Texte intégral
La révolution technologique que constitue le développement d'Internet et des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) représente un formidable progrès de l'humanité et une chance pour la France. Hors des premiers mythes déjà dissipés, l'accès direct à l'information, la facilité inégalée de publication et de communication vont avec le temps transformer en profondeur le pays.
Les NTIC représentent assurément un des moteurs de la croissance et un gisement d'emplois, une fois terminé l'assainissement financier du secteur déclenché par l'éclatement de la bulle spéculative des " startups ". Elles permettront aussi d'accroître la compétitivité de notre économie en général et constituent une opportunité qui ne se représentera pas de modernisation en profondeur de nos administrations.
Notre pays qui dispose de grandes compétences et d'un tissu d'entreprises performantes est bien placé en ce domaine. Mais il appartient à l'Etat d'encourager le développement des nouvelles technologies par une politique publique volontariste.
L'accès à Internet doit pouvoir bénéficier à toute la population. Notre pays est aujourd'hui à la traîne en terme de taux d'accès à Internet dans les foyers. Pour démocratiser l'accès à Internet, il nous faut favoriser une baisse générale et importante de son coût, en privilégiant les forfaits illimités et les accès permanents à haut-débit qui élargissent les usages et surtout accroissent la facilité d'utilisation d'Internet. Nous y parviendrons en combinant diverses mesures dont l'extension du service universel de télécommunications aux accès permanents à Internet et des mesures fiscales incitatives pour encourager les ménages modestes à acquérir un équipement informatique et leur permettre de souscrire un abonnement à haut-débit à un coût abordable. La généralisation des accès à Internet dynamisera toute l'économie de ce secteur.
Le développement des accès haut-débit à Internet est également un enjeu important d'aménagement du territoire. Compte tenu des contraintes techniques qui limitent pour l'instant le déploiement des accès haut-débits en zones rurales, on y favorisera la mise en place d'une technologie adaptée comme l'iDSL. L'Etat doit s'assurer du déploiement des réseaux sur tout le territoire. A cet égard, il est regrettable que le gouvernement n'ait pas profité de l'attribution des licences de téléphonie mobile de 3ème génération UMTS pour imposer une meilleure couverture du territoire, y compris pour le réseau GSM actuel, et que l'on doive se retourner vers l'Etat et les collectivités territoriales pour financer l'achèvement de la couverture du territoire des réseaux mobiles actuels.
L'utilisation des nouvelles technologies de l'information est bridée par l'absence d'un système de signature électronique disponible, généralisé et sûr. Il faut donc que l'Etat mette en place un service public d'identité électronique des citoyens qui permettra à chacun de disposer d'une clé matérielle d'identification, véritable sceau numérique lui permettant de signer et de s'identifier électroniquement.
L'effort de recherche primordial dans ce secteur devra être intensifié et nos industries soutenues, au moment où les Etats-Unis investissent fortement par leur budget de défense dans les NTIC. L'extension du domaine des brevets aux logiciels, absurdité économique qui handicaperait nos entreprises et freinerait le développement de ce secteur, doit être refusée.
L'introduction des nouvelles technologies dans l'administration doit permettre, enfin, sa modernisation. La généralisation des démarches administratives en ligne est l'occasion de réfléchir à leur simplification et à l'organisation des services de l'Etat. Ces réformes doivent s'accompagner d'un souci constant de prise en compte des besoins des usagers non connectés à Internet. On mettra en place dans les antennes des préfectures des " guichets administratifs uniques " permettant l'information des usagers et la réalisation des différentes démarches administratives depuis un même lieu.
Les NTIC, bien utilisées, constituent des outils précieux pour l'enseignement, à la condition de ne pas en faire un gadget et toujours pour une finalité pédagogique pré-existante. Elles ne sauraient évidemment remplacer les enseignants ou éviter aux élèves l'effort indispensable à l'apprentissage. Il convient de poursuivre et d'intensifier la politique d'équipement des établissements, de formation des enseignants et de création de contenus pédagogiques. Par ailleurs, un enseignement spécifique d'informatique est nécessaire, et on créera un CAPES et une agrégation d'informatique qui permettra de disposer de spécialistes facilitant notamment la mise en oeuvre des matériels et des réseaux.
Les administrations et l'éducation nationale ont tout à gagner à utiliser des logiciels libres, qui constituent un secteur économiquement viable dont il faut encourager le développement.
L'essor d'Internet entraîne l'apparition d'une cyber-criminalité et peut également faciliter la criminalité traditionnelle. Il convient pour y faire face de renforcer notablement les moyens des services spécialisés, de mettre en place une politique active de sensibilisation aux questions de sécurité informatique et de s'appuyer sur les techniques cryptologiques pour sécuriser les échanges de données et les réseaux.
Internet ne constitue bien entendu pas une zone de non-droit mais doit être un espace républicain. Au fur et à mesure de son intégration dans la vie économique et sociale, de nouveaux usages apparaîtront et il sera parfois nécessaire d'adapter la législation à nos principes républicains.
Ainsi, il convient de ne pas mettre en ligne les documents publics contenant des données nominatives, comme les décisions de justice, sans s'interroger préalablement sur l'impact de cette publication sur le respect de la vie privée, en demandant notamment systématiquement l'avis de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés dont les attributions seront élargies.
Le développement d'Internet et des NTIC est riche d'opportunités pour notre pays. Une politique active doit être menée pour soutenir l'essor de ce secteur, s'assurer que tous puissent profiter des avancées technologiques qui risqueraient sinon d'accroître les inégalités sociales et géographiques, et intégrer Internet à notre société.
(source http://www.chevenement2002.net, le 13 février 2002)