Texte intégral
François BAYROU, président de l'UDF
invité de Radio J
le 3 février 2002
(partie 1)
Frédéric HAZIZA
Monsieur François BAYROU, bonjour.
François BAYROU
Bonjour.
Frédéric HAZIZA
Et merci d'avoir accepté cette invitation du FORUM RADIO J. Alors, Monsieur BAYROU, à trois mois de la présidentielle, le chômage a augmenté pour le huitième mois consécutif. Le clan chiraquien tente de faire du thème de la sécurité l'axe numéro un de sa campagne anti-JOSPIN. Et puis aussi, les affaires ressortent. Alors vous allez nous dire dans ces conditions, Monsieur BAYROU, comment vous envisagez la suite de la campagne, de votre campagne. Y a-t-il encore de la place pour une surprise et puis surtout pour deux candidats, Alain MADELIN et vous-même qui se réclament de l'ancienne UDF ? Au-delà, vous allez aussi pouvoir nous préciser comment vous jugez le climat politique entre une campagne qui a l'air de faire du surplace à Paris et qui se déplace aussi à Porto Alegre ou à New York, l'annonce du retour en France de Didier SCHULLER, un président Jacques CHIRAC qui détaille son programme sans être officiellement candidat et un Premier ministre Lionel JOSPIN qui gouverne tout en lorgnant du côté de l'Elysée. Et pour vous interroger, sont réunis autour de cette table Florence MURACCIOLE du JOURNAL DU DIMANCHE, Eric MONDONET (phon) de l'EXPRESS qui va vous poser la première question de l'émission.
Eric MONDONET
François BAYROU, hier, le RPR a présenté son projet. Les chiraquiens se placent sous le triptyque autorité - liberté - partage. On a l'impression que, pour le moment, votre différence porte plus sur la forme, sur les méthodes de gouvernement que sur le fond. Qu'en est-il ?
François BAYROU
La méthode de gouvernement, c'est essentiel pour la France. Pourquoi toutes les réformes ont-elles échoué depuis des années ? Parce que la France est gouvernée à l'ancienne. Gouvernée à l'ancienne, ça veut dire un gouvernement jacobin comme on dit, c'est-à-dire un gouvernement en haut qui n'entend pas la voix de ceux qu'il devrait représenter et qui prend des décisions sans en persuader les Français. Donc, vous avez suivi naturellement tout le débat autour de ce qu'on a appelé la refondation sociale, ce qu'ont fait ensemble les syndicats et en particulier la CFDT de madame NOTAT ou la CFTC et puis les représentants des entreprises. Ce débat est un débat profond et qui a des conséquences révolutionnaires sur la France même si on ne s'en aperçoit pas aujourd'hui. Il s'agit de dire que, dans un pays moderne, la base s'exprime, se fait entendre et participe à l'orientation du pays. Eh bien, ça fait des années qu'on gouverne la France à l'ancienne avec les déboires que l'on sait. Et en effet, les réformes ne se font pas ou quand elles se font, elles se font mal type 35 heures et on en voit les dégâts aujourd'hui. Vous dites changer de méthode, changer de manière de gouverner, c'est très important pour l'avenir.
Florence MURACCIOLE
En même temps, vous dites, donc la France est gouvernée d'en haut et quand le Premier ministre a lancé le processus Matignon sur la Corse pour essayer d'écouter les représentants de la Corse, l'opposition n'a pas adhéré à ce processus.
François BAYROU
Mais parce que, en Corse, on a omis deux choses essentielles et je suis certains que tous les Français le sentent. La première, c'est qu'on n'a pas exigé des interlocuteurs le renoncement explicite à la violence. Au contraire, ils ont souvent continué à en faire l'éloge expliquant que seule la violence révolutionnaire faisait avancer les choses. Et nulle part dans le monde, on a agi de cette manière. Et deuxièmement, on a voulu jouer avec l'idée de loi, on a voulu ruser avec l'idée de loi. Or, on ne peut pas ruser avec l'idée de loi. Chaque fois qu'on fait une loi, si c'est une loi, la loi s'applique à tous. Et même dans les Etats fédéraux qui sont pourtant des réunions d'entités différentes, la loi fédérale s'applique à tous. Autrement dit, on a cru habile de jouer avec l'idée de la loi républicaine et le Conseil constitutionnel a dit, ce n'est pas possible. C'est parce qu'on a voulu ruser qu'on n'a pas réussi à trouver les bonnes réponses.
Eric MONDONET
Pour essayer de définir votre position sur l'échiquier politique, vous aviez parlé en début de campagne de troisième voix. Et le week-end dernier, on a entendu votre directeur de campagne évoquer le travaillisme à la française ce qui fait qu'on est encore un peu plus perplexe.
François BAYROU
Non, tout ça, ce sont des mots. Je suis un homme du centre et du centre droit. Je suis le représentant de ce pole de l'opposition dont on sait bien qu'il a joué et qu'il joue un très grand rôle dans l'équilibre de l'opposition aujourd'hui. Et je suis un représentant de cette sensibilité française dont je crois qu'elle est majoritaire en France et qui réunit des hommes aussi différents que BARRE et DELORS dans les années qui viennent de s'écouler, une manière de voir les choses qui n'est pas partisane, une idée de la France qui est européenne, une volonté de faire vivre ensemble libéral et social parce que, si le social et le libéral ne vivent pas ensemble, ils échouent l'un et l'autre.
Eric MONDONET
Pourtant, ça ne prend pas
Florence MURACCIOLE
Oui, parce que l'étiquette centriste, on se souvient de Raymond BARRE et du très mauvais score qu'il avait obtenu, enfin pas très bon, quoi.
François BAYROU
Pourquoi pour l'instant la campagne est-elle gelée ? Eh bien, parce que les deux principaux candidats ne sont pas entrés en campagne.
Eric MONDONET
Mais sur le fond, est-ce que vous pourriez prendre un exemple précis où vous vous distinguez clairement du projet des chiraquiens, ou vos orientations sont différentes ?
Frédéric HAZIZA
On va prendre un exemple par exemple. Raymond BARRE qui vous soutient dénonce régulièrement l'Etat RPR et il a souvent dénoncé le clan du RPR, le clan chiraquien. Est-ce que, vous aussi, ça fait partie de ce que vous avez envie de dénoncer dans le cadre de cette campagne ?
François BAYROU
La manière de gouverner la France qui a été depuis vingt ans celle d'un parti, c'est vrai pour le PS et c'est vrai pour le RPR, un parti qui considère que l'Etat est à lui, cette manière là n'est pas la mienne et je considère que ça nous a coûté très cher. L'idée que, lorsqu'on est au pouvoir, on installe les siens, on se fait un clan, eh bien c'est une idée qui est nuisible pour la France parce que la plupart des sujets sur lesquels nous devons aujourd'hui trouver des réponses, j'en cite quelques-uns depuis les retraites jusqu'à la sécurité en passant par l'Europe, tous ces sujets là sont des sujets qui exigeront qu'on soit plus large que son propre camp.
Florence MURACCIOLE
Et justement sur ces sujets, est-ce que vous trouvez une différence notable entre le projet du RPR et vous, vos propositions ?
François BAYROU
Le projet du RPR pour l'instant, je ne l'ai pas beaucoup entendu, vous en conviendrez, parce que le vrai projet du RPR, c'est celui que Jacques CHIRAC défendra. Et Jacques CHIRAC comme vous le savez, annonce qu'il n'est pas candidat. Il y a des réunions, il y a des états majors mais il n'y a pas de candidature. Donc, je vous le dirai le jour venu. Je défends mes propres idées
Frédéric HAZIZA
Mais le slogan de campagne de CHIRAC, on le connaît, liberté, autorité, partage.
François BAYROU
Eh bien, le mien, c'est vérité et justice.
Frédéric HAZIZA
Et vous pensez que liberté, autorité, partage, c'est antinomique avec la liberté et la justice ?
Florence MURACCIOLE
La vérité.
Frédéric HAZIZA
La vérité et la justice.
François BAYROU
Les mots sont très jolis toujours dans tous les slogans. Mais moi, je ne m'attache pas aux mots. J'essaie de m'attacher aux réalités, je m'attache aux réalités et je m'attache
Frédéric HAZIZA
Alors parlons des réalités. Jacques CHIRAC est à l'Elysée depuis pratiquement sept ans. Alors j'aimerais bien savoir quel bilan vous dressez de ce septennat de Jacques CHIRAC.
François BAYROU
Y a pas beaucoup de bilan parce que la dissolution qui constitue une part très importante du bilan est intervenue il y a cinq ans et donc elle pèse naturellement au débit de Jacques CHIRAC.
Florence MURACCIOLE
Vous étiez au gouvernement dans les deux premières années du septennat.
François BAYROU
Oui et j'ai tout fait, vous le savez, pour m'opposer à la dissolution mais sans être entendu. Et puis, depuis, à son bilan A son crédit, je dirais, il a bien représenté la France à l'étranger.
Eric MONDONNET
Il a fait avancer la construction européenne ?
Florence MURACCIOLE
Il n'y a pas eu d'initiative venue de l'Elysée comme les autres présidents nous avaient habitués à le faire.
François BAYROU
Franchement, la construction européenne n'a pas avancé pendant ces années-là. Et parmi ses échecs, je mettrai le traité de Nice qui a fait reculer la construction européenne qui a donné une image très triste de l'Europe de marchandage et une Europe où chacun défend ses intérêts sans voir l'intérêt général.
Frédéric HAZIZA
Mais c'est un bilan globalement positif ou globalement négatif ? Alain MADELIN parle de septennat gâché. Et vous ?
François BAYROU
Sept ans, il a eu l'essentiel du pouvoir pendant deux ans et depuis cinq ans, ça n'est pas lui qui a la responsabilité principale. Les institutions ont été déstabilisées par cette cohabitation longue. Et les espoirs de 1995 ont été gâchés.
Frédéric HAZIZA
Est-ce qu'il mérite de présider de nouveau la France ?
François BAYROU
Vous savez bien que je ne m'exprime pas en ces termes. Je ne veux pas que cette campagne parte vers le bas. Tout montre que ça va être une atmosphère malsaine. Tout montre que les officines et les cabinets noirs sont en train de lâcher l'affaire SCHULLER pour l'un, l'affaire DESTRADE pour l'autre et ça, ça n'est pas à la hauteur.
Florence MURACCIOLE
Vous pensez vraiment que l'affaire SCHULLER vient du Parti socialiste ?
François BAYROU
Ca n'est pas à la hauteur de ce que j'attends pour mon pays de l'élection présidentielle. Et donc, tout ce que j'ai de force et de volonté, je le mettrai au service d'une campagne par le haut. Et donc, ni je n'insulterai, ni je ne dirai des mots blessants à l'égard de qui que ce soit.
Frédéric HAZIZA
Mais vous répondez à des questions. Et Eric MONDONET va vous poser une question.
Eric MONDONET
Une question institutionnelle. Est-ce que vous diriez aujourd'hui par rapport à 1995 que la fonction présidentielle a été abaissée ?
François BAYROU
La fonction présidentielle a été érodée, oui. La fonction présidentielle est moins respectée en France aujourd'hui qu'elle ne l'était en 1995. Le mot " respectée " n'est pas exact. La fonction présidentielle est moins estimée aujourd'hui. Les Français ne regardent pas aujourd'hui la fonction présidentielle comme ce qu'elle devrait être, c'est-à-dire le lieu d'où l'on entraîne le pays.
Florence MURACCIOLE
Et ça, c'est du fait de la cohabitation ou c'est du fait de la personne de Jacques CHIRAC ?
François BAYROU
C'est du fait de la cohabitation qu'on a vécue pendant cinq ans, c'est-à-dire des croche-pattes réciproques de la volonté souterraine de la moitié du pouvoir de nuire à l'autre moitié, la permanente guerre souterraine que se sont livrés le Premier ministre et le président de la République.
