Texte intégral
M. le président Stéphane Travert. Monsieur le ministre, cette audition doit nous permettre, au-delà des questions budgétaires, d'évoquer votre feuille de route pour les prochains mois, ainsi que la situation du logement et de la construction. Nous savons tous à quel point ce secteur d'activité joue un rôle important pour l'activité économique et l'emploi et nous connaissons l'ampleur des attentes de nos concitoyens en matière d'accès à un logement adapté à leurs besoins et de qualité.
Lors de l'examen pour avis de la seconde partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2026, notre commission a non seulement consacré un avis budgétaire à la politique du logement, dont le rapporteur était M. Frédéric Falcon, mais elle a également présenté un autre avis portant sur la politique de la ville – ce qui n'était plus le cas depuis plusieurs années –, avec pour rapporteur M. Stéphane Peu. Cela illustre l'intérêt que notre commission porte à cette partie de vos attributions.
Pouvez-vous dresser un état des lieux de la préparation du budget du logement, notamment concernant l'avancée du statut du propriétaire bailleur et le soutien à la rénovation énergétique et aux organismes HLM via la baisse de la réduction de loyer de solidarité (RLS) ?
L'offre de logements neufs reste largement insuffisante, le niveau de commercialisation est historiquement bas. Quels leviers non fiscaux pourraient encourager la production de logements neufs ?
Il y a quelques semaines, vous avez proposé d'améliorer la rotation dans le parc social. Quelles mesures entendez-vous prendre pour la favoriser ?
Les coûts de la construction ont augmenté de près de 15% depuis 2021, selon l'indice de l'Insee. L'inflation et la guerre en Ukraine expliquent en partie cette évolution, mais les prix ont insuffisamment baissé depuis deux ans. Avez-vous pu identifier les principales causes de la hausse des coûts ? En la matière, la transparence est-elle, selon vous, suffisamment assurée ?
La réglementation environnementale RE2020 contribue également au renchérissement des coûts de la construction. Quelles mesures avez-vous prises, ou envisagez-vous d'adopter, pour limiter ces coûts ? Ne faudrait-il pas instituer un observatoire des coûts de la construction pour vérifier la répartition des marges au sein de la filière, comme le préconise la présidente de l'Union sociale pour l'habitat (USH) Emmanuelle Cosse ?
Pourriez-vous nous indiquer vos projets pour relancer la politique de la ville, en particulier dans le domaine de la rénovation urbaine ? Où en est-on dans la mise en œuvre du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et quel avenir voyez-vous à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), à alors que sa suppression a été proposée par la commission d'enquête sénatoriale sur les opérateurs de l'État ?
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Comme vous l'avez dit, monsieur le président, le contexte est grave et les défis du logement sont immenses. Je tiens à souligner qu'en nommant un ministre de plein exercice ayant la double compétence sur le logement et la ville, le Premier ministre a montré sa volonté que nous mettions toutes les chances de notre côté pour faire face aux enjeux du secteur. Je veux également vous assurer que je veillerai à ce que l'on déploie la même énergie dans ces deux domaines.
Permettez-moi, avant d'entrer dans le vif du sujet, de saluer le travail de nos administrations centrales, à savoir la direction générale des collectivités locales (DGCL), l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN), la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) et la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal).
La feuille de route que m'a confiée le Premier ministre est simple : elle consiste à achever le nouveau programme de rénovation urbaine, à relancer l'offre de logements et à fluidifier le recours au parc d'hébergement. La méthode, tout aussi limpide, s'appuiera sur les travaux dignes d'intérêt lancés par mes prédécesseurs et ceux réalisés par les parlementaires. C'est une question de bon sens : la situation du logement en France nécessite une réponse forte, rapide et collective. C'est ensemble que nous pourrons apporter des solutions.
Sur le volet du logement, je salue le travail de ma prédécesseure Valérie Létard, qui a lancé de nombreuses initiatives pour répondre à la crise qui frappe le secteur.
Le prêt à taux zéro (PTZ) est un outil efficace en faveur duquel beaucoup, ici, ont œuvré. Depuis le 1er avril 2025, son élargissement à l'ensemble du territoire pour les opérations neuves, qu'il s'agisse de maisons individuelles ou d'appartements, a déjà produit des effets tangibles dont il faut se féliciter. De manière logique, ce dispositif profite particulièrement aux primo-accédants. Le PTZ constitue ainsi un levier concret pour favoriser l'accès à la propriété et soutenir l'investissement dans le neuf. Votre assemblée a adopté, dans le cadre de l'examen budgétaire, un amendement du groupe LIOT qui vise à étendre le dispositif en outre-mer. Il conviendra d'amender la disposition pour que le PTZ soit pleinement applicable dans ces territoires, dont certaines communes sont désormais en zone tendue.
Les travaux du député Mickaël Cosson et du sénateur Marc-Philippe Daubresse ont permis au Parlement de mesurer l'importance de la création d'un statut du bailleur privé. Une première version de ce statut a été votée par l'Assemblée, à l'issue d'un long débat qui a permis de parvenir à un consensus dans l'hémicycle. Le Sénat a adopté, à peu de choses près, la même version. Je rencontrerai cet après-midi plusieurs acteurs du secteur, car je constate que la version issue de l'Assemblée nationale ne donne pas entièrement satisfaction aux professionnels. Ceux-ci estiment que, même si ce statut vaut mieux qu'une absence de mesures, les garde-fous qui ont été posés en minorent l'impact : on est loin, à leurs yeux, de ce que recommandaient monsieur Cosson et monsieur Daubresse.
Je m'en remets, à cet égard, à la sagesse des parlementaires. Je sais que vous discutez, comme moi, avec les professionnels de la construction et du logement. Soyons à leur écoute et apportons une réponse forte et efficace pour relancer la construction de logements neufs.
Si la partie relative au neuf n'est peut-être pas encore au niveau des attentes de la profession, l'existence d'un dispositif pour l'ancien est entérinée, ce qui est une belle victoire. En effet, à l'horizon 2035, même si nous atteignons nos objectifs de construction, 80% du parc sera dans l'ancien. Il est donc fondamental de prévoir un outil incitatif pour que l'épargnant français ait envie d'investir dans la pierre, y compris dans l'ancien, avec la rénovation que cela implique. Là encore, c'est du bon sens. Cela permettra de mieux loger les Français et d'accomplir un pas important en direction de la transition énergétique de l'habitat.
Je salue la capacité du Parlement à dialoguer de manière transpartisane sur la question du logement. En la matière, le pragmatisme a triomphé des postures idéologiques. Je pense particulièrement aux échanges que j'ai eus avec Mme Annaïg Le Meur, M. François Jolivet et M. Inaki Echaniz, mais je pourrais citer d'autres parlementaires.
J'ai conscience de l'ampleur des attentes de la profession. Le statut du bailleur privé constitue la première brique de l'édifice que nous devons construire collectivement. Nous devons, parallèlement, accroître la confiance des propriétaires bailleurs, ce qui passera non seulement par des mesures fiscales incitatives, mais aussi par le fait de leur garantir la pleine jouissance de leurs biens ; je pense notamment aux débats sur les squats et les impayés de loyer, phénomènes qui ont marqué l'actualité et qui ont pu effrayer un certain nombre de personnes. Nous devons, en ce domaine comme dans d'autres, créer un choc de confiance.
