, n'alimentons pas leur sentiment de déclassement ! Il faut s'inspirer de modèles mis en œuvre ailleurs, tout en gardant les avancées du projet de loi de finances pour 2025 et du prêt à taux zéro généralisé.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous redonner confiance, en l'aidant à se loger, à une génération – l'une des plus pessimistes d'Europe – qui doute de sa place dans notre société ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Madame la sénatrice, je vous remercie du rapport d'information que vous avez présenté à la commission des affaires économiques du Sénat le 15 octobre dernier. Il a permis de mettre en lumière les difficultés majeures que vous venez de rappeler en matière de logement des jeunes.
J'ai bien noté vos constats sur la situation économique et sociale particulièrement alarmante de la jeunesse et les deux moments clés de leur parcours résidentiel que vous avez très bien identifiés, à savoir le départ du domicile parental et l'accès à un logement autonome, d'abord en tant que locataire, puis en tant que propriétaire.
Permettez-moi de saluer le sérieux et la rigueur de vos travaux, qui vous ont notamment conduits à organiser dix-huit auditions et à entendre vingt-deux représentants d'administrations, d'associations, de bailleurs sociaux et d'élus locaux. Cette maille fine a été particulièrement utile, ces contributions offrant un panorama complet et très précieux pour orienter les politiques publiques.
Vous avez rappelé des éléments importants concernant les étudiants et les saisonniers, pour lesquels on voit bien la nécessité de disposer d'offres adaptées, voire sur mesure ; peut-être parlerons-nous des tiny houses, ou petites maisons. Quoi qu'il en soit, il faut probablement que nous innovions sur ces sujets.
Je le dis, vous m'avez aidé en mettant en lumière la segmentation artificielle des parcours entre jeunes actifs et non actifs, laquelle marque encore trop profondément la manière dont nous concevons nos politiques publiques.
Enfin, vous avez souligné la nécessité d'adapter nos dispositifs à la situation du terrain, ce qui rejoint des éléments que nous avons déjà évoqués ici. Il est probablement nécessaire de rapprocher les décisions concernant l'habitat et le logement des réalités locales, des élus locaux et des maires, qui connaissent très bien leur territoire, les besoins de leurs entreprises et de leurs étudiants, donc de faire preuve de plus d'innovation pour proposer des solutions plus adaptées.
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Berthet, pour la réplique.
Mme Martine Berthet. Merci, monsieur le ministre.
La précarité de notre jeunesse s'est aggravée rapidement, et le logement en est un facteur majeur.
Il ne faudrait pas que nous creusions encore davantage le fossé intergénérationnel.
Si vous le souhaitez, nous serions très heureux, mes collègues et moi-même, de vous présenter plus en détail le rapport que nous avons rédigé.
M. Vincent Jeanbrun, ministre. Avec plaisir !
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Buval. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Frédéric Buval. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France traverse une grave crise du logement. Cette crise touche tout le monde : ceux qui veulent construire, ceux qui cherchent à louer, ceux qui espèrent acheter et ceux qui attendent un logement social.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en 2024, à peine 300 000 logements ont été mis en chantier, contre plus de 400 000 voilà quelques années. Le logement social, lui, est saturé, avec plus de 2,8 millions de demandes en attente.
Cette crise est encore plus marquée dans les territoires ultramarins. Nous en avons parlé la semaine dernière, lors de l'examen du projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer : le logement est une part essentielle de cette cherté. Près de 600 000 personnes, soit trois habitants sur dix, vivent dans des conditions de mal-logement.
De plus, la production de logements locatifs sociaux a chuté de 29% entre 2011 et 2021. Cette pénurie fait grimper les prix. En Guadeloupe, les loyers du parc social atteignent ainsi 6,10 euros par mètre carré, ce qui les classe parmi les plus élevés de France. Dans le privé, c'est encore pire : en Guyane, le loyer médian s'élève à 15 euros par mètre carré, comme dans certaines grandes villes métropolitaines. Ainsi, sachant que 80% des demandeurs sont éligibles au logement très social, la majorité des familles n'ont pas les moyens de se loger décemment…
À cela s'ajoutent des freins structurels : le foncier difficile à mobiliser, l'indivision, le manque d'un cadastre à jour, la spéculation ou encore des terrains souvent restreints ou protégés. Les commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) bloquent également trop souvent les projets des élus locaux.
Le soutien à l'investissement devient, lui aussi, plus fragile. Par exemple, la baisse envisagée des aides fiscales à l'investissement productif dans le PLF 2026 pourrait freiner les opérations mixtes, pourtant essentielles à l'équilibre financier des bailleurs sociaux et à la mixité résidentielle.
De même, face aux défis démographiques du vieillissement en Martinique et en Guadeloupe, il devient urgent d'étendre le champ d'application du crédit d'impôt en faveur du logement social afin de permettre aux organismes HLM de bénéficier de l'avantage fiscal pour la création de logements destinés aux personnes âgées à faibles revenus dans ces territoires, soutenant ainsi la production d'Ehpad.
Enfin, si nous saluons l'expérimentation de logements locatifs très sociaux (LLTS) adaptés en Guyane et à Mayotte, l'action de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) reste limitée. Elle ne concerne que les propriétaires bailleurs, alors que beaucoup de propriétaires occupants ont besoin d'aide pour rénover des logements dégradés.
Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour répondre à la crise du logement social ? Que pensez-vous des pistes du projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables déposé l'an dernier, en particulier de l'augmentation de la part de logements locatifs intermédiaires (LLI) gérés par les bailleurs sociaux et de la possibilité d'ajuster les loyers à la relocation ?
Êtes-vous favorable à l'élargissement du crédit d'impôt pour permettre aux organismes HLM de construire des logements pour les personnes âgées à faibles revenus dans les outre-mer ?
Enfin, comptez-vous renforcer la production de logements très sociaux en généralisant le dispositif LLTS adapté à tous les départements d'outre-mer et en permettant à l'Anah d'aider aussi les propriétaires occupants dans la lutte contre l'habitat indigne ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Madame la présidente, je vous prie de me permettre d'apporter une réponse un peu plus longue à M. Buval, dont la question est très dense.
Tout d'abord, monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur les mesures liées à la crise du logement social et les pistes avancées dans le cadre du projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables.
Je vous informe que nous avons quasiment atteint nos objectifs en matière de production de logements sociaux neufs sur l'ensemble du territoire en 2025 : en effet, d'ici à la fin de l'année, nous devrions dépasser le seuil des 105 000 logements sociaux neufs. De même, nous devrions dépasser largement l'objectif de rénovation de 120 000 à 130 000 logements sociaux, avec plus de 150 000 logements rénovés ; c'est une bonne nouvelle.
En ce qui concerne les solutions envisagées dans le projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables, qui n'a finalement pas pu être examiné en séance publique, je suis d'accord avec vous, il faut encourager la production de logements intermédiaires. C'est une partie intégrante de la solution.
Par ailleurs, il me paraît nécessaire de permettre aux bailleurs d'ajuster, de manière raisonnée, les loyers à la relocation. Cette mesure serait de nature à faciliter la rénovation. En revanche, il faut parvenir à un équilibre, afin que chaque bailleur propose une partie de son parc au loyer le plus accessible possible pour les ménages les plus pauvres. Sans cela, il est évident que les bailleurs ne joueraient pas leur rôle.
Ensuite, vous m'interrogez sur l'élargissement du crédit d'impôt pour permettre aux organismes HLM de construire des logements pour les personnes âgées à faibles revenus dans les outre-mer. Le sujet d'une offre de logement accessible pour ce public est, selon moi, un impératif. J'échangerai sur cette question avec ma collègue Naïma Moutchou, dont vous connaissez l'implication sur les sujets de cette nature.
Nous devons d'autant plus nous pencher sur cette question que le vieillissement de la population constitue un enjeu important, en particulier en Martinique et en Guadeloupe. Nous serons donc au rendez-vous. Je suis disposé à échanger plus longuement avec vous, monsieur le sénateur, pour réfléchir à des solutions. Actuellement, à cause de la ligne budgétaire unique (LBU), il n'est pas possible de bénéficier des aides complémentaires de l'Anah en outre-mer. Là aussi, nous devrons nous pencher sur le sujet.
