Texte intégral
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Bonjour Anne LE HÉNANFF.
ANNE LE HÉNANFF
Bonjour.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Vous êtes notre invitée, vous êtes ministre, on le disait, chargée de l'IA et du Numérique et on a beaucoup de sujets à aborder avec vous et avec Alice BOUILLAGUET qui va vous interviewer pour l'interview politique de la matinale.
ALIX BOUILLAGUET
Bonjour Anne LE HÉNANFF.
ANNE LE HÉNANFF
Ce n'est pas facile à prononcer.
ALIX BOUILLAGUET
Exactement, merci d'être avec nous ce matin. Après la vente de poupées à caractère pédopornographique, le Gouvernement a demandé la suspension du site chinois SHEIN pendant trois mois et son retour sous condition. L'audience au tribunal judiciaire de Paris se déroule à 11 heures. Est-ce que vous espérez être suivie et est-ce que vous espérez obtenir cette décision ?
ANNE LE HÉNANFF
Alors j'ai confiance en la justice française. Je ne commenterai pas puisqu'on n'a pas encore la décision et puis ce sont les audiences aujourd'hui, le jugement arrivera un petit peu plus tard. Ce que je peux vous dire c'est que la position de la France par contre et du Gouvernement est extrêmement ferme sur les plateformes du type de SHEIN qui ne respectent pas le droit français et le droit européen en matière de protection des usagers et notamment les mineurs. Donc quelle que soit la décision, ce que je peux vous dire c'est que nous continuerons pas à pas, opération illégale par opération illégale, je ne souhaite pas que ça arrive évidemment, à agir, saisir la justice ou l'ARCOM pour fermer les sites et surtout supprimer les contenus et les produits illégaux.
ALIX BOUILLAGUET
Même en cas de suspension, imaginons que vous l'obteniez, est-ce qu'il n'y a pas un risque de contournement notamment via des VPN ? Est-ce qu'il ne faut pas aller plus loin et peut-être interdire aussi notamment cette plateforme ?
ANNE LE HÉNANFF
Alors interdire la plateforme, on est prêt à le faire, le Premier ministre a été clair, s'il y a réitération, s'ils ne respectent pas les sommations qu'ils ont reçues et on a quand même gagné ce pas, cette victoire contre eux, on peut, on ira jusqu'à la fermeture. Après contourner c'est un autre sujet, c'est un sujet très technique qui doit être abordé avec des techniciens, avec les parlementaires sur le VPN, il va falloir de toute façon qu'on muscle notre arsenal législatif et réglementaire, ça c'est sûr, il y a des trous dans la raquette, on les a bien identifiés et je travaille là-dessus avec mes équipes.
ALIX BOUILLAGUET
Et est-ce que vous savez également où en est l'enquête concernant SHEIN ? Est-ce que vous avez notamment identifié les acheteurs de ces poupées ?
ANNE LE HÉNANFF
Alors il y a une enquête en cours, les services de police puisque là on est sur du pénal, que ce soit les vendeurs tiers, c'est-à-dire ceux qui ont vendu ces poupées et aussi les acheteurs, une enquête de police qui sont extrêmement performants, efficaces, rapides et on peut atteindre jusqu'à cinq ans d'emprisonnement, 75 000 euros, donc évidemment, moi, je m'adresse aussi à ce public qui achète ces produits illégaux en disant : " Il n'y a pas d'impunité, si vous les achetez il va falloir payer les conséquences ".
ALIX BOUILLAGUET
Mais là, à ce stade, il y a des acheteurs qui ont été identifiés, il y en a combien ?
ANNE LE HÉNANFF
Je ne peux pas vous dire, il y en a quelques-uns, en tout cas d'après les informations que j'ai, mais l'enquête elle continue et nous irons jusqu'au bout pour identifier tous les acheteurs de ces poupées pédopornographiques.
ALIX BOUILLAGUET
Le patron du BHV site sur lequel la boutique SHEIN s'est implantée va être devant les députés aujourd'hui, c'est un problème pour vous que le BHV, qui est un magasin emblématique parisien, accueille un magasin comme SHEIN ?