Frédéric HAZIZA
Alors vous parlez de croche-pattes et vous parliez à l'instant de l'affaire SCHULLER. Donc, on sait depuis la fin de cette semaine que Didier SCHULLER va rentrer en France. Vous qui avez connu l'effet SCHULLER sur la campagne présidentielle de BALLADUR en 95, est-ce que vous pensez que le retour de SCHULLER additionné à la publication du livre d'HALPHEN, ça peut faire mal à la campagne de CHIRAC ?
François BAYROU
Je n'en ai strictement aucune idée. Je ne connais rien à cette affaire. Je n'ai aucune information d'aucune sorte. Je n'en avais aucune pendant qu'elle se déroulait et je n'en ai aucune aujourd'hui. Disons qu'il me paraîtrait surprenant que ce fut par hasard.
Frédéric HAZIZA
C'est-à-dire ?
Florence MURACCIOLE
Mais qui agite les ficelles ?
François BAYROU
Florence MURACCIOLE, vous faites preuve d'une naïveté touchante, émouvante.
Frédéric HAZIZA
Non, mais on aimerait savoir ce que vous pouvez dire
François BAYROU
J'y viens si vous voulez bien. Vous faites preuve d'une naïveté émouvante. Vous croyez que c'est tout à fait par hasard que, dans les journaux, fleurissent des affaires qui sont des grenades envoyées par un bord contre l'autre ? Vous voyez dans le même temps se répondre en stéréo n'est-ce pas un coup à gauche, un coup à droite. Eh bien, tout ceci est préparé depuis longtemps à mon avis et savamment
Florence MURACCIOLE
Mais vous pensez qu'Antoine SCHULLER, le fils qui a quand même déclenché l'affaire SCHULLER à nouveau, le fils Antoine SCHULLER a été instrumentalisé par le Parti socialiste et Marie LAFORET qui est derrière ? Ca paraît bizarre quand même.
François BAYROU
Eh bien alors disons que c'est comme au printemps, les jonquilles sortent spontanément du sol. Il n'y a aucune raison à tout ça, tout ça est du au hasard.
Frédéric HAZIZA
Non, mais Charles PASQUA et Michèle ALLIOT-MARIE parlent de manipulation. Est-ce que, pour vous, c'est une manipulation socialiste ?
François BAYROU
C'est le côté malsain de la politique française et ça fait des années que ça dure et des années qu'il y a des dossiers et des années
Florence MURACCIOLE
Et c'est peut-être parce que, depuis des années, il y a eu des malversations qui ont été commises aussi. Et la justice faisant son travail, elle est longue, la justice.
François BAYROU
Il y a une chose sur laquelle vous avez raison. Si l'on a des affaires qui polluent l'ambiance depuis si longtemps, c'est parce qu'on a des équipes qui ne changent jamais. Et une des raisons pour lesquelles je plaide pour cette idée de relève en France, c'est pour qu'on puisse tourner la page sur tout ça, c'est le fait que ce sont toujours les mêmes qui occupent les responsabilités qui expliquent que nous avons toujours les mêmes affaires qui traînent depuis des années et des années et ceci est terriblement malsain.
Florence MURACCIOLE
Et peut-être que la justice a changé. Peut-être que la justice est plus indépendante qu'elle ne l'était auparavant.
François BAYROU
Et puis, il y a deux choses à changer. L'une, c'est la relève, ce que je viens de dire, une relève des équipes. Et puis il y a une deuxième chose, c'est l'ambiance du pouvoir. Je sais qu'il y a une autre manière de gouverner. J'ai vu des hommes aussi différents que Raymond BARRE et Jacques DELORS qui ne sont pas du même bord mais qui pensent de la même manière. Ces hommes là n'auraient pas gouverné avec des cabinets noirs et des affaires soigneusement entretenues. Cette manière de gouverner par des manuvres sous la table, cette espèce d'ambiance dans laquelle la vie politique française est empoisonnée depuis des années, ça n'est pas une fatalité.
Florence MURACCIOLE
Là, vous pointez du doigt autant l'Elysée que Matignon ?
François BAYROU
Oui. Je pointe du doigt ces deux équipes là qui sont là depuis vingt ans et qui sont familières visiblement l'une et l'autre de ce genre de pratiques. Il existe, je vous le dis
Florence MURACCIOLE
Enfin, Lionel JOSPIN est moins impliqué dans les affaires que Jacques CHIRAC. Son nom apparaît un peu moins souvent s'il y apparaît parfois.
François BAYROU
Il existe, je vous le dis, une autre manière de gouverner la France, une manière plus claire de gouverner la France sans ces pratiques là, une manière plus impartiale sans que les moyens de l'Etat soient utilisés à ce genre de manuvres. Et tant que nous n'aurons pas tourné cette page, nous continuerons à être empoisonnés par des affaires de cet ordre. Il y a dix ans qu'elles durent et elles peuvent durer encore
Frédéric HAZIZA
Tourner la page, ça veut dire une amnistie ?
François BAYROU
Ah non, sûrement pas.
Florence MURACCIOLE
C'est changer les hommes.
François BAYROU
Tourner la page, c'est changer les équipes et les pratiques, mettre en situation de responsabilité des gens qui auront fait le serment de ne pas employer ce genre de méthodes, des gens dont toute la vie a été bâtie sur la volonté d'avoir une politique claire. Ce n'est pas des anges. Ils n'ont pas une auréole au-dessus de la tête. Ils ne sont pas plus vertueux que les autres. Simplement, ils considèrent que démocratie, ça veut dire clarté.
Frédéric HAZIZA
Mais alors, parmi les thèmes que s'apprête à défendre le président de la République puisqu'il en a déjà fait état, le RPR en fait état, il y a ce thème de la tolérance zéro. Est-ce que vous pensez que Jacques CHIRAC est le mieux à même de défendre ce thème de tolérance zéro ?
François BAYROU
Moi, j'ai dit une seule chose, je ne réponds pas pour les autres, je dis une seule chose, il faut que la loi soit la même pour tous. Vous savez que, depuis des années, j'ai dit que, pour moi, toutes les fonctions devaient être également traitées par la loi, toutes les responsabilités de la République.
Florence MURACCIOLE
Vous n'êtes pas pour l'impunité du président de la République ?
François BAYROU
Non.
Frédéric HAZIZA
Et vous avez l'impression, aujourd'hui, que le président de la République est par trop intouchable, peut trop tout se permettre ?
François BAYROU
J'ai dit de la manière la plus claire que je suis pour que la loi soit la même pour tous avec les protections, les prudences nécessaires mais pour éviter ce genre de débats et le genre de questions que vous avez posés.
Frédéric HAZIZA
Monsieur BAYROU, nous allons marquer une pause et nous retrouver dans quelques instants.
(partie 2)
Frédéric HAZIZA
Et question de reprise justement d'Eric MONDONET du journal L'EXPRESS.
Eric MONDONET
Ce week-end les candidats à l'élection présidentielle défilent à Porto Alegre, est-ce que vous avez vous-même été tenté d'y aller ou auriez-vous plutôt choisi d'aller à New York ?
François BAYROU
Non, ni l'un, ni l'autre.
Frédéric HAZIZA
Pourquoi ? Parce que même Jacques CHIRAC a envoyé des représentants.
François BAYROU
Je ne crois pas que dans ce genre de comment dirais-je de samba, où se retrouvent les photographes, on puisse faire avancer les choses. Il y avait combien ? Six ministres du gouvernement, quatre candidats à la présidentielle, les représentants de tous les pouvoirs, ça suffit, ce n'est pas de cette manière qu'on traitera les questions de fond.
Florence MURACCIOLE
Oui mais est-ce que ce n'est pas une manière d'aller à l'écoute, puisqu'on dit, c'est le grand rassemblement de la société civile, du mouvement anti-mondialisation, de un lieu de réflexions peut-être, en dehors de la samba ?
François BAYROU
Ca l'a probablement été, je ne crois pas que ça le soit aujourd'hui, c'est un de ces grands shows, mais qui n'a pas la portée qu'il devrait avoir, d'approfondir les vraies questions qui se posent à propos de la mondialisation et donc je ne participe pas à ce genre de show.
Florence MURACCIOLE
Et Davos à New York, vous auriez pu en être ?
François BAYROU
Idem, non idem.
Florence MURACCIOLE
Mais les deux peuvent se retrouver et ça peut faire un
François BAYROU
Les deux peuvent se retrouver, vous voulez rire, tout ça c'est un show contre l'autre.
Florence MURACCIOLE
Non, mais il y en a qui disent " on va faire le même discours à Porte Alegre qu'à New York ", parce qu'il y a un problème sur la mondialisation, est-ce qu'on doit la maîtriser
Frédéric HAZIZA
Alors justement pour pousser dans la question de Florence MURACCIOLE. Jacques CHIRAC a dit jeudi, avant que le représentant du RPR
Florence MURACCIOLE
Serge LEPELTIER.
Frédéric HAZIZA
Serge LEPELTIER aille à Porte Alegre, "il faut humaniser et maîtriser la mondialisation", il est crédible quand il dit ça ?
François BAYROU
Ses intentions sont justes, les mots sont vagues.
Eric MONDONET
Et curieusement l'Europe reste totalement absente en tant qu'entité de ce débat sur la mondialisation, donc ni à même d'apporter un débat de réponse ou même de participer ?
François BAYROU
Voilà la véritable question, voilà le point. Si on veut changer le visage de la mondialisation, c'est-à-dire empêcher qu'elle ne soit une hégémonie
Florence MURACCIOLE
Des Etats-Unis.
François BAYROU
Oui, une hégémonie américaine et une hégémonie des riches, c'est-à-dire faire que la seule force soit la force de l'argent et que la culture soit laminée par une culture dominante, qui sont les deux véritables questions de la mondialisation, il faut y réintroduire du politique. La mondialisation, elle existe aussi sûrement que la terre est ronde, il y a des tas de gens qui peuvent regretter que la terre soit ronde ou se battre contre cette idée, on l'a connue autrefois, l'inquisition voulait empêcher que la terre soit ronde, elle est ronde ; eh bien de la même manière, la mondialisation est un fait. Ce fait-là, si on veut la maîtriser et la diriger, il faut que la politique ou que le politique s'en occupe et donc il faut des voix capables de se faire entendre autour de la table. Pour l'instant, il y a une voix dont on est sûr qu'elle est capable de se faire entendre, c'est la voix américaine. Et donc
Florence MURACCIOLE
Pourquoi celle d'Europe n'y parvient-elle pas ?
François BAYROU
La véritable question est de savoir si nous voulons une voix européenne ou pas. La seule politique construite et sérieuse, c'est de vouloir l'Europe politique face à la mondialisation. La seule décision à laquelle devraient s'appliquer tant les gens qui sont à Porto Alegre que les gens qui sont à Davos et qui appartiennent aux pays européens, c'est que l'Europe quitte le statut mou, mal défini, qui est le sien aujourd'hui, pour aller vers une vraie puissance politique démocratique dans laquelle les citoyens auraient leur place et la voix serait entendue, parce que quand elle parle d'une seule voix, l'Europe est entendue. Ce que l'Europe a dit par la voix de l'Union à l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, en faisant condamner les Américains à plusieurs reprises sur les politiques
Florence MURACCIOLE
Protectionnistes, pour dire le mot.
François BAYROU
Protectionnistes et déloyales qui étaient les leurs, eh bien ça, c'est une vraie politique dans le sens de la maîtrise de la mondialisation.
(partie 3)
Frédéric HAZIZA
Alors la remontée du chômage en France, c'est la faute à la mondialisation ou c'est la faute à la politique du gouvernement de Lionel JOSPIN ?
François BAYROU
C'est la faute aux réformes qui n'ont pas été faites, c'est la faute à toutes les charges que l'on fait peser sur le travail et c'est la faute aux 35 heures qui commencent à donner les résultats négatifs.
Florence MURACCIOLE
En même temps, ce n'est pas le premier gouvernement qui a réussi à créer des emplois, beaucoup plus que ces dix dernières années en cinq ans ?