Vous évoquez, enfin, la production de logements très sociaux et la généralisation du dispositif LLTS adapté à tous les départements d'outre-mer. Ce dispositif d'urgence mis en place en Guyane et à Mayotte doit contribuer à la résorption des bidonvilles. Un décret mettant fin à l'expérimentation et généralisant le dispositif sur le modèle du prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) adapté à l'ensemble des départements et régions d'outre-mer (Drom) est en cours de discussion au niveau interministériel.
Les saisines obligatoires, puis le dépôt du texte au Conseil d'État…
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre. … auront lieu prochainement, en vue d'une application pour le début de l'année 2026.
Madame la présidente, je vous remercie pour votre tolérance.
Mme la présidente. Monsieur le ministre, je ne pourrai pas vous permettre de dépasser le temps de réponse pour chaque question.
La parole est à Mme Viviane Artigalas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Antoinette Guhl applaudit également.)
Mme Viviane Artigalas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour répondre à la crise du logement, les sénatrices et sénateurs socialistes proposent de refonder cette politique, car l'urgence est bien de remettre la question du logement pour tous au cœur du débat public.
En effet, notre pays fait face à la pire crise du logement depuis 1945. Les chiffres l'attestent : 3 millions de ménages sont en attente d'un logement social et ce chiffre continue d'augmenter. Environ 125 000 recours au titre du droit au logement opposable (Dalo) ont été déposés en 2024, un record historique. Enfin, la production de logements sociaux a atteint son plus bas niveau depuis quinze ans : 85 000 logements ont été agréés en 2024, contre 125 000 en 2016.
Les choix qui ont été faits depuis 2017 ne sont pas étrangers à cet état de fait. Je ne citerai que les plus révélateurs : la réduction de loyer de solidarité, qui limite, depuis sa création, les capacités d'investissement des bailleurs sociaux ; le gel des aides personnalisées au logement (APL), qui touche directement les étudiants et les jeunes actifs ; ou encore l'incertitude budgétaire constante qui entoure le fonds national des aides à la pierre, entraînant l'abandon de nombreuses opérations.
En dépit de nos divergences politiques, nous pouvons nous entendre ici sur une vérité simple et évidente : le logement est un droit inaliénable.
Le logement, et surtout le logement social, ce n'est pas qu'un toit et ce n'est pas une charge ; c'est un investissement d'avenir, un levier de développement pour tout un écosystème économique et social. Il permet de créer des emplois et de soutenir l'économie locale et les filières du bâtiment dans nos territoires. De surcroît, l'immobilier a représenté 97 milliards d'euros de recettes pour l'État en 2022.
Il est évident qu'il faut préserver et soutenir tous les types de logement. À ce titre, la question du statut du bailleur privé est importante. Elle figure parmi les propositions du rapport de nos collègues Mickaël Cosson et Marc-Philippe Daubresse, qui suggèrent de permettre aux propriétaires bailleurs d'amortir dans la durée les biens neufs et anciens mis en location nue.
Ce régime fiscal pourrait permettre la mise en location d'environ 90 000 logements par an d'ici à 2030. Pour notre part, nous souhaitons que cet avantage fiscal soit soumis à conditions, afin de favoriser une offre aux loyers abordables.
Toutefois, nous croyons tout particulièrement aux vertus de notre modèle français de logement social. Il est une réponse aux inégalités et permet à des millions de nos concitoyens de se bâtir un avenir.
À ce propos, je dois citer les travaux de la mission d'information sénatoriale sur le logement des jeunes. Pour ces derniers, la première condition d'accès à l'indépendance est de disposer d'un logement autonome.
Les APL sont un levier essentiel à cette fin. Or, pour réaliser, au total, 4 milliards d'euros d'économies, l'État a mis en grande difficulté des millions de jeunes, qu'ils soient étudiants ou actifs. Certes, les APL représentent 19 milliards d'euros de dépenses pour l'État. Mais encore une fois, nous parlons d'investir dans notre jeunesse, donc dans l'avenir de notre pays.
Ainsi, nous souhaitons, entre autres, qu'une réflexion soit lancée pour favoriser l'accession des jeunes à la propriété, car nos dispositifs actuels les ciblent mal. Nous demandons à tout le moins la prorogation de la généralisation du PTZ dans le neuf au-delà de 2027, afin de pouvoir observer ses effets sur les jeunes primo-accédants.
Enfin, ce qui pénalise la construction aujourd'hui, c'est le coût du foncier et ce qui pénalise nos concitoyens, c'est le coût du loyer. Aussi, il nous paraît indispensable de fournir des outils aux élus locaux pour les aider à répondre aux besoins exprimés dans leur commune.
Nous avons défendu de multiples propositions en ce sens : je pense à l'aide aux maires bâtisseurs et à l'expérimentation d'un fonds de réhabilitation du bâti rural ou d'un dispositif de soutien à la réhabilitation du parc de logement social en zone peu dense.
Nous proposons aussi diverses mesures permettant de redonner aux élus locaux une marge de manœuvre fiscale et des réformes pour mieux lutter contre la spéculation foncière. Cela passe par une refonte du régime actuel des plus-values de cessions immobilières, qui favorise la détention longue, et du régime des plus-values de cession de terrains nus devenus constructibles.
Nous demandons aussi la pérennisation du dispositif d'encadrement des loyers, que nous avons réussi à étendre aux outre-mer grâce à la loi expérimentant l'encadrement des loyers et améliorant l'habitat dans les outre-mer qui avait été déposée au Sénat par notre collègue Audrey Bélim.
Enfin, parce que ce sont encore et toujours les plus modestes qui sont pénalisés, j'ai déposé, au nom de mon groupe, une proposition de loi visant à créer une tarification spéciale de l'électricité en faveur des ménages modestes et à interdire les coupures d'électricité toute l'année, qui vise en particulier les locataires HLM.
Monsieur le ministre, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne manque pas de propositions pour répondre à la crise du logement. J'espère que vous les entendrez.
Quelles mesures de relance de la construction de logements, notamment sociaux, envisagez-vous ?
Quel dispositif de lutte contre la cherté et la rareté du foncier et contre les loyers élevés comptez-vous mettre en œuvre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Antoinette Guhl applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Je vous remercie, madame la sénatrice, de votre esprit constructif et de vos propositions.
Vous avez parfaitement raison : notre politique doit avoir pour objectif le logement pour tous et englober un parcours résidentiel allant de l'hébergement d'urgence jusqu'à la pleine propriété.
Vous avez raison également de dire que le logement, notamment social, est un droit inaliénable. Je l'ai dit ici lors d'une séance de questions d'actualité au Gouvernement : sans le logement social dans lequel mon petit frère et moi-même avons grandi, nous n'aurions pas eu le même parcours et je ne serais pas devant vous aujourd'hui. Soyez donc certaine de mon attachement à la question du logement, y compris social.
Vous l'avez dit, nous devons placer le bailleur privé au cœur de nos politiques. Vous avez souligné qu'il serait utile de plafonner les loyers. Cette mesure fait partie des propositions du rapport de Marc-Philippe Daubresse et Mickaël Cosson, qui suggèrent la mise en place de bonus, d'aides et de défiscalisation complémentaire si les loyers sont encadrés.
En tout état de cause, pour ce qui concerne la méthode, c'est vous, dans cet hémicycle, qui ajusterez ces mesures. Pour ma part, je trouve la proposition de Marc-Philippe Daubresse pertinente ; elle permet de répondre, si ce n'est totalement, du moins en partie, à votre attente.
Je manque de temps pour vous exposer plus largement mon ambition pour lutter contre le niveau des loyers et le prix du foncier, mais ces éléments seront au cœur du plan pour le logement, car ils sont essentiels : si le foncier coûte trop cher, in fine, tout est trop cher. Or, lorsque les Français n'arrivent plus à se loger ou que le logement représente une charge financière inacceptable pour les ménages, il ne peut en découler qu'un appauvrissement des familles françaises, que, pour ma part, je ne saurais accepter.
Je vous remercie de votre esprit particulièrement constructif et j'espère vous retrouver prochainement pour poursuivre ce débat.
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.
Mme Viviane Artigalas. Je veux insister sur la nécessité de construire des logements. C'est une politique d'importance pour l'ensemble de la filière économique, créatrice d'emplois et qui rapporte également à l'État. Le rattrapage que nous attendons depuis 2018 doit enfin avoir lieu !
