Déclaration de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur la réduction des inégalités en matière d'accès à la prévention et aux soins par l'institution de programmes régionaux, et sur l'exigence de maîtrise des dépenses d'assurance-maladie, Paris le 22 juin 1998.

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Circonstance : Ouverture de la 3ème conférence nationale de santé à Paris le 22 juin 1998

Texte intégral

Que serait une politique de santé qui ne s'attacherait pas d'abord "à garantir à tous l'accès à des soins de qualité" et à "réduire les inégalités de santé intra et inter régionales" pour reprendre les termes de deux des priorités majeures que la conférence nationale de santé avait identifiés l'an dernier.
C'est ce double objectif central que Bernard KOUCHNER et moi-même, nous avons fixé à notre action. Cet objectif se décline selon quatre axes, qui sont parfaitement en harmonie avec la synthèse des conférences régionales de santé de cette année. Ce dont je ne peux bien sûr que me féliciter, car nous attachons une importance toute particulière à vos travaux.
Nous nous sommes fixés quatre priorités :
- combattre les inégalités d'origine socio-économique et socio-culturelles, en matière d'accès à la prévention et aux soins ;
- corriger les inégalités géographiques, en tenant compte des disparités locales et régionales ;
- renforcer l'égalité devant la qualité des soins, grâce notamment au développement de l'évaluation et des pratiques en réseaux ;
- et enfin, assurer la régulation du système de santé, car l'utilisation optimale de l'effort consacré à la santé, permet de garantir les valeurs de justice et de solidarité.
Tout d'abord, donc, réduire les inégalités de nature socio-économique et culturelles, parfois causes, parfois conséquences d'inégalités de santé.
Comme se résoudre à accepter passivement ce constat rappelé par le Haut Comité de la Santé Publique dans un rapport rendu cet hiver : "plus on est pauvre, plus on est malade, plus on meurt jeune". Une simple phrase d'apparence banale pour une situation d'une intolérable violence, dès lors que l'on veut bien ouvrir les yeux sur les réalités quotidiennes de millions de nos concitoyens.
Peut-on rester passifs devant ces chiffres éloquents : l'écart d'espérance de vie à 35 ans entre un manoeuvre et un cadre supérieur est de 8 ans ! Et la tendance ne parait pas être à la réduction de cette différence. Au contraire, l'espérance de vie progresse moins vite dans les catégories défavorisées.
Peut-on rester passifs, devant les résultats de l'enquête du CREDES qui montre qu'un quart des Français a renoncé à des soins pour raison financière.
Nous sommes engagés sur la voie du refus de la passivité, souvent synonyme de complicité.
Comme le souligne avec raison le rapport du Haut Comité de la Santé Publique consacré aux liens entre précarité et santé, c'est d'abord en agissant sur les conditions d'existence que l'on peut améliorer l'état de santé d'une population.
Une politique volontariste de l'emploi, au travers de la réduction du temps de travail ou des emplois-jeunes ; la lutte contre les exclusions au sens large - et particulièrement en matière d'accès à l'emploi, de logement ou de surendettement- comme le prévoit la loi actuellement en discussion au Parlement, permettront de réduire les inégalités de santé, j'en suis convaincue.
Mais bien sûr, il faut également agir de façon plus spécifique.
Lorsque l'on recense les obstacles à l'accès aux soins mais également à la prévention, on est, vous le savez, confrontés :
- aux problèmes d'ouverture de droits et de couverture sociale ;
- à l'inadaptation de l'offre de prévention et de soins aux besoins et aux conditions de vie des personnes en situation de précarité.
C'est donc sur ces deux axes qu'il faut travailler.
Concernant le premier, nous travaillons d'arrache-pied afin de pouvoir déposer au Parlement cet automne comme je m'y suis engagée un projet de loi sur la Couverture Maladie Universelle.
Notre projet est ambitieux puisqu'à la différence du projet duprécédent gouvernement, il veut proposer, au delà de la couverture de base, un système intégrant également couverture complémentaire et avance de frais. Pour construire un dispositif à la mesure de cet enjeu, il faut se donner les moyens de s'assurer de l'efficacité et de la viabilité du système. Une mission a été confiée au député, Jean Claude Boulard qui remettra ses conclusions et propositions cet été.