ANNE LE HÉNANFF
Je trouve ça très regrettable qu'une belle enseigne française de ce type, à Paris, accueille SHEIN, surtout dans ce contexte, et je pense que c'était malvenu. Maintenant on est dans un pays libre, le commerce est libre, il prend ses responsabilités, c'est tout.
ALIX BOUILLAGUET
Vous êtes donc ministre chargé du numérique, mais également de l'intelligence artificielle, l'intelligence artificielle qui prend de plus en plus de place dans nos vies et dans la vie des entreprises, comment vous pouvez accompagner les entreprises françaises dans leur évolution avec ce nouvel outil ? Concrètement, qu'est-ce que vous pouvez faire ?
ANNE LE HÉNANFF
Alors nous avons accueilli le sommet de l'IA en février, ça a été un grand succès mondial. Il faut absolument maintenant... Ma priorité, moi, c'est que nous diffusions l'IA partout et pour tous, dans tous les territoires. Parce que l'IA, l'intelligence artificielle, parfois perçue comme quelque chose d'angoissant, parce que méconnue, il faut faire de la pédagogie pour expliquer aux gens que c'est une plus-value, notamment pour les TPE. Donc les petites entreprises, les commerces, c'est une source de gains, d'efficacité, et puis d'allègement des tâches, finalement, qui sont rébarbatives pour les humains.
ALIX BOUILLAGUET
Donc comment vous faites pour les aider ?
ANNE LE HÉNANFF
Alors comment on va faire pour les aider ? Écoutez, cet après-midi, je vous annonce, ce matin, je vais accueillir 500 ambassadeurs de l'IA que nous avons sélectionnés, basés sur le volontariat, ils sont bénévoles, et ces 500 ambassadeurs de l'IA vont diffuser partout dans nos territoires quelle que soit la région, quel que soit le département, y compris dans les territoires d'Outre-mer, l'intelligence artificielle avec les usages qui vont avec.
ALIX BOUILLAGUET
Beaucoup d'infrastructures, notamment les data centers, restent quand même dominées par les géants américains, chinois et américains. Comment est-ce qu'on peut limiter aussi notre dépendance ?
ANNE LE HÉNANFF
Alors c'est une de mes priorités, et d'ailleurs mon cabinet, le chapeau commun de toute mon équipe, c'est la souveraineté numérique. Et dans la souveraineté numérique, il y a effectivement une vraie ambition pour, notamment, les data centers qui soient souverains. Il y a des aspects sur lesquels on ne pourra pas être souverain, pour l'instant, je pense, aux puces, mais on y travaille. Par contre, on a une ambition également de créer une filière qui soit, qui soit indépendante. Les Chinois, les Américains préfèrent les produits chinois et américains. Nous, on doit être en capacité de proposer une alternative et de dire aux européens : « Quand vous avez des données, vous voulez les sauvegarder, sauvegardez-les dans des clouds et dans des data centers européens et français ». Il faut donc faire pousser l'idée d'une préférence européenne. Et c'est ce sur quoi je me bats chaque jour depuis que je suis ministre.
ALIX BOUILLAGUET
Un mot aussi de la plateforme de Streaming KICK, qui est visée par une plainte de l'association RESPECT ZONE pour la diffusion de contenus violents et pornographiques. Cette plateforme, on le sait, elle a déjà fait l'objet d'une enquête depuis la mort du streamer français Jean PORMANOVE. Comment est-ce que vous justifiez qu'elle soit encore aussi peu encadrée et surtout aussi peu modérée ?
ANNE LE HÉNANFF
Alors, il y a un travail, quand je vous dis qu'il y a parfois des trous dans la raquette, c'est vrai que, finalement, le numérique, tout ce qui est dématérialisé, évolue tellement vite que, souvent, l'arsenal législatif, réglementaire, il est un peu à la traîne. Donc là, mon ambition, c'est vraiment de mettre à plat toutes les défaillances ou les trous qui pourraient exister dans cette raquette. Et moi, je vois deux priorités. C'est, un, de réguler les plateformes. Là, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, on ne laissera rien passer. Impunité zéro.