À cet égard, votre ministère a réalisé une étude très intéressante sur les besoins en construction de logements. Nous disposons donc désormais de la base que nous demandions depuis longtemps pour identifier les besoins.
Cette étude a pris pour échelle les bassins d'emploi au sein des territoires. J'ai participé à une table ronde avec la Fédération française du bâtiment (FFB) sur le sujet : il me semble que nous devons tous nous appuyer sur le travail réalisé par votre ministère pour démontrer les besoins en la matière.
Cette étude distingue besoins de logements et de construction. Et dans certains territoires, les chiffres sont les mêmes.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le logement n'est pas un bien comme les autres. Il est même un droit constitutionnel, en vertu des dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946, selon lesquels la " Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement " et " garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ".
J'ai peur de devoir vous le dire, mais, aujourd'hui, la Nation ne tient pas cet engagement. Monsieur le ministre, nous sommes issus du même département : on y compte à ce jour 110 000 demandeurs de logement.
La Nation facilite même les expulsions, depuis la loi Kasbarian. L'ancien ministre dont elle tient son nom vient de revendiquer le triste record du nombre de familles mises à la rue ! Monsieur le ministre, j'espère que vous n'avez pas l'intention de battre ce record inhumain. Les expulsions ont bondi de 29% en un an, de 223% en vingt ans !
Pourtant, à vous entendre, ce que vous tentez d'assurer, c'est la rentabilité des investisseurs. Sous couvert de créer un statut du bailleur privé, vous vous apprêtez à soutenir encore la concentration du patrimoine, alors que 3 % des propriétaires possèdent déjà 50 % du parc privé locatif.
Ce modèle du soutien aux investisseurs est inefficace. Les chiffres sont désastreux et ne font qu'empirer : 12 millions de Français sont fragilisés par la crise du logement, 5 millions de personnes vivent dans des passoires énergétiques et 2,8 millions de demandes de logement social sont en attente. Ces chiffres, vous les connaissez, monsieur le ministre. (M. le ministre opine du chef.) Sans intervention publique, il n'y aura pas de solution. Et pourtant, ce n'est pas le choix que vous faites.
Vous soutenez le rétablissement de la ponction de 200 millions d'euros sur les finances des bailleurs sociaux, alors même que votre prédécesseure avait promis le gel de la RLS, laquelle repart finalement à la hausse dans le projet de budget du Gouvernement. Dont acte !
Vous ne voulez pas lancer la construction nécessaire de 200 000 logements ? Alors, attaquez-vous au moins aux causes ! Citons, parmi celles-ci, les insuffisances du marché du logement et les travers du secteur privé, qui, d'un côté, permet une spéculation à l'origine d'une explosion des prix du foncier et des constructions, et, de l'autre, laisse les loyers atteindre des niveaux de plus en plus inaccessibles par souci de rentabilité !
Tous ceux qui font le procès du logement social commettent une grave erreur, tant sociale que politique.
Prenons la région qui m'est la plus chère, l'Île-de-France : il n'est pas vrai que les plus pauvres soient logés dans le parc social. La réalité, c'est que les plus pauvres vivent dans un parc privé, en partie insalubre, inadapté, et que beaucoup d'entre eux sont exploités par des marchands de sommeil. La réalité, c'est que la crise du logement vient bien du parc privé.
Permettez-moi d'expliquer pourquoi.
Les prix du foncier ont été multipliés par quatre depuis 2000 dans la région Île-de-France. Le prix des logements est 72% plus élevé qu'en 2000, alors que le revenu disponible par ménage n'a progressé que de 4%. En vingt-cinq ans, les loyers ont presque doublé dans l'agglomération parisienne.
La situation n'est pas toujours meilleure pour ceux qui sont propriétaires de leur logement, puisque 115 000 copropriétés sont dégradées. Les constructeurs comme les particuliers ont de plus en plus de mal à vendre, à cause de coûts exorbitants, notamment en matière de foncier.
Tout cela est un cercle vicieux : en achetant des logements plus chers, les propriétaires souhaitent ensuite les mettre en location et en répercutent le coût sur les loyers, qui, à force d'augmenter, deviennent inaccessibles.
L'encadrement des loyers a fait ses preuves. Actons sa pérennisation, alors que la fin de son expérimentation est prévue pour novembre 2026.
Monsieur le ministre, entendez-vous encourager la pérennisation de l'encadrement des loyers ?
Comptez-vous également mettre en œuvre un encadrement des prix du foncier, qui, lui aussi, fait ses preuves là où des villes s'en saisissent, notamment au travers de chartes des promoteurs ?
Enfin, allez-vous agir sur le parc privé, dont le dérèglement est à l'origine de la crise du logement ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Monsieur le sénateur Pascal Savoldelli, j'ai effectivement le plaisir de vous croiser régulièrement dans ce beau département qu'est le Val-de-Marne.
Même si nous ne sommes pas toujours d'accord, il nous arrive de nous rejoindre sur l'essentiel. C'est notamment le cas lorsque vous rappelez le rôle fondamental du logement dans notre Constitution. Le logement est en effet un droit inaliénable et opposable ; et c'est une chance.
Je le répète : je suis un enfant du parc HLM et, pendant mes dix années de mandat de maire, ma principale préoccupation a été de créer un véritable parcours résidentiel dans ma commune, ce qui impliquait évidemment le soutien à la construction et au logement social.
Je regrette cependant que vous rejetiez le statut du bailleur privé, comme s'il fallait opposer propriétaires et locataires.
Comme l'indiquent Marc-Philippe Daubresse et son coauteur dans leur rapport, l'objectif n'est pas de permettre à de très riches investisseurs d'acquérir des dizaines de logements pour en tirer le maximum de profit. Au contraire, ce statut vise à inciter des familles plus modestes, qui ont un petit bas de laine, à arbitrer en faveur d'un investissement, qui soit rentable, dans la pierre plutôt que dans l'épargne en banque, de manière à loger un maximum de familles.
En effet, un quart des foyers français sont logés dans des biens qui appartiennent à de petits investisseurs. Dans le rapport, il était suggéré de plafonner le nombre de logements concernés par une défiscalisation. Selon moi, cela garantirait que la mesure s'adresse bien aux investisseurs familiaux de petite taille.
Vous avez évoqué les copropriétés dégradées. C'est un enjeu auquel nous devons nous attaquer. Ce sera probablement l'un des sujets clés de la mission de préfiguration qui a été lancée sur la troisième phase de rénovation urbaine, dite Anru 3.
Mme la présidente. Monsieur le ministre, il faut conclure.
M. Vincent Jeanbrun, ministre. Enfin, j'aborde sans dogmatisme dans le débat sur l'encadrement des loyers.
Mme la présidente. Monsieur le ministre, je suis désolée, vous ne pouvez pas dépasser votre temps de parole sur chaque question.
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, tâchons d'interpréter fidèlement vos propos ; si je comprends bien, vous êtes disposé à pérenniser l'encadrement des loyers ; est-ce bien cela ? Vous devez me répondre les yeux dans les yeux, c'est oui ou non !
M. Vincent Jeanbrun, ministre. Madame la présidente, ai-je le droit de répondre ?
M. Pascal Savoldelli. C'est une mesure attendue.
Par ailleurs, je vous ai posé trois autres questions auxquelles, même si votre temps de parole est limité, vous n'avez pas répondu.
Tout d'abord, j'espérais vous entendre dire que vous ne teniez pas à entrer en compétition avec l'un de vos prédécesseurs, qui revendique le record du nombre d'expulsions en France. Vous ne m'avez pas répondu, c'est votre choix.
Ensuite, je vous ai interrogé sur l'encadrement des prix du foncier, qui a été expérimenté par certaines communes, et pas que des communes de gauche ; là encore, pas de réponse.
Enfin, je vous ai demandé si vous alliez agir sur le parc privé, au regard de la démonstration que je venais de vous faire : pas de réponse non plus.
Vous l'avez dit vous-même, à juste titre, le logement est une bombe sociale, mais, au regard de votre action depuis votre prise de fonctions, il me semble que vous allumez la mèche… (Applaudissements sur quelques travées du groupe CRCE-K et sur les travées du groupe GEST.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Toujours dans la nuance !
