La loi énergie-climat du 8 novembre 2019 a prévu qu'une loi de programmation détermine, avant le 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans, les grands objectifs énergétiques du pays. Cette loi de programmation doit normalement intervenir avant la révision des décrets en matière énergétique, en particulier la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).
Le gouvernement ayant renoncé en 2024 à soumettre un tel texte programmatique au Parlement, la proposition de loi vise à pallier ce manque. Elle actualise la programmation énergétique nationale par rapport à la dernière version de la PPE publiée en 2020, dont certains objectifs sont dépassés.
Elle a été amendée par le Sénat et le gouvernement en première lecture. En deuxième (2e) lecture, le Sénat a repris plusieurs modifications apportées par l'Assemblée nationale, avant qu'elle ne rejette l'ensemble du texte en séance publique.
À savoir : le gouvernement finalise la troisième programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE 3) 2025-2035, qui a fait l'objet de plusieurs consultations depuis 2022. La consultation finale du public sur le projet de décret et sur le document même de la PPE s'est achevée en avril 2025. Le 15 juin 2025, le ministre délégué à l'industrie et à l'énergie a annoncé que le décret sur la PPE 3 sera publié avant la fin de l'été sans attendre le vote final sur cette proposition de loi et ce pour permettre à certaines filières industrielles de lancer des investissements.
Actualisation de la programmation énergétique
Les grands objectifs de la politique énergétique sont fixés dans le code de l’énergie, qui prévoit d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050. Pour atteindre cette neutralité, la proposition de loi actualise la programmation énergétique.
Telle qu'adoptée en 2e lecture, elle consacre tout d'abord de nouveaux principes auxquels l’État doit veiller : maintenir des tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVe), garantir la possibilité d'un prix repère de vente de gaz naturel, rechercher des prix stables et abordables en électricité et en gaz, détenir le capital d’EDF et une partie du capital d’Engie, garantir la propriété publique des réseaux et la sécurité d’approvisionnement... Le Sénat a ajouté la garantie pour les foyers, notamment ruraux, non raccordés à un réseau de distribution, de pouvoir accéder à l'énergie "sans coût excessif au regard de leurs ressources".
La proposition de loi révise ensuite les objectifs chiffrés inscrits à l’article L100-4 du code de l’énergie.
L’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour 2030 est relevé de 40% à 50% (hors terres et forêts). Le code de l’énergie n'est en effet plus à jour depuis que l'UE a décidé en 2021, dans son paquet Fit for 55, de réduire de 55% les émissions de GES d'ici 2030 en Europe, chaque État membre devant prendre sa part. Ce relèvement à 50% traduit l'engagement de la France. Les sénateurs ont reformulé l'article en question en remplaçant l'objectif contraignant de "réduire" par une cible de "tendre vers une réduction".
La relance du nucléaire, annoncée par le président de la République lors de son discours de Belfort en février 2022, est actée. L'article 3, qui porte sur cette relance, réécrit au Sénat en 2e lecture, propose notamment de :
- tendre vers de 27 gigawatts (GW) de nouvelles capacités installées de production d'ici 2050, avec l’engagement d’ici 2026 d'au moins 6 réacteurs de type EPR2 (équivalent à 10 GW sur les sites de Penly, de Gravelines et de Bugey) et d’ici 2030 de 8 EPR2 supplémentaires (correspondant à 13 GW) ;
- maintenir le parc nucléaire existant avec au moins 63 GW de production et augmenter la disponibilité de ses capacités ;
- renforcer l'effort de recherche en faveur de l'énergie nucléaire et de l'hydrogène bas-carbone et soutenir le développement des réacteurs de 4e génération, avec la construction d'un démonstrateur d'ici 2030 ;
- préciser les enjeux liés au cycle du combustible (qui figurent aussi dans le projet de PPE 3).
La part des énergies décarbonées est portée à 58% au moins de la consommation finale brute d’énergie en 2030. Les énergies décarbonées deviennent une nouvelle catégorie juridique qui regroupent les énergies renouvelables (EnR) et l'énergie nucléaire. Ce chiffre de 58% figure dans le plan national intégré énergie-climat (Pniec) transmis par la France à l'Union européenne (UE). D'ici 5 ans, un objectif de 560 térawattheures (TWh) de production d'électricité décarbonée est fixé, dont au moins 200 TWh de sources renouvelables (éolien, photovoltaïque...) de même que des cibles chiffrées pour les bioénergies et biocarburants. En 2e lecture, le Sénat a réécrit cet article 5 et reprécisé que pour les éoliennes terrestres, le renouvellement des installations (repowering) est préféré à de nouvelles installations et tient compte de la planification territoriale.
