Le multilatéralisme en action (2/3)

L'Actualité de la vie publique - Podcast - N° 62

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Par : La Rédaction

Podcast

L'Assemblée générale des Nations unies

Comment est organisé le système multilatéral contemporain ? De quelle manière les normes juridiques internationales sont-elles élaborées ? Quels sont les pouvoirs du Conseil de sécurité de l’ONU ? Comment fonctionne la coopération économique internationale ?

Le multilatéralisme en action (2/3)

tPatrice : Bonjour à toutes et à tous,

Bonjour « Léa »

Léa : Bonjour « Patrice »

Patrice : 

Depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, de multiples organisations 
internationales ont été mises en place et des textes internationaux ratifiés pour 
encadrer les relations entre États.

80 ans après la création d’institutions majeures telles que l’Organisation des Nations unies, voici une nouvelle série de « L’Actualité de la vie publique » consacrée au 
multilatéralisme.

Au sommaire de ce deuxième épisode :

« Le multilatéralisme en action ». 

Patrice : Première question Léa : comment s’organise le système international 
contemporain ?

Léa : Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le système international est 
organisé autour du principe du multilatéralisme. De multiples organisations 
internationales ont été créées à partir de 1945, avec des vocations différentes. Certaines de ces organisations sont dites « universelles ». C’est le cas tout 
particulièrement de l’Organisation des Nations unies (ONU), qui œuvre au maintien de la paix et de la sécurité internationales. D’autres sont spécialisées, c’est-à-dire que leurs missions concernent une thématique spécifique : travail, santé, culture… Enfin, il faut distinguer parmi les organisations internationales celles qui ont une vocation 
régionale, et dont les États-membres sont issus d’une même zone géographique. C’est le cas par exemple de l’Union africaine ou de l’Organisation pour la sécurité et la 
coopération en Europe (OSCE).  

Certaines organisations internationales présentent des enjeux diplomatiques et 
stratégiques majeurs pour les États, et c’est sur celles-ci que nous allons nous pencher lors de cet épisode.

Patrice : Le multilatéralisme contemporain est également caractérisé par un 
engagement des États à respecter des règles communes. Comment ces normes 
sont-elles érigées, et qu’en est-il de leur application ?

Léa : Des normes juridiques internationales sont élaborées entre États, sous différentes formes : accords, traités, conventions… Certains sont ratifiés dans le cadre d’une 
organisation internationale, et parfois la ratification d’un ou plusieurs textes est 
obligatoire pour pouvoir en intégrer une. Mais en dehors de ce cas spécifique, chaque État demeure libre de s’engager ou non, et pour ceux qui ratifient le texte, de s’en 
retirer par la suite.

Patrice : Aujourd’hui, quelles sont les principaux outils multilatéraux qui régissent la scène internationale ?

Léa : L’ONU est une des institutions multilatérales les plus importantes de la scène 
internationale. Elle régit les relations interétatiques afin de trouver des domaines 
d’entente et de résoudre collectivement les problèmes entravant la paix et la sécurité internationales. Elle a été instaurée dans le contexte particulier de la Guerre Froide, 
période d’opposition de deux superpuissances (les États-Unis et l’URSS). La sécurité collective était alors un enjeu majeur. L’ONU - mais aussi l’Organisation du Traité de l’Atlantique-Nord (l’OTAN) - ont joué un rôle important dans sa mise en œuvre et dans le maintien d’un certain équilibre international – bien que certaines guerres ont tout de même été déclenchées, comme celles de Corée et du Vietnam. L’interdiction du 
recours à la force est aujourd’hui encore assurée par ces deux institutions. Elles sont habilitées à réagir en cas de menace au maintien de la paix et de la sécurité, par 
plusieurs moyens : interruption des relations économiques et/ou diplomatiques, conduite d’opérations de défense par l’OTAN, déploiement d’opérations de maintien de la paix pour l’ONU…

Patrice : L’ONU est composée de 193 membres, soit la quasi-totalité des États. Ceux-ci ne sont néanmoins pas logés à la même enseigne ; pourquoi ?