Mme la présidente. La parole est à Mme Antoinette Guhl. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Antoinette Guhl. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise du logement est une violence quotidienne. Elle frappe les ménages modestes, les classes moyennes, les jeunes, les familles monoparentales, les travailleurs pauvres, les retraités. Elle enferme, elle empêche, elle fracture.
Pendant que les besoins explosent, la production de logements sociaux diminue, la rénovation énergétique ralentit ; mais les prix, eux, s'envolent.
Face à cela, la politique du Gouvernement est – comment le dire poliment et sans colère ? – insuffisante ? indifférente ? Non, je la qualifierai d'absente !
Depuis 2017, la Macronie, souvent soutenue par la droite républicaine, a cassé les bailleurs sociaux, a changé de politique sur la rénovation thermique aussi souvent que de gouvernement et a laissé s'installer une spéculation débridée favorisant une fois de plus les plus riches au détriment des plus pauvres !
M. Daniel Salmon. Tout à fait !
Mme Antoinette Guhl. Alors, à la question posée aujourd'hui – " Quelles réponses apporter à la crise du logement ? " – le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires répond clairement : tout d'abord, il faut remettre le logement social au cœur de l'action publique, c'est une urgence ; ensuite, il faut sortir de la spirale spéculative ; en outre, il faut garantir un réel droit au logement ; enfin, il nous faut prendre soin plus particulièrement de notre jeunesse et de notre planète.
Premièrement, disais-je, nous devons faire du logement social notre priorité. La réduction de loyer de solidarité doit cesser au plus vite, car, en privant les bailleurs sociaux de plus de 1 milliard d'euros par an, ce sont les plus pauvres que vous blessez. À ce titre, le budget 2026 s'annonce encore une fois catastrophique. Vous êtes en train d'assécher les bailleurs sociaux et, ce faisant, c'est toute la chaîne du logement qui s'effondre. Vous qui êtes les rois de l'économie, vous plantez tout un secteur économique, celui du bâtiment.
Deuxièmement, il faut sortir de la spirale spéculative. Au travers des niches fiscales et des locations touristiques, vous détournez les moyens publics : 11 milliards d'euros en douze ans pour trois niches fiscales – le dispositif Censi-Bouvard, les sociétés d'investissements immobiliers cotées (Siic) et les locations meublées non professionnelles (LMNP) –, dont vous faites cadeau aux plus riches alors qu'une telle somme aurait permis de construire au moins 70 000 logements sociaux ! Nous proposons de supprimer ces niches fiscales qui profitent aux 4% de Français qui détiennent à eux seuls 50% du parc locatif privé et de basculer les revenus des meublés touristiques vers le régime foncier, de plafonner la location touristique aux seuls propriétaires occupants et de rendre l'encadrement des loyers obligatoire dans toutes les zones tendues.
Troisièmement, il y a urgence à garantir un droit réel au logement. Cela passe, y compris dans les outre-mer, par l'interdiction des expulsions sans relogement, mais aussi par la mise en place d'une véritable garantie universelle des loyers sécurisant locataires et propriétaires, et par un permis de louer renforcé pour lutter contre l'habitat indigne.
Tout cela doit être fait en prêtant une attention particulière à notre jeunesse, comme l'ont rappelé Mmes Berthet et Artigalas. En effet, 70% des moins de 25 ans logés hors du foyer parental se logent dans le parc privé ; or celui-ci coûte très cher, quand il n'est pas inaccessible dans certaines villes, d'autant que les petites surfaces coûtent encore plus cher au mètre carré. Le logement représente 60% du budget des jeunes. Et je ne m'étendrai pas sur les offres de co-living à 900 euros par mois pour une chambre de 12 mètres carrés, défiant toute réglementation. Résultat : la jeunesse galère et se retrouve plus précarisée que jamais. Loger la jeunesse, c'est garantir l'avenir du pays. Monsieur le ministre, vous avez été nommé ; maintenant, nous comptons sur vous pour vous atteler à cette question.
Enfin, nous devons réussir la transition écologique. La rénovation énergétique des bâtiments doit être massive, complète et lisible. Nous refusons tout recul sur l'interdiction progressive des passoires thermiques.
Mes chers collègues du groupe Les Républicains, vous nous interrogez sur les réponses que nous voulons apporter à la crise du logement ; je crois vous avoir répondu. Permettez-moi, à présent, de vous présenter celles dont nous ne voulons pas : nous ne voulons pas de rupture avec une conception républicaine du logement ; nous ne voulons pas faire du logement une récompense méritocratique réservée à quelques-uns ; nous ne voulons ni de recul sur le droit ni de marché sans règle ; nous ne voulons pas de jeunesse abandonnée ; et nous ne voulons pas de territoire oublié.
La crise du logement est une bombe sociale, réagissons vite ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Alexandre Basquin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Madame la sénatrice Guhl, j'ai bien entendu vos alertes sur la politique du logement. Sachez que le Gouvernement agit et continuera de le faire de manière déterminée et concrète. En effet, nous partageons votre souci de loger nos concitoyens, particulièrement les jeunes et les publics les plus vulnérables, cela va de soi.
Votre question est pour moi l'occasion de répondre à celle de Pascal Savoldelli sur l'encadrement des loyers. Comme je commençais de le dire, il faut aborder ce sujet sans dogmatisme et laisser le débat se tenir, y compris entre élus locaux.
Cette question a fait l'objet d'évolutions qui dépassent maintenant les clivages politiques classiques. Pour ma part, je suis un défenseur de la liberté, notamment celle, si chère au Sénat, des élus locaux à déterminer leur politique. Cependant, il n'est pas question non plus de faire preuve de dogmatisme sur ce point.
Enfin, je suis particulièrement soucieux de lutter farouchement contre les passoires thermiques. C'est un enjeu tant pour le pouvoir d'achat et le bien-vivre des familles, que pour la transition écologique. Je vous remercie donc de mener ce combat.
Mme la présidente. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour la réplique.
Mme Antoinette Guhl. J'entends votre réponse, monsieur le ministre, mais les chiffres figurant dans le projet de budget pour 2026 parlent d'eux-mêmes, à votre place : vous diminuez de 587 millions d'euros les APL ; vous réduisez la prévention de l'exclusion en privant les associations des moyens d'agir pour assurer l'accompagnement social ; vous laissez s'effondrer le secteur de la rénovation énergétique. Enfin, les crédits consacrés au logement social sont clairement insuffisants. Pour l'instant, vos paroles ne sont absolument pas suivies d'actes !
Nous attendons, sur ce sujet si important dans la vie quotidienne des Français, des actes concrétisant les belles paroles que vous venez de prononcer.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)
Mme Mireille Jouve. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons, le répétons et le déplorons, le logement représente le premier poste de dépense des Français. Cette charge pèse aujourd'hui lourdement sur le pouvoir d'achat des ménages. Chacun peut en mesurer les effets délétères.
Cette crise, qui ne concerne pas le seul parc social, n'est pas spécifique à une région ou à quelques villes ; elle affecte tous les territoires, urbains ou semi-ruraux.
En 2024, dans les Bouches-du-Rhône, 94% des 150 000 demandes de logement social étaient sur liste d'attente. Près d'un logement sur dix – 9% – du parc privé est potentiellement indigne, Marseille concentrant à elle seule près de 40 000 logements dégradés, parfois insalubres, voire dangereux ; dois-je rappeler le drame de la rue d'Aubagne ? Mais ne pensez surtout pas que ces constats se limitent aux Bouches-du-Rhône !
En outre, du fait de la flambée du prix du foncier, l'accès à la propriété dans notre pays est devenu difficile pour les jeunes générations. En 1975, il fallait en moyenne dix années de remboursement pour acquérir un logement ; aujourd'hui, il en faut vingt-trois. Cette situation nourrit un sentiment de déclassement et d'injustice, qui fragilise notre pacte social.
Souvent, dans les débats censés permettre de prendre la mesure de cette crise du logement, certains privilégient une approche technique. C'est une erreur.
Je pense à l'application de l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, en vertu duquel le parc de résidences principales doit compter au moins 25% de logements locatifs sociaux. Si, pour certaines communes, aucune difficulté n'est à relever, tel n'est pas le cas dans les Bouches-du-Rhône, où la rareté et le coût du foncier disponible, ainsi que les contraintes environnementales, la saturation des infrastructures ou encore les refus d'octroi de permis de construire pour des raisons indépendantes de la volonté des municipalités sont sanctionnés par des pénalités qui peuvent atteindre 1,3 million d'euros.
