Lutte contre l'immigration
La loi modifie les conditions de séjour des étrangers à Mayotte en les adaptant à la situation particulière du département et en les renforçant :
- obtention des titres de séjour "parents d'enfants français" et "liens personnels et familiaux" conditionnée à une entrée régulière sur le territoire (visa de long séjour) et à une résidence dans un logement "normal", excluant les logements édifiés ou occupés illégalement ou relevant de l'habitat informel. Le Conseil constitutionnel a précisé les conditions de délivrance du visa de long séjour, afin de garantir le droit au respect de la vie privée et familiale des ressortissants étrangers qui le sollicitent. Il rappelle également qu'au-delà des cas délimités par la loi, le préfet dispose du pouvoir discrétionnaire de régulariser la situation des personnes étrangères ;
- délai de résidence régulière et continue pour l'obtention de la carte de résident "parent d'enfant français" porté de 3 à 5 ans ;
- obtention de la carte de séjour "liens personnels et familiaux" conditionnée à une résidence habituelle à Mayotte de 7 ans.
Par ailleurs, les conditions de délivrance du titre de séjour "liens personnels et familiaux", auparavant définies par une circulaire, sont élevées au niveau législatif.
Les parents en défaillance éducative du fait de faits commis par leurs enfants, constitutifs d'une "menace pour l'ordre public" ("menace grave" pour les cartes de résident) pourront se voir retirer leur titre de séjour. Cette disposition sera applicable jusqu'à fin 2028.
De plus, en cas de refus ou retrait d'un document de séjour ou d'éloignement d'un étranger, le préfet devra en informer les organismes de sécurité sociale et de France travail.
Les titres de séjour territorialisés seront supprimés à partir du 1er janvier 2030. Ces documents, délivrés par la préfecture de Mayotte, n'autorisent le séjour que dans ce département. Pour partir ailleurs en France comme par exemple à La Réunion ou dans l'hexagone, les étrangers titulaires de ce document doivent demander un visa (sauf exceptions).
Pour lutter contre les "reconnaissances frauduleuses" de paternité et de maternité et identifier les auteurs de reconnaissances multiples, le texte centralise l'établissement des actes de reconnaissance de paternité et de maternité aux officiers de l'état civil de la commune de Mamoudzou. La peine encourue en cas de reconnaissance frauduleuse est alourdie.
À partir du 1er juillet 2028, les mineurs étrangers et leurs parents en instance d'éloignement pourront être retenus dans des unités familiales, nouveaux locaux destinés au placement des familles. Ces locaux seront "indépendants" des lieux de rétention (comme les centres de rétention administrative), puisque la loi immigration du 26 janvier 2024 interdit d'y placer des familles avec mineurs à partir de 2027 à Mayotte, date repoussée au 1er juillet 2028 par le texte.
Les transferts de fond à partir d'argent liquide depuis Mayotte vers l'étranger seront conditionnés à la présentation de l'original du document de séjour. Les établissements notamment de paiement (type Western Union) vont être soumis à une obligation de vérification renforcée. L'objectif est de lutter contre le financement des filières illégales de passeurs notamment en provenance des Comores.
Les conditions d'attribution de l'aide au retour volontaire des étrangers en situation irrégulière sont encadrées. Le bénéfice de cette aide sera limité à des circonstances exceptionnelles et des opérations ponctuelles d'aide au retour.
Lutte contre l'insécurité
Le texte crée un régime de visite domiciliaire pour la recherche d'armes. Ce dispositif doit permettre de rechercher et de saisir notamment des armes blanches de catégorie D. Ce dispositif sera encadré sur le modèle du régime des visites domiciliaires appliqué pour prévenir le terrorisme. Le Conseil constitutionnel précise que toute visite d'un lieu à cette fin doit être justifiée par "des raisons sérieuses de penser que le comportement de la personne qui s'y trouve constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics".
Pour lutter contre l'habitat informel, le préfet de Mayotte pourra ordonner aux occupants des "bangas" (installations édifiées sans droit) d'évacuer les lieux et aux propriétaires de les démolir. Le préfet pourra déroger à l'obligation de proposer une solution de relogement ou d'hébergement d'urgence en cas de destruction d'un habitat informel jusqu'à fin 2034. Le Conseil constitutionnel précise que cette dérogation ne peut être appliquée qu'en cas d'"impossibilité matérielle" à proposer une solution d'habitat résultant des conséquences du cyclone Chido.
En matière de lutte contre le travail illégal, les officiers de police judiciaire pourront, pour une durée maximale de 15 jours sur un périmètre donné, traverser des lieux privés constitués de bangas. Les bangas sont réputés propices au développement d'activités économiques illégales.
Développement économique et social
Le texte donne autorité au préfet de Mayotte sur tous les services et établissements publics de l’État dans le département, jusqu'à fin 2030.