En complément des mesures budgétaires, nous devons construire ensemble un plan « Logement ». L'idée n'est pas tant de proposer un projet de loi gouvernemental, que de cataloguer les bonnes initiatives déjà formulées dans les rapports et les propositions de loi des députés et des sénateurs pour relancer la construction, la production et la rénovation de logements dans notre pays. C'est une évidence dont je sais que vous êtes tous convaincus ici : le logement constitue un enjeu économique, social et humain et un élément fondamental de notre système de cohésion nationale. Si nous ne réglons pas la crise du logement, nous aurons devant nous une bombe sociale.
C'est un enjeu économique, dans la mesure où le logement fait vivre des pans entiers de l'économie nationale. Chaque chantier mobilise des artisans et des entreprises locales, des usines de matériaux, des professionnels du bâtiment, de l'immobilier et de l'aménagement. Ce sont des emplois non délocalisables et des savoir-faire ancrés dans les territoires qui contribuent directement et indirectement à la vitalité de notre économie. Le logement soutient toute une chaîne de valeur.
C'est ensuite un enjeu social et profondément humain car, pour reprendre l'expression de la présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, Mme Dominique Estrosi Sassone, " on ne dort pas dans un plan d'épargne en actions ". Le logement est un besoin vital. Il est souvent la première cause de précarité, comme je le constate chaque semaine dans mes déplacements et comme je l'ai vu plus nettement dans le Val-d'Oise, il y a quelques semaines. Les besoins évoluent au cours de la vie : il faut des logements abordables pour les étudiants, des solutions plus flexibles pour les saisonniers, un habitat adapté aux familles, dont la composition diffère de celle des décennies précédentes… Le logement sécurise et adapte le parcours de vie. C'est pourquoi la réponse au défi du logement doit permettre à chacun de trouver un lieu où vivre dignement, où s'ancrer et se projeter dans la vie en fonction de son besoin.
Je sais que votre attachement au programme 177 dédié à l'hébergement d'urgence n'a jamais failli. Nous aurons l'occasion d'échanger ensemble sur cette question. C'est un domaine dans lequel il y a beaucoup à faire.
Monsieur le président, vous avez évoqué le monde du logement HLM. De premières avancées ont été obtenues pour donner aux bailleurs sociaux les moyens d'entretenir leur parc et de le moderniser : le prélèvement au titre de la RLS, qui était initialement de 1,3 milliard d'euros (Md€), est passé à 1,1 Md€. Les efforts en ce sens doivent être poursuivis ; je sais que les parlementaires y sont très attachés. Pour favoriser la production de logements, nous avons aussi augmenté la dotation du fonds national des aides à la pierre (Fnap) à hauteur de 275 millions d'euros (M€), au lieu des 75 M€ initialement prévus. En matière de rénovation énergétique, les bailleurs peuvent piocher dans les fiches des certificats d'économies d'énergie (C2E), qui étaient dotées d'environ 200 M€ ; nous nous sommes battus pour doubler ce montant et accélérer le processus en sécurisant une enveloppe de 400 M€.
Vous m'avez également demandé quels outils non fiscaux pouvaient être mis à disposition du monde du logement. Pour employer une formule simple, mais expressive, je crois aux " Jeux olympiques du logement " et aux " Notre-Dame de la construction ". Il faut accélérer toutes les procédures administratives, lorsque c'est possible, sans rogner sur la qualité ni sur les ambitions énergétiques, environnementales ou relatives au bien-vivre des habitants. Ainsi, dans une zone d'aménagement – autrement dit, lorsqu'on dispose déjà de la validation de la mairie et du préfet –, on peut considérer que les garde-fous sont suffisants et que l'on peut accélérer la procédure. J'aurai l'occasion de vous présenter ces idées plus en détail. C'est dans cet esprit que les deux Chambres du Parlement ont validé la loi du 26 novembre 2025 de simplification du droit de l'urbanisme et du logement, dite loi " Huwart ", qui a en grande partie été validée par le Conseil constitutionnel. Malheureusement, deux points importants ont été considérés comme des cavaliers législatifs ; il faudra les réinscrire prochainement dans notre travail de production de la loi.
Nous pouvons également accélérer la production de logements en rapprochant du terrain les pouvoirs de décision et les moyens d'action – autrement dit, en développant la décentralisation. Il me semble utile de conférer un rôle beaucoup plus étendu aux maires et, de manière générale, de faire redescendre la politique du logement au plus près des collectivités. Il faut offrir à ces dernières des outils leur permettant d'influer davantage sur l'attribution des logements et de mieux lutter contre l'habitat indigne – c'est un ancien maire qui vous parle.
Pour améliorer la rotation au sein du parc social, il conviendrait de créer des temps de rencontre plus réguliers entre les locataires de ce parc et les bailleurs. À l'heure actuelle, le locataire signe, pour ainsi dire, un " bail à vie ", car très peu de règles peuvent l'obliger à quitter le logement. On a l'impression que certains bailleurs ne s'en préoccupent pas, du moment que le loyer est payé. Je propose donc une clause de revoyure tous les trois ans. Ces rencontres permettraient au locataire de faire valoir ses exigences – je pense en particulier aux problèmes d'insalubrité – et au bailleur de mieux contrôler son parc grâce à une rotation plus rapide des locataires.
Les changements seraient décidés notamment en fonction des revenus – les personnes logées dans le « très social » et dont les revenus ont progressé se verraient proposer d'évoluer vers du logement intermédiaire – et de la composition de la famille. J'assume de dire que cette mesure doit également contribuer à renforcer la sécurité dans les quartiers. Le bailleur pourra ainsi dire à une famille, sans passer par une longue procédure judiciaire : " Voilà trois ans que vous êtes là et qu'il y a des troubles réguliers avec le voisinage : nous considérons que vous n'êtes plus prioritaires. " L'idée n'est pas tant de « mettre les familles dehors » que de donner aux bailleurs un levier leur permettant de faire œuvre de pédagogie en amont.
L'envolée des coûts de la construction pouvait s'expliquer assez facilement, il y a quelques années, mais on peut s'interroger sur les raisons pour lesquelles les prix, à l'heure actuelle, ne redescendent pas. Il serait utile de disposer de chiffres. Je ne sais pas si cela justifie la création d'un observatoire en tant que tel, mais on peut, dans un premier temps, faire travailler les administrations sur cette question. Il va de soi qu'une baisse des coûts favoriserait la production de logements.
Je n'ai pas eu le temps de parler de la politique de la ville et espère que certaines questions porteront sur ce sujet ; si tel n'était pas le cas, j'en dirai un mot en conclusion.
M. le président Stéphane Travert. Effectivement, la situation des quartiers prioritaires de la politique de la ville est un sujet majeur. Par ailleurs, peut-être notre commission pourrait-elle mener un travail sur la transparence des coûts de la construction ? Cela nous permettrait d'obtenir des données objectivées et de réfléchir aux modes de construction et aux nouvelles formes d'architecture sur lesquels nous devrions travailler dans un contexte de raréfaction du foncier et de lutte contre le changement climatique.
Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Frédéric-Pierre Vos (RN). Parler de la politique de la ville, c'est parler d'un truisme : non pas un truisme d'efficacité, mais un truisme d'échec, celui d'une politique d'effets d'annonce. Depuis quarante ans, en effet, on parle de réformes, on prétend reprendre la main, repeindre les cages d'escalier, on produit de nouveaux sigles, de nouvelles circulaires… Tous les poncifs y passent. Les organismes impliqués et les dispositifs sont innombrables : pacte de cohérence métropolitain (PCM), Anru, Agence nationale de l'habitat (Anah), Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSE), ANCT, établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca)… On est en bonne compagnie !