L’Assemblée générale des Nations unies, composée de l’ensemble des membres, peut adopter des résolutions. En ce sens, cet organe est un exemple parfait du 
multilatéralisme. D’ailleurs, au cours de la Guerre froide, l’Assemblée générale est 
devenue ce que l’on nomme « arène du Tiers-Monde », car elle constituait pour les pays dits du Tiers-Monde un espace au sein duquel ils pouvaient exprimer leur 
opinion. Néanmoins, les décisions politiques et diplomatiques les plus importantes sont prises par le Conseil de sécurité, composé de 15 membres seulement - donc 5 permanents. La stratégie de l’ONU et sa mise en œuvre demeure ainsi régie par une minorité d’États, parmi lesquels de grandes puissances. 

Patrice : Ces grandes puissances, qui sont celles sorties victorieuses de la Seconde guerre mondiale, ont une position de pouvoir sur plusieurs plans. Lesquels ?

Léa : Comme évoqué lors du premier épisode, la Chine, les États-Unis, la Russie, la France et le Royaume-Uni disposent d’un droit de veto qui leur permet de s’opposer à l’adoption d’une résolution. En outre, ces mêmes puissances sont autorisées à 
posséder l’arme nucléaire, en vertu du traité de non-prolifération de l’arme nucléaire, signé en 1968. Ce texte les place là aussi en position dominante par rapport aux autres États signataires, qui s’engagent quant à eux à ne pas l’acquérir. Or, la possession ou non de l’arme nucléaire, au-delà du respect des normes internationales, est un élément-clé des dynamiques de pouvoir entre États. Néanmoins, on voit bien les 
limites du multilatéralisme dans des domaines aussi sensibles que le contrôle des 
armements. Les États demeurant libres de ratifier ou non un texte international, 
certains d’entre eux qui n’ont jamais signé le traité sur la non-prolifération sont 
devenus des puissances nucléaires. Il s’agit de l’Inde, du Pakistan et d’Israël. La Corée du Nord, qui s’est désengagée du traité en 2003, a également développé l’arme 
nucléaire. 

Patrice : Comme évoqué dans le premier épisode, la coopération internationale 
s’organise également sur un plan économique. Comment se caractérise le 
multilatéralisme dans ce secteur ? 

Léa : La régulation du domaine économique à l’échelle internationale s’organise plus aisément que pour les activités régaliennes sensibles et directement liées à la 
souveraineté des États. La coopération entre États sur le plan économique est 
considérée comme avantageuse par la plupart d’entre eux. Un système stable et 
respecté par l’ensemble des acteurs est perçu comme favorisant la croissance 
économique et contribuant à réduire les risques de conflits commerciaux. Contrairement aux déséquilibres observés au sein de l’ONU, l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui succède au General Agreement on tariffs and trade (GATT) en 1995, est régi par un principe de non-discrimination entre Etats. Ce principe se 
matérialise à travers la clause de la nation la plus favorisée, en vertu de laquelle tout avantage négocié entre deux États doit bénéficier à l’ensemble des membres de l’OMC. Il s’agit d’un exemple parfait du multilatéralisme, d’autant plus que les membres de l’OMC (166) représentent 98% du commerce mondial. 

Patrice : Pourtant, le système commercial international fait l’objet de critiques. Pour quelles raisons ? 

Léa : Malgré cette égalité de traitement entre États, les inégalités économiques 
persistent. L’application des mêmes règles à l’ensemble des États, quel que soit leur stade de développement, est inéquitable. Pour compenser ces inégalités, des 
institutions se consacrent à l’aide au développement. C’est notamment le cas de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), qui accordent des prêts et des crédits aux pays rencontrant des difficultés financières, à des conditions 
privilégiées. Mais ces organisations se heurtent également à des critiques. Par exemple, les programmes d’ajustement structurels élaborés par le FMI pour soutenir les pays rencontrant des difficultés financières étaient initialement conditionnés au respect de nombreux engagements économiques, appelés « bonnes pratiques ». Fortement 
inspirés par une approché néo-libérale, notamment par la dérégulation de l’économie, ces programmes ont été très critiqués pour leur application universelle et rigide. Les pays bénéficiant des crédits accordés étaient traités de la même manière, sans 
considération pour leurs spécificités ni leurs conditions socio-économiques. On voit là encore les limites d’un multilatéralisme qui se veut universel. La crise économique et 
financière de 2008 a d’ailleurs conduit à une refonte des instruments de crédit et a une plus grande souplesse dans les conditions de leur versement. 