C'est une manière bien commode de se donner bonne conscience, en oubliant que la question du logement est d'abord politique. En effet, derrière cette pénurie de l'offre de logement, parallèle à une panne de la construction, s'additionnent et se chevauchent des politiques publiques éclatées, des dispositifs partiels, des réformes proposées à la va-vite et, enfin, le fameux – autant que funeste – " zéro artificialisation nette ".
Ces injonctions contradictoires incitent certains propriétaires à laisser leur logement vacant. Tout cela a donné naissance à un véritable " maquis ", alors que l'État s'est peu à peu désengagé de son rôle de pilote.
Le logement exige une vision d'ensemble, une stratégie cohérente. C'est ce qu'attendent les élus de terrain et les habitants, qui ne comprennent pas comment, dans un pays comme le nôtre, on peut encore manquer de toits.
Les dernières lois de finances ont parfois donné le sentiment d'un État hésitant, qui réduit une année, avant de rétablir partiellement l'année suivante, les crédits du fonds national des aides à la pierre et de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru).
En 2024, la ministre Valérie Létard avait annoncé un nouvel engagement de 116 millions d'euros pour 2026. Il ne faudrait pas que cela se réduise à un effet d'annonce ! Peut-on espérer, monsieur Jeanbrun, que cette enveloppe soit moins éphémère que les gouvernements qui se succèdent depuis quelques mois ?
Enfin, la décision de geler les APL en 2026 soulève de fortes interrogations. Cette mesure, destinée à réaliser 108 millions d'euros d'économies, touchera nécessairement – nous le savons – les plus fragiles. Une véritable politique du logement ne saurait se contenter de ces expédients.
Ma question est simple : dans ce contexte d'incertitude et d'instabilité, comment les acteurs du logement peuvent-ils continuer à remplir leur mission ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Bernard Buis applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Je vous remercie, madame la sénatrice Jouve, de votre intervention, qui me donne l'occasion de dire que je partage votre souci de lutter contre l'habitat indigne, lequel se trouve essentiellement – vous avez eu raison de le rappeler – dans le parc privé.
Vous le savez, le locataire de ce type de logement dispose actuellement d'un recours pour faire geler les APL que perçoit son propriétaire, mais le délai de mise en œuvre de cette procédure est bien trop long ; en le réduisant, nous pourrions collectivement lutter contre l'habitat indigne.
Vous avez évoqué la complexité de notre système, qui ne facilite pas, c'est vrai, la production de logements. Sur ce point, nous avons réussi, avec l'Assemblée nationale et le Sénat, à faire progresser la proposition de loi de simplification du droit de l'urbanisme et du logement, présentée par le député Harold Huwart et actuellement en cours d'examen, qui permettra de mettre en place plusieurs outils très puissants et représentera une grande avancée. Elle devrait – je l'espère – entrer en application dès la fin de ce mois de novembre.
Pour le reste, vous pouvez compter sur ma volonté d'agir concrètement sur ces différents sujets. Je me tiens à votre disposition pour examiner ces questions avec vous.
Vous connaissez la philosophie de cette équipe gouvernementale – et ce rappel vaut pour chacune de vos interventions de ce jour, mesdames, messieurs les sénateurs – : le Gouvernement propose, nous en débattons collectivement et, à la fin, vous tranchez.
Je ne doute donc pas que la question des APL et de leur gel sera débattue dans cet hémicycle, et je fais confiance à la Haute Assemblée, dont la sagesse est connue, pour trouver les meilleurs scénarios et les meilleurs équilibres budgétaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Bleunven.
M. Yves Bleunven. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer la clarté des propos de ma collègue Amel Gacquerre sur la rénovation énergétique et le logement social. Je veux aussi remercier Martine Berthet et Viviane Artigalas, qui ont réalisé, avec moi, le rapport d'information intitulé Programmer, adapter, innover : 25 clés pour le logement des jeunes.
Nous ne pouvons aujourd'hui que constater le grave déséquilibre existant entre l'offre et la demande en matière de logement, notamment chez les jeunes actifs. Je souhaite, pour ma part, insister sur deux leviers complémentaires : d'une part, l'offre de logements et, d'autre part, la régulation des coûts de construction. La crise du logement se réglera non pas uniquement via les aides ou la réglementation, mais aussi – et peut-être d'abord – par la capacité à construire davantage, plus vite et à un prix convenable.
Le parcours résidentiel n'est plus aussi binaire qu'auparavant ; il faudra donc inventer les fameux maillons manquants. À cette fin, l'innovation doit être au cœur des enjeux pour introduire plus de souplesse et d'agilité, en multipliant l'offre de logements, afin qu'elle corresponde aux réalités de vie. Nous devons encourager toutes les formes d'habitat innovantes, qu'elles soient modulables, réversibles ou adaptées à l'évolution des besoins.
Tout cela, les élus locaux le savent. C'est pourquoi je plaide pour davantage de confiance envers les collectivités territoriales et pour un droit à l'expérimentation en matière d'urbanisme et de logement. Ces collectivités connaissent leurs besoins, leurs contraintes foncières, leurs équilibres économiques. Nous avons absolument besoin d'une application décentralisée de la politique du logement !
Un autre problème réside dans le coût de la construction, souvent rédhibitoire. Le constat est simple : ces vingt dernières années, le coût du logement a plus que doublé par rapport au revenu disponible. Dès lors, comment pouvons-nous agir ?
Tout d'abord, nous pouvons agir sur le prix du foncier, qui explose véritablement dans certaines zones. Nous devons mieux mobiliser le foncier public, encourager les opérations de requalification urbaine et lutter contre la spéculation. À défaut, nous continuerons à empiler des dispositifs d'aide sans jamais nous attaquer à la racine du mal.
Ensuite, en ce qui concerne l'accumulation des règles, les opérateurs subissent une avalanche de normes, lesquelles sont parfois contradictoires entre elles et souvent trop complexes. Je ne dis pas qu'il faut renoncer à la qualité ou à la performance énergétique – bien au contraire –, mais il faut savoir distinguer la norme utile de la norme inutile, celle qui protège du risque de celle qui alourdit sans raison.
Enfin, je crois qu'il est aujourd'hui nécessaire d'ouvrir un débat sur la transparence des coûts de la chaîne de valeur de la construction. L'indice des coûts des matériaux (ICM) a explosé au moment de la guerre en Ukraine et de la flambée des prix de l'énergie. Aujourd'hui, force est de constater que cet indice n'a que faiblement baissé, ce qui est totalement anormal. La concentration des opérateurs dans une forme oligopolistique peut sans doute expliquer cette situation ; nous en reparlerons sans doute prochainement au sein de la commission des affaires économiques.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, si nous voulons véritablement faire bouger les choses face à cette crise devenue presque ordinaire, malgré son urgence, écoutons ce que les maires ont à nous dire, poussons les collectivités à l'innovation et libérons les coûts de construction ! (Mme Amel Gacquerre applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Monsieur le sénateur, vous m'interpellez sur deux sujets essentiels : le logement des jeunes et la crise du secteur de la construction.
Tout d'abord, je tiens à saluer une nouvelle fois les travaux que vous avez menés, avec Mmes les sénatrices Viviane Artigalas et Martine Berthet, sur le logement des jeunes. Votre rapport met en lumière la situation préoccupante de nombreux jeunes, qui rencontrent des difficultés croissantes pour se loger – il faut le dire et le répéter, car la situation est très grave ! –, quitter le domicile parental et donc devenir autonomes.
Le Gouvernement tout entier partage votre volonté d'agir pour que les jeunes bénéficient d'un véritable parcours résidentiel. Nous croyons, comme vous, en la liberté d'action des collectivités territoriales, auxquelles nous devons donner les moyens d'adapter leurs réponses aux réalités locales. En effet, un étudiant à Rennes ne fait pas face aux mêmes problématiques qu'un jeune actif vivant à Lorient ou à Vannes, par exemple.
J'en viens à un sujet que nous avons à peine abordé ensemble, et que j'ai hâte d'approfondir avec vous. Je soutiens pleinement l'expérimentation de nouvelles formes d'habitat, telles que les petites maisons, ou tiny houses, que vous avez vous-même lancée dans votre territoire ; il me tarde d'en voir les résultats sur place !