Si, encore, cela ne coûtait que le salaire des fonctionnaires et des pousse-crayon des bureaux d'études spécialisés, on pourrait être moins sévère… mais, depuis les années quatre-vingt-dix, l'ensemble a coûté pas moins de 400 Md€ au contribuable sans produire de résultats à la hauteur des promesses et du pari. Car le fil rouge de cette politique, c'est de dépenser toujours, dépenser davantage, avec la conviction d'être vertueux. Or, il n'y a aucune vertu à dépenser l'argent des Français sans leur en rendre compte – d'autant moins que, par cette dépense publique massive, l'État a occupé la place du secteur privé, alors que, si cette dépense avait été encadrée comme elle l'aurait dû, il aurait pu susciter des investissements bien plus fructueux pour le pays.
Cette constance dans l'échec porte un nom : le socialisme. L'archéologie politique nous rappelle que la politique de la ville est une création mitterrandienne. En 1991, le président François Mitterrand nomme Bernard Tapie ministre de la ville – déjà un mélange de marketing politique et de cosmétique médiatique. Au même moment, le chanteur Yves Montand, communiste défroqué, vantait sur les chaînes publiques les vertus du libéralisme et de l'économie de marché : c'était déjà le " en même temps ". Le modèle mis en place était complexe, lourd et inefficace. La preuve : on parle toujours, et encore plus, de « territoires perdus de la République ». À quoi sert-il aux habitants de ces quartiers d'avoir un diagnostic de performance énergétique (DPE) quand le narcotrafic sévit dans la cage d'escalier ? À quoi sert une politique prétendument volontariste, si le parc social ne profite même pas prioritairement aux jeunes ménages français ou aux personnes âgées en difficulté ?
La réalité est, hélas, brutale : en 2024, 2,7 millions de ménages, soit 5 millions de personnes, étaient en attente d'un logement social. Ce record historique illustre parfaitement l'inefficacité structurelle du système, mais aussi son injustice, lorsqu'on songe que plus de 3 Md€ sont consacrés chaque année à l'hébergement d'urgence de personnes étrangères, dont 1,5 Md€ pour les seuls clandestins. Je rappelle que le préfet de Paris est le premier hôtelier de France. Depuis 2010, la politique de la ville a encore absorbé 117 Md€, soit près de 10 Md€ par an, sans infléchissement des dynamiques de quartier. Car, il faut le rappeler, la politique de la ville repose sur une politique de logement devenue parasitaire, qui étouffe le secteur immobilier et l'initiative privée.
L'extension du prêt à taux zéro en outre-mer ne sauvera pas le secteur privé. Songez que lorsqu'on impose la réalisation de 20% à 30% de logements sociaux dans une opération de promotion immobilière, cela conduit nécessairement les promoteurs à vendre les logements à un prix au mètre carré augmenté de la nécessaire compensation qu'ils doivent faire dans le bilan de l'opération – et c'est le consommateur qui paie. La mise en œuvre d'une politique de la ville et de l'urbanisme délétère a abouti à un gâchis d'argent public et à l'étouffement progressif de l'initiative privée.
J'ai eu la joie, mercredi matin, d'entendre votre prédécesseur Guillaume Kasbarian se réclamer de M. Javier Milei. Une hirondelle ne fait pas le printemps mais, bien que je ne sois pas un thuriféraire du président argentin, il faut avouer qu'un bon coup de tronçonneuse dans le système aurait quelques avantages.
M. Vincent Jeanbrun, ministre. Attention à ne pas tout mélanger : l'hébergement d'urgence ne fait pas partie de la politique de la ville. Votre question me permet néanmoins d'aborder le sujet.
Historiquement, notre pays a concentré dans de grands ensembles des familles parmi les plus modestes. Ainsi rassemblées, celles-ci n'ont pas toujours bénéficié de certains outils, à commencer par la mixité sociale à l'école, qui permet une forme d'élévation sociale. Il nous paraît juste de consacrer plus de moyens aux familles qui partent de plus loin. C'est l'honneur de la République que de permettre l'égalité des chances.
Vous avez raison de dire qu'il faut arrêter de toujours dépenser : la dépense doit aujourd'hui s'inscrire dans un cadre exigeant et être contrôlée.
J'emploierai la métaphore de la photo et de la vidéo. Il y a vingt ans, on a pris une photo des quartiers : elle montrait que leurs habitants faisaient partie des personnes les plus défavorisées ; si l'on reprend la photo aujourd'hui, on constate qu'il y a toujours des difficultés et des personnes socialement défavorisées. Si l'on regardait l'hôpital de la même manière, on verrait qu'il y a toujours des personnes à soigner. En réalité, c'est la vidéo qu'il faut regarder : elle nous montre que les familles en difficulté qui arrivent dans les quartiers sont accompagnées, profitent de l'école de la République et s'en sortent. C'est pour cette raison que nous devons défendre les outils de la politique de la ville.
Mme Annaïg Le Meur (EPR). Le logement est l'une des toutes premières priorités des Français. Pourtant, cette réalité peine encore à se traduire en actions cohérentes et efficaces. Au-delà des clivages politiques, nous partageons tous le même constat : la crise du logement est globale, mais les solutions doivent être pensées au plus près des réalités locales.
Premier constat : on oppose trop souvent propriétaires et locataires, acteurs publics et acteurs privés, alors qu'ils sont interdépendants. Quand le parc privé se grippe, le parc social absorbe le choc. Quand le parc social manque de moyens, c'est l'ensemble du marché qui s'en trouve déséquilibré. L'exemple du pouvoir d'achat est éclairant : un retraité s'en sort mieux lorsqu'il est propriétaire. Ces inégalités structurelles appellent une réponse cohérente, transversale, et non une succession de mesures sectorielles.
Deuxième constat : malgré des années de travail transpartisan entre nos deux Chambres, il manque encore un cap clair, un message politique fort de l'exécutif. Les collectivités locales, les intercommunalités, les maires sont en première ligne. Ils connaissent leurs territoires, les urgences auxquelles ils doivent faire face et les leviers dont ils disposent. Pourtant, ils restent trop souvent contraints par des règles nationales rigides, parfois déconnectées des besoins locaux.
Troisième constat : la décentralisation est indispensable, mais elle doit être ambitieuse et opérationnelle. Les autorités organisatrices de l'habitat (AOH) constituent une avancée, mais leur périmètre demeure trop restreint : seules six intercommunalités y ont accès, alors que beaucoup d'autres pourraient jouer pleinement ce rôle si l'on élargissait les critères et les compétences.
Comment envisagez-vous une véritable décentralisation des politiques du logement, au-delà du seul logement social ? Les AOH peuvent-elles devenir des pivots territoriaux englobant le parc privé, la rénovation et la lutte contre l'habitat indigne ?
Quels outils doivent absolument rester nationaux pour garantir la solidarité entre les territoires et comment articuler ces solidarités avec les adaptations locales nécessaires dans les zones très tendues et les territoires en déclin démographique ?
Nous avons besoin d'un véritable choc de décentralisation, comme vous l'avez dit, mais aussi d'un choc de confiance à destination des acteurs locaux. Les maires, les intercommunalités et les bailleurs sont prêts à agir à condition d'avoir les moyens de leurs ambitions. Le logement ne peut plus être un sujet parmi d'autres : c'est une urgence sociale, économique et écologique. Nous comptons sur vous pour fixer un cap clair et donner aux territoires les outils qui leur permettront de répondre enfin à cette crise d'ampleur.