François BAYROU
C'est le gouvernement qui a eu dans les voiles le vent de la croissance et vous voyez qu'aujourd'hui, le vent de la croissance est moins fort, le chômage est reparti à la hausse.
Florence MURACCIOLE
Mais c'est un peu le cas dans les autres pays européens.
Frédéric HAZIZA
Et puis il y a eu le 11 septembre aussi ?
François BAYROU
Non pas du tout, ça avait commencé avant. C'est le huitième mois consécutif
Florence MURACCIOLE
Oui, mais parce qu'il y avait la récession aux Etats-Unis, donc
François BAYROU
Vous ne pouvez pas dire quand les emplois se créent, c'est le mérite du gouvernement et quand le chômage monte, c'est la faute des autres ; ça, ça ne marche pas. Alors
Florence MURACCIOLE
Sauf qu'il y a eu plus d'emplois créés en France que dans les autres pays pendant cette période.
François BAYROU
Non, il y a eu plus d'emplois créés parce qu'on avait fait des efforts
Florence MURACCIOLE
On avait peut-être plus de retard aussi.
François BAYROU
Parce qu'on avait fait des efforts. Moi, je vous dis, les réformes ne sont pas faites, le travail coûte trop cher à cause des charges, il ne rapporte pas assez aux salariés et
Florence MURACCIOLE
Mais les 35 heures ont permis d'alléger les charges patronales, non ?
François BAYROU
Vous voulez rire, je veux dire on peut
Florence MURACCIOLE
Il paraît que ça coûte 100 milliards.
François BAYROU
On peut soutenir tout et le contraire de tout. Mais la vérité est que le travail va coûter plus cher en France et comme il coûtera plus cher, comme il sera plus encadré, il y en aura moins. Et les 35 heures, vous le voyez bien dans les hôpitaux, c'est vraiment un échec lourd et qu'on va payer pendant longtemps ; sans cela, pourquoi l'Etat n'applique-t-il pas dans les hôpitaux et la fonction publique ce qu'il recommande aux autres d'appliquer, ce qu'il impose aux autres ? Vous voyez bien pourquoi on va payer
Florence MURACCIOLE
Alors ça veut dire qu'il faut y revenir sur les 35 heures ?
François BAYROU
Vous voyez bien ce que l'on va payer dans les hôpitaux. Il faut les assouplir de manière à ce que ce ne soit pas ce carcan qui pèse et de manière à ce que quelqu'un qui veut gagner plus, parce qu'à un moment de sa vie, il faut acheter un appartement, construire une maison
Frédéric HAZIZA
Ca existe déjà avec les heures supplémentaires.
François BAYROU
Non parce que pour l'instant, c'est très encadré et très lourd.
Eric MONDONET
C'est là qu'il y a une chose qu'on saisit mal. Vous dites que la hausse du chômage est notamment due aux 35 heures
François BAYROU
Non, non, je dis vous ne m'avez pas écouté, je dis la hausse du chômage est due au fait que les réformes ne sont pas faites, au fait que le travail coûte trop cher avec les charges et au fait que les 35 heures commencent à jouer un rôle négatif.
Eric MONDONET
D'accord. Certains posent aussi un problème de principe vis à vis des 35 heures, en disant que le travail est une valeur, et donc on s'attend à ce que la conclusion logique de ces raisonnements soit l'abrogation des 35 heures ?
François BAYROU
Vous savez bien que si on ouvrait le débat sur ce sujet, ce serait une guerre de religions de plus. Vous savez bien que ça entraînerait un débat complètement passionnel et qui ne serait pas juste. Ce n'est pas la réduction de la durée du travail qui est en cause, j'ai soutenu la loi ROBIEN, qui poussait
Florence MURACCIOLE
Mais elle coûtait cher aussi.
François BAYROU
Qui poussait par la négociation à l'intérieur des entreprises, se mettre d'accord pour aller vers une réduction du temps de travail, pour
Florence MURACCIOLE
Mais à ce moment-là peu d'entreprises accédaient aux 37 heures
François BAYROU
Pas du tout, beaucoup d'entreprises l'ont fait
Florence MURACCIOLE
Pas beaucoup, non, à l'époque.
François BAYROU
Mais une seule loi qui touchera de la même manière les artisans maçons et les informaticiens, sans prendre gare à la pénibilité du travail, sans prendre garde à la nature de l'entreprise, cette loi ne marche pas, on va le voir dans les hôpitaux. Si vous m'expliquez comment on va faire dans les hôpitaux pour sauver la qualité des soins sans faire les recrutements nécessaires, ce que l'on est en train de dire aujourd'hui, demandez à tous les médecins, à tous les chefs de service, à toutes les infirmières, à toutes les aides-soignantes des hôpitaux, ils vont tous vous dire la même chose " c'est un drame qui est en train de se mettre en place pour l'hôpital français ".
Frédéric HAZIZA
Alors on va vous laisser poser la question à Lionel JOSPIN dans le cadre d'un débat que vous aurez sans doute avec lui pendant la campagne.
(suite Frédéric HAZIZA)
On va passer à un autre sujet, celui de l'insécurité. Vous estimez aussi que là, c'est un échec du gouvernement et de JOSPIN ?
François BAYROU
C'est un échec du gouvernement et c'est un échec collectif
Frédéric HAZIZA
Parce que JOSPIN parle de grande cause nationale.
François BAYROU
Oui, c'est la moindre des choses, surtout quand on a la responsabilité qui est la sienne. C'est un échec qui est aujourd'hui celui du gouvernement et c'est un échec qui a été celui des gouvernements successifs. C'est une situation
Frédéric HAZIZA
Droite et gauche confondues ?
François BAYROU
Oui. C'est une situation qui s'est dégradée au travers du temps et qui tient au fait que nous ne transmettons plus de repères et que nous n'avons pas l'énergie de faire respecter l'autorité par les plus jeunes d'entre les nôtres, ça commence par
Florence MURACCIOLE
Mais quelles sont vos propositions pour y parvenir ?
François BAYROU
Premièrement, un ministère de la Sécurité. Aujourd'hui, c'est éclaté, police, gendarmerie, douanes
Frédéric HAZIZA
Tous les partis disent ça aujourd'hui.
François BAYROU
En trois ministères différents. Vous m'accorderez que j'ai été le premier à le dire, merci
Eric MADRONET
Nicolas SARKOZY l'avait peut-être dit
François BAYROU
Non justement pas, enfin bon, encore une fois les idées sont bonnes
Frédéric HAZIZA
En tous cas il y a consensus là-dessus, on peut dire qu'il y a consensus là-dessus ?
François BAYROU
Eh bien je ne le crois pas, mais on le verra pendant la campagne électorale. Deuxièmement, qu'il y ait un responsable pour que les citoyens aient quelqu'un à qui se plaindre et ce responsable ça ne peut-être qu'un élu local
Frédéric HAZIZA
Le maire ?
François BAYROU
Et il n'y a pas consensus là-dessus, le maire ou le président de la communauté
Florence MURACCIOLE
Est-ce que le maire doit être responsable de la police, non, vous n'allez pas jusque-là ?
François BAYROU
De la police de proximité, oui. Il doit avoir une autorité sur la police de proximité, deuxièmement. Troisièmement, il faut réécrire l'ordonnance de 1945
Frédéric HAZIZA
Vous êtes toujours favorable à ça
François BAYROU
Oui.
Frédéric HAZIZA
Le RPR a enterré ce projet.
François BAYROU
Eh bien voilà une différence entre nous. Il faut réécrire l'ordonnance de 45, les circonstances ont changé et notamment pour avoir une réponse à apporter aux délinquants les plus jeunes. Aujourd'hui, au-dessous de 16 ans, encore plus au-dessous de 13 ans, on n'a rien à faire, on n'a aucune arme, sauf des armes très lourdes, après des condamnations qui prennent beaucoup de temps. Et donc il faut pouvoir instantanément sortir un gamin qui fait de grosses bêtises, qui est en train de glisser sur la voie de la marginalisation et du danger pour les autres et pour lui-même, il faut le sortir de son milieu et donc des établissements éducatifs fermés, solides et sérieux et je considère qu'il faut construire 10 000 classes
Frédéric HAZIZA
Et vous avez chiffré le coût d'un tel projet ?
François BAYROU
C'est sûrement cher, mais ça en vaut la chandelle. On a trouvé 100 milliards pour les 35 heures, alors disons que 15 milliards peut être quelque chose de cet ordre-là
Florence MURACCIOLE
Et puis à long terme, ça peut rapporter gros ?
François BAYROU
Mais attendez, comment faire autrement, est-ce qu'on va continuer à assister impuissant à la dégradation de la sécurité de notre pays ? C'est un besoin de la société française, qu'on ait des réponses. Et je vais plus loin que les autres, je dis : il faut que droite et gauche s'y mettent ensemble. Ils ont été aux affaires l'un après l'autre et quelquefois l'un avec l'autre
Frédéric HAZIZA
Ca ne doit pas être un sujet de polémique pendant la campagne ?
François BAYROU
Non, mais il faut aller plus loin. Si je suis élu président de la République, je mettrai les deux devant leurs responsabilités. Ils ont tous les deux participé à la dégradation, ils ont tous les deux été impuissants devant la montée de la violence. Il faut leur imposer de se mettre au travail et d'assumer ensemble les décisions qu'il convient de prendre. S'il y a un sujet qui doit être un sujet d'union nationale, c'est la sécurité.
Frédéric HAZIZA
Alors on va revenir Monsieur BAYROU une semaine en arrière, il y a une semaine, le week-end dernier, Jacques CHIRAC recevait les vieux éléphants du RPR et les jeunes
Florence MURACCIOLE
Loups.
Frédéric HAZIZA
Hussards de l'UEM. Comment vous avez perçu ces rencontres élyséennes ?
François BAYROU
Comme des conciliabules, alors que le pays a besoin d'un véritable débat. Le pays a besoin de franchise et d'échanges, voilà je n'en dirais pas plus. Le pays a besoin de clarté, nos concitoyens exigent - et c'est bien normal - que la campagne électorale s'ouvre puisque les appareils de campagne se sont mis en place, puisqu'on sait très bien qu'ils vont être candidats l'un et l'autre, eh bien qu'ils aient le courage franchement, les yeux dans les yeux, de le dire aux Français pour que les choses avancent et
(partie 4)
Frédéric HAZIZA
Mais JOSPIN dit, en gros il dit " je serai candidat, mais je veux assumer mes fonctions de Premier ministre jusqu'au bout, donc je ne peux pas lancer officiellement ma candidature
Florence MURACCIOLE
Avant la fin de la législation.
Frédéric HAZIZA
Est-ce que là, vous pouvez comprendre un peu la philosophie, la stratégie de JOSPIN ?
François BAYROU
Je comprends que tout ça participe d'une idée simple, plus la campagne sera courte et mieux ce sera pour les sortants.
Eric MONDONET
Et alors vous imaginez que CHIRAC attende le sommet de Barcelone à la mi-mars pour se déclarer ?
François BAYROU
Et permettez-moi de dire que leur idée simple, plus la campagne sera courte et mieux ce sera pour les sortants, est une idée simpliste parce que les Français ne se laisseront pas arracher la campagne électorale.
Florence MURACCIOLE
Vous vous targuez de parler vrai, parler clair, alors comment expliquez-vous que votre campagne ne démarre pas plus, ne prenne pas la mayonnaise pour l'instant ne monte pas ?
François BAYROU
Pour l'instant la campagne est gelée, le moment viendra où elle se dégèlera.
Florence MURACCIOLE
Mais en même temps, vous avez un espace de liberté pour parler justement, occuper le terrain ça peut être bénéfique ?
François BAYROU
Mais vous savez que tout ça, ce sont des blagues. Tant que tout le monde n'est pas là, tant que les joueurs ne sont pas sur chaque pelouse, les spectateurs ne viennent pas au stade, c'est comme ça.