De manière générale, nous devons nous autoriser à tester des formes nouvelles d'habitat, qui peuvent être adaptées à certaines problématiques, qu'il s'agisse des petites maisons, des résidences modulaires ou des habitats légers, à condition qu'elles s'intègrent dans le paysage et dans une stratégie d'aménagement local, avec le soutien des municipalités, et selon une logique durable et encadrée.
Vous m'avez alerté, ensuite, sur les coûts de construction. Le temps de parole qui m'est imparti étant révolu, je propose que nous en reparlions au sein de la commission des affaires économiques, car il s'agit d'un sujet majeur. Je pense, comme vous, qu'il serait bon que certains indices redescendent.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Drexler. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sabine Drexler. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France traverse une crise du logement inédite par son ampleur. Dans ce contexte, le bâti patrimonial ancien, celui d'avant 1948, constitue un gisement majeur, malheureusement sous-exploité.
Ce parc, largement présent dans nos centres-bourgs et nos villages, représente en effet plusieurs millions de logements actuellement vacants ou sous-occupés. Pourtant, tout dans notre cadre réglementaire tend à le fragiliser : des DPE inadaptés, qui le pénalisent injustement ; des normes techniques qui rendent sa réhabilitation complexe et coûteuse, quand elles ne l'empêchent pas totalement ; des établissements bancaires qui refusent de financer les travaux de rénovation sous prétexte que le classement du DPE serait mauvais, alors que l'évaluation du bâti vernaculaire est – on le sait – inadaptée ; enfin, la mise en œuvre du « zéro artificialisation nette », qui pourrait être une vraie chance pour le bâti patrimonial, mais qui s'accompagne paradoxalement d'une course au foncier constructible – par conséquent, au lieu d'encourager la réutilisation du bâti existant, il pousse à sa démolition…
Cette situation est incohérente. Alors que nous avons un patrimoine bâti ancien permettant de contribuer directement à la production de logements, à la sobriété foncière et à la réduction de l'empreinte carbone du secteur, nous encourageons sa disparition.
Pourtant, réhabiliter ce patrimoine pourrait être un fantastique défi pour nos architectes, qui n'attendent que cela pour débrider leur créativité. Valoriser l'existant plutôt que de construire du neuf et concilier le respect de l'histoire, la préservation des savoir-faire traditionnels avec les usages contemporains de confort, de durabilité et d'innovation leur permettrait de contribuer, à leur niveau, à l'attractivité économique et touristique de nos territoires.
En effet – faut-il le rappeler ? –, le patrimoine bâti contribue directement à l'image de la France. En 2024, ce sont 17 millions de visiteurs qui ont séjourné chez moi, en Alsace, attirés par nos maisons colorées et chaleureuses. Ils y ont laissé 2 milliards d'euros… Alors, je vous le demande, monsieur le ministre, notre pays peut-il se permettre de renoncer à cette manne financière en faisant disparaître l'élément majeur de son attractivité touristique ?
À un moment donné, il faut cesser de se tirer une balle dans le pied en renonçant à nos atouts ! Nos voisins suisses, autrichiens et allemands l'ont bien compris, et ils sont perplexes face à nos règles d'urbanisme qu'ils jugent absurdes, car elles conduisent au saccage patrimonial de notre pays.
La crise du logement peut être, aussi, une véritable opportunité pour la France, mais pour cela il faut très vite revoir ces DPE qui ont fait tellement de dégâts sur le bâti ancien depuis leur mise en œuvre, faciliter l'accès au financement des rénovations adaptées – elles existent ! – et adapter les normes techniques à la réalité de ces constructions.
Monsieur le ministre, nous comptons sur vous !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Vous l'avez dit, madame la sénatrice Drexler, le patrimoine architectural de nos villes et de nos villages est un atout extraordinaire sur l'ensemble du territoire. Il est évidemment fondamental de le préserver, afin qu'il permette d'accueillir les Français, par exemple lorsqu'ils font du tourisme, et les visiteurs étrangers.
Une question se pose à cet égard, que vous avez fort bien soulignée dans votre mission d'information flash sur le patrimoine et la transition écologique, et nous devons faire face à ce défi. Même si je n'ai pas de réponse à vous donner aujourd'hui, je retiens avec beaucoup d'intérêt le point que vous soulevez. Il est urgent que nous puissions en reparler prochainement, afin de poser un diagnostic adapté à ce patrimoine ancien et hautement touristique.
Je me tiens à votre disposition pour y travailler avec vous. Et j'ai hâte de faire du tourisme dans votre belle région ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Drexler, pour la réplique.
Mme Sabine Drexler. Je me tiens également à votre disposition, monsieur le ministre, pour travailler sur ce sujet.
Mme la présidente. La parole est à M. Lucien Stanzione. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Lucien Stanzione. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà un beau sujet : « Quelles réponses apporter à la crise du logement ? » Une question si souvent posée qu'elle en devient presque une tradition républicaine. Et pourtant… Les réponses existent depuis longtemps. Ce ne sont pas les idées qui font défaut ; c'est plutôt – dirons-nous avec indulgence – l'envie de les entendre qui manque.
Chaque automne, le Gouvernement redécouvre la crise du logement. Il s'en émeut, la commente, promet d'y répondre. Puis l'hiver arrive, et les réponses se perdent avec les feuilles mortes. C'est un cycle aussi régulier que les saisons !
Dans le département dont je suis élu, le Vaucluse, la crise n'a rien d'un concept économique : elle se voit et se vit. Les familles attendent pendant des années un logement social, les maires s'épuisent à relancer des projets qui n'aboutissent pas et les villages se vident à mesure que les promesses se remplissent.
En Provence-Alpes-Côte d'Azur, plus de 10 000 nouvelles demandes ont été émises en six mois, ce qui représente une hausse de 5% au premier semestre 2025. On appelle cela la " tension du marché " mais, sur le terrain, cela s'appelle une détresse.
Ancien dirigeant d'un organisme bailleur social pendant plusieurs années, j'ai connu les contraintes budgétaires, les chantiers que l'on repousse, les opérations que l'on sauve de justesse ou qui n'aboutissent pas, et je sais ce que représente, pour un territoire, un logement qui ne sort pas de terre.
Or que trouve-t-on dans le projet de loi de finances pour 2026 ? Moins d'autorisations d'engagement, moins d'APL, moins de MaPrimeRénov', mais davantage de RLS, en hausse de 1,3 milliard d'euros. Quant aux aides à la pierre, l'État s'en désengage : la charge est reportée sur les bailleurs sociaux à hauteur de 375 millions d'euros.
On prétend rationaliser, mais c'est une étrange rationalité que de vouloir construire davantage en retirant les briques. Le résultat est connu : les organismes HLM sont étranglés, les chantiers à l'arrêt, les communes rurales privées de levier d'action.
Dans certains départements, un seul bailleur concentre tout le parc locatif social. Les décisions tombent de Paris, les projets s'enlisent, la cohésion s'effrite, peu de choses avancent. Et pendant que l'on parle de cohérence territoriale, nos villages ferment leurs classes et se fragilisent.
À cette politique de contraction budgétaire s'ajoute maintenant l'audace créative de l'amendement dit Labaronne-Attal. Sous prétexte d'accélérer le bail réel solidaire (BRS), on relève les plafonds d'éligibilité jusqu'à couvrir 90% de la population. L'intention est généreuse, mais l'effet ravageur. En ôtant au dispositif son caractère social, on l'expose à perdre demain la TVA réduite, les prêts bonifiés, les soutiens des collectivités territoriales. À force d'étendre le dispositif sans discernement, on en sape les fondations.
Alors, " quelles réponses apporter ? "
Peut-être d'abord celle-ci : écouter enfin ceux qui, sur le terrain, continuent de loger la République pendant qu'ici on débat.
J'ai connu les budgets contraints, les retards, les décisions absurdes. Mais je n'aurais jamais pensé qu'un gouvernement soit capable de considérer qu'un budget équilibré vaut davantage qu'une famille logée ! Lorsque ce jour arrive, la République n'est plus sociale, elle devient comptable.