M. Vincent Jeanbrun, ministre. Merci d'avoir rappelé à quel point le logement est une priorité pour tous les Français. Il l'est même désormais à l'échelle de l'Union européenne puisque, pour la première fois, un commissaire européen est chargé du logement. Beaucoup de pays en Europe font également face à une crise et ce défi doit être relevé de manière collective.
Vous avez également eu raison de souligner la complémentarité entre le parc privé et le logement social. Il ne faut jamais les opposer. Lorsque le logement privé a traversé une crise, nous avons heureusement pu compter sur le logement social pour réaliser un certain nombre d'opérations. On peut se réjouir que la production de logements sociaux ait été très importante en 2025 – nous avons presque dépassé nos objectifs. Comme l'a rappelé monsieur Vos, le secteur privé aide à construire des logements sociaux : il est donc fondamental de préserver l'équilibre entre les deux secteurs.
Je suis convaincu de la nécessité de la décentralisation. Je veux faire confiance à l'échelon local, aux maires, en leur donnant plus de pouvoir dans l'attribution de logements et dans le cadre de la lutte contre l'habitat indigne. Certains députés proposent de mettre à leur disposition de nouveaux outils, par exemple en matière d'encadrement des loyers. Pourquoi pas ? Un certain nombre de compétences doivent être transférées afin de clarifier les choses.
Tel est l'objet du travail en cours et qui devrait aboutir, début janvier, à la présentation d'un projet de loi en conseil des ministres, puis à son examen au Parlement. Ce texte de simplification, de clarification et de décentralisation devra répondre à une question simple : qui fait quoi ? Il est essentiel que l'État parle d'une seule voix : le préfet doit avoir le dernier mot lorsqu'interviennent des structures de l'État comportant un échelon territorial.
M. François Piquemal (LFI-NFP). " Ma maman est morte dans les toilettes publiques. " : ces mots sont ceux du fils de Sylviane, retraitée de 66 ans, décédée peu après avoir été expulsée de son logement avec son mari, à la suite d'un retard de paiement de loyer.
Sylviane est morte de la rue. Sylviane est morte de la loi Kasbarian-Bergé, qui a fait bondir le nombre d'expulsions locatives de 29% en un an, pas moins de vingt-cinq mille familles ayant été mises dehors sans solution de remplacement. Voilà comment on laisse les nôtres périr à petit feu dans le mouroir de nos trottoirs ! Dans mille ans, des historiens étudieront peut-être cette pratique curieuse qui avait cours en France en 2025 : laisser mourir mille personnes sans-abri, alors que plus de trois millions de logements sont laissés vides. Ils se diront probablement que nous étions une civilisation assez étrange.
" Est-ce qu'on peut retourner à l'école même si on est à la rue ? " Ce sont les mots d'Houria, la petite fille que je parraine à Toulouse et dont la famille a été expulsée de son logement la semaine dernière. Hier encore, j'étais devant l'école Georges-Bastide, où huit autres enfants sont dans le même cas. L'Unicef estime qu'ils sont plus de trois mille à connaître cette situation dans notre pays. Monsieur le ministre, trouvez-vous acceptable que des enfants dorment à la rue en France en 2025 ? Je sais qu'en tant qu'être humain, vous ne pouvez pas vous y résoudre, comme nous tous ici. Alors, que fait-on ?
Voici quelques propositions : créer les vingt mille places demandées par le secteur de l'hébergement d'urgence ; mettre en place l'encadrement à la baisse des loyers ; relancer la construction et la rénovation de logements publics adaptés aux ressources des demandeurs ; et, peut-être, en première urgence, comme l'ont fait en leur temps le général de Gaulle et Jacques Chirac, procéder à la réquisition des logements vacants pour mettre à l'abri celles et ceux qui sont en train de mourir à la rue.
Je voudrais enfin remercier ceux qui se battent au quotidien pour le droit au logement digne : les associations, les agents du secteur HLM, les parents d'élèves et le personnel éducatif.
M. Vincent Jeanbrun, ministre. Je salue également les très nombreux salariés et bénévoles qui font vivre le monde de l'hébergement d'urgence, avec un courage et une générosité extraordinaires. J'ai eu l'occasion de faire quelques maraudes ; j'y ai rencontré des gens merveilleux, qu'il faut saluer.
En tant qu'être humain et en tant que responsable politique, on ne peut évidemment pas se satisfaire que des personnes meurent dans nos rues – l'arrivée de l'hiver nous impose d'agir encore davantage. Pour autant, je ne peux pas vous laisser dire que rien n'est fait. Le nombre de places d'hébergement d'urgence a considérablement augmenté, même s'il est toujours insuffisant. Des amendements ont été adoptés pour améliorer la sincérité du budget de l'hébergement d'urgence et accroître le nombre de places. Cela va dans le bon sens, à la condition qu'un budget soit adopté.
Comme vous ne voulez pas, " en tant qu'être humain ", que des gens meurent dans la rue, j'imagine que vous ferez en sorte, en tant que député, qu'un budget, plutôt qu'une loi spéciale, soit voté afin que l'on ait réellement les moyens d'accompagner les familles et de ne laisser personne dormir dans la rue. Je vous laisse avec votre conscience.
M. Inaki Echaniz (SOC). Je nous invite collectivement – et vous en particulier, monsieur le ministre, parce que votre voix porte – à renoncer aux effets d'annonce dogmatiques, qui ont davantage leur place sur les plateaux de télévision ou au comptoir, et à nous consacrer à l'élaboration de mesures concrètes. Il faut éviter d'entretenir des fantasmes qui peuvent affecter la confiance entre propriétaires et locataires.
Les parlementaires que nous sommes attendent, depuis bien trop longtemps, un projet de loi de programmation qui permettrait de répondre à l'enjeu du logement. On peut continuer à parler de pouvoir d'achat, de réindustrialisation et de réarmement démographique, mais nous n'arriverons à rien tant que nous n'aurons pas répondu à la nécessité de loger dignement et durablement nos concitoyens.
Le débat budgétaire a enfin offert un peu d'espace pour débattre de cette question. Vous avez évoqué le statut du bailleur privé. Nous n'y sommes pas opposés, à condition qu'il soit encadré et permette de construire ou de réhabiliter des logements abordables, c'est-à-dire dont les loyers sont conventionnés. J'espère que vous continuerez à défendre cette position, même si certains renâclent.
Je veux cependant vous alerter sur la nécessité de prévoir des " mesures-miroir " pour le logement social, car notre système repose sur deux jambes. Je commence à entendre une petite musique selon laquelle ce qui serait donné à l'un serait pris à l'autre. Non ! Si des avantages sont consentis aux bailleurs privés, cela ne devra pas se faire au détriment du logement social. Nous attendons avec impatience que vous vous prononciez publiquement sur une baisse de la RLS. L'année dernière, nous avions réussi à la faire passer de 1,3 à 1,1 Md€. Grâce à cela, nous avons de bons chiffres en matière de construction et de rénovation de logements sociaux. Il faut baisser la RLS pour relancer la production de logements sociaux et abordables dans nos territoires. Nous comptons sur vous pour atteindre, à tout le moins, le niveau de 900 M€.
Enfin, vous devez impérativement vous battre pour sauvegarder les crédits de MaPrimeRénov'. Cet outil, qui fonctionne, est plébiscité par les Français. Malheureusement, il a subi bien trop de stop and go car, aux yeux du ministère chargé des finances, il constitue une variable d'ajustement – comme d'ailleurs l'ensemble du budget du logement… Il vous revient de faire comprendre à ce ministère que le logement n'est pas une dépense, mais un investissement. Nous pouvons d'ailleurs lui faire plaisir avec des propositions qui feront entrer de l'argent dans les caisses de l'État : je pense, en particulier, à l'octroi aux maires d'outils supplémentaires pour lutter contre la vacance, la spéculation immobilière et la rétention foncière. Ces mesures ne sont pas promues seulement par la gauche : nous les défendons avec des députés du bloc central.