Frédéric HAZIZA
Alors il y a aussi un problème
François BAYROU
Les spectateurs viennent dans les tribunes et se mettent à s'engager et à se passionner quand tous les joueurs sont sur la pelouse.
Frédéric HAZIZA
Enfin, vous avez aussi un problème, vous, à l'intérieur de votre campagne, c'est que les spectateurs ou les acteurs de l'UDF, qu'est-ce qu'ils font, ils vont chez CHIRAC et chez DOUSTE-BLAZY
François BAYROU
Ce n'est pas vrai
Frédéric HAZIZA
Nicole FONTAINE, que vous avez dont vous avez favorisé l'élection au Parlement européen et maintenant, elle dit qu'elle peut être Premier ministre de Jacques CHIRAC ?
François BAYROU
Il y en a quelques-uns qui, en effet, ont ce genre de soucis, mais ce n'est pas sur cela que les Français se détermineront. Je vous rappelle, parce que vous l'avez vécu, qu'il y a sept ans, en effet Edouard BALLADUR exerçait sur les notables du RPR une attraction irrésistible et puis au bout du compte
Florence MURACCIOLE
Sur ceux de l'UDF aussi.
François BAYROU
Et sur ceux de l'UDF aussi et puis au bout du compte, les Français n'ont pas fait le choix dans ce sens, ils ont leurs propres critères et mon devoir, ma mission, c'est de leur présenter un projet, une démarche, une méthode, une volonté.
Eric MADRONET
Est-ce que vous diriez néanmoins en tant que président de l'UDF cette fois-ci plus qu'en tant que candidat à l'élection présidentielle, que le sort de votre parti se joue dans cette présidentielle ?
François BAYROU
En partie, vous savez on dit ça à chaque élection. L'UDF n'a pas eu de candidat en 1995 et certains disaient qu'elle n'y survivrait pas, elle a survécu. En 1988, elle était divisée. Bref, c'est notre histoire. Le RPR était divisé en 1995, vous vous en souvenez, et à quel point, entre BALLADUR et CHIRAC
Frédéric HAZIZA
Mais il est arrivé à peu près à 38 % au premier tour.
François BAYROU
Entre BALLADUR et CHIRAC et donc Mais en tout cas, il y a en France une famille du centre et du centre droit, cette famille politique, elle a les réponses pour la France, elle a le courage de les proposer aux Français et il est nécessaire qu'elle le fasse.
Frédéric HAZIZA
Et est-ce que, vous concernant l'UDF, est-ce qu'il n'y a pas un candidat de trop entre vous et MADELIN ?
François BAYROU
Les situations idéales existent, pour l'instant chacun propose son projet aux Français et pour ma part, je n'ai pas envie de polémiquer avec lui et je ne crois pas qu'il ait envie de polémiquer
Eric MADRONET
Ca veut dire que la situation n'est pas maintenant figée ?
François BAYROU
Je pense que ce sont deux projets différents, très différents. Le projet de la volonté sociale et européenne et le projet du libéralisme, on dit ultra quelquefois, ne sont pas les mêmes, mais on peut avoir des relations amicales cependant.
Frédéric HAZIZA
Vous parliez de l'expérience de 95. Edouard BALLADUR a découvert la balladurisation d'un candidat. Est-ce que vous pensez qu'il peut se passer pour Jacques CHIRAC, ce qui s'est passé en 95 pour BALLADUR ?
François BAYROU
Les spectateurs, c'est vous, les commentateurs c'est vous, moi je ne suis pas un spectateur et je ne suis pas un commentateur, je suis un acteur et donc
Florence MURACCIOLE
Mais justement, vous êtes acteur de votre propre campagne, est-ce que vous pensez que vous avez commis des erreurs ?
François BAYROU
Attendez
Florence MURACCIOLE
Est-ce que vous n'êtes pas parti trop tôt ?
François BAYROU
Tout cela appartient aux commentaires, ce n'est pas mon affaire. Mon affaire, c'est d'avancer, de proposer des idées. Je crois que j'apporte sur la table des idées nouvelles, différentes et je suis certain que les Français en ont besoin. Autrement dit, voilà des millions de Français qui disent à peu près tous la même chose, ils disent " le duel au deuxième tour des deux sortants, au fond on n'en a pas envie, on n'en veut pas ", et le devoir des responsables, le devoir des candidats, c'est de leur proposer un autre espoir, une voie de changements que pour l'instant ils n'ont pas aperçue, mais qu'ils vont finir par voir. Ca, c'est notre travail. Le travail du commentaire, c'est celui des journalistes que vous êtes.
Frédéric HAZIZA
Une question, je ne sais pas si Je vous demande de commenter la situation ou si c'est une question à laquelle vous voudrez répondre, quel pronostic vous faites aujourd'hui ?
François BAYROU
Strictement aucun J'en fais un, tiens, j'en fais un, on va assister à de grandes surprises.
Frédéric HAZIZA
Ah ! Ca, vous dites ça depuis un an.
François BAYROU
Oui, vous aussi, vous l'avez écrit.
Frédéric HAZIZA
Et c'est quoi les surprises ?
François BAYROU
Pourquoi ne vous éclatez-vous pas de rires clairement au micro ?
Frédéric HAZIZA
J'ai souri
François BAYROU
On va assister à de grandes surprises parce que c'est comme ça. La France et les Français sont en demande d'une grande surprise à l'élection présidentielle.
Florence MURACCIOLE
Et vous, vous êtes la surprise ?
François BAYROU
Quelle va-t-elle être ? Je ne sais pas, en tous cas on fera ce qu'il faut pour qu'ils puissent choisir cette surprise. Mais c'est ça qu'ils attendent. Vous voyez bien que la politique française ne prend pas le tour qu'ils veulent, ni en efficacité, ni en clarté, elle n'est ni loyale, ni efficace et les Français attendent loyauté et efficacité. Eh bien le choix qu'ils prononceront en avril et en mai, ça sera à coup sûr, à mes yeux, un choix qui tiendra compte de cette demande de changements.
Frédéric HAZIZA
Alors on passe à un autre sujet avec une question d'Eric MONDONET.
Eric MONDONET
Depuis plusieurs mois, on assiste à une recrudescence de l'antisémitisme, est-ce que vous êtes choqué par l'attitude des autorités françaises qui semblent beaucoup plus mal à l'aise face à cet antisémitisme dès lors qu'une partie de la jeunesse musulmane pourrait être à l'origine de ces actes ?
François BAYROU
Je pense qu'il faut être qu'il faut faire très attention à ce qui se passe en France parce que ces serpents-là, ces démons-là, ils sont quelquefois assoupis mais ils menacent toujours de revenir et je pense qu'il faut écraser les ufs du serpent quand on les voit.
Frédéric HAZIZA
De quelle manière ?
François BAYROU
C'est la responsabilité de l'Etat d'empêcher que les communautés s'affrontent et c'est la responsabilité de l'Etat de défendre cette idée que les religions, les origines, tout cela est respectable. Qui que l'on soit, on n'a pas le droit, même quand on est jeune, même quand il y a des passions dans l'air de prononcer le moindre mot ou de faire le moindre geste capable de réveiller ces démons-là.
Frédéric HAZIZA
Vous parlez de l'Etat, mais il n'y a pas aussi un rôle de la presse par exemple ?
François BAYROU
Oui, mais c'est à vous de le dire, la presse, c'est vous, donc
Frédéric HAZIZA
Puisque l'on voit ce qui se passe, ce que Pierre-André TAGUERRE (phon) qualifie de nouvelle judéophobie, ce sont des conséquences de la situation qui embrase le Proche-Orient depuis quelques mois. Alors justement quel regard vous portez sur la situation au Proche-Orient et puis je crois que vous allez en Israël et dans les territoires palestiniens début mars, alors vous y allez pour quoi dire et pour quoi faire ?
François BAYROU
J'y vais pour dire que, aujourd'hui, il y a des victimes tous les jours et que ces victimes dans la société civile aveugle, non ciblée, qui ne sont pas la recherche de coupables ou de terroristes ou de criminels, mais simplement la volonté de tuer le plus grand nombre possible de personnes, ces victimes aujourd'hui sont israéliennes et ça crée un déséquilibre au Proche-Orient. Il faut avoir le courage de dire où sont les victimes, même si ça n'est pas la mode et deuxièmement, pour parler, échanger, dialoguer avec les responsables autour d'une idée : quelle forme l'avenir pourra-t-il prendre ?
Frédéric HAZIZA
Et pour vous ?
François BAYROU
Pour moi
Frédéric HAZIZA
Je vais vous poser une question plus précise, il y a un an et demi, on était à deux doigts de la signature d'un traité de paix, Ehud BARAK avait fait tout un tas de propositions à Yasser ARAFAT, il avait proposé le partage de la souveraineté sur Jérusalem, le démantèlement des colonies, la création d'un Etat palestinien et Yasser ARAFAT avait dit non. Alors à l'époque, je ne sais pas comment vous avez réagi à cet état de faits, aujourd'hui avec cette année et demi de recul, qu'est-ce que vous en dites ?
François BAYROU
C'est vrai qu'Ehud BARAK était allé très loin et c'est vrai que Yasser ARAFAT a dit non. Mais ma vision est différente de celle-là. Ma vision, audacieuse et je dis ça avec prudence, ma vision est celle-ci, le modèle qu'il conviendra forcément de suivre entre Israël et la Palestine, c'est
Frédéric HAZIZA
Le modèle européen ?
François BAYROU
C'est le modèle qui ressemble à ce que nous avons fait en Europe, c'est-à-dire un modèle confédéral ou fédéral. Je vais prendre Autrefois, j'étais très jeune, j'avais longuement parlé avec Shimon PEREZ il y a très très longtemps, j'avais 25 ans, de ce sujet et Shimon PEREZ disait " oui, c'est dans ce sens qu'il faudra aller et ce que vous avez fait, vous, Français et Allemands, avec le charbon et l'acier, nous, nous le ferons avec l'eau ". Eh bien je crois qu'aujourd'hui l'eau, ça ne suffit plus, il faudra le faire avec l'eau, mais il y a d'autres choses qu'il faudra gérer ensemble, j'en cite deux, les lieux saints et les réfugiés, parce que Ehud BARAK avait proposé d'abandonner la responsabilité du mont du temple aux Palestiniens, je crois que ça n'aurait pas marché, je dis ça avec beaucoup prudence ; je ne suis pas israélien et je ne suis pas juif, mais ça n'aurait pas marché parce que ça tient si profondément à l'âme juive et à l'aventure israélienne, le mont du temple, qu'il y aurait eu une espèce de levée de boucliers irrationnelle. Moi, je crois qu'il faudra l'administrer ensemble, il faudra que les uns et les autres, juifs et palestiniens, se sentent chez eux sur ce qu'est pour les uns, un mont du temple et pour les autres, l'esplanade des mosquées. Et les réfugiés, c'est pareil, l'idée qu'on peut faire revenir les réfugiés sur le territoire israélien est une idée qui ne serait jamais admise et cependant, il faudra bien traiter le problème des réfugiés un jour et il faudra le traiter ensemble. Ces domaines-là, l'eau, les lieux saints et les réfugiés, ce sont des domaines qui, à mon avis, devront être traités de manière commune, communautaire ou fédérale par l'Etat israélien et le futur Etat palestinien. Et donc on a besoin aujourd'hui sur cette terre du Proche-Orient, on a besoin d'un idéal qui ait les pieds sur terre et d'une espèce de volonté farouche de dire " où sont les victimes et quel doit être le projet ", et en même temps de pudeur pour ne pas donner de leçons à ceux qui sont aux risques alors qu'on est bien à l'abri.
Frédéric HAZIZA
En tous cas François BAYROU, merci d'avoir été notre invité aujourd'hui et le prochain invité du Forum sera le conseiller politique du RPR et le futur porte-parole de Jacques CHIRAC pendant la campagne, Patrick DEVEDJIAN.