Monsieur le ministre, dans un contexte où l'État se retire du financement direct, quelle place entendez-vous réserver au logement social dans la politique d'aménagement du territoire ? Comment comptez-vous rétablir la confiance entre l'État, les bailleurs sociaux et les élus locaux, aujourd'hui lassés des promesses non tenues et des dispositifs instables ?
Enfin, quelle vision défendez-vous pour le bail réel solidaire, afin qu'il demeure un véritable outil d'accession sociale et non un simple produit d'investissement ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Je ne peux pas laisser dire que l'État n'est pas aux côtés des bailleurs sociaux.
Certes, des discussions sont en cours à propos de la RLS. Pour autant, en soutenant l'aide à la pierre et la création de logements sociaux, nous serons au rendez-vous pour poser cette brique indispensable, pour reprendre votre mot, que sera le parcours résidentiel des citoyens français.
Mme la présidente. La parole est à M. Lucien Stanzione, pour la réplique.
M. Lucien Stanzione. J'entends bien votre réponse, monsieur le ministre, mais, pour avoir dirigé durant des années un organisme de logements sociaux, je puis vous dire que l'on entend cela tous les ans, tous les ans, tous les ans. Mais les moyens diminuent tous les ans, tous les ans, tous les ans… D'ailleurs, les crédits prévus dans le budget du logement qui s'annonce sont en baisse par rapport à ceux de l'an dernier.
Vos intentions politiques sont élevées, mais il faudra avoir la force de les défendre jusqu'au bout ! Nous vérifierons lors du débat budgétaire qui aura lieu au Sénat si vous disposez des moyens pour imposer vos engagements au Gouvernement. Ces engagements, vous les présentez chaque fois que vous venez ici, et à chacun d'entre nous. Nous verrons ce qu'il en sera dans quinze jours. En attendant, je vous souhaite bon courage ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Lauriane Josende.
Mme Lauriane Josende. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans mon département, les Pyrénées-Orientales, la crise du logement est particulièrement aiguë et singulière.
En effet, ce territoire cumule trois fragilités majeures : une raréfaction du foncier constructible, entre mer, montagne et zones agricoles protégées, qu'aggrave évidemment l'application du ZAN ; une situation sociale marquée par une grande précarité, avec de nombreuses familles en difficulté face au coût du logement et à la faiblesse des revenus – le département est le plus pauvre de France, après la Seine-Saint-Denis – ; enfin, des conditions climatiques de plus en plus extrêmes, avec des sécheresses et des incendies qui s'intensifient sous l'effet du réchauffement climatique.
C'est dans ce contexte qu'un phénomène inquiétant s'enracine : la " cabanisation ". Celle-ci consiste à implanter illégalement des habitations, légères ou permanentes, sans autorisation, sur des terrains non constructibles, souvent en zone agricole ou naturelle, et la plupart du temps dans des endroits à risque.
Un véritable business de ces constructions illégales se développe aujourd'hui, sur fond de crise du logement. Chaque année, une centaine de nouveaux cas de cabanisation sont signalés, et la tendance ne faiblit pas.
Depuis 2015, les services de l'État ont mis en place, sous la houlette du préfet, un dispositif partenarial exemplaire associant l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), le Parquet et les services d'urbanisme. Ce travail conjoint permet, certes, un meilleur repérage des sites concernés, une mutualisation des procédures et un appui juridique aux communes, mais seules vingt-deux démolitions d'office ont été exécutées depuis 2018.
Si ces initiatives locales montrent qu'il existe une réelle volonté d'agir, les résultats demeurent limités, en raison d'une procédure jugée trop lourde et inefficace par les acteurs concernés ; en effet, sur le terrain, on constate quelques démolitions seulement, qui interviennent dix à quinze ans après les faits.
Il est urgent, monsieur le ministre, d'agir contre ce phénomène, car le sentiment d'impunité met à mal l'autorité de l'État et celle des maires. Sous le regard des professionnels du bâtiment, qui sont en très grande souffrance dans notre département, et celui des honnêtes gens qui respectent les règles d'urbanisme, ces constructions illégales sont en train de devenir une pratique institutionnalisée. La crise du logement ne saurait justifier cela !
Les maires sont désemparés, confrontés à des procédures interminables et à des situations humaines parfois dramatiques. Pendant ce temps, tous ceux qui respectent les règles se découragent de plus en plus. Cette situation sape la crédibilité tant de l'action publique que de la loi, et in fine toute politique du logement dans les Pyrénées-Orientales.
Ce phénomène n'est plus anecdotique. Il nourrit la crise du logement elle-même, mine la cohésion territoriale, fragilise l'agriculture et accroît les risques d'incendie dans un département déjà frappé par la sécheresse et la désertification.
La régulation est également importante et nécessaire pour la protection des biens et des personnes qui subissent cette crise de plein fouet.
Monsieur le ministre, nous avons besoin que vous vous engagiez sur ce sujet !
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Lauriane Josende. Nous avons besoin de modèles et de dispositifs similaires à ceux qui existent dans les outre-mer. Pour faire respecter notre droit, protéger nos habitants et préserver nos territoires, je souhaite que nous puissions y travailler très rapidement et concrètement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Madame la sénatrice Josende, je vous remercie de votre intervention sur ce point, auquel je suis évidemment très sensible. La cabanisation soulève un problème majeur : de nombreux secteurs de votre département sont dégradés par la présence illégale de résidences mobiles de loisirs, de caravanes, de cabanes ou même d'installations en dur, dans des zones agricoles ou naturelles.
Habitat contraint pour certains, terrain de loisirs pour d'autres, ce phénomène menace la sécurité des personnes, la santé des habitants, l'environnement, le foncier agricole et la qualité des paysages. Même si un certain nombre de mesures existent déjà, elles sont évidemment insuffisantes.
C'est pourquoi je suis tout aussi impatient que vous que les dispositions de la proposition de loi Huwart puissent enfin être mises en œuvre. En effet, ce texte prévoit de renforcer franchement les pouvoirs du maire contre les constructions illégales, en augmentant notamment les astreintes et les amendes face à ces constructions.
Madame la sénatrice, dès que le Conseil constitutionnel se sera prononcé et que la loi aura été promulguée, comptez sur moi pour revenir vers vous et examiner ce problème à vos côtés, afin que l'ensemble des préfets, en particulier celui de votre département, puissent mettre en œuvre ces nouvelles dispositions avec la plus grande rapidité, la plus grande fermeté et la plus grande rigueur.
Mme la présidente. La parole est à Mme Lauriane Josende, pour la réplique.
Mme Lauriane Josende. La proposition de loi Huwart comporte une partie des réponses, mais il faut aller plus loin, pour raccourcir les délais de procédure. Il faut également s'assurer qu'il s'agit bien de procédures administratives, afin d'éviter le passage devant le juge civil, notamment lorsqu'il y a urgence, en raison d'un risque d'inondation ou d'incendie avéré, tel que celui qui existe dans les Pyrénées-Orientales.
Un tel dispositif existe déjà en outre-mer ; nous pourrions réfléchir à un dispositif identique pour le territoire métropolitain.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Blanc. Répondre à la crise du logement en trois minutes, l'exercice n'est pas évident…
Monsieur le ministre, il n'est plus temps de faire des constats ; nous connaissons tous les problèmes du logement. Ils appellent un véritable électrochoc, que vous avez annoncé via un plan à venir.
Pour ma part, après avoir consulté les acteurs, je vous proposerai cinq mesures simples, pragmatiques, immédiatement applicables.
Premièrement, il conviendrait de solvabiliser les primo-accédants. Intégrons l'inflation dans le calcul des plafonds du PTZ, pour maintenir une juste proportion entre ce dernier et le prix réel des logements. Consolidons les dispositifs efficaces comme l'élargissement du PTZ ou la possibilité de dons familiaux, indispensables à l'accession des jeunes actifs et des ménages modestes.
Deuxièmement, il faudrait favoriser le parcours résidentiel en développant l'accession à prix maîtrisé. Beaucoup de communes expérimentent des dispositifs qui imposent aux promoteurs de céder une part de logements à un prix abordable. Donnons à ces initiatives un cadre juridique clair, avec un prix de vente encadré à 15% sous le marché, une TVA réduite à 10 % et l'éligibilité au PTZ même pour les non-primo-accédants. C'est une mesure de bon sens, à la fois sociale et responsable.