ALIX BOUILLAGUET
Parce que, est-ce qu'on peut dire aussi qu'il y a une forme de responsabilité d'État qui, justement, n'a pas assez durci et assez vite la réglementation de ces plateformes live, en direct ?
ANNE LE HÉNANFF
On a des réglementations, et notamment, elles sont européennes. On a le DSA, le DIGITAL SERVICES ACT, qui est un règlement européen que tous les États membres ont voulu. Il doit maintenant passer à l'action aussi de la sanction, quand il y a des choses illégales qui sont constatées.
ALIX BOUILLAGUET
Pour KICK, concrètement, quelle a été la sanction ?
ANNE LE HÉNANFF
Alors, pour l'instant, il y a une enquête, par contre, de police, sur ce qui s'est passé. Ça, c'est le deuxième point. Donc, être absolument strict avec les plateformes. Et je vois un deuxième sujet sur lequel je vais travailler rapidement, et j'ai commencé. C'est, finalement, d'être exigeant également sur les créateurs de contenus, ceux qui déposent des choses sur ces plateformes. Il faut qu'on les régule également. Là, on a un parlementaire et un ancien parlementaire, monsieur VOGETTA et monsieur DELAPORTE, qui vont me présenter, début décembre, les conclusions de leur rapport. Et je souhaite vraiment travailler avec eux sur une évolution législative sur les créateurs de contenus. Là, je pense qu'on a des choses à faire.
ALIX BOUILLAGUET
Emmanuel MACRON est très présent sur le harcèlement en ligne ces derniers temps. C'est vrai que c'est la loi de la jungle, c'est la loi des règlements de comptes, c'est d'une violence inouïe. Comment est-ce que vous pouvez instaurer des règles ? Et que risquent aussi les cyberharceleurs ?
ANNE LE HÉNANFF
Alors déjà, quand ils sont identifiés, ils le risquent. Il y a des sanctions possibles. Encore faut-il les détecter. Donc déjà, il faut peut-être supprimer cette anonymisation systématique sur les réseaux sociaux.
ALIX BOUILLAGUET
Ça passerait par quoi, une obligation de fournir sa pièce d'identité avant d'être sur les réseaux sociaux ?
ANNE LE HÉNANFF
C'est une des pistes, en tout cas, de s'identifier. Ça, c'est une des pistes. Je pense que c'est peut-être quelque chose qui peut se faire au niveau européen. On y travaille avec mes homologues, on en parle. Mais c'est surtout un projet pour protéger les mineurs, non seulement pour éviter leur enfermement dans des algorithmes et des choses qu'ils ne maîtrisent pas, mais aussi parce qu'il en va de leur santé mentale, c'est de créer une majorité numérique. Des parlementaires travaillent sur le sujet. C'est un sujet, la majorité numérique, que le président de la République porte avec force. Et je l'y accompagnerai. On sera en capacité, et il décidera, d'ici la fin de l'année, début 2026, de proposer une évolution législative.
ALIX BOUILLAGUET
Un tout dernier mot sur les réseaux sociaux. C'est aussi la clé, parfois, pour les ingérences étrangères, notamment russes. Est-ce que vous pensez qu'il y a un gros risque qui plane ? Il y a des municipales dans trois mois, quatre mois, il y a des présidentielles dans 17 mois. Est-ce que c'est un objet de préoccupation ?
ANNE LE HÉNANFF
Exactement, ce n'est pas de la science-fiction madame, ce n'est pas de la science-fiction, les ingérences étrangères. Je pense qu'elles existent déjà aujourd'hui, et les municipales vont être un levier pour nous rendre compte, et que la population se rende compte, et notamment les candidats aux municipales, les collectivités, les territoires, ils seront la cible de désinformation, de malveillance. Il faut en avoir conscience, il faut être en capacité, un, de les repérer, et deux, de lutter pour rectifier et rétablir aussi les choses et sanctionner si c'est nécessaire.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 novembre 2025