La proposition de loi prévoit par ailleurs :
- des objectifs sur les réseaux publics électriques et leur flexibilité, sur l'hydrogène, les technologies de captage, d'utilisation et de stockage du dioxyde de carbone (CO2), aussi appelées CCUS ou pour encourager les opérations d'autoconsommation en électricité ou en gaz ;
- une réduction d'au moins 14,5% des émissions de GES dans le secteur des transports d'ici 2030 ;
- de conforter l’objectif général de sortie des énergies fossiles à hauteur de 45% d'ici 5 ans, en renforçant les objectifs de réduction de la consommation d’énergie et en interdisant les centrales à charbon à partir de fin 2027 (sauf pour celles en reconversion ou menace grave pour la sécurité d’approvisionnement en électricité) ;
- une trajectoire pour la rénovation énergétique des logements (tendre à l'horizon 2030 vers 800 000 rénovations d’ampleur par an, soutenues par "MaPrimeRénov'").
Des dispositions complètent ce volet pour actualiser le contenu de la prochaine loi quinquennale sur l'énergie et de la PPE. Le gouvernement devra présenter la stratégie française pour l'énergie et le climat (SFEC) dans le cadre de la synthèse accompagnant la PPE.
Mesures de simplification et protection des consommateurs
La proposition de loi, telle que modifiée en 2e lecture au Sénat, contient aussi des mesures de simplification en vue de faciliter les projets nucléaires. La loi "accélération du nucléaire" du 22 juin 2023 est modifiée pour :
- prolonger de 2043 à 2050 des mesures de simplification pour les projets de réacteurs nucléaires ;
- élargir la possibilité d'installer des mini réacteurs, sans tenir compte du critère d'implantation à l'intérieur ou à proximité des installations nucléaires de base ;
- étendre de 30 à 50 ans la durée maximale des concessions d'utilisation du domaine public maritime pour les projets de réacteurs nucléaires.
De plus, certaines dispositions de cette loi de 2023 sont étendues au projet de réacteur expérimental de fusion ITER.
Les sanctions pénales en cas d'intrusion sur les sites de centrales nucléaires sont renforcées. Elles s'appliqueront également en cas d'intrusion dans des sites en construction.
Des dispositions finales permettront d'accroître la protection des consommateurs. Les compétences de la Commission de régulation de l’énergie sont élargies afin de mieux réguler les nouvelles filières énergétiques (réseaux à l'hydrogène et au CO2...). Les consommateurs d’électricité et de gaz naturel seront mieux protégés à partir de 2026 : renforcement de la définition des offres à prix fixes, des conditions d'indexation des prix, de l'information précontractuelle et du comparateur d'offres du Médiateur national de l'énergie (MNE). Actuellement, cette protection est garantie par le MNE et son comparateur d'offres de gaz naturel et d'électricité.
Les sénateurs ont conservé trois demandes de rapport au gouvernement introduites par les députés.
Modifications de l'Assemblée nationale en 1e lecture
Avant de rejeter l'ensemble du texte, les députés avaient largement modifié la proposition de loi. Plus de 850 amendements avaient été déposés. Les amendements adoptés portaient notamment sur la transformation d'EDF, actuellement société anonyme, en établissement public à caractère industriel et commercial, la révision du mode de calcul des TRVe, le rétablissement des tarifs règlementés de vente de gaz (TRVG), la réouverture de la centrale nucléaire de Fessenheim (fermée en 2020 et en cours de démantèlement) ou encore la modification des conditions de circulation dans les zones à faibles émissions (ZFE).
Les députés avaient surtout voté, contre l'avis du gouvernement et en contradiction avec le projet de PPE 3, un moratoire sur l'éolien (terrestre et en mer) et le photovoltaïque (panneaux solaires). Ce moratoire devait s'appliquer dès la promulgation de la loi.
Enfin, la seconde partie du texte sur les mesures de simplification et la protection des consommateurs avait été supprimée, car non programmatique (sauf un article).
Cette page propose un résumé explicatif du texte pour le grand public. Elle ne remplace pas le texte officiel.