Troisièmement, nous devons accélérer la construction et construire des logements moins chers. Trop de normes, trop de charges, trop de surenchères techniques font grimper les coûts et bloquent les projets. Il faut donc simplifier.
Commençons déjà par appliquer les plans locaux d'urbanisme (PLU) adoptés ; utilisons les dérogations prévues pour les projets à fort impact social ; assumons la verticalité en fixant aussi des hauteurs minimales pour optimiser le foncier.
Pourquoi ne pas également flécher une part accrue de la taxe d'aménagement vers les communes qui bâtissent ? Plusieurs de nos collègues feront aussi des propositions sur le financement du ZAN, à propos duquel une mission d'information de la commission des finances va prochainement rendre ses conclusions. Marc-Philippe Daubresse, d'autres collègues et moi-même nous sommes également attaqués à la simplification du droit de l'urbanisme, en faisant des propositions en ce sens.
Quatrièmement, nous pourrions encourager encore plus fortement la reconversion des bureaux en logements. Des textes ont été adoptés, mais d'autres mesures sont possibles. Le potentiel est immense, mais les freins économiques demeurent.
Un taux de TVA réduit à 5,5% sur les ventes issues de reconversion, sans condition de ressources, serait une mesure simple, rapide et efficace. Il serait aussi envisageable d'instaurer un taux réduit de TVA sur les ventes réalisées autour des gares, comme le demandent les aménageurs, mais je n'ai pas le temps de développer davantage cette proposition.
Enfin, Marc-Philippe Daubresse est à l'origine de la cinquième proposition : relancer l'investissement locatif privé. Le statut du bailleur privé ne sera crédible qu'à condition d'être réellement incitatif. Un amortissement de 5 %, comme le préconise le rapport Daubresse-Cosson, me semble indispensable pour redonner confiance et ramener les investisseurs.
Ces mesures ne sont pas forcément d'ordre législatif ; elles sont peut-être réglementaires et relèvent parfois du simple bon sens. Monsieur le ministre, ces recommandations pourraient, tout simplement, être intégrées au futur grand plan que vous avez annoncé, en attendant le Grand Soir de 2027…
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Monsieur le sénateur, je vous remercie des nombreux échanges que nous avons déjà eus : nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises, et vous m'avez déjà fait part de toutes ces propositions pertinentes, qui méritent d'être étudiées de près.
J'y reviendrai dans un instant, avec ces propositions très concrètes et immédiatement applicables pour un certain nombre d'entre elles, vous êtes au cœur de ce que j'appelle le plan logement.
Au fond, l'enjeu n'est pas de créer un projet de loi sur le logement ; je ne suis pas là pour faire adopter un texte qui porte mon nom, cela ne m'intéresse pas. Ce qui importe, c'est de loger dignement les familles, de relancer la construction de logements dans notre pays : tel est l'objectif que nous pouvons viser ensemble.
Ce grand plan a donc vocation à être nourri par des propositions comme les vôtres ou d'autres que nous avons entendues aujourd'hui, ou comme celles qui émanent de plusieurs rapports.
Je vous donne donc d'ores et déjà rendez-vous pour que nous écrivions ensemble ce grand plan, tous ensemble. En tout cas, je vous remercie de la richesse de vos propositions.
M. Jean-Baptiste Blanc. Merci !
Conclusion du débat
Mme la présidente. En conclusion de ce débat, la parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie encore une fois de la qualité de nos échanges, preuve s'il en faut de votre sagesse et de votre rigueur. Pour moi qui suis issu de l'Assemblée nationale, c'était un vrai plaisir de débattre de cet enjeu si important dans ce cénacle, où le fond et la mesure priment la forme et la posture… (Sourires.)
M. Marc-Philippe Daubresse. C'est sûr que l'ambiance n'est pas la même !
M. Vincent Jeanbrun, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous n'avez pas attendu ce gouvernement pour vous saisir de l'urgence que constitue le logement pour notre pays. Uniquement cette année, votre assemblée a ainsi présenté deux rapports et adopté six propositions de loi.
C'est d'autant plus important que nous partageons – nous l'avons entendu – le constat : la France et l'Europe traversent une crise du logement d'une ampleur inédite, la pire depuis longtemps. Il ne s'agit pas seulement d'une crise de l'habitat ; c'est une crise économique, environnementale et surtout sociale, comme l'a exprimé récemment le nouveau commissaire européen à l'énergie et au logement.
Nous en sommes tous convaincus, la difficulté à se loger correctement nourrit un fort sentiment de déclassement. Trop de nos concitoyens le ressentent ; il alimente automatiquement une colère, une frustration, qui bien souvent oriente vers les populistes.
Nous devons donc relever un défi important, d'autant que cette crise du logement repose sur plusieurs facteurs. Ceux-ci sont d'abord conjoncturels, ainsi que cela a été évoqué. Inflation du coût des matériaux, pénurie d'artisans, hausse des taux d'intérêt : tout cela complique considérablement l'accession au logement et à la propriété.
Cela dit, nous aurions tort de considérer que cette crise n'est que conjoncturelle ; elle est également structurelle. L'évolution de nos modes de vie, des parcours résidentiels, de la démographie ainsi que la saturation de notre parc social font partie des éléments qu'il est utile de citer pour répondre à cette crise du logement.
Face à cela, nous n'avons pas le droit à la résignation. Le fatalisme n'est pas une option. Ce gouvernement, sous l'impulsion du Premier ministre Sébastien Lecornu, l'a très bien compris. Celui-ci m'a confié une mission claire : inverser la perspective et bâtir un véritable plan logement, partout et pour tous.
Ce projet suppose de repenser notre approche à la lumière des nouvelles façons d'habiter, de vivre et de travailler. Il suppose aussi de repenser notre méthode. Je vous propose ainsi que nous coconstruisions le plan logement, un peu comme on construit un immeuble, brique après brique, avec l'expertise et le talent de chacun, en ayant deux objectifs en tête : construire bien et pour longtemps.
Ce plan sera donc collectif, construit d'abord avec vous, mesdames, messieurs les parlementaires, avec les élus locaux, les professionnels du secteur, mais également avec les citoyens eux-mêmes.
Je souhaite évidemment m'appuyer sur tous les travaux, qui sont nombreux, réalisés par les parlementaires. C'est en ayant cela à l'esprit que j'ai proposé, par le biais d'un amendement gouvernemental, de promouvoir le statut du bailleur privé, en m'inspirant des travaux menés par M. le sénateur Daubresse – je le salue une fois de plus – avec le député Mickaël Cosson, ainsi que de ceux que ma prédécesseure Valérie Létard avait amorcés.
Vous le voyez, nos riches échanges permettent déjà de dessiner l'ambition et le cahier des charges du plan logement. Je m'en réjouis et j'ai hâte que nous puissions davantage travailler ensemble.
Du point de vue de la méthode, il nous faudra hiérarchiser deux moments. D'un côté, il faudra définir ce qui relève de l'urgence absolue et que nous devrons traiter immédiatement, durant l'examen du budget pour 2026 : ce sont les mesures à court terme. De l'autre, il y a ce qui s'inscrit dans une vision de moyen et long termes, pour refonder durablement notre politique du logement. Cela aussi, nous aurons à le construire ensemble. Nous ne ferons pas l'un ou l'autre, nous ferons les deux.
Le plan logement intégrera plusieurs axes structurants : mieux adapter l'offre aux besoins qui évoluent ; mieux sécuriser le statut du propriétaire et du locataire ; mieux financer l'acquisition, notamment pour les primo-accédants ; simplifier les normes ; accélérer la nécessaire décentralisation ; et, enfin, trouver un équilibre renouvelé entre logement social, logement intermédiaire et parcours résidentiel.
Tout cela pose les fondations d'un plan ambitieux, mais réaliste, un plan de mobilisation nationale pour le logement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cette crise que nous traversons n'est pas une fatalité, c'est un défi. Comme le dirait Jean-Louis Borloo, il ne faut pas gâcher une bonne crise ; nous allons donc relever le défi. Comme souvent dans notre histoire, les défis appellent de l'ambition, du courage, du volontarisme et, je le crois, de l'esprit collectif ; au fond, il s'agit là d'une bonne définition de ce qu'est le Sénat.
Source https://www.senat.fr, le 25 novembre 2025