Commune et intercommunalité : quelles compétences ? (3/5)
L'Actualité de la vie publique - Podcast - N° 70
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À quand remonte la création des communes en France ? Qu’est-ce que la clause générale de compétence ? Quels sont les grands domaines d’intervention de la commune ? Quel a été l’impact de la suppression de la taxe d’habitation sur le budget des communes ? Comment fonctionne la coopération intercommunale ? Quel est le mode de gouvernance d’un EPCI ?
Commune et intercommunalité : quelles compétences ? (3/5)
Patrice : Bonjour à tous, Bonjour Léa
Léa : Bonjour Patrice
Patrice : Après l’élection présidentielle, les élections municipales constituent, l’autre temps fort de la vie politique française. Le maire reste en effet l’élu préféré des Français, celui auquel, selon les études d’opinion, ils font le plus confiance.
Les prochaines « municipales », auront lieu les 15 et 22 mars 2026, pour mieux en comprendre les enjeux, « L’Actualité de la vie publique » vous propose une nouvelle série de 5 épisodes consacrée à ces élections.
Patrice : Au sommaire de ce troisième épisode : commune et intercommunalité, quelles compétences ?
Patrice : Première question, Léa, à quand remonte la création des communes en France ?
Léa : Sous l’Ancien régime, la France est un royaume catholique dont le territoire est
organisé sur la base de circonscriptions territoriales ecclésiastiques, gérées par l'Église. Ces « divisions ecclésiastiques » - qui correspondent aux anciens diocèses - sont
eux-mêmes divisés en « paroisses ». Au fil du temps, la paroisse devient une subdivision administrative et c’est la Révolution française qui modifie cette organisation territoriale. Le décret du 14 décembre 1789, crée sur le territoire des anciennes paroisses, 44 000 municipalités baptisées « communes » qui correspondent à la plus petite division
administrative française. Une semaine plus tard, la loi du 22 décembre 1789 crée un nouvel échelon territorial : le département. Par comparaison, la région est une
collectivité territoriale relativement récente, puisqu’elle voit le jour à la fin du XXe siècle avec la loi de décentralisation du 2 mars 1982.
Patrice : Il y a donc différents échelons de collectivités territoriales. Comment sont réparties les compétences entre elles ? Comment décide-t-on que telle compétence sera attribuée à la commune ou que telle autre le sera au département ou à la
région ?
Léa : Rappelons d'abord Patrice que les collectivités territoriales sont liées entre elles. Une commune est dans un département qui se situe lui-même dans une région. C’est un peu le principe des poupées russes !
Mais pour autant, une collectivité territoriale ne peut pas exercer de tutelle c'est-à-dire un pouvoir de dépendance - sur une autre. C'est ce qu'on appelle le principe de « libre administration » qui est inscrit dans la Constitution.
Ce principe signifie aussi que l’État lui-même ne peut pas exercer de tutelle sur les
collectivités territoriales.
Patrice : Alors concernant plus particulièrement la commune, comment les
compétences de la commune sont-elles définies ?
Léa : La commune a une capacité d'intervention générale sans qu’il soit nécessaire que la loi énumère ses attributions. C'est ce qu'on appelle la « clause générale de
compétence ». Cette clause générale de compétence traduit la capacité d’initiative de la commune. Pour que ce principe puisse s’appliquer, il faut réunir deux conditions : d’une part, l’existence d’un intérêt public local, d’autre part que le domaine d’intervention ne relève pas d’une compétence exclusive de l’État ou d’une autre collectivité territoriale.
La commune est la seule des collectivités territoriales qui dispose aujourd’hui de cette clause générale de compétence. La loi dite « Notre » pour Nouvelle organisation
territoriale de la République du 7 août 2015 l’a en effet supprimée pour le département et la région. Depuis cette date, c’est la loi qui attribue à ces deux collectivités des
domaines de compétences spécifiques.
Patrice : Vous nous avez précisé, Léa, la manière dont sont définies les
compétences de la commune. Alors quels sont ses grands domaines
d’intervention ?
Ces domaines sont très vastes mais on peut néanmoins citer :
• La gestion des écoles maternelles et primaires ;
• Dans le domaine de l’action sociale et de la santé par exemple :
- L’attribution de l’aide sociale facultative comme le secours aux familles en difficulté par le biais des centres communaux d’action sociale ;
- Le recueil des informations utiles à l’intervention des services sociaux et sanitaires auprès des personnes âgées et des personnes handicapées ;
- La gestion du fonds d’aide aux jeunes en difficulté ;
- Le gestion du parc locatif social, les offices HLM ;
- Ou encore l’attribution d’aides pour l’installation ou le maintien de professionnels de santé dans les zones déficitaires en offres de soins.