M. Vincent Jeanbrun, ministre. Je partage l'idée selon laquelle le logement est essentiel à l'économie, tout en étant bénéfique aux finances publiques. C'est pour cela que je me bats.
Si j'ai indiqué que le statut du bailleur privé pouvait encore être renforcé, cela ne signifie pas que je sois opposé à l'encadrement des loyers. J'ai toujours défendu la logique du logement pour tous et partout. Bénéficier de loyers abordables dans les parcs intermédiaire, social et très social me paraît donc une bonne chose. Tel est le compromis issu des débats à l'Assemblée, que je défends.
Cela étant, il faut s'assurer que l'incitation fiscale est suffisante pour parvenir à un rythme de construction de quarante mille logements par an, comme votre collègue Mickaël Cosson et le sénateur Marc-Philippe Daubresse en exprimaient l'ambition dans leur rapport. Les premiers retours montrent que le dispositif envisagé n'exercera d'effet incitatif qu'à l'égard des personnes pouvant assumer un reste à charge mensuel de l'ordre de 400 euros. Il conviendra peut-être de se pencher sur la manière d'encourager les Français à puiser dans leur " bas de laine " pour investir dans la pierre. En tout état de cause, je pense que vous serez à l'écoute de la profession.
Une première baisse de la RLS a eu lieu l'année dernière, puisqu'elle est passée de 1,3 à 1,1 Md€. Vous connaissez notre doctrine : le Gouvernement propose, nous débattons et, in fine, les députés décident. En tout cas, je partage l'idée que les acteurs du logement social ont un rôle fondamental à jouer et qu'ils doivent disposer des moyens nécessaires.
Enfin, s'agissant de MaPrimeRénov', il faut impérativement en finir avec le stop and go. Il est envisagé de poursuivre ce programme en 2026 sur la base de critères un peu plus restrictifs, similaires à ceux qui sont actuellement appliqués, afin d'en faire bénéficier les foyers très modestes et modestes et en privilégiant, autant que possible, les rénovations d'ampleur. Le montant des crédits budgétaires a un peu baissé, mais nous augmentons les C2E pour alimenter l'enveloppe globale dédiée à la rénovation énergétique.
Mme Josiane Corneloup (DR). Monsieur Jeanbrun, vous êtes à la tête d'un ministère qui doit faire face à plusieurs crises majeures, qu'il s'agisse de l'accès au logement, de la propriété, de la mise en location ou encore de l'équité dans le parc social.
Permettez-moi tout d'abord de saluer les premières annonces que vous avez faites à votre arrivée, qui traduisent la volonté de soutenir l'offre locative, par la création du statut du bailleur privé, mais aussi de construire davantage de logements, de mieux les rénover et de simplifier le cadre réglementaire.
En ce qui concerne le logement social, nous partageons pleinement votre objectif consistant à favoriser la mobilité et à mettre fin au principe du logement social à vie. Comme nous l'avions souligné, l'année dernière, lors de notre journée d'initiative parlementaire, le logement social doit être un tremplin et non une finalité. Alors que près de trois millions de ménages attendent de pouvoir occuper un logement social, il est nécessaire de garantir une meilleure rotation et de cibler prioritairement les travailleurs et les familles modestes.
Ensuite, il est impératif de relancer la construction de logements. Nous faisons face à une crise du logement sans précédent. En 2024, seuls 280 000 logements ont été autorisés à la construction alors que les besoins sont de cinq cent mille par an. Le gouffre entre l'offre et la demande menace notre économie et frappe durement les Français les plus fragiles.
Pour surmonter cette crise de la construction et de la mise en location, des mesures plus fortes s'imposent. Il est indispensable de revoir les règles applicables à la location, dont la rigidité pénalise l'offre, notamment dans les zones tendues et en raison des contraintes liées au DPE. Il convient également de repenser la question du foncier, en particulier l'application du dispositif Zéro artificialisation nette (ZAN), dont les effets peuvent légitimement être qualifiés de " ruralicides " – en milieu rural, nous ne pouvons pas construire en hauteur. La protection de l'environnement ne peut se faire au détriment des classes moyennes et populaires, premières victimes de la raréfaction du foncier.
Enfin, aucune relance durable de la construction ne sera possible sans une vision d'ensemble. À cet égard, il faut redonner aux maires leur rôle de bâtisseur : ils doivent retrouver de véritables marges de manœuvre pour agir efficacement.
M. Vincent Jeanbrun, ministre. Il faut en effet être très vigilant : l'ambition écologique (au moyen, notamment, du DPE) ne doit pas se traduire par la sortie de centaines de milliers de logements du parc locatif – sinon, les difficultés déjà évoquées s'aggraveraient et les Français auraient encore plus de mal à se loger. Vos collègues Inaki Echaniz et Bastien Marchive avaient déposé une proposition de loi sur les obligations de rénovation énergétique ; ces éléments ont été repris dans un texte de la sénatrice Amel Gacquerre. Ces initiatives ont pour objet de permettre aux propriétaires qui s'engagent à faire des travaux de continuer à louer, tout en préservant le DPE. Cela permettrait de loger des familles tout en offrant les moyens aux propriétaires de financer les travaux – ce qui, par ailleurs, contribue à valoriser leur patrimoine. Ces dispositions éviteraient que des centaines de milliers de logements sortent du marché locatif, ce qui est une aberration par les temps qui courent.
Mon ministère n'est pas directement compétent en matière de ZAN, cette question relevant des attributions de ma collègue Françoise Gatel. Le Sénat a adopté une proposition de loi (n° 124) visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux. Ce texte vise à permettre, autant que possible, la mutualisation entre les communes à l'échelle départementale, tout en maintenant l'ambition de frugalité foncière. Cela offrirait une souplesse de nature à préserver la capacité d'évolution des territoires ruraux.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je suis en profond désaccord avec ce qu'ont dit certains collègues. Le logement social « à vie » n'existe pas, répéter un mensonge dans de nombreux médias n'en fera pas une vérité. Les locataires d'un logement social ont signé un contrat de bail. Chaque année, ils doivent attester que leurs revenus correspondent bien aux seuils. En cas de dépassement, ils paient des compléments de loyer. Si leurs revenus sont vraiment trop élevés, le contrat de bail peut être rompu et ils sont susceptibles d'être expulsés de leur logement. Ils peuvent aussi l'être en cas de trouble du voisinage, à la suite d'une décision de justice. Nous sommes encore dans un État de droit : les bailleurs ne peuvent pas, en principe, faire n'importe quoi.
Vous souhaitez mettre en avant une logique de rotation pour tenter de répondre à la crise du logement. De fait, près d'un quart de la population française est sans logement, mal logé ou en attente d'un logement social. De nombreuses personnes sont contraintes de payer un loyer trop élevé ou de vivre dans une passoire (ou une bouilloire) thermiques.