FIN
(source http://www.bayrou.net, le 14 février 2002)
invité de Radio J
le 3 février 2002
(partie 1)
Frédéric HAZIZA
Monsieur François BAYROU, bonjour.
François BAYROU
Bonjour.
Frédéric HAZIZA
Et merci d'avoir accepté cette invitation du FORUM RADIO J. Alors, Monsieur BAYROU, à trois mois de la présidentielle, le chômage a augmenté pour le huitième mois consécutif. Le clan chiraquien tente de faire du thème de la sécurité l'axe numéro un de sa campagne anti-JOSPIN. Et puis aussi, les affaires ressortent. Alors vous allez nous dire dans ces conditions, Monsieur BAYROU, comment vous envisagez la suite de la campagne, de votre campagne. Y a-t-il encore de la place pour une surprise et puis surtout pour deux candidats, Alain MADELIN et vous-même qui se réclament de l'ancienne UDF ? Au-delà, vous allez aussi pouvoir nous préciser comment vous jugez le climat politique entre une campagne qui a l'air de faire du surplace à Paris et qui se déplace aussi à Porto Alegre ou à New York, l'annonce du retour en France de Didier SCHULLER, un président Jacques CHIRAC qui détaille son programme sans être officiellement candidat et un Premier ministre Lionel JOSPIN qui gouverne tout en lorgnant du côté de l'Elysée. Et pour vous interroger, sont réunis autour de cette table Florence MURACCIOLE du JOURNAL DU DIMANCHE, Eric MONDONET (phon) de l'EXPRESS qui va vous poser la première question de l'émission.
Eric MONDONET
François BAYROU, hier, le RPR a présenté son projet. Les chiraquiens se placent sous le triptyque autorité - liberté - partage. On a l'impression que, pour le moment, votre différence porte plus sur la forme, sur les méthodes de gouvernement que sur le fond. Qu'en est-il ?
François BAYROU
La méthode de gouvernement, c'est essentiel pour la France. Pourquoi toutes les réformes ont-elles échoué depuis des années ? Parce que la France est gouvernée à l'ancienne. Gouvernée à l'ancienne, ça veut dire un gouvernement jacobin comme on dit, c'est-à-dire un gouvernement en haut qui n'entend pas la voix de ceux qu'il devrait représenter et qui prend des décisions sans en persuader les Français. Donc, vous avez suivi naturellement tout le débat autour de ce qu'on a appelé la refondation sociale, ce qu'ont fait ensemble les syndicats et en particulier la CFDT de madame NOTAT ou la CFTC et puis les représentants des entreprises. Ce débat est un débat profond et qui a des conséquences révolutionnaires sur la France même si on ne s'en aperçoit pas aujourd'hui. Il s'agit de dire que, dans un pays moderne, la base s'exprime, se fait entendre et participe à l'orientation du pays. Eh bien, ça fait des années qu'on gouverne la France à l'ancienne avec les déboires que l'on sait. Et en effet, les réformes ne se font pas ou quand elles se font, elles se font mal type 35 heures et on en voit les dégâts aujourd'hui. Vous dites changer de méthode, changer de manière de gouverner, c'est très important pour l'avenir.
Florence MURACCIOLE
En même temps, vous dites, donc la France est gouvernée d'en haut et quand le Premier ministre a lancé le processus Matignon sur la Corse pour essayer d'écouter les représentants de la Corse, l'opposition n'a pas adhéré à ce processus.
François BAYROU
Mais parce que, en Corse, on a omis deux choses essentielles et je suis certains que tous les Français le sentent. La première, c'est qu'on n'a pas exigé des interlocuteurs le renoncement explicite à la violence. Au contraire, ils ont souvent continué à en faire l'éloge expliquant que seule la violence révolutionnaire faisait avancer les choses. Et nulle part dans le monde, on a agi de cette manière. Et deuxièmement, on a voulu jouer avec l'idée de loi, on a voulu ruser avec l'idée de loi. Or, on ne peut pas ruser avec l'idée de loi. Chaque fois qu'on fait une loi, si c'est une loi, la loi s'applique à tous. Et même dans les Etats fédéraux qui sont pourtant des réunions d'entités différentes, la loi fédérale s'applique à tous. Autrement dit, on a cru habile de jouer avec l'idée de la loi républicaine et le Conseil constitutionnel a dit, ce n'est pas possible. C'est parce qu'on a voulu ruser qu'on n'a pas réussi à trouver les bonnes réponses.
Eric MONDONET
Pour essayer de définir votre position sur l'échiquier politique, vous aviez parlé en début de campagne de troisième voix. Et le week-end dernier, on a entendu votre directeur de campagne évoquer le travaillisme à la française ce qui fait qu'on est encore un peu plus perplexe.
François BAYROU
Non, tout ça, ce sont des mots. Je suis un homme du centre et du centre droit. Je suis le représentant de ce pole de l'opposition dont on sait bien qu'il a joué et qu'il joue un très grand rôle dans l'équilibre de l'opposition aujourd'hui. Et je suis un représentant de cette sensibilité française dont je crois qu'elle est majoritaire en France et qui réunit des hommes aussi différents que BARRE et DELORS dans les années qui viennent de s'écouler, une manière de voir les choses qui n'est pas partisane, une idée de la France qui est européenne, une volonté de faire vivre ensemble libéral et social parce que, si le social et le libéral ne vivent pas ensemble, ils échouent l'un et l'autre.
Eric MONDONET
Pourtant, ça ne prend pas
Florence MURACCIOLE
Oui, parce que l'étiquette centriste, on se souvient de Raymond BARRE et du très mauvais score qu'il avait obtenu, enfin pas très bon, quoi.
François BAYROU
Pourquoi pour l'instant la campagne est-elle gelée ? Eh bien, parce que les deux principaux candidats ne sont pas entrés en campagne.
Eric MONDONET
Mais sur le fond, est-ce que vous pourriez prendre un exemple précis où vous vous distinguez clairement du projet des chiraquiens, ou vos orientations sont différentes ?
Frédéric HAZIZA
On va prendre un exemple par exemple. Raymond BARRE qui vous soutient dénonce régulièrement l'Etat RPR et il a souvent dénoncé le clan du RPR, le clan chiraquien. Est-ce que, vous aussi, ça fait partie de ce que vous avez envie de dénoncer dans le cadre de cette campagne ?
François BAYROU
La manière de gouverner la France qui a été depuis vingt ans celle d'un parti, c'est vrai pour le PS et c'est vrai pour le RPR, un parti qui considère que l'Etat est à lui, cette manière là n'est pas la mienne et je considère que ça nous a coûté très cher. L'idée que, lorsqu'on est au pouvoir, on installe les siens, on se fait un clan, eh bien c'est une idée qui est nuisible pour la France parce que la plupart des sujets sur lesquels nous devons aujourd'hui trouver des réponses, j'en cite quelques-uns depuis les retraites jusqu'à la sécurité en passant par l'Europe, tous ces sujets là sont des sujets qui exigeront qu'on soit plus large que son propre camp.
Florence MURACCIOLE
Et justement sur ces sujets, est-ce que vous trouvez une différence notable entre le projet du RPR et vous, vos propositions ?
François BAYROU
Le projet du RPR pour l'instant, je ne l'ai pas beaucoup entendu, vous en conviendrez, parce que le vrai projet du RPR, c'est celui que Jacques CHIRAC défendra. Et Jacques CHIRAC comme vous le savez, annonce qu'il n'est pas candidat. Il y a des réunions, il y a des états majors mais il n'y a pas de candidature. Donc, je vous le dirai le jour venu. Je défends mes propres idées
Frédéric HAZIZA
Mais le slogan de campagne de CHIRAC, on le connaît, liberté, autorité, partage.
François BAYROU
Eh bien, le mien, c'est vérité et justice.
Frédéric HAZIZA
Et vous pensez que liberté, autorité, partage, c'est antinomique avec la liberté et la justice ?
Florence MURACCIOLE
La vérité.
Frédéric HAZIZA
La vérité et la justice.
François BAYROU
Les mots sont très jolis toujours dans tous les slogans. Mais moi, je ne m'attache pas aux mots. J'essaie de m'attacher aux réalités, je m'attache aux réalités et je m'attache
Frédéric HAZIZA
Alors parlons des réalités. Jacques CHIRAC est à l'Elysée depuis pratiquement sept ans. Alors j'aimerais bien savoir quel bilan vous dressez de ce septennat de Jacques CHIRAC.
François BAYROU
Y a pas beaucoup de bilan parce que la dissolution qui constitue une part très importante du bilan est intervenue il y a cinq ans et donc elle pèse naturellement au débit de Jacques CHIRAC.
Florence MURACCIOLE
Vous étiez au gouvernement dans les deux premières années du septennat.
François BAYROU
Oui et j'ai tout fait, vous le savez, pour m'opposer à la dissolution mais sans être entendu. Et puis, depuis, à son bilan A son crédit, je dirais, il a bien représenté la France à l'étranger.
Eric MONDONNET
Il a fait avancer la construction européenne ?
Florence MURACCIOLE
Il n'y a pas eu d'initiative venue de l'Elysée comme les autres présidents nous avaient habitués à le faire.
François BAYROU
Franchement, la construction européenne n'a pas avancé pendant ces années-là. Et parmi ses échecs, je mettrai le traité de Nice qui a fait reculer la construction européenne qui a donné une image très triste de l'Europe de marchandage et une Europe où chacun défend ses intérêts sans voir l'intérêt général.
Frédéric HAZIZA
Mais c'est un bilan globalement positif ou globalement négatif ? Alain MADELIN parle de septennat gâché. Et vous ?
François BAYROU
Sept ans, il a eu l'essentiel du pouvoir pendant deux ans et depuis cinq ans, ça n'est pas lui qui a la responsabilité principale. Les institutions ont été déstabilisées par cette cohabitation longue. Et les espoirs de 1995 ont été gâchés.
Frédéric HAZIZA
Est-ce qu'il mérite de présider de nouveau la France ?
François BAYROU
Vous savez bien que je ne m'exprime pas en ces termes. Je ne veux pas que cette campagne parte vers le bas. Tout montre que ça va être une atmosphère malsaine. Tout montre que les officines et les cabinets noirs sont en train de lâcher l'affaire SCHULLER pour l'un, l'affaire DESTRADE pour l'autre et ça, ça n'est pas à la hauteur.
Florence MURACCIOLE
Vous pensez vraiment que l'affaire SCHULLER vient du Parti socialiste ?
François BAYROU
Ca n'est pas à la hauteur de ce que j'attends pour mon pays de l'élection présidentielle. Et donc, tout ce que j'ai de force et de volonté, je le mettrai au service d'une campagne par le haut. Et donc, ni je n'insulterai, ni je ne dirai des mots blessants à l'égard de qui que ce soit.
Frédéric HAZIZA
Mais vous répondez à des questions. Et Eric MONDONET va vous poser une question.
Eric MONDONET
Une question institutionnelle. Est-ce que vous diriez aujourd'hui par rapport à 1995 que la fonction présidentielle a été abaissée ?
François BAYROU
La fonction présidentielle a été érodée, oui. La fonction présidentielle est moins respectée en France aujourd'hui qu'elle ne l'était en 1995. Le mot " respectée " n'est pas exact. La fonction présidentielle est moins estimée aujourd'hui. Les Français ne regardent pas aujourd'hui la fonction présidentielle comme ce qu'elle devrait être, c'est-à-dire le lieu d'où l'on entraîne le pays.
Florence MURACCIOLE
Et ça, c'est du fait de la cohabitation ou c'est du fait de la personne de Jacques CHIRAC ?
François BAYROU
C'est du fait de la cohabitation qu'on a vécue pendant cinq ans, c'est-à-dire des croche-pattes réciproques de la volonté souterraine de la moitié du pouvoir de nuire à l'autre moitié, la permanente guerre souterraine que se sont livrés le Premier ministre et le président de la République.