En attendant, nous avons voulu que dans ce projet de loi contre les exclusions en discussion au Parlement, nous puissions progresser dans l'adaptation de l'offre de prévention et de soins aux besoins des plus démunis.
Essentiellement au travers de deux mesures : tout d'abord, la loi affirme la mission sociale de l'hôpital, à laquelle le programme de lutte contre les exclusions, donnera une réalité dans les faits.
L'hôpital doit aujourd'hui concilier dans le même temps sa fonction de pôle d'excellence -ce qu'il est dans notre pays- et sa mission de lieu de recours.
Redonner à l'hôpital son rôle historique d'accueil exige des adaptations structurelles mais aussi des évolutions des pratiques professionnelles. A cet égard, j'ai été heureuse de constater, à travers les discussions que Bernard KOUCHNER et moi-même avons eues avec ceux qui font vivre chaque jour les hôpitaux, que la communauté hospitalière était prête à s'engager dans ce mouvement, certains l'ayant d'ailleurs largement anticipé.
Le Gouvernement veut les y aider. Nous prévoyons de généraliser les dispositifs d'accueil médico-social à l'hôpital sous forme de permanences d'accès aux soins de santé, en veillant à ne pas instituer un hôpital à deux vitesses, avec des filières spécifiques pour les plus démunis, mais bien au contraire de permettre à ces derniers de s'insérer dans les circuits communs d'accès à la santé.
Ces dispositifs comprendront à la fois des consultations de médecine générale, sans rendez-vous, des consultations sociales, des actions de dépistage et de prévention, et, quand cela est nécessaire, ils prévoiront la délivrance gratuite d'examens et de médicaments. Plus accueillant pour les exclus, l'hôpital doit être aussi plus ouvert à la cité. Les institutions sociales, les associations humanitaires et sociales pourront aussi y être plus présentes.
Au-delà, c'est à l'insertion de l'hôpital dans de véritables réseaux que nous voulons travailler. Car si une place éminente lui revient dans ce combat pour l'égalité, l'hôpital n'en est qu'un des acteurs, à côté de tous ceux qui oeuvrent à une prise en charge de proximité.
La seconde mesure, tout aussi essentielle, c'est l'institution, sur l'ensemble du territoire, de programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins.
Est-il nécessaire ici d'expliquer pourquoi nous avons choisi le niveau régional? Je ne le crois pas.
Nous savons que c'est au plus près des personnes qu'il faut évaluer les besoins. Aussi, dans le cadre de ces programmes régionaux, chaque département sera-t-il conduit à réaliser une analyse de la situation, à laquelle seront étroitement associés les acteurs de terrain.
Ces programmes concerneront autant l'accès à la prévention que l'accès aux soins.
Car il est désormais clair que les véritables inégalités en matière de santé concernent autant -et peut-être même davantage- la dimension préventive que la dimension curative des politiques de santé.
Ces programmes seront dotés de moyens nouveaux importants, d'une part pour soutenir l'émergence de réseaux "santé-social" au niveau local; et d'autre part pour développer des actions dans des domaines prioritaires, dont je suis heureuse de constater qu'ils recoupent parfaitement ceux qui ont été identifiés par les conférences régionales qu'il s'agisse par exemple de la souffrance psychique aussi répandue qu'elle est négligée, de la prévention et de la prise en charge de la dépendance, ou du suivi des pathologiques chroniques, rendus plus complexes par la précarité.
Sans oublier une autre de vos priorités, le saturnisme, cette scandaleuse maladie de la misère, qui sévit encore aujourd'hui dans notre pays, provoquant chez de jeunes enfants des séquelles cérébrales irréversibles et parfois même la mort.
Le dispositif prévu dans la loi contre les exclusions et qui a été préparé avec Louis BESSON et Bernard KOUCHNER marque, je crois, une réelle avancée.
Vous le voyez, c'est à un renforcement effectif du droit à la santé, dans sa conception la plus large, de la prévention jusqu'aux soins, que le Gouvernement souhaite oeuvrer, avec une détermination sans faille.
Mais les inégalités ne sont pas seulement individuelles, elles sont aussi géographiques comme le rappellent à raison vos travaux de l'an dernier et de cette année, qui distinguent par ailleurs très opportunément disparités et inégalités.