Pourtant, vous avez fait le choix de ne pas consacrer plus de moyens, dans le projet de loi de finances, à la construction, à la préemption ou au développement du logement, notamment social et très social. Vous ne vous êtes pas davantage engagé à lutter contre la spéculation immobilière, qui conduit à des loyers inabordables, ni contre la vacance, qui résulte de choix spéculatifs ou de l'acquisition de résidences secondaires. Encore une fois, pour répondre à la crise du logement, il faut consacrer bien plus de moyens à l'aide à la construction et à la réhabilitation de l'ancien, développer l'accès au logement social et encadrer bien plus strictement les loyers.
En revanche, vous affirmez qu'il faut accroître le rôle des maires, ce qui me semble très intéressant. Notre collègue Inaki Echaniz a présenté un texte visant à pérenniser l'encadrement des loyers. À l'instar de notre collègue sénateur Ian Brossat, la présidente Cyrielle Chatelain, notre collègue Stéphane Peu et moi-même avons déposé une proposition de loi visant à pérenniser, mais aussi à généraliser, l'encadrement des loyers : ce texte donnerait la possibilité aux maires qui souhaitent le mettre en place de le faire plus facilement. Qu'en pensez-vous ?
Seriez-vous favorable à un accroissement des compétences du maire dans le cadre de l'application de la loi sur la réquisition des logements vacants ?
Allez-vous vous inspirer de la taxe instaurée au Canada, d'un montant de 1 de la valeur du bien immobilier, pour inciter à la mise en location des résidences secondaires ?
Le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) prévoit des crédits supplémentaires en faveur de l'hébergement d'urgence, qui ne permettront toutefois pas de financer les dix mille places indispensables. Comment les préfets pourront-ils s'en saisir ? Peut-on être assuré que, cet hiver, il n'y aura plus personne à la rue ? L'an dernier, rappelons-le, trente et un enfants sont morts de la rue.
M. Vincent Jeanbrun, ministre. Nous devons trouver des outils pour construire des logements. C'est ainsi que nous débloquerons la chaîne de production, notamment dans le parc social, où tout est bloqué.
Cela suppose des moyens. C'est vrai aussi bien pour le logement classique que pour l'hébergement d'urgence. Nous avons besoin d'un budget pour la France, car, sans cela, nous ne pourrons pas aller plus loin et risquons de connaître des drames dont vous avez raison d'affirmer qu'ils sont totalement inacceptables.
Comme je l'ai dit, je veux faire confiance aux élus locaux. Des maires souhaiteraient pouvoir recourir à l'encadrement des loyers. Si je ne suis pas entièrement convaincu par cette idée d'un point de vue philosophique, j'ai toujours dit qu'il fallait aborder ce débat sans idéologie et être le plus pragmatique possible. Je suis donc favorable au fait de mettre un outil supplémentaire à la disposition des maires ; je fais confiance aux élus locaux, qui sauront s'adapter à la situation. Prévoir des instruments de maîtrise des loyers et peut-être, aussi, du foncier dans les zones frontalières, où il est très difficile de se loger, fait partie des mécanismes qu'il faut examiner. L'Assemblée aura à en débattre très prochainement. Toutefois, nous divergeons sur un point : selon moi, cette boîte à outils doit être confiée au maire plutôt qu'à la communauté d'agglomération, car il me paraît nécessaire de revenir à l'échelon communal.
M. Mickaël Cosson (Dem). Vous le savez, la profession nourrit des attentes fortes. Comme le rappelle souvent notre collègue sénateur Marc-Philippe Daubresse, la situation est cataclysmique : nous devons apporter des solutions pour la désamorcer avant qu'elle ne devienne explosive.
Le statut de bailleur privé en fait partie, à la condition que l'on suive les propositions que nous avons formulées dans notre rapport. Le dialogue fructueux qui a été noué au sein de nos deux assemblées a permis de parvenir à un accord sur ce statut. Il faudra établir un dialogue de même qualité avec les professionnels, qui attendent non seulement que l'on réponde à la problématique du logement – c'est-à-dire que l'on développe la construction et la réhabilitation – mais aussi que l'on exprime une ambition et que l'on se donne les moyens de la concrétiser.
Le logement est souvent vu comme une variable d'ajustement budgétaire annuel. Or, nous avons besoin d'un plan de construction pluriannuel pour loger les étudiants et les actifs, mais aussi pour permettre aux primo-accédants de concrétiser leur projet d'acquisition – ce qui libérerait des logements et réduirait les nombreuses files d'attente dans les parcs public et privé.
L'octroi de moyens permettra également aux territoires de répondre aux besoins exprimés en matière de logement et contribuera à leur dynamisme. La décentralisation peut jouer un rôle, en ce domaine, à condition que l'on confie aux acteurs locaux une " mallette à outils " leur permettant d'apporter une réponse réglementaire et financière. Leur offrir un panier percé serait la plus mauvaise des solutions.
L'État et les collectivités ne sont pas les seuls acteurs concernés : le secteur bancaire est un partenaire essentiel. Toutefois, celui-ci continue à faire obstacle à l'accès à la propriété ou, tout simplement, à l'investissement des ménages dans la pierre. À titre d'exemple, il n'est pas normal qu'un ménage qui est en location depuis de nombreuses années et qui a toujours honoré ses obligations, ne puisse pas obtenir un prêt dont les mensualités sont largement inférieures à son loyer. À cette hérésie, qui concerne beaucoup de ménages, s'en ajoute une autre : on ne permet pas, parfois, à ceux qui investissent dans la pierre de percevoir des loyers suffisants, ce qui bride la relance du logement. À quelle date un plan pluriannuel sera-t-il mis en œuvre ? Quand le secteur bancaire se décidera-t-il à se comporter en véritable partenaire ?
M. Vincent Jeanbrun, ministre. Le plan pluriannuel fait partie des combats que nous devrons mener ensemble. Cela étant, il faut d'abord se doter d'un budget pour pouvoir ensuite se mettre autour de la table et discuter d'une programmation avec beaucoup de volontarisme.
Votre rapport sur le statut du bailleur privé a permis d'engager ce combat. Notre priorité est de répondre aux attentes des trop nombreux Français qui n'arrivent pas à se loger (ou qui sont très mal logés). Il est donc fondamental de produire du logement. N'oublions pas, également, que la profession représente un pan considérable de notre économie.
En matière de construction, nous appliquons les normes environnementales les plus exigeantes au monde. Les logements que nous produisons présentent donc un haut degré de qualité et de durabilité. C'est un autre élément fondamental, qu'il faut préserver.
Il faut écouter la profession pour être le plus incitatif possible. La mise en place du statut du bailleur privé est une première étape non négligeable, qui, nous indique-t-on, pourrait permettre la construction de dix mille logements. Notre ambition, qui correspond à celle que vous avez formulée dans votre rapport, est de parvenir à construire quarante mille logements neufs chaque année. Il faut donc inciter à l'investissement.
Je partage totalement votre point de vue concernant le secteur bancaire. Comme vous le savez, il a été proposé, récemment, de créer une banque de la rénovation énergétique. Il ne s'agirait pas d'une énième structure mais d'un guichet permettant aux acteurs bancaires de proposer des formules adaptées. Nous avançons sur ce dossier et j'aurai prochainement l'occasion d'évoquer cette question avec vous. De manière générale, il faut rappeler à l'ensemble de ce secteur que sa responsabilité est immense en matière de production de logements.
M. le président Stéphane Travert. Nous en venons aux questions individuelles.
M. Frédéric-Pierre Vos (RN). Je voulais terminer mon intervention en vous disant que nous sommes tout à fait favorables à un dialogue constructif. Nous savons combien vous vous êtes investi sur la question du logement. Je ne vous fais aucun reproche, mais je ne pense pas que les " mesurettes " soient efficaces. Il faut appliquer un véritable plan Marshall ; l'impressionnisme, qu'il soit juridique, politique ou économique, ne permettra pas de s'en sortir. Je suis tout à fait disposé à discuter avec vous de cette question essentielle.