Frédéric HAZIZA
Alors vous parlez de croche-pattes et vous parliez à l'instant de l'affaire SCHULLER. Donc, on sait depuis la fin de cette semaine que Didier SCHULLER va rentrer en France. Vous qui avez connu l'effet SCHULLER sur la campagne présidentielle de BALLADUR en 95, est-ce que vous pensez que le retour de SCHULLER additionné à la publication du livre d'HALPHEN, ça peut faire mal à la campagne de CHIRAC ?
François BAYROU
Je n'en ai strictement aucune idée. Je ne connais rien à cette affaire. Je n'ai aucune information d'aucune sorte. Je n'en avais aucune pendant qu'elle se déroulait et je n'en ai aucune aujourd'hui. Disons qu'il me paraîtrait surprenant que ce fut par hasard.
Frédéric HAZIZA
C'est-à-dire ?
Florence MURACCIOLE
Mais qui agite les ficelles ?
François BAYROU
Florence MURACCIOLE, vous faites preuve d'une naïveté touchante, émouvante.
Frédéric HAZIZA
Non, mais on aimerait savoir ce que vous pouvez dire
François BAYROU
J'y viens si vous voulez bien. Vous faites preuve d'une naïveté émouvante. Vous croyez que c'est tout à fait par hasard que, dans les journaux, fleurissent des affaires qui sont des grenades envoyées par un bord contre l'autre ? Vous voyez dans le même temps se répondre en stéréo n'est-ce pas un coup à gauche, un coup à droite. Eh bien, tout ceci est préparé depuis longtemps à mon avis et savamment
Florence MURACCIOLE
Mais vous pensez qu'Antoine SCHULLER, le fils qui a quand même déclenché l'affaire SCHULLER à nouveau, le fils Antoine SCHULLER a été instrumentalisé par le Parti socialiste et Marie LAFORET qui est derrière ? Ca paraît bizarre quand même.
François BAYROU
Eh bien alors disons que c'est comme au printemps, les jonquilles sortent spontanément du sol. Il n'y a aucune raison à tout ça, tout ça est du au hasard.
Frédéric HAZIZA
Non, mais Charles PASQUA et Michèle ALLIOT-MARIE parlent de manipulation. Est-ce que, pour vous, c'est une manipulation socialiste ?
François BAYROU
C'est le côté malsain de la politique française et ça fait des années que ça dure et des années qu'il y a des dossiers et des années
Florence MURACCIOLE
Et c'est peut-être parce que, depuis des années, il y a eu des malversations qui ont été commises aussi. Et la justice faisant son travail, elle est longue, la justice.
François BAYROU
Il y a une chose sur laquelle vous avez raison. Si l'on a des affaires qui polluent l'ambiance depuis si longtemps, c'est parce qu'on a des équipes qui ne changent jamais. Et une des raisons pour lesquelles je plaide pour cette idée de relève en France, c'est pour qu'on puisse tourner la page sur tout ça, c'est le fait que ce sont toujours les mêmes qui occupent les responsabilités qui expliquent que nous avons toujours les mêmes affaires qui traînent depuis des années et des années et ceci est terriblement malsain.
Florence MURACCIOLE
Et peut-être que la justice a changé. Peut-être que la justice est plus indépendante qu'elle ne l'était auparavant.
François BAYROU
Et puis, il y a deux choses à changer. L'une, c'est la relève, ce que je viens de dire, une relève des équipes. Et puis il y a une deuxième chose, c'est l'ambiance du pouvoir. Je sais qu'il y a une autre manière de gouverner. J'ai vu des hommes aussi différents que Raymond BARRE et Jacques DELORS qui ne sont pas du même bord mais qui pensent de la même manière. Ces hommes là n'auraient pas gouverné avec des cabinets noirs et des affaires soigneusement entretenues. Cette manière de gouverner par des manuvres sous la table, cette espèce d'ambiance dans laquelle la vie politique française est empoisonnée depuis des années, ça n'est pas une fatalité.
Florence MURACCIOLE
Là, vous pointez du doigt autant l'Elysée que Matignon ?
François BAYROU
Oui. Je pointe du doigt ces deux équipes là qui sont là depuis vingt ans et qui sont familières visiblement l'une et l'autre de ce genre de pratiques. Il existe, je vous le dis
Florence MURACCIOLE
Enfin, Lionel JOSPIN est moins impliqué dans les affaires que Jacques CHIRAC. Son nom apparaît un peu moins souvent s'il y apparaît parfois.
François BAYROU
Il existe, je vous le dis, une autre manière de gouverner la France, une manière plus claire de gouverner la France sans ces pratiques là, une manière plus impartiale sans que les moyens de l'Etat soient utilisés à ce genre de manuvres. Et tant que nous n'aurons pas tourné cette page, nous continuerons à être empoisonnés par des affaires de cet ordre. Il y a dix ans qu'elles durent et elles peuvent durer encore
Frédéric HAZIZA
Tourner la page, ça veut dire une amnistie ?
François BAYROU
Ah non, sûrement pas.
Florence MURACCIOLE
C'est changer les hommes.
François BAYROU
Tourner la page, c'est changer les équipes et les pratiques, mettre en situation de responsabilité des gens qui auront fait le serment de ne pas employer ce genre de méthodes, des gens dont toute la vie a été bâtie sur la volonté d'avoir une politique claire. Ce n'est pas des anges. Ils n'ont pas une auréole au-dessus de la tête. Ils ne sont pas plus vertueux que les autres. Simplement, ils considèrent que démocratie, ça veut dire clarté.
Frédéric HAZIZA
Mais alors, parmi les thèmes que s'apprête à défendre le président de la République puisqu'il en a déjà fait état, le RPR en fait état, il y a ce thème de la tolérance zéro. Est-ce que vous pensez que Jacques CHIRAC est le mieux à même de défendre ce thème de tolérance zéro ?
François BAYROU
Moi, j'ai dit une seule chose, je ne réponds pas pour les autres, je dis une seule chose, il faut que la loi soit la même pour tous. Vous savez que, depuis des années, j'ai dit que, pour moi, toutes les fonctions devaient être également traitées par la loi, toutes les responsabilités de la République.
Florence MURACCIOLE
Vous n'êtes pas pour l'impunité du président de la République ?
François BAYROU
Non.
Frédéric HAZIZA
Et vous avez l'impression, aujourd'hui, que le président de la République est par trop intouchable, peut trop tout se permettre ?
François BAYROU
J'ai dit de la manière la plus claire que je suis pour que la loi soit la même pour tous avec les protections, les prudences nécessaires mais pour éviter ce genre de débats et le genre de questions que vous avez posés.
Frédéric HAZIZA
Monsieur BAYROU, nous allons marquer une pause et nous retrouver dans quelques instants.
(partie 2)
Frédéric HAZIZA
Et question de reprise justement d'Eric MONDONET du journal L'EXPRESS.
Eric MONDONET
Ce week-end les candidats à l'élection présidentielle défilent à Porto Alegre, est-ce que vous avez vous-même été tenté d'y aller ou auriez-vous plutôt choisi d'aller à New York ?
François BAYROU
Non, ni l'un, ni l'autre.
Frédéric HAZIZA
Pourquoi ? Parce que même Jacques CHIRAC a envoyé des représentants.
François BAYROU
Je ne crois pas que dans ce genre de comment dirais-je de samba, où se retrouvent les photographes, on puisse faire avancer les choses. Il y avait combien ? Six ministres du gouvernement, quatre candidats à la présidentielle, les représentants de tous les pouvoirs, ça suffit, ce n'est pas de cette manière qu'on traitera les questions de fond.
Florence MURACCIOLE
Oui mais est-ce que ce n'est pas une manière d'aller à l'écoute, puisqu'on dit, c'est le grand rassemblement de la société civile, du mouvement anti-mondialisation, de un lieu de réflexions peut-être, en dehors de la samba ?
François BAYROU
Ca l'a probablement été, je ne crois pas que ça le soit aujourd'hui, c'est un de ces grands shows, mais qui n'a pas la portée qu'il devrait avoir, d'approfondir les vraies questions qui se posent à propos de la mondialisation et donc je ne participe pas à ce genre de show.
Florence MURACCIOLE
Et Davos à New York, vous auriez pu en être ?
François BAYROU
Idem, non idem.
Florence MURACCIOLE
Mais les deux peuvent se retrouver et ça peut faire un
François BAYROU
Les deux peuvent se retrouver, vous voulez rire, tout ça c'est un show contre l'autre.
Florence MURACCIOLE
Non, mais il y en a qui disent " on va faire le même discours à Porte Alegre qu'à New York ", parce qu'il y a un problème sur la mondialisation, est-ce qu'on doit la maîtriser
Frédéric HAZIZA
Alors justement pour pousser dans la question de Florence MURACCIOLE. Jacques CHIRAC a dit jeudi, avant que le représentant du RPR
Florence MURACCIOLE
Serge LEPELTIER.
Frédéric HAZIZA
Serge LEPELTIER aille à Porte Alegre, "il faut humaniser et maîtriser la mondialisation", il est crédible quand il dit ça ?
François BAYROU
Ses intentions sont justes, les mots sont vagues.
Eric MONDONET
Et curieusement l'Europe reste totalement absente en tant qu'entité de ce débat sur la mondialisation, donc ni à même d'apporter un débat de réponse ou même de participer ?
François BAYROU
Voilà la véritable question, voilà le point. Si on veut changer le visage de la mondialisation, c'est-à-dire empêcher qu'elle ne soit une hégémonie
Florence MURACCIOLE
Des Etats-Unis.
François BAYROU
Oui, une hégémonie américaine et une hégémonie des riches, c'est-à-dire faire que la seule force soit la force de l'argent et que la culture soit laminée par une culture dominante, qui sont les deux véritables questions de la mondialisation, il faut y réintroduire du politique. La mondialisation, elle existe aussi sûrement que la terre est ronde, il y a des tas de gens qui peuvent regretter que la terre soit ronde ou se battre contre cette idée, on l'a connue autrefois, l'inquisition voulait empêcher que la terre soit ronde, elle est ronde ; eh bien de la même manière, la mondialisation est un fait. Ce fait-là, si on veut la maîtriser et la diriger, il faut que la politique ou que le politique s'en occupe et donc il faut des voix capables de se faire entendre autour de la table. Pour l'instant, il y a une voix dont on est sûr qu'elle est capable de se faire entendre, c'est la voix américaine. Et donc
Florence MURACCIOLE
Pourquoi celle d'Europe n'y parvient-elle pas ?
François BAYROU
La véritable question est de savoir si nous voulons une voix européenne ou pas. La seule politique construite et sérieuse, c'est de vouloir l'Europe politique face à la mondialisation. La seule décision à laquelle devraient s'appliquer tant les gens qui sont à Porto Alegre que les gens qui sont à Davos et qui appartiennent aux pays européens, c'est que l'Europe quitte le statut mou, mal défini, qui est le sien aujourd'hui, pour aller vers une vraie puissance politique démocratique dans laquelle les citoyens auraient leur place et la voix serait entendue, parce que quand elle parle d'une seule voix, l'Europe est entendue. Ce que l'Europe a dit par la voix de l'Union à l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, en faisant condamner les Américains à plusieurs reprises sur les politiques
Florence MURACCIOLE
Protectionnistes, pour dire le mot.
François BAYROU
Protectionnistes et déloyales qui étaient les leurs, eh bien ça, c'est une vraie politique dans le sens de la maîtrise de la mondialisation.
(partie 3)
Frédéric HAZIZA
Alors la remontée du chômage en France, c'est la faute à la mondialisation ou c'est la faute à la politique du gouvernement de Lionel JOSPIN ?
François BAYROU
C'est la faute aux réformes qui n'ont pas été faites, c'est la faute à toutes les charges que l'on fait peser sur le travail et c'est la faute aux 35 heures qui commencent à donner les résultats négatifs.
Florence MURACCIOLE
En même temps, ce n'est pas le premier gouvernement qui a réussi à créer des emplois, beaucoup plus que ces dix dernières années en cinq ans ?
