Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 portant sur la réforme des mécanismes budgétaires et financiers de l'Etat, Paris, le 20 novembre 2001.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Laurent Fabius - Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Circonstance : Clôture du colloque "Piloter l'Etat autrement", à Paris le 20 novembre 2001

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de clôturer ce deuxième colloque sur la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001.
Ces journées d'études sont une étape dans la prise de conscience par l'ensemble des décideurs publics de l'importance de cette réforme. Elles nous aident à définir les outils et les méthodes à mettre en place pour parvenir aux résultats que le Parlement a fixés.

La lettre de la loi organique du 1er août 2001 est celle d'une réforme des mécanismes budgétaires et financiers de l'Etat. Son esprit et notre choix, c'est une réforme en profondeur de l'Etat. Voilà le défi qui nous est lancé aujourd'hui et qu'il nous faudra relever progressivement d'ici 2006, date de l'entrée en vigueur de la nouvelle ordonnance. C'est ce qui explique la conduite partagée de ce chantier décisif entre le Ministère des Finances et le Ministère de la Réforme de l'Etat, en étroite association avec l'équipe qui entoure le Premier Ministre.

Ce lien et ce défi, vous les avez identifiés en plaçant, au cur de vos réflexions, les notions de " pilotage " et de " gestion publique ". Etat et pilotage, administration et gestion, voilà des notions qui n'ont pas toujours fait bon ménage par le passé et qu'une mise en uvre volontariste de la nouvelle constitution budgétaire nous aidera à réconcilier. En écho à vos discussions et dans cette perspective, je souhaiterais revenir sur les enjeux soulevés par vos tables rondes.

Vous avez d'abord débattu de la nécessité d'un dialogue renouvelé entre les directions financières et les directions opérationnelles. On ne saurait mieux dire que la définition des programmes et des indicateurs, si elle va structurer l'autorisation financière, est d'abord une définition des politiques publiques et des objectifs précis que le Ministre assigne aux administrations dont il a la responsabilité. Elle ne saurait donc résulter seulement d'un dialogue, que l'on sait au demeurant riche, et même vigoureux entre la direction du budget et les directions financières des ministères. Si les budgétaires et les financiers sont garants de la mise en oeuvre de la réforme, beaucoup de la réflexion sur le contour des programmes et sur la nature des indicateurs devra bien avoir lieu dans les directions opérationnelles. Il ne s'agit pas d'imposer des référentiels qui n'auraient pas fait l'objet d'une appropriation par l'ensemble des agents. J'ajoute que, fondé sur des éléments objectifs, tels que des indicateurs de performance et des engagements contractualisés, ce dialogue permettra de meilleurs arbitrages, parce que plus transparents et de ce fait mieux acceptés.

Second sujet central évoqué, l'action territoriale et le rôle des responsables locaux. Le succès de la réforme, son impact réel sur la perception que nos concitoyens pourront avoir de la modernisation de notre administration, se jouera au plus près du terrain. Plus de 90% des effectifs de l'Etat sont dans les administrations déconcentrées : c'est bien à ce niveau que l'essentiel se joue et que, pour nos concitoyens, se dessine le visage quotidien de l'administration. De ce point de vue, je voudrais dire mon optimisme. La réforme correspond à une demande et une attente forte des responsables locaux. Au fur et à mesure que progresse la révolution de la déconcentration, au fur et à mesure que le dialogue se fait plus exigeant avec l'ensemble des partenaires de l'Etat, à commencer par les collectivités locales, les chefs de services déconcentrés ont acquis une véritable culture de l'initiative. Les Préfets et leurs collaborateurs se pensent et agissent désormais aussi comme de véritables décideurs publics à l'échelon local et non plus seulement comme des relais des administrations centrales. Je suis persuadé que les uns et les autres sont prêts à se saisir des nouvelles responsabilités que leur offre ce texte, pour peu que nous leur accordions la liberté de faire les choix qui leur semblent opportuns. Ces choix permettront une déclinaison territoriale et, si nécessaire interministérielle, adaptée à chaque contexte local des missions et des programmes.

Il nous reste à nous assurer que les administrations centrales n'auront pas la tentation de reprendre d'une main la liberté donnée de l'autre. La loi organique porte une relation de liberté, de confiance et de responsabilité rénovée à tous les niveaux de la sphère publique : entre le Parlement et le Gouvernement naturellement, mais aussi entre le MINEFI et les autres Ministères, entre les directions des finances et les directions opérationnelles et, enfin, entre l'administration centrale et les services extérieurs. Chacun des acteurs doit jouer le jeu, accepter que le plus grande degré d'initiative et de liberté s'accompagne d'objectifs clairement définis à priori et d'un véritable évaluation a posteriori.

Dernier sujet évoqué aujourd'hui, la gestion des ressources humaines. Voici le troisième élément essentiel du passage d'une réforme budgétaire à la réforme de l'Etat. D'un côté, nous savons que la fonction publique ne peut pas dupliquer purement et simplement certaines méthodes pratiquées dans le secteur privé. De l'autre, comme tout communauté de travail, notre administration doit savoir motiver ses agents et récompenser leurs efforts. Objectifs, résultats, évaluation, l'esprit de l'ordonnance est de diffuser cette démarche à tous les niveaux de l'Etat. A ce sujet, je serais tenté de rappeler l'exemple si souvent cité, parce que réellement innovant, des expérimentations dans les préfectures. Cet exemple nous a beaucoup guidés, il peut le faire davantage encore. La globalisation des crédits des préfectures a eu d'autant plus d'effets sur l'activité réelle de ces services que, me dit-on, les préfets ont su déployer un " management participatif ". C'est à cette condition que le dialogue social peut être renouvelé, c'est à cette condition que se constitueront, partout sur le territoire, des équipes prêtes à porter la réforme de l'Etat.

Car la gestion des ressources humaines de demain suppose une véritable implication des décideurs publics et une véritable écoute de l'ensemble des agents. Cela s'apprend peu dans nos écoles mais beaucoup sur le terrain. En cette matière comme en d'autres - ne voyez dans cette précision aucune allusion à quelque polémique récente - les vrais diplômes sont ceux de la vie et de l'expérience.

Un dernière observation avant de conclure. Que personne n'oublie la nécessité d'associer le Parlement à vos réflexions. Demain, le programme déterminera le mode d'organisation de chaque politique publique. Demain aussi, le programme sera le point d'entrée du contrôle des élus sur le Gouvernement. Entre le parlementaire et le fonctionnaire, grâce à la nouvelle ordonnance, grâce à la réforme de l'Etat dont elle est porteuse, un nouveau dialogue va désormais s'engager. J'ai la conviction que les politiques publiques en seront plus efficaces et plus légitimes.

Mesdames et Messieurs, notre Etat va connaître dans les années à venir une mutation considérable. Des classes d'âge nombreuses partiront en retraite. Des exigences nouvelles seront formulées par nos concitoyens, selon le triptyque autonomie, protection, réactivité. Déconcentration et décentralisation franchiront de nouvelles étapes. La réforme de l'ordonnance organique s'inscrit dans ce paysage nouveau autant qu'elle le prépare. Pour réussir ces changements, pour susciter et construire l'adhésion du plus grand nombre, le sens du dévouement et la capacité d'initiative de l'encadrement supérieur de l'Etat seront décisifs. Il reviendra aussi aux acteurs politiques de montrer qu'entre le dénigrement systématique de l'Etat et sa sacralisation immobile, il y a, comme nous l'avons commencé au Minefi, une place pour de véritables avancées, ce que j'appelle la réforme-modernisation de l'Etat.

(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 22 novembre 2001)