M. Vincent Jeanbrun, ministre. J'estime que mon rôle est d'en parler avec chaque membre du Parlement. Je suis donc disponible pour en discuter avec vous.
Tout jeune maire, j'avais interpellé le Président de la République, à l'occasion du grand débat national ; je lui avais suggéré la mise en œuvre d'un plan Marshall pour les banlieues afin que ces territoires ne soient pas condamnés ad vitam æternam à la stigmatisation.
J'avais évoqué l'intérêt de la construction d'un " parcours de la résidence ", parallèlement au parcours résidentiel. Ainsi un bâtiment pourrait-il accueillir des logements sociaux pendant une phase de son existence, avant d'abriter d'autres types de logements. Cela implique une réflexion en flux et non en stock. Nous aurons peut-être l'occasion d'en débattre.
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS). Nous avons compris votre message principal, à savoir qu'il faut voter le budget : j'apprécierais que vous ne le répétiez pas à nouveau. Je vous assure que nous mènerons une réflexion approfondie avant de voter et que nous nous prononcerons en responsabilité ; les réponses que vous apporterez seront, à cet égard, des éléments déterminants.
L'Assemblée a voté des crédits supplémentaires en faveur de l'hébergement d'urgence pour la fin de 2025. Quelles instructions avez-vous données aux préfectures pour que des places soient créées immédiatement, alors que les températures baissent ?
Vous avez rappelé que la RLS avait été réduite en 2025, mais aucune baisse supplémentaire n'est prévue à ce stade pour 2026, alors que la contribution des bailleurs sociaux au Fnap augmente. Vous engagez-vous à réduire la RLS pour parvenir à un montant compris entre 700 M€ et 900 M€ ?
Je rappelle que les bailleurs sociaux – et donc, en fait, les locataires du parc HLM – ont contribué à hauteur de plus de 13 Md€ au redressement des comptes publics depuis 2018. Il est temps de relâcher la pression financière que l'on exerce sur eux.
M. Vincent Jeanbrun, ministre. Je vous remercie d'avoir " sincérisé ", dans la loi de fin de gestion, les budgets de l'hébergement d'urgence et d'avoir donné des moyens aux acteurs qui agissent en ce domaine. Toutes les préfectures sont en alerte pour ouvrir les places nécessaires et des moyens sont mobilisés en ce sens. Il est toutefois important de renforcer encore, dans le budget 2026, notre capacité à accueillir au mieux les personnes, d'autant plus que, si le nombre de places est stabilisé, depuis plusieurs années, à hauteur de 203 000, l'inflation, qui touche tous les secteurs, nous impose de poursuivre l'effort financier.
Je me suis engagé à ce que l'on travaille sur la question de la diminution de la RLS, qui, sous l'impulsion de ma collègue Amélie de Montchalin, a déjà vu son montant passer de 1,3 Md€ à 1,1 Md€ cette année. Je sais que de nombreux parlementaires estiment qu'il faudrait encore la faire baisser un peu. Toutefois, je ne peux pas prendre de nouvel engagement devant vous aujourd'hui. La décision émergera, là encore, du débat parlementaire. La ligne du Gouvernement est de maintenir le déficit budgétaire sous la barre des 5% ; cela doit rester notre objectif commun. Toutefois, cela ne nous empêche de faire preuve d'ambition. Nous devons mobiliser les moyens nécessaires à la rénovation et à la construction, pour mieux loger les Français.
M. Bastien Marchive (EPR). Un étudiant français vit, en moyenne, avec moins de mille euros par mois, sachant qu'il en consacre près de six cents à son logement. C'est donc peu dire que la faiblesse de l'offre locative est un frein à l'accès à l'enseignement supérieur. À Niort, dans ma circonscription, où les effectifs étudiants ont augmenté de près de 40% en quelques années, le défi est de taille, tant pour les jeunes Deux-Sévriens que pour l'ensemble du territoire, car ce sont les jeunes diplômés qui permettront à nos entreprises de continuer à se développer. Des dispositifs comme le Pinel +, la location meublée non professionnelle (LMNP) ou le " Denormandie " contribuent déjà à améliorer l'offre de logement étudiant, mais on ne peut malheureusement que constater leur insuffisance. Quelles sont vos orientations pour permettre à nos étudiants de vivre dans des logements décents et abordables ?
M. Vincent Jeanbrun, ministre. Tous les Français ont du mal à se loger – on peut difficilement, à ce titre, opposer un public à un autre – mais vous avez raison de souligner que c'est pour notre jeunesse qu'il est le plus difficile de se loger correctement. Les solutions passent par des mécanismes tels que ceux que vous évoquiez, qui ont pour objet d'apporter aux jeunes de la solvabilité. Il faudrait notamment réfléchir aux moyens de cibler encore davantage sur un public jeune des dispositifs comme la garantie Visale. Il faut aussi favoriser la construction de résidences pour les étudiants, ce qui soulève l'enjeu de la mobilisation du foncier.
Par ailleurs, la reconversion de bureaux en logements étudiants me paraît un mécanisme particulièrement adapté, car il est assez aisé de transformer des locaux de cette nature en une résidence gérée, où l'on peut ménager de petites chambres. C'est l'une des pistes que j'étudie actuellement avec les services du ministère. Je souhaite mettre la question du logement étudiant au cœur du plan Logement que nous devrons construire ensemble – et ce, dès janvier, je l'espère. Les premiers retours qui me parviennent montrent qu'à l'autre bout de la chaîne, les seniors éprouvent également de grandes difficultés à se loger : les enjeux relatifs à la taille des logements sont quasiment les mêmes. Cela m'incline à penser que nous pourrions probablement englober ces deux problématiques dans notre réflexion.
Vous avez raison de dire que, si un pays n'est pas capable de loger sa jeunesse, il n'est pas en mesure de lui garantir un avenir. Nous avons devant nous un défi immense. Comptez sur moi pour m'y atteler.
M. Inaki Echaniz (SOC). Un arrêté pris contre l'avis du Conseil national de l'habitat (CNH) a supprimé les aides MaPrimeRénov' pour l'installation de chaudières à bois. Celles-ci sont pourtant très utiles, en particulier en milieu rural. Je parle, bien sûr, des chaudières à bois performantes, labellisées " Flamme verte ", qui limitent les émissions de particules fines. Monsieur le ministre, comptez-vous revenir sur cet arrêté injuste, qui soulève beaucoup d'inquiétudes dans les territoires ruraux comme le mien ?
M. Vincent Jeanbrun, ministre. Je regarde de près cette question, qui a également été évoquée au Sénat. Afin d'éviter le stop and go que vous dénonciez tout à l'heure, nous avons recentré les moyens de l'Anah : sans réduire leur montant global, nous concentrons les aides sur la rénovation d'ampleur. Si elles sont installées dans le cadre de ce type de rénovation, les chaudières à bois bénéficient toujours du financement de MaPrimeRénov'. Elles n'ont en effet, à ce stade, été retirées que dans le cadre d'une rénovation par geste. Je vais toutefois regarder cela de plus près et reviendrai vers vous. Il ne me paraît pas très cohérent, en tout état de cause, que la mesure s'applique de la même façon aux chaudières à bois et aux chaudières mixtes.