• Autres domaines de compétence : l’organisation et l’accueil du jeune enfant ;
• Et citons aussi les autres champs d’intervention importants que sont : l’économie à
travers la participation à l’aide aux entreprises en difficulté, comme lors de l’épidémie de Covid-19, l’urbanisme avec la délivrance des permis de construire individuels, l’emploi et l’insertion professionnelle par exemple la participation des communes aux Maisons de l’emploi.
• N’oublions pas non plus, la sécurité, à travers l’exercice de la police municipale, l’action
culturelle et sportive par exemple la possibilité d’accorder des subventions aux associations et aux clubs, l’environnement et le patrimoine, le funéraire, etc.
Patrice : Alors pour intervenir dans tous ces domaines, la commune a besoin de moyens
financiers importants,de quelles ressources dispose-t-elle ?
Léa : Pour cela, les communes disposent de trois grands types de ressources :
• D’abord, la fiscalité locale qui comprend les impôts locaux. Depuis la suppression de la taxe d’habitation, qui n’est désormais perçue que sur les résidences secondaires, il s’agit
essentiellement des taxes foncières et de certains impôts économiques : cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ou taxe sur les surfaces commerciales, ainsi que de taxes diverses comme la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.
• Ensuite, les communes bénéficient également des dotations de l’État comme la Dotation
globale de fonctionnement que reçoivent toutes les communes, la Dotation générale de
décentralisation qui financent les transferts de compétences aux collectivités locales et
également une fraction de la TVA : la TVA est devenue une importante ressource de
compensation pour les collectivités locales.
• Enfin, troisième type de recettes : les produits des services générés par les services assurés par la collectivité et facturés à l’usager dans le domaine de l’enfance, de la jeunesse, de la culture ou des transports, ainsi que les produits des domaines, donc là, il s’agit principalement de loyers, de permis de stationnement, etc.
Patrice : Revenons un instant Léa sur la question de la taxe d’habitation, dont on rappelle qu’elle a été suppriméepour tous les usagers sur la résidence principale, depuis le 1er janvier 2023. Quel a été l’impact de cette suppression sur le budget des communes ?
Léa : Alors cette taxe représentait environ 25 % des recettes liées aux impôts locaux, qui
eux-mêmes peuvent constituer jusqu’à 60 % des recettes de fonctionnement des communes. Donc la décision de supprimer la taxe d’habitation représentait potentiellement un manque à gagner important pour le budget communal. C’est pourquoi la loi de finances de 2020 a instauré à titre de compensation le transfert aux communes d’une fraction de la TVA et de la part de la taxe foncière perçue par les départements, plus précisément la taxe foncière sur les propriétés bâties – la TFPB. Désormais, chaque commune reçoit les recettes de TFPB que son département prélevait auparavant sur les locaux du territoire communal.
Patrice : Est-ce qu’une commune peut-elle partager des compétences avec un département ou une région ?
Léa : Oui Patrice, c’est possible ! En réalité, les domaines dans lesquels la commune partage ses compétences avec le département et/ou la région sont mêmes très nombreux !
Pour ne citer que quelques exemples : l’action sociale et la santé, l’enseignement, le
développement économique, l’environnement et le patrimoine, l’action culturelle, le logement, l’habitat, etc.
Par exemple dans le cas des établissements d’enseignement scolaire : c’est la commune qui a la responsabilité de la construction et de la gestion des écoles maternelles et élémentaires, le
département est chargé des collèges et la région des lycées.
Patrice : Il existe également un échelon administratif institué dans le cadre de la coopération intercommunale placé au-dessus de la commune mais qui n'a pas pour autant le statut de collectivité territoriale : c’est ce que l’on appelle
l’intercommunalité. De quoi s’agit-il exactement ?
Léa : L’intercommunalité c'est une forme de coopération entre les communes, c'est pour ça qu'on parle aussi de coopération intercommunale.
Concrètement, qu’est-ce que ça veut dire ? Eh bien, cela signifie que les communes peuvent se regrouper. Et pourquoi le font-elles ? Eh bien elles le font dans le but de
gérer en commun des équipements qui sont très lourds à financer ou à gérer. Comme une piscine ou un réseau de transport urbain. Dans ce cas, il s’agit d’une
intercommunalité de gestion.
Mais l'intercommunalité peut également concerner des communes qui se regroupent pour élaborer en commun des projets de développement économique, d'urbanisme ou d’aménagement d’un territoire plus vaste que celui de la commune. Dans ce cas, on ne parle pas d’intercommunalité de gestion, mais d’intercommunalité de projet.
Dans les deux cas, l’intercommunalité est gérée par un EPCI un établissement public de coopération intercommunale.