C'est en fait en tenant compte des disparités qu'il faut développer une politique de réduction des inégalités géographiques.
A cet égard, je confirme ma volonté d'une répartition différenciée des ressources entre les régions, destinée à réduire des écarts inacceptables.
Cette répartition différenciée doit sans doute s'appuyer conjointement sur des critères d'efficience économique, et des critères démographiques et sanitaires à même d'appréhender les besoins de soins.
Quant à la réduction des inégalités intra-régionales, j'ai demandé qu'elles soient au coeur du travail réalisé par les agences régionales d'hospitalisation.
La prise en compte du seul critère du PMSI est, chacun le sait, insuffisante pour traduire la complexité des problèmes à résoudre.
Il a néanmoins le mérite d'exister, et nous veillerons à ce que les établissements soient attentifs à la qualité de l'information de gestion produite.
Dans cette perspective, la mise en place des objectifs quantifiés régionaux pour les établissements privés sera poursuivi et amplifié.
Les hôpitaux publics, qui ressentent -à tort ou à raison- qu'ils sont les premiers à faire l'effort des restructurations budgétaires ne comprendraient pas que cette évolution soit différée.
Enfin, sur ce sujet, je crois nécessaire d'explorer plus avant la possibilité de décloisonner les enveloppes, même si, je le sais, de nombreux éléments techniques plaident d'emblée pour le maintien du statu quo.
A tout le moins peut-on pousser les investigations sur la possibilité de demander à chaque secteur de l'offre de soins de préempter, au niveau national ou régional, une marge destinée à financer des actions de santé publique.
A mesure que la région apparaît comme un niveau particulièrement pertinent d'élaboration de politiques de santé publique, il devient crucial d'envisager les modalités potentielles de financement de ces politiques.
Mais la réduction des inégalités de santé, si elle doit s'inscrire dans une perspective quantitative, doit aussi s'appuyer sur une démarche qualitative.
Nous voulons renforcer l'égalité devant la qualité des soins.
La première direction pour agir dans ce sens tient en deux mots: évaluation et transparence.
Il est grand temps de reconnaître que l'une des inégalités les plus grandes -mais aussi les plus discrètes- réside dans la connaissance ou la méconnaissance des bons et des moins bons circuits de prise en charge. Comme dans bien d'autres domaines -mais ici de façon plus cruciale- l'inégalité devant l'information est particulièrement discriminatoire.
Je souhaite que l'instauration de l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé, l'ANAES, soit l'outil performant attendu de cette lutte pour l'égalité devant la qualité, comme doivent l'être les démarches d'évaluation et de formation continue pour la médecine de ville.
Le second axe réside dans l'ouverture - l'élargissement - du sacralisé dialogue singulier, nécessaire sans aucun doute, mais insuffisant, sachons le reconnaître.
Le développement de la pratique dite coopérative, c'est -à-dire reposant sur des réseaux de compétences et de suivi ardemment souhaitée par le rapport STASSE, est indispensable.
Vous le savez, nous sommes engagés dans une politique de développement de réseaux qui s'inscrit dans cette perspective.
Elle doit réunir autour du malade les différents professionnels de santé afin de garantir la meilleure compétence et de faciliter l'accès aux soins des patients.
Evaluation, transparence, développement de la pratique coopérative, ne doivent pas être vus comme autant de signes de défiance à l'égard des professionnels de santé.
Au contraire ils pourront - ils doivent être - synonymes d'enrichissement, d'amélioration des pratiques; gages d'une progression de l'état de santé de la population, d'une réduction des inégalités, et d'une confiance retrouvée, qui ne peuvent que concourir en retour à l'épanouissement des professionnels de santé.
La meilleure garantie d'un égal accès aux soins reste, dans notre pays, l'existence d'un système de protection sociale solidaire.
Or, celui-ci est menacé si la croissance des dépenses de santé est telle qu'elle contraint soit à réduire régulièrement les taux de remboursement, soit à augmenter sans discontinuer les cotisations.