Patrice : L’une des préoccupations grandissantes sur la scène internationale est la 
protection de l’environnement. Ce domaine fait-il l’objet d’une coopération 
interétatique ?

Léa : Effectivement, la question environnementale est l’un des enjeux contemporains qui concerne l’ensemble des acteurs du système international. Elle est d’ailleurs 
progressivement prise en considération par des organisations dont les missions sont autres : c’est le cas de l’ONU et son programme pour le développement, qui assure la mise en œuvre des objectifs de développement durable, mais aussi de l’OMC, qui a 
intégré les enjeux environnementaux parmi ses objectifs. À partir des années 1970, des sommets internationaux sont organisés sur le droit environnemental, des traités sont signés… Et en 2015, le premier traité international universel, en ce qu’il est conclu par la quasi-totalité des États de la planète, est signé : il s’agit de l’Accord de Paris. 

Patrice : Et quel est le bilan de la mise en place progressive d’un droit 
environnemental international ?

Léa : Le bilan est assez mitigé. Si l’engagement des États est à saluer, les normes 
adoptées sont peu contraignantes : on parle de « droit mou ». Leur application est donc moindre, et on voit là encore les limites de l’élaboration de normes 
internationales. Si les États signataires de l’Accord de Paris se sont engagés à contenir d’ici 2100 le réchauffement climatique en-dessous de 2 degrés par rapport aux niveau préindustriels, chaque bilan démontre que l’objectif est loin d’être atteint. Dans son rapport annuel de 2024, le Programme des Nations unies pour l’environnement prévoit que la poursuite des efforts d’atténuation actuels conduirait à un réchauffement de 3,1 degrés au cours du siècle, soit une hausse nettement supérieure à l’objectif fixé.

Patrice : Mais comment explique-t-on que malgré les efforts déployés par les États et les organisations internationales le droit international souffre d’un manque 
d’efficacité ? 

Léa : La seule ratification d’un traité ne suffit pas : le respect des normes établies 
implique une action à l’échelle nationale, par l’adoption de textes permettant de s’y conformer. Or, ces décisions demeurent soumises à la volonté de chaque État. Ce n’est d’ailleurs pas le cas qu’en matière environnementale, mais dans la majorité des 
domaines régulés à l’échelle internationale. On peut citer par exemple les multiples violations des droits humains par des États s’étant engagés à les respecter en ratifiant un traité. Ou encore, dans la même logique, le fait que l’arrestation des personnes sous mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale repose sur la volonté des États parties. Bien que ceux-ci se sont engagés à coopérer pleinement avec la Cour, ils demeurent souverains en pratique. Enfin, l’instauration d’organes judiciaires régionaux ou 
internationaux chargés de sanctionner les violations de traités ne suffit pas toujours à les éradiquer, en l’absence de système exécutoire.

Patrice : Y a-t-il des domaines dans lesquels le multilatéralisme fait tout de même ses preuves ? 

Léa : Oui Patrice, il serait exagéré d’affirmer que la coopération étatique manque 
d’effectivité dans l’ensemble des domaines. Par exemple, le multilatéralisme se révèle 
plutôt efficace en matière d’aide alimentaire. Grâce à divers programmes et 
institutions, tels que le Programme alimentaire mondial, des livraisons directes de vivres sont mises en place, des transferts financiers sont opérés et des bons 
alimentaires envoyés aux populations affectées par l’insécurité alimentaire.

On peut également citer l’accueil et la gestion des réfugiés et personnes déplacées, 
organisés à une échelle internationale par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et, pour les réfugiés palestiniens, par l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient. 