Patrice : Mais pour quelles raisons les communes sont-elles obligées à se regrouper ?
Léa : La principale raison est de résoudre les problèmes posés par ce que l’on appelle l’émiettement communal de la France. L'émiettement communal, c'est le fait que notre pays compte un très grand nombre de communes : près de 35 000. Pour vous donner une idée, cela représente environ 38 % de l’ensemble des communes de l’Union
européenne ! Ces communes françaises sont souvent petites, voire très petites et
disposent donc de moyens - humains et financiers - limités, ce qui en complique la
gestion et le développement.
Patrice : Donc les communes n’ont pas le choix. En fait, il est obligatoire d'être membre d'une intercommunalité ?
Léa : Oui, c’est ça Patrice ! Toutes les communes appartiennent à une intercommunalité ! À l'exception de quatre : il s'agit de communes insulaires qui bénéficient d’une
dérogation législative donc elles ne sont donc pas tenues d'appliquer la règle
commune : l’île d’Yeu, l’île de Bréhat, l’île de Sein et l’île d’Ouessant.
Patrice : Pour agir, ces communes qui se regroupent ont besoin de moyens
financiers, comment est-ce qu'elles financent la coopération intercommunale ?
Léa : Eh bien comme je vous l’ai expliqué le regroupement de communes au sein d’EPCI, peut répondre à deux objectifs très différents :
Dans le cas d’une intercommunalité de gestion, quand les communes se regroupent pour gérer certains services publics locaux, l'EPCI n'a pas de ressources propres, ce sont les communes membres qui contribuent à financer l'établissement public.
Lorsqu’en revanche, les communes se regroupent pour conduire ensemble des
projets de développement local donc dans le cadre d’une intercommunalité de
projet, la coopération intercommunale est beaucoup plus intégrée. Dans ce cas, l'EPCI dispose de recettes fiscales directes, c'est-à-dire que l'EPCI perçoit des impôts
directement, et donc il bénéficie d’une fiscalité qui lui est propre.
Patrice : Le fait que les communes se regroupent dans un EPCI, est-ce que cela
signifie qu'elles transfèrent toutes leurs compétences à l'EPCI ?
Léa : Non ! Mais rappelons d'abord une chose importante : c'est que l'EPCI n'a pas les mêmes compétences que la commune. Celle-ci, je vous le rappelle bénéfice de la clause générale de compétence. Ce qui veut dire, comme nous l’avons dit tout à l’heure, que les communes disposent de compétences qui leur sont propres et étendues et ce ne sont pas des compétences attribuées par la loi.
Les EPCI ne disposent pas de cette clause générale de compétence. C'est la loi qui leur attribue des compétences spécifiques.
Concernant maintenant les compétences transférées par les communes à l'EPCI, eh bien il faut savoir que dès lors qu'une commune transfère une compétence à l'EPCI, elle n'est alors plus compétente pour agir dans ce domaine.
C'est pour cela qu'il faut définir très clairement quelles sont les compétences transférées à l'EPCI et celles qui demeurent au sein de la commune. Ces décisions relèvent des
différents conseils municipaux et communautaires ou de la loi.
Patrice : Est-ce que le fonctionnement des EPCI ainsi que le transfert obligatoire de compétences aux intercommunalités ne soulèvent pas certaines difficultés pour les maires des communes membres ?
Léa : Eh bien des études publiées notamment par l’AMF (l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité) rendent compte en effet du sentiment de dépossession qu’éprouvent de nombreux maires face à l’évolution de
l’intercommunalité. Beaucoup d’élus, en particulier des communes rurales disent avoir du mal à trouver leur place au sein des conseils communautaires (contraintes de temps, problème de représentativité, etc.) et une part significative d’entre eux souhaitent une révision de la carte intercommunale afin de retrouver des compétences perdues. La loi du 27 décembre 2019 « Engagement dans la vie locale et proximité de l’action
publique » rééquilibre le rôle des communes et des maires au sein des EPCI. Elle institue un pacte de gouvernance pour améliorer les relations entre les intercommunalités et les maires. Cette loi a également apporté certains aménagements concernant le transfert obligatoire des compétences « eau et assainissement » : obligation qui a finalement été supprimée par une loi du 11 avril 2025. Enfin, la loi 3DS du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale introduit davantage de souplesse dans le
fonctionnement des communes et des intercommunalités. Les communes peuvent
désormais transférer des compétences « à la carte » à leur intercommunalité. Le principe de subsidiarité est également renforcé : l’exercice de la compétence « voirie » est soumis à la reconnaissance d’un intérêt communautaire, et les possibilités de restitution aux communes de la compétence « tourisme » sont élargies.