Les taux remboursement ont été fortement réduits depuis le début des années 1980. La part des dépenses de santé prise en charge par la Sécurité Sociale, l'Etat ou les collectivités locales est passée de 79,4 % en 1980 à 74,4 % en 1996. La France se situe parmi les pays de l'OCDE qui assurent la plus faible prise en charge collective des dépenses de santé.
Nous ne pouvons assister passivement à cet affaiblissement de notre système de protection sociale. Nous entendons avec la couverture maladie universelle améliorer les modalités de prise en charge des soins des plus démunis ; cet effort de solidarité ne nous exonère pas, en rien, de la nécessité de maintenir pour tous, un système d'assurance sociale qui assure une large couverture des soins. Solidarité et assurance sont deux démarches complémentaires et non exclusives.
Ainsi, nous ne pouvons approuver des propositions qui visent à organiser la réduction des remboursements par la réouverture du secteur II pour déconnecter l'évolution des dépenses de santé et celle des dépenses d'assurance-maladie. Nous ne croyons pas non plus que l'introduction du secteur assurantiel privé nous permettrait de faire des progrès majeurs. Les coûts de gestion des assurances privées sont toujours supérieurs, pour des raisons bien compréhensibles, à ceux des assurances obligatoires. Il est d'ailleurs paradoxal que ceux-là même qui contestent les mécanismes de régulation des dépenses de santé envisagent de se soumettre aux impératifs de rentabilité d'une société d'assurance. Comment ne voient-ils pas que leur liberté de prescription serait alors réellement réduite, que les contrôles de leurs pratiques seraient beaucoup plus tatillons que ceux qu'exercent la Sécurité Sociale et que certains d'entre eux disparaîtraient.
Maîtriser les dépenses de santé n'a de sens toutefois que si cette maîtrise est compatible avec la qualité de soins.
Si demain une découverte thérapeutique majeure, une nouvelle maladie très coûteuse justifiait d'augmenter fortement les dépenses de santé, les Français, j'en suis certaine, serait prêts à accepter une augmentation de leurs cotisations au titre de la solidarité devant la maladie.
Telle n'est pourtant pas la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui et rien ne permet de justifier que nous demandions un effort supplémentaire à nos concitoyens. La France se situe au 3ème rang mondial pour la part des dépenses de santé dans le P.I.B.. La France dépense pour la santé, environ 1,5 % de sa richesse nationale en plus que la moyenne des pays européens, soit environ 100 milliards par an.
L'ampleur de cet écart démontre, s'il n'en était besoin, qu'il est possible de maîtriser l'évolution des dépenses de santé sans porter atteinte à la qualité des soins. Elle est au contraire nécessaire pour faire bénéficier pleinement nos concitoyens des progrès médicaux.
Le Comité Consultatif National d'Ethique vient de souligner avec force, je le cite : "Il y a une profonde dimension éthique dans l'exigence d'utilisation optimale de l'effort consacré à la santé, puisque seule elle est de nature à garantir le meilleur respect des valeurs de justice et de solidarité. En effet, tout divertissement partiel de cet effort hors des actions où il serait le plus efficace, à court, moyen et long termes, aboutirait à ce que des améliorations possibles en matière de santé ne puissent être apportées".
Maîtriser l'évolution des dépenses est possible sans réduire la qualité des soins. Maîtriser l'évolution des dépenses est nécessaire pour maintenir un système de protection sociale solidaire.
Je crois que ces deux propositions recueillent désormais un large accord. C'est sur ce socle que nous conduisons avec l'ensemble des professionnels de santé une vraie réforme de notre système de santé autour de deux objectifs : garantir la qualité des soins tout en assurant la meilleure allocation de ressources.
Et notre vigilance doit plus que jamais s'exercer dans ce domaine.
Les dépenses d'assurance maladie ont fortement augmenté sur la période récente. La hausse des dépenses pour le régime général s'élève à 4% sur les quatre premiers mois de l'année, rapportée aux quatre premiers de l'année 1997.
En ville, les dépenses progressent plus vite qu'à l'hôpital. Sur les quatre premiers mois en effet, la progression s'établit à 6,3 %.
Même si certains facteurs comme la sortie en ville des anti-rétro viraux peuvent expliquer très partiellement ces chiffres, on assiste bel et bien à un emballement des dépenses qui compromet les équilibres de l'assurance maladie pour 1998.