Patrice : Quand les États sont disposés à coopérer, donc, le multilatéralisme peut s’avérer efficace !

Merci beaucoup « Léa ». 

C’est la fin de cet épisode ! 

Dans le troisième et dernier épisode, nous aborderons les causes de la crise qui touche aujourd’hui le système multilatéral.

Vous pouvez réécouter gratuitement le premier épisode de cette série sur vos 
plateformes préférées et notre chaîne YouTube. N’hésitez pas à vous y abonner !

Et pour en savoir plus, RDV sur notre site internet Vie-publique.fr et nos réseaux 
sociaux.

On se retrouve très bientôt ! Au revoir « Léa », au revoir à toutes et à tous !

Léa : Au revoir !

 

Sources

· Badie B. et Devin G., sous la dir., (2007), Le multilatéralisme. Nouvelles formes de l’action internationale, TAP/relations internationales, La Découverte
· Bernard P. (2025), « Entre une Russie autoritaire et des États-Unis en pleine reconfiguration illibérale, l’Europe doit reprendre le flambeau du monde libre », Le Monde, 16 mars.
· Encyclopédie d’histoire numérique de l’Europe, Sorbonne Université, www.ehne.fr/fr
· De Montbrial T. et David D., sous la dir., (2024), « Entre puissances et impuissance », Ramsès 2025, IFRI, Dunod, septembre
· De Montbrial T. et David D. (2021), « Rivalités de puissance, idéologies et multilatéralisme », Revue Défense Nationale, n° 838, 8 mars
· De Montbrial T. (2006), « Le système international. Approches et dynamiques », Politique étrangère, n° 4
· Fernandez J. et Holeindre J.-V. (2022), Nations désunies ? La crise du multilatéralisme dans les relations internationales, collBiblis Inédit, CNRS Éditions, avril
· Grosser P. (2019), « Les trajectoires du multilatéralisme. Un monde à la polarité incertaine », Ramsès 2020, IFRI, Dunod, septembre
· Guilbaud A., Petiteville F., Ramel F. (2023), Crisis of Multilateralism ? Challenges and Resilience, coll. The Sciences Po Series in International relations and Political Economy, Palgrave Mac Millan (www.sciencespo.fr/ceri/fr/content/la-resilience-du-multilateralisme , Sciences Po Centre de recherches internationales)
· Jaldi A. (2023), « The Crisis of Multilateralism viewed from the Global South », Policy Paper, Policy Center for the New South, mai
· Kauffmann S. (2024), « C’est toute l’architecture de la gouvernance mondiale qui est remise en cause, puisque l’ordre juridique qu’elle est chargée d’administrer est piétiné », Le Monde, 20 mars
· Lamy P. (2021), « Répondre à la crise du multilatéralisme par le polylatéralisme », La revue européenne du droit, n° 2, mars
· Lorot P. (2013), « Que reste-t-il de l’hyperpuissance ? », Entretien avec H. Védrine, Géoéconomie, 3, n° 66
· Moreau-Defarges P. (2004), « Le multilatéralisme et la fin de l’histoire », Politique étrangère, automne
· Nabli B. (2017), « Le statut de l’État en droit international », in L’État : droit et politique, chapitre 8, coll. U, Armand Colin
· Questions internationales (2023), Fracturation(s)20 ans de relations internationales, La Documentation française, n° 122, décembre-janvier 
· Questions internationales (2022), À quoi sert l’OTAN ?, La Documentation françaisen° 111, janvier-février 
· Questions internationales (2021), Insécurité collective : la crise du multilatéralisme, La Documentation françaisen° 105, janvier-février 
· Sur S. (2019), « A quoi sert le droit international ? », www.vie-publique.fr/parole-dexpert/38777-quoi-sert-le-droit-international , 4 juillet
· Zwahlen J. (2020), Multilatéralisme : crises et perspectives, coll. Débats et documents, Fondation Jean Monnet pour l’Europe, juillet
· https://www.un.org/fr/global-issues/multilateral-system

 

 

 

 

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