François BAYROU
C'est le gouvernement qui a eu dans les voiles le vent de la croissance et vous voyez qu'aujourd'hui, le vent de la croissance est moins fort, le chômage est reparti à la hausse.
Florence MURACCIOLE
Mais c'est un peu le cas dans les autres pays européens.
Frédéric HAZIZA
Et puis il y a eu le 11 septembre aussi ?
François BAYROU
Non pas du tout, ça avait commencé avant. C'est le huitième mois consécutif
Florence MURACCIOLE
Oui, mais parce qu'il y avait la récession aux Etats-Unis, donc
François BAYROU
Vous ne pouvez pas dire quand les emplois se créent, c'est le mérite du gouvernement et quand le chômage monte, c'est la faute des autres ; ça, ça ne marche pas. Alors
Florence MURACCIOLE
Sauf qu'il y a eu plus d'emplois créés en France que dans les autres pays pendant cette période.
François BAYROU
Non, il y a eu plus d'emplois créés parce qu'on avait fait des efforts
Florence MURACCIOLE
On avait peut-être plus de retard aussi.
François BAYROU
Parce qu'on avait fait des efforts. Moi, je vous dis, les réformes ne sont pas faites, le travail coûte trop cher à cause des charges, il ne rapporte pas assez aux salariés et
Florence MURACCIOLE
Mais les 35 heures ont permis d'alléger les charges patronales, non ?
François BAYROU
Vous voulez rire, je veux dire on peut
Florence MURACCIOLE
Il paraît que ça coûte 100 milliards.
François BAYROU
On peut soutenir tout et le contraire de tout. Mais la vérité est que le travail va coûter plus cher en France et comme il coûtera plus cher, comme il sera plus encadré, il y en aura moins. Et les 35 heures, vous le voyez bien dans les hôpitaux, c'est vraiment un échec lourd et qu'on va payer pendant longtemps ; sans cela, pourquoi l'Etat n'applique-t-il pas dans les hôpitaux et la fonction publique ce qu'il recommande aux autres d'appliquer, ce qu'il impose aux autres ? Vous voyez bien pourquoi on va payer
Florence MURACCIOLE
Alors ça veut dire qu'il faut y revenir sur les 35 heures ?
François BAYROU
Vous voyez bien ce que l'on va payer dans les hôpitaux. Il faut les assouplir de manière à ce que ce ne soit pas ce carcan qui pèse et de manière à ce que quelqu'un qui veut gagner plus, parce qu'à un moment de sa vie, il faut acheter un appartement, construire une maison
Frédéric HAZIZA
Ca existe déjà avec les heures supplémentaires.
François BAYROU
Non parce que pour l'instant, c'est très encadré et très lourd.
Eric MONDONET
C'est là qu'il y a une chose qu'on saisit mal. Vous dites que la hausse du chômage est notamment due aux 35 heures
François BAYROU
Non, non, je dis vous ne m'avez pas écouté, je dis la hausse du chômage est due au fait que les réformes ne sont pas faites, au fait que le travail coûte trop cher avec les charges et au fait que les 35 heures commencent à jouer un rôle négatif.
Eric MONDONET
D'accord. Certains posent aussi un problème de principe vis à vis des 35 heures, en disant que le travail est une valeur, et donc on s'attend à ce que la conclusion logique de ces raisonnements soit l'abrogation des 35 heures ?
François BAYROU
Vous savez bien que si on ouvrait le débat sur ce sujet, ce serait une guerre de religions de plus. Vous savez bien que ça entraînerait un débat complètement passionnel et qui ne serait pas juste. Ce n'est pas la réduction de la durée du travail qui est en cause, j'ai soutenu la loi ROBIEN, qui poussait
Florence MURACCIOLE
Mais elle coûtait cher aussi.
François BAYROU
Qui poussait par la négociation à l'intérieur des entreprises, se mettre d'accord pour aller vers une réduction du temps de travail, pour
Florence MURACCIOLE
Mais à ce moment-là peu d'entreprises accédaient aux 37 heures
François BAYROU
Pas du tout, beaucoup d'entreprises l'ont fait
Florence MURACCIOLE
Pas beaucoup, non, à l'époque.
François BAYROU
Mais une seule loi qui touchera de la même manière les artisans maçons et les informaticiens, sans prendre gare à la pénibilité du travail, sans prendre garde à la nature de l'entreprise, cette loi ne marche pas, on va le voir dans les hôpitaux. Si vous m'expliquez comment on va faire dans les hôpitaux pour sauver la qualité des soins sans faire les recrutements nécessaires, ce que l'on est en train de dire aujourd'hui, demandez à tous les médecins, à tous les chefs de service, à toutes les infirmières, à toutes les aides-soignantes des hôpitaux, ils vont tous vous dire la même chose " c'est un drame qui est en train de se mettre en place pour l'hôpital français ".
Frédéric HAZIZA
Alors on va vous laisser poser la question à Lionel JOSPIN dans le cadre d'un débat que vous aurez sans doute avec lui pendant la campagne.
(suite Frédéric HAZIZA)
On va passer à un autre sujet, celui de l'insécurité. Vous estimez aussi que là, c'est un échec du gouvernement et de JOSPIN ?
François BAYROU
C'est un échec du gouvernement et c'est un échec collectif
Frédéric HAZIZA
Parce que JOSPIN parle de grande cause nationale.
François BAYROU
Oui, c'est la moindre des choses, surtout quand on a la responsabilité qui est la sienne. C'est un échec qui est aujourd'hui celui du gouvernement et c'est un échec qui a été celui des gouvernements successifs. C'est une situation
Frédéric HAZIZA
Droite et gauche confondues ?
François BAYROU
Oui. C'est une situation qui s'est dégradée au travers du temps et qui tient au fait que nous ne transmettons plus de repères et que nous n'avons pas l'énergie de faire respecter l'autorité par les plus jeunes d'entre les nôtres, ça commence par
Florence MURACCIOLE
Mais quelles sont vos propositions pour y parvenir ?
François BAYROU
Premièrement, un ministère de la Sécurité. Aujourd'hui, c'est éclaté, police, gendarmerie, douanes
Frédéric HAZIZA
Tous les partis disent ça aujourd'hui.
François BAYROU
En trois ministères différents. Vous m'accorderez que j'ai été le premier à le dire, merci
Eric MADRONET
Nicolas SARKOZY l'avait peut-être dit
François BAYROU
Non justement pas, enfin bon, encore une fois les idées sont bonnes
Frédéric HAZIZA
En tous cas il y a consensus là-dessus, on peut dire qu'il y a consensus là-dessus ?
François BAYROU
Eh bien je ne le crois pas, mais on le verra pendant la campagne électorale. Deuxièmement, qu'il y ait un responsable pour que les citoyens aient quelqu'un à qui se plaindre et ce responsable ça ne peut-être qu'un élu local
Frédéric HAZIZA
Le maire ?
François BAYROU
Et il n'y a pas consensus là-dessus, le maire ou le président de la communauté
Florence MURACCIOLE
Est-ce que le maire doit être responsable de la police, non, vous n'allez pas jusque-là ?
François BAYROU
De la police de proximité, oui. Il doit avoir une autorité sur la police de proximité, deuxièmement. Troisièmement, il faut réécrire l'ordonnance de 1945
Frédéric HAZIZA
Vous êtes toujours favorable à ça
François BAYROU
Oui.
Frédéric HAZIZA
Le RPR a enterré ce projet.
François BAYROU
Eh bien voilà une différence entre nous. Il faut réécrire l'ordonnance de 45, les circonstances ont changé et notamment pour avoir une réponse à apporter aux délinquants les plus jeunes. Aujourd'hui, au-dessous de 16 ans, encore plus au-dessous de 13 ans, on n'a rien à faire, on n'a aucune arme, sauf des armes très lourdes, après des condamnations qui prennent beaucoup de temps. Et donc il faut pouvoir instantanément sortir un gamin qui fait de grosses bêtises, qui est en train de glisser sur la voie de la marginalisation et du danger pour les autres et pour lui-même, il faut le sortir de son milieu et donc des établissements éducatifs fermés, solides et sérieux et je considère qu'il faut construire 10 000 classes
Frédéric HAZIZA
Et vous avez chiffré le coût d'un tel projet ?
François BAYROU
C'est sûrement cher, mais ça en vaut la chandelle. On a trouvé 100 milliards pour les 35 heures, alors disons que 15 milliards peut être quelque chose de cet ordre-là
Florence MURACCIOLE
Et puis à long terme, ça peut rapporter gros ?
François BAYROU
Mais attendez, comment faire autrement, est-ce qu'on va continuer à assister impuissant à la dégradation de la sécurité de notre pays ? C'est un besoin de la société française, qu'on ait des réponses. Et je vais plus loin que les autres, je dis : il faut que droite et gauche s'y mettent ensemble. Ils ont été aux affaires l'un après l'autre et quelquefois l'un avec l'autre
Frédéric HAZIZA
Ca ne doit pas être un sujet de polémique pendant la campagne ?
François BAYROU
Non, mais il faut aller plus loin. Si je suis élu président de la République, je mettrai les deux devant leurs responsabilités. Ils ont tous les deux participé à la dégradation, ils ont tous les deux été impuissants devant la montée de la violence. Il faut leur imposer de se mettre au travail et d'assumer ensemble les décisions qu'il convient de prendre. S'il y a un sujet qui doit être un sujet d'union nationale, c'est la sécurité.
Frédéric HAZIZA
Alors on va revenir Monsieur BAYROU une semaine en arrière, il y a une semaine, le week-end dernier, Jacques CHIRAC recevait les vieux éléphants du RPR et les jeunes
Florence MURACCIOLE
Loups.
Frédéric HAZIZA
Hussards de l'UEM. Comment vous avez perçu ces rencontres élyséennes ?
François BAYROU
Comme des conciliabules, alors que le pays a besoin d'un véritable débat. Le pays a besoin de franchise et d'échanges, voilà je n'en dirais pas plus. Le pays a besoin de clarté, nos concitoyens exigent - et c'est bien normal - que la campagne électorale s'ouvre puisque les appareils de campagne se sont mis en place, puisqu'on sait très bien qu'ils vont être candidats l'un et l'autre, eh bien qu'ils aient le courage franchement, les yeux dans les yeux, de le dire aux Français pour que les choses avancent et
(partie 4)
Frédéric HAZIZA
Mais JOSPIN dit, en gros il dit " je serai candidat, mais je veux assumer mes fonctions de Premier ministre jusqu'au bout, donc je ne peux pas lancer officiellement ma candidature
Florence MURACCIOLE
Avant la fin de la législation.
Frédéric HAZIZA
Est-ce que là, vous pouvez comprendre un peu la philosophie, la stratégie de JOSPIN ?
François BAYROU
Je comprends que tout ça participe d'une idée simple, plus la campagne sera courte et mieux ce sera pour les sortants.
Eric MONDONET
Et alors vous imaginez que CHIRAC attende le sommet de Barcelone à la mi-mars pour se déclarer ?
François BAYROU
Et permettez-moi de dire que leur idée simple, plus la campagne sera courte et mieux ce sera pour les sortants, est une idée simpliste parce que les Français ne se laisseront pas arracher la campagne électorale.
Florence MURACCIOLE
Vous vous targuez de parler vrai, parler clair, alors comment expliquez-vous que votre campagne ne démarre pas plus, ne prenne pas la mayonnaise pour l'instant ne monte pas ?
François BAYROU
Pour l'instant la campagne est gelée, le moment viendra où elle se dégèlera.
Florence MURACCIOLE
Mais en même temps, vous avez un espace de liberté pour parler justement, occuper le terrain ça peut être bénéfique ?
François BAYROU
Mais vous savez que tout ça, ce sont des blagues. Tant que tout le monde n'est pas là, tant que les joueurs ne sont pas sur chaque pelouse, les spectateurs ne viennent pas au stade, c'est comme ça.