Il crée une zone franche sur le territoire de Mayotte pour une durée de cinq ans. Tous les secteurs d'activité bénéficieront du régime de la zone franche d'activité nouvelle génération (ZFANG). Le taux d'abattement sera porté à 100%. En outre, jusqu'au 1er janvier 2030, tout le territoire sera zoné en quartiers prioritaire de la ville (QPV).
Les procédures pour la construction du nouvel aéroport sont accélérées, et le port de Longoni pourra obtenir le statut de grand port maritime. En matière sanitaire, une union régionale interprofessionnelle des professionnels de santé sera mise en place pour tout le territoire.
L'expropriation des habitants est facilitée (prise de possession immédiate) pour permettre à l’État de construire des infrastructures.
La loi contient une habilitation du gouvernement à prendre une ordonnance pour faire converger la législation sociale de Mayotte vers les règles appliquées dans l'hexagone. Cela concernera les prestations sociales et familiales, le revenu de solidarité active (RSA), l'allocation adulte handicapé (AAH), la protection universelle maladie (Puma) ainsi que le Smic. Le montant du Smic net sera augmenté à Mayotte pour atteindre 87,5% du montant applicable dans le reste de la France, à compter du 1er janvier 2026. En revanche, la loi maintient l'exclusion du bénéfice de l'aide médicale d’État (AME) aux étrangers en situation irrégulière présents à Mayotte.
Pour renforcer l'attractivité du territoire pour les fonctionnaires, ceux affectés à Mayotte pour au moins 3 ans bénéficieront d'une priorité de mutation au retour sur l'ensemble du territoire. De plus, les fonctionnaires de l'État et hospitaliers affectés à Mayotte pourront bénéficier d'une bonification d'ancienneté.
Un comité de suivi du texte sera mis en place, et plusieurs rapports gouvernementaux devront être remis au Parlement afin d'évaluer les dispositifs mis en œuvre.
Département-région de Mayotte
La loi réforme le fonctionnement institutionnel de la collectivité de Mayotte. Le statut de collectivité unique de Mayotte est consacré, au même titre que la Guyane et la Martinique.
Pour l'élection des conseillers de la collectivité de Mayotte, rebaptisée Département-région de Mayotte, le texte institue un scrutin de liste dans une circonscription électorale unique, composée de 13 sections.
Pour accompagner ces changements, une loi organique relative au Département-région de Mayotte modifie les dispositions organiques du code général des collectivités territoriales et du code électoral. Elle intègre les conseillers de l'Assemblée de Mayotte dans la liste des élus qui peuvent donner leur parrainage aux candidats à l'élection présidentielle.
Rapport annexé, 4 milliards d'euros pour Mayotte
Un rapport, annexé à la loi, présente un programme d'investissements prioritaires d'ici 2031 dans les infrastructures essentielles, avec trois ambitions : protéger les Mahorais, garantir l'accès aux biens et aux ressources essentiels et développer les leviers de la prospérité de Mayotte. Plusieurs mesures sont proposées, parmi lesquelles :
- en matière migratoire, la création d'une zone d'attente à l'horizon 2027, pour y maintenir les étrangers interceptés en mer, et le renforcement des capacités de surveillance, de détection et d'interception ;
- en matière de sécurité, le renforcement des effectifs de gendarmes et de policiers sur l'île et la création d'un centre éducatif fermé pour mineurs condamnés et d'un deuxième centre pénitentiaire ;
- diverses mesures facilitant l'accès à l'eau potable, à l'électricité, et aux soins ;
- des améliorations en matière d'éducation, notamment en mettant fin à la rotation scolaire et au dispositif de classes itinérantes ;
- un objectif de constructions annuelles de logements sociaux, incluant un sous-objectif spécifique de logements locatifs "très sociaux".
Le rapport précise les engagements financiers de l’État en faveur des infrastructures prioritaires de Mayotte sur la période 2025-2031, dont le montant sera de près de 4 milliards d'euros.
Cette page propose un résumé explicatif du texte pour le grand public. Elle ne remplace pas le texte officiel.
Sources
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Légifrance :
Loi n° 2025-797 du 11 août 2025 de programmation pour la refondation de Mayotte (version initiale) -
Légifrance :
Loi n° 2025-797 du 11 août 2025 de programmation pour la refondation de Mayotte (version consolidée) -
Conseil constitutionnel :
Décision n° 2025-894 DC du 7 août 2025. Loi de programmation pour la refondation de Mayotte -
Légifrance :
Loi organique n° 2025-793 du 11 août 2025 relative au Département-Région de Mayotte -
Légifrance :
Dossier législatif : Projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte -
Légifrance :
Dossier législatif : Projet de loi organique relatif au Département-région de Mayotte