M. le président Stéphane Travert. Je recevrai, à l'issue de l'audition, les représentants de la filière, qui manifestent actuellement devant l'Assemblée. Ils souhaitaient s'entretenir avec la présidente de l'Assemblée nationale, qui m'a demandé de les recevoir. Ceux d'entre vous qui souhaitent être présents sont les bienvenus.
M. Robert Le Bourgeois (RN). Chaque année, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances, nous faisons tous mine de découvrir la situation de grande précarité de l'hébergement d'urgence – qui est réelle. Pour régler cette tension, peut-être faudrait-il commencer par contrôler l'usage effectif des subventions que la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal) verse aux associations et les catégories de public accueillies. Il y a en effet, en la matière, des angles morts et des contradictions. D'un côté, l'enquête auprès des établissements et services pour adultes et familles en difficulté sociale (ES-DS 2023) de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) indique que l'hébergement d'urgence généraliste accueille 67% d'étrangers, dont seulement 7% de demandeurs d'asile. D'un autre côté, les « jaunes budgétaires » relatifs à l'effort financier de l'État en faveur des associations montrent que, de 2019 à 2023, plus de 70% des crédits de cette même Dihal ont financé l'accueil et l'hébergement de demandeurs d'asile – ce qui représente plus de 8 Md€ sur la période, alors que le ministère de l'intérieur dispose déjà d'un budget conséquent pour l'hébergement de ces personnes.
Il y a visiblement un doublon comptable. Surtout, cette situation pose un problème de transparence budgétaire, que certains de vos prédécesseurs ont déjà soulevé. Pouvez-vous nous apporter des réponses ou transmettre à la représentation nationale un état précis de l'utilisation du budget de la Dihal ?
M. Vincent Jeanbrun, ministre. La situation est grave, en effet, et le budget engagé est substantiel. Votre demande de transparence et de contrôle est donc légitime. Je ne dispose pas ici d'éléments détaillés, mais je prends bonne note de votre question et nous ferons en sorte, avec l'administration, de vous apporter tous les éclairages nécessaires.
Pour assurer le pilotage de la politique publique de l'hébergement d'urgence, qui représente un fort enjeu, il est essentiel de disposer du maximum d'informations et de données. La majorité de celles qui sont récoltées aujourd'hui sont déclaratives. Or, je sais d'expérience, pour avoir fait des maraudes et participé à l'accueil téléphonique du 115, qu'il est difficile de poser la moindre barrière administrative dans les premiers échanges que l'on a avec des personnes en grande détresse. Il me paraît en revanche tout à fait légitime d'imaginer qu'une fois ces personnes intégrées dans le parcours, on puisse recueillir un maximum de données et d'informations sur les publics accueillis, afin que tout le monde puisse savoir, précisément, qui occupe les 203 000 places d'hébergement d'urgence. C'est l'honneur de la France de ne vouloir laisser personne mourir à la rue, mais cela n'empêche pas de savoir ce qui se passe concrètement, dans la plus grande transparence.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Dans le parc locatif privé des grandes villes, l'offre s'est raréfiée en raison de plusieurs types de vacance. Celle qui est liée à Airbnb, que nous avons connue durant plusieurs années, se tasse du fait du cadre législatif qui a été adopté. Une autre forme de vacance s'explique par une logique spéculative. Une troisième, liée aux résidences secondaires, entraîne la sortie de nombreux logements du parc locatif privé. Des expériences très intéressantes menées actuellement au Canada montrent que l'instauration d'une taxe d'un montant de 1% de la valeur du bien exerce un effet dissuasif et permet le retour de nombreux logements dans le parc locatif privé. Que pensez-vous de l'idée de donner plus de compétences aux maires pour leur permettre d'appliquer la loi de réquisition des logements vacants dans le diffus et d'appliquer une taxation pour réduire la vacance ?
M. Vincent Jeanbrun, ministre. Il y a en effet matière à travailler sur la vacance, tout en respectant le droit de propriété, qui est un pilier de notre Constitution et de notre République. Pour avoir été maire, je me suis toujours étonné que l'on n'ait pas plus de moyens pour utiliser un bien vacant et sans maître (par exemple, dont le propriétaire est décédé). Ainsi, dans ma commune de L'Haÿ-les-Roses, durant mes douze années de mandat de maire, nous n'avons pas pu nous saisir d'un bien dont on ne retrouvait pas les héritiers. Nous pourrions donner aux maires des outils très pertinents dans ce domaine, même si cela ne résoudrait pas l'ensemble du problème. On pourrait au moins, en garantissant la possibilité de restituer les biens dans l'état où on les a trouvés, les utiliser pour faire de l'hébergement d'urgence ou de la mise à l'abri.
Toutefois, le diable étant dans les détails, je me méfie des solutions simplistes. Les maires peuvent déjà assujettir les propriétaires de résidences secondaires au paiement d'une taxe qui est, en général, d'un montant beaucoup plus élevé que l'ancienne taxe d'habitation. Il existe déjà des outils fiscaux, mais peu de communes s'en saisissent réellement.
Pour ma part, je suis ouvert à la mise en œuvre de dispositifs visant à inciter les propriétaires de biens vacants à les mettre en location sur une longue durée.
M. le président Stéphane Travert. Monsieur le ministre, je vous invite à conclure, si vous le souhaitez, ou à revenir sur des questions que vous n'auriez pas eu le temps d'approfondir.
M. Vincent Jeanbrun, ministre. La fusion des zones franches urbaines et des quartiers prioritaires de la politique de la ville constitue une véritable avancée, que je suis fier de vous présenter. Les entreprises qui s'installeront dans ces quartiers – qu'il s'agisse de petits commerces, de commerces de proximité, d'entreprises de l'économie sociale et solidaire ou de professionnels de santé – pourront désormais bénéficier de franchises. Ces mesures contribueront, je l'espère, à la revitalisation de nos quartiers. Elles doivent s'accompagner, comme le préconisait un rapport remarquable du maire de Saint-Quentin, du président-directeur général de Coopérative U et du directeur de la Banque des territoires, de l'octroi aux maires de la possibilité de mieux contrôler la destination des commerces, afin d'éviter, par exemple, la multiplication des lieux de restauration rapide. Une mesure en ce sens, qui répond à une forte attente, pourrait d'ailleurs être inscrite dans le plan Logement ou dans le plan Simplification.
Nous nous sommes battus pour que tous les dispositifs de la politique de la ville, ou presque, soient pérennisés. Une certaine vigilance s'impose peut-être concernant Quartiers d'été, dont les crédits ont connu une forte baisse ; des amendements, au Sénat, ont visé à les rehausser. J'imagine que les députés veilleront à ce que nous puissions financer ce très beau dispositif.
Pour faire face aux défis auxquels nous sommes confrontés, je crois au collectif. Vous avez prouvé qu'on pouvait faire preuve de pragmatisme par-delà les différences idéologiques : nous devons agir de même avec les partenaires du secteur privé, qui subissent une véritable hécatombe. Les promoteurs sont en première ligne : s'ils tombent, ils entraîneront dans leur chute toute la construction… et le logement social avec elle – le logement social dépend en effet de la bonne santé du logement privé, et réciproquement. L'ensemble de cet écosystème est fragilisé. Nous avons un combat commun à mener. Comme vous le savez, le Premier ministre fait entièrement confiance à l'Assemblée et attend d'elle qu'elle adopte son budget, non celui du Gouvernement. Je vous fais, moi aussi, entièrement confiance pour qu'ensemble, nous sortions de la crise du logement.
M. le président Stéphane Travert. Je vous remercie, monsieur le ministre.
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 16 décembre 2025