Frédéric HAZIZA
Alors il y a aussi un problème
François BAYROU
Les spectateurs viennent dans les tribunes et se mettent à s'engager et à se passionner quand tous les joueurs sont sur la pelouse.
Frédéric HAZIZA
Enfin, vous avez aussi un problème, vous, à l'intérieur de votre campagne, c'est que les spectateurs ou les acteurs de l'UDF, qu'est-ce qu'ils font, ils vont chez CHIRAC et chez DOUSTE-BLAZY
François BAYROU
Ce n'est pas vrai
Frédéric HAZIZA
Nicole FONTAINE, que vous avez dont vous avez favorisé l'élection au Parlement européen et maintenant, elle dit qu'elle peut être Premier ministre de Jacques CHIRAC ?
François BAYROU
Il y en a quelques-uns qui, en effet, ont ce genre de soucis, mais ce n'est pas sur cela que les Français se détermineront. Je vous rappelle, parce que vous l'avez vécu, qu'il y a sept ans, en effet Edouard BALLADUR exerçait sur les notables du RPR une attraction irrésistible et puis au bout du compte
Florence MURACCIOLE
Sur ceux de l'UDF aussi.
François BAYROU
Et sur ceux de l'UDF aussi et puis au bout du compte, les Français n'ont pas fait le choix dans ce sens, ils ont leurs propres critères et mon devoir, ma mission, c'est de leur présenter un projet, une démarche, une méthode, une volonté.
Eric MADRONET
Est-ce que vous diriez néanmoins en tant que président de l'UDF cette fois-ci plus qu'en tant que candidat à l'élection présidentielle, que le sort de votre parti se joue dans cette présidentielle ?
François BAYROU
En partie, vous savez on dit ça à chaque élection. L'UDF n'a pas eu de candidat en 1995 et certains disaient qu'elle n'y survivrait pas, elle a survécu. En 1988, elle était divisée. Bref, c'est notre histoire. Le RPR était divisé en 1995, vous vous en souvenez, et à quel point, entre BALLADUR et CHIRAC
Frédéric HAZIZA
Mais il est arrivé à peu près à 38 % au premier tour.
François BAYROU
Entre BALLADUR et CHIRAC et donc Mais en tout cas, il y a en France une famille du centre et du centre droit, cette famille politique, elle a les réponses pour la France, elle a le courage de les proposer aux Français et il est nécessaire qu'elle le fasse.
Frédéric HAZIZA
Et est-ce que, vous concernant l'UDF, est-ce qu'il n'y a pas un candidat de trop entre vous et MADELIN ?
François BAYROU
Les situations idéales existent, pour l'instant chacun propose son projet aux Français et pour ma part, je n'ai pas envie de polémiquer avec lui et je ne crois pas qu'il ait envie de polémiquer
Eric MADRONET
Ca veut dire que la situation n'est pas maintenant figée ?
François BAYROU
Je pense que ce sont deux projets différents, très différents. Le projet de la volonté sociale et européenne et le projet du libéralisme, on dit ultra quelquefois, ne sont pas les mêmes, mais on peut avoir des relations amicales cependant.
Frédéric HAZIZA
Vous parliez de l'expérience de 95. Edouard BALLADUR a découvert la balladurisation d'un candidat. Est-ce que vous pensez qu'il peut se passer pour Jacques CHIRAC, ce qui s'est passé en 95 pour BALLADUR ?
François BAYROU
Les spectateurs, c'est vous, les commentateurs c'est vous, moi je ne suis pas un spectateur et je ne suis pas un commentateur, je suis un acteur et donc
Florence MURACCIOLE
Mais justement, vous êtes acteur de votre propre campagne, est-ce que vous pensez que vous avez commis des erreurs ?
François BAYROU
Attendez
Florence MURACCIOLE
Est-ce que vous n'êtes pas parti trop tôt ?
François BAYROU
Tout cela appartient aux commentaires, ce n'est pas mon affaire. Mon affaire, c'est d'avancer, de proposer des idées. Je crois que j'apporte sur la table des idées nouvelles, différentes et je suis certain que les Français en ont besoin. Autrement dit, voilà des millions de Français qui disent à peu près tous la même chose, ils disent " le duel au deuxième tour des deux sortants, au fond on n'en a pas envie, on n'en veut pas ", et le devoir des responsables, le devoir des candidats, c'est de leur proposer un autre espoir, une voie de changements que pour l'instant ils n'ont pas aperçue, mais qu'ils vont finir par voir. Ca, c'est notre travail. Le travail du commentaire, c'est celui des journalistes que vous êtes.
Frédéric HAZIZA
Une question, je ne sais pas si Je vous demande de commenter la situation ou si c'est une question à laquelle vous voudrez répondre, quel pronostic vous faites aujourd'hui ?
François BAYROU
Strictement aucun J'en fais un, tiens, j'en fais un, on va assister à de grandes surprises.
Frédéric HAZIZA
Ah ! Ca, vous dites ça depuis un an.
François BAYROU
Oui, vous aussi, vous l'avez écrit.
Frédéric HAZIZA
Et c'est quoi les surprises ?
François BAYROU
Pourquoi ne vous éclatez-vous pas de rires clairement au micro ?
Frédéric HAZIZA
J'ai souri
François BAYROU
On va assister à de grandes surprises parce que c'est comme ça. La France et les Français sont en demande d'une grande surprise à l'élection présidentielle.
Florence MURACCIOLE
Et vous, vous êtes la surprise ?
François BAYROU
Quelle va-t-elle être ? Je ne sais pas, en tous cas on fera ce qu'il faut pour qu'ils puissent choisir cette surprise. Mais c'est ça qu'ils attendent. Vous voyez bien que la politique française ne prend pas le tour qu'ils veulent, ni en efficacité, ni en clarté, elle n'est ni loyale, ni efficace et les Français attendent loyauté et efficacité. Eh bien le choix qu'ils prononceront en avril et en mai, ça sera à coup sûr, à mes yeux, un choix qui tiendra compte de cette demande de changements.
Frédéric HAZIZA
Alors on passe à un autre sujet avec une question d'Eric MONDONET.
Eric MONDONET
Depuis plusieurs mois, on assiste à une recrudescence de l'antisémitisme, est-ce que vous êtes choqué par l'attitude des autorités françaises qui semblent beaucoup plus mal à l'aise face à cet antisémitisme dès lors qu'une partie de la jeunesse musulmane pourrait être à l'origine de ces actes ?
François BAYROU
Je pense qu'il faut être qu'il faut faire très attention à ce qui se passe en France parce que ces serpents-là, ces démons-là, ils sont quelquefois assoupis mais ils menacent toujours de revenir et je pense qu'il faut écraser les ufs du serpent quand on les voit.
Frédéric HAZIZA
De quelle manière ?
François BAYROU
C'est la responsabilité de l'Etat d'empêcher que les communautés s'affrontent et c'est la responsabilité de l'Etat de défendre cette idée que les religions, les origines, tout cela est respectable. Qui que l'on soit, on n'a pas le droit, même quand on est jeune, même quand il y a des passions dans l'air de prononcer le moindre mot ou de faire le moindre geste capable de réveiller ces démons-là.
Frédéric HAZIZA
Vous parlez de l'Etat, mais il n'y a pas aussi un rôle de la presse par exemple ?
François BAYROU
Oui, mais c'est à vous de le dire, la presse, c'est vous, donc
Frédéric HAZIZA
Puisque l'on voit ce qui se passe, ce que Pierre-André TAGUERRE (phon) qualifie de nouvelle judéophobie, ce sont des conséquences de la situation qui embrase le Proche-Orient depuis quelques mois. Alors justement quel regard vous portez sur la situation au Proche-Orient et puis je crois que vous allez en Israël et dans les territoires palestiniens début mars, alors vous y allez pour quoi dire et pour quoi faire ?
François BAYROU
J'y vais pour dire que, aujourd'hui, il y a des victimes tous les jours et que ces victimes dans la société civile aveugle, non ciblée, qui ne sont pas la recherche de coupables ou de terroristes ou de criminels, mais simplement la volonté de tuer le plus grand nombre possible de personnes, ces victimes aujourd'hui sont israéliennes et ça crée un déséquilibre au Proche-Orient. Il faut avoir le courage de dire où sont les victimes, même si ça n'est pas la mode et deuxièmement, pour parler, échanger, dialoguer avec les responsables autour d'une idée : quelle forme l'avenir pourra-t-il prendre ?
Frédéric HAZIZA
Et pour vous ?
François BAYROU
Pour moi
Frédéric HAZIZA
Je vais vous poser une question plus précise, il y a un an et demi, on était à deux doigts de la signature d'un traité de paix, Ehud BARAK avait fait tout un tas de propositions à Yasser ARAFAT, il avait proposé le partage de la souveraineté sur Jérusalem, le démantèlement des colonies, la création d'un Etat palestinien et Yasser ARAFAT avait dit non. Alors à l'époque, je ne sais pas comment vous avez réagi à cet état de faits, aujourd'hui avec cette année et demi de recul, qu'est-ce que vous en dites ?
François BAYROU
C'est vrai qu'Ehud BARAK était allé très loin et c'est vrai que Yasser ARAFAT a dit non. Mais ma vision est différente de celle-là. Ma vision, audacieuse et je dis ça avec prudence, ma vision est celle-ci, le modèle qu'il conviendra forcément de suivre entre Israël et la Palestine, c'est
Frédéric HAZIZA
Le modèle européen ?
François BAYROU
C'est le modèle qui ressemble à ce que nous avons fait en Europe, c'est-à-dire un modèle confédéral ou fédéral. Je vais prendre Autrefois, j'étais très jeune, j'avais longuement parlé avec Shimon PEREZ il y a très très longtemps, j'avais 25 ans, de ce sujet et Shimon PEREZ disait " oui, c'est dans ce sens qu'il faudra aller et ce que vous avez fait, vous, Français et Allemands, avec le charbon et l'acier, nous, nous le ferons avec l'eau ". Eh bien je crois qu'aujourd'hui l'eau, ça ne suffit plus, il faudra le faire avec l'eau, mais il y a d'autres choses qu'il faudra gérer ensemble, j'en cite deux, les lieux saints et les réfugiés, parce que Ehud BARAK avait proposé d'abandonner la responsabilité du mont du temple aux Palestiniens, je crois que ça n'aurait pas marché, je dis ça avec beaucoup prudence ; je ne suis pas israélien et je ne suis pas juif, mais ça n'aurait pas marché parce que ça tient si profondément à l'âme juive et à l'aventure israélienne, le mont du temple, qu'il y aurait eu une espèce de levée de boucliers irrationnelle. Moi, je crois qu'il faudra l'administrer ensemble, il faudra que les uns et les autres, juifs et palestiniens, se sentent chez eux sur ce qu'est pour les uns, un mont du temple et pour les autres, l'esplanade des mosquées. Et les réfugiés, c'est pareil, l'idée qu'on peut faire revenir les réfugiés sur le territoire israélien est une idée qui ne serait jamais admise et cependant, il faudra bien traiter le problème des réfugiés un jour et il faudra le traiter ensemble. Ces domaines-là, l'eau, les lieux saints et les réfugiés, ce sont des domaines qui, à mon avis, devront être traités de manière commune, communautaire ou fédérale par l'Etat israélien et le futur Etat palestinien. Et donc on a besoin aujourd'hui sur cette terre du Proche-Orient, on a besoin d'un idéal qui ait les pieds sur terre et d'une espèce de volonté farouche de dire " où sont les victimes et quel doit être le projet ", et en même temps de pudeur pour ne pas donner de leçons à ceux qui sont aux risques alors qu'on est bien à l'abri.
Frédéric HAZIZA
En tous cas François BAYROU, merci d'avoir été notre invité aujourd'hui et le prochain invité du Forum sera le conseiller politique du RPR et le futur porte-parole de Jacques CHIRAC pendant la campagne, Patrick DEVEDJIAN.
FIN
(source http://www.bayrou.net, le 14 février 2002)