Ce dérapage est grave. Il appelle des mesures fortes de réorientation des dépenses que je présenterai prochainement. Il n'est en effet pas acceptable que sans justification sanitaire, certains postes de dépenses renouent avec des rythmes de progression proches de 10%.
Bernard KOUCHNER et moi-même n'avons cessé, depuis l'automne 1997, de mettre en garde contre le risque qui nous apparaissait probable de redémarrage des dépenses.
Les contacts que nous avons avec les médecins de terrain nous avaient confortés dans l'idée que le plan Juppé connaissait le sort de tous les plans d'assurance maladie qui l'on précédé. Que constate-t-on ? Que les faits nous donnent malheureusement raison et qu'ils imposent à tous d'être modestes.
Car, à bien y regarder, on s'aperçoit que la hausse des dépenses a commencé dès la fin de l'année 1996 et qu'elle s'est poursuivie en 1997. L'effet du plan Juppé comme ceux de ses prédécesseurs n'aura donc duré qu'une douzaine de mois.
Ces chiffres appellent une analyse plus fine. Elle est en cours. A ce stade, il semble que les dépenses des médecins généralistes dérapent moins que celles des spécialistes dont la dérive est très inquiétante.
Trois axes de travail s'imposent : améliorer la condition des soins -entre la ville et l'hôpital notamment-, organiser l'actualisation des connaissances et l'évaluation des pratiques au plus près du terrain, et donner aux professionnels des responsabilités accrues.
La maîtrise des dépenses doit être un engagement de l'ensemble des acteurs du système de santé. Elle doit reposer sur la responsabilité individuelle des professionnels à travers la formation médicale continue, l'informatisation de leur cabinet et la participation à des actions de santé publique, mais aussi sur la responsabilité collective de la profession.
Pour s'exercer, cette responsabilité collective appelle un partage de l'information au niveau régional entre les caisses et les professionnels. La transparence sur le fonctionnement du système est indispensable pour pouvoir analyser et prévenir les évolutions de dépenses.
La responsabilité collective doit également emprunter la voie d'une évaluation des pratiques par la profession elle-même, organiser le dialogue entre confrères, notamment au sein de réseaux pluridisciplinaires.
Mais l'exercice de ces responsabilités n'exclut pas pour autant la mise en place d'un dispositif de régulation économique, corde de rappel en cas de dérapage injustifié des dépenses.
Il nous faut disposer, je crois, d'un mécanisme de régulation globale de dépenses de médecine de ville. On ne peut prétendre maîtriser l'évolution de ces dépenses en visant simplement à vérifier que chaque acte individuel est pertinent. La médecine ne peut pas se réduire à des protocoles. La relation patient médecin n'obéit pas à des standards. Vouloir fonder la régulation sur le seul contrôle des pratiques médicales, ce serait s'engager dans la voie d'un contrôle bureaucratique de l'activité des médecins, qui, même s'il s'avérait possible, ne serait pas souhaitable et ne me semble souhaité par personne. Le premier rôle des médecins est bien évidemment de soigner.
Mais en soignant, ils assument individuellement et collectivement des responsabilités économiques au regard de notre système de sécurité sociale.
Cette responsabilité économique ne peut s'exercer que si se développent les outils d'une maîtrise médicalisée. Les deux démarches ne sont pas contradictoires mais complémentaires. C'est pour cela qu'ils nous faut encourager l'évaluation de pratiques, la collecte et le partage d'informations particulièrement fiables sur l'activité de notre système de santé, les pratiques coopératives autour de réseaux de soins, une meilleure coordination de soins entre la ville et l'hôpital.
Ces questions centrales doivent être au coeur de nos politiques de santé, au même titre que d'autres priorités plus thématiques mais, tout aussi importantes que Bernard KOUCHNER va maintenant évoquer devant vous.
Ensemble, ces enjeux majeurs, qui sont d'ailleurs ceux que vous avez vous-même identifiés dans le cadre de vos travaux, sont autant de motifs à la mise en oeuvre d'une loi de programmation pluriannuelle de santé publique, afin d'inscrire enfin dans la durée l'effort de la nation en faveur de la santé.


(Source http://www.sante.gouv.fr, le 4 octobre 2001)