Patrice : Alors concernant la gouvernance des EPCI maintenant. Comment
fonctionne un EPCI ? Qui le gère ou l'administre ? Est-ce que les personnes qui sont à la tête de l'EPCI sont élues ?
Léa : Alors commençons par le mode de désignation des membres de l'EPCI. Les membres de l'EPCI sont appelés "conseillers communautaires", ils sont élus dans toutes les communes mais selon des modalités différentes : dans les communes de 1000
habitants et plus, ils sont élus en même temps que les conseillers municipaux, donc les conseillers se présentent pour un mandat de conseiller municipal et de conseiller
communautaire le même jour mais figurent sur deux listes distinctes lors du scrutin ; dans les communes de moins de 1 000 habitants, les conseillers communautaires sont désignés dans l’ordre du tableau : d’abord le maire, puis le 1er adjoint, etc.
Maintenant concernant le mode de fonctionnement des EPCI les plus intégrés
c'est-à-dire ceux à fiscalité propre : les conseillers communautaires siègent au sein du conseil communautaire qui fonctionne pour l’essentiel exactement comme le conseil municipal. C'est lui qui règle les affaires qui sont de la compétence de l’EPCI. Il vote
également le budget ou les délégations de gestion d’un service public, car on peut
déléguer la gestion d'un service public à une entreprise.
Et celui qui est à la tête de l'exécutif de l'EPCI, c'est-à-dire celui qui administre l'EPCI : c'est le président de l’EPCI. Il prépare et il exécute les délibérations du conseil, donc les décisions qui sont arrêtées par le Conseil. Il ordonne les dépenses, il est également le chef des services de l’EPCI et c'est lui qui représente l'EPCI en justice lorsque c'est
nécessaire. Il est assisté de vice-présidents auxquels il peut déléguer une partie de ses fonctions et qui vont l'aider dans l'exécution de ses tâches.
Patrice : Merci Léa pour toutes ces explications ! Les compétences de la commune, ses relations avec les autres collectivités territoriales et le fonctionnement et les objectifs des EPCI sont beaucoup plus clairs maintenant pour nous. C’est la fin de cet épisode !
Dans le prochain, nous nous intéresserons à une catégorie d’EPCI particulière, créée il y a une quinzaine d’années : les métropoles.
Vous pouvez réécouter gratuitement ce troisième épisode sur vos plateformes préférées et notre chaîne YouTube. N’hésitez pas à vous y abonner !
Et pour en savoir plus, rendez-vous sur notre site internet vie-publique.fr et nos réseaux sociaux.
On se retrouve très bientôt ! Au revoir « Léa », au revoir à toutes et à tous !
Léa : Au revoir !
· Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF)
https://www.amf.asso.fr/
· Code général des collectivités territoriales (2025), Légifrance, 1er janvier
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/texte_lc/LEGITEXT000006070633/2025-01-01
· Direction générale des collectivités territoriales (2025), Collectivités locales en chiffres 2025, annuaire statistique de la DGCL (mise en jour en continu depuis 2025)
https://www.collectivites-locales.gouv.fr/les-collectivites-locales-en-chiffres-2025
· Direction générale des collectivités territoriales (2024), Collectivités locales en chiffres 2024, annuaire statistique de la DGCL, novembre
https://www.collectivites-locales.gouv.fr/collectivites-locales-chiffres-2024
· Direction générale des collectivités territoriales (2022), La part des femmes parmi les élus
locaux, Bulletin d’information statistique (BIS), n° 162, mars
https://www.collectivites-locales.gouv.fr/bulletin-dinformation-statistique-bis-de-la-dgcl
· Demazière D. et Pélisse J., sous la dir. (2024), Être maire aujourd’hui. Engagés, débordés,
malmenés : quels effets sur la santé, Enquête ELUSAN, novembre, SciencesPo - Centre de
sociologie des organisations, CNRS, ANR, AMF, novembre
· Foucault M. (2025), Les démissions de maires : enquête sur un phénomène sans précédent, Note de recherche, Sciences Po – CEVIPOF, juin
· Foucault M. et Kerrouche E. (2025), L’état d’esprit des maires à un an du scrutin, Enquête, Sciences Po – CEVIPOF
· Lardeux L. et Lacroix I. (2024), Y a-t-il un âge en politique ? Parcours des jeunes maires de France, Rapport d’étude, Notes et Rapports, Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP), 202O, janvier
· Maire Info, quotidien d’information des élus locaux, https://maire-info.com
· Ministère de l’Intérieur, « Municipales 2026 : le mode de scrutin change dans les communes de moins de 1000 habitants ».
https://www.interieur.gouv.fr/actualites/actualites-du-ministere/
· Vie publique https://www.vie-publique.fr/