Texte intégral
Monsieur le Maire,
Mesdames, Messieurs,
Dévoiler aujourd'hui cette plaque qui rend hommage à Zakia Madi, c'est pour moi un honneur et un symbole. L'honneur de saluer la mémoire d'une combattante et le symbole de la lutte des femmes pour la reconnaissance de leur rôle et le respect de leurs droits, à Mayotte comme partout dans le monde. Car ce combat est universel, il ne connaît pas de frontières. Dans quelques jours, le 8 mars, la Journée Internationale des Femmes rappellera à tous que cette lutte est de tous les instants et qu'en la matière, les préjugés ont malheureusement la vie dure.
Zakia Madi est morte tragiquement le 13 octobre 1969. Comme d'autres femmes mahoraises, elle s'était engagée dans le débat public et le combat politique. Elle s'était mobilisé pour que la population de Mayotte prenne en main son destin, pour que les décisions sur Mayotte soient prises à Mayotte.
L'engagement des femmes à Mayotte n'a pas cessé. J'irai tout à l'heure déjeuner avec des femmes qui agissent, qui ont pris des responsabilités dans la vie politique, économique et sociale de cet archipel. Des femmes qui, par leur enthousiasme et leur dynamisme, uvrent pour Mayotte.
Comme Zakia Madi, elles sont exemplaires. A l'image de toutes les Mahoraises dont le rôle social est primordial.
En rendant hommage à Zakia Madi, en rappelant son combat hier, je veux évoquer leur combat d'aujourd'hui ici à Mayotte.
A l'image de toutes les femmes de France qui n'ont cessé de s'élever contre les conservatismes de toutes sortes et de revendiquer leur émancipation, les femmes ici, à Mayotte, ont conquis des droits. Ces droits, elles les défendent en soutenant une profonde transformation de notre société et une profonde révision des mentalités, tout en souhaitant préserver les spécificités de la culture mahoraise.
Dès son arrivée au pouvoir, le Gouvernement de Lionel Jospin a clairement affiché sa volonté d'uvrer pour l'égalité des sexes. Il a décidé ainsi d'inscrire le principe de parité entre les femmes et les hommes dans la Constitution pour lutter contre les obstacles, et les discriminations dont elles sont victimes lorsqu'elles désirent accéder à des mandats électoraux. La parité reconnaît le rôle social des femmes et renouvelle notre démocratie en donnant la parole à celles qui ne l'avaient pas.
Ce principe de parité, il fut à l'époque bien contesté. Et pourtant, personne ne peut remettre en cause ses effets sur la vie sociale et la vie publique de notre République. A Mayotte, les femmes sont entrées massivement dans les 17 conseils municipaux grâce à cette loi. Les conseillères municipales, avant la parité, n'étaient que 20. Elles sont aujourd'hui près de 250, preuve à la fois de leur intérêt pour l'action publique, de leur poids dans la vie sociale et du bien-fondé de cette loi.
Ici à Ouangani, il y a 13 femmes élues au conseil municipal.
Je m'en félicite, comme je me félicite de toutes les mesures qui, prises dans le cadre de lois ou d'ordonnances, ont reconnu les droits des femmes et amélioré leurs conditions de vie.
C'est d'abord la réforme de l'état civil, qui garantit la liberté matrimoniale. Désormais, les femmes mahoraises se marient après l'âge de 15 ans et le mariage ne peut plus être célébré en leur absence. Désormais, les unions ne peuvent plus être imposées, elles sont, de plein droit, le fruit du libre et plein consentement des deux époux. Cette réforme était attendue par l'ensemble de la société mahoraise.
La femme mahoraise est aujourd'hui plus libre. Libre de participer à la vie de la cité, libre de décider de sa vie personnelle. Elle est aussi libre d'exercer une profession si elle le souhaite et d'en percevoir les gains et les salaires qui en résultent. Elle a droit au travail. Elle a droit à gérer elle-même ses biens, et elle a droit à assurer elle-même son indépendance financière. Lorsqu'elle est salariée, une future mère a, le droit à présent à une autorisation d'absence pour se rendre aux examens médicaux obligatoires. Pour les jeunes mamans, les conditions du congé-maternité sont identiques à celles de toutes les femmes des départements français, puisque la durée en a été portée de 14 à 16 semaines.
Mais également, elle a droit de décider si elle veut ou ne veut pas un enfant. Comme en métropole, le délai pour l'interruption volontaire de grossesse est désormais portée à 12 semaines et l'accès à la contraception est désormais plus facile, notamment pour la pilule du lendemain qui peut être donnée sans prescription médicale. C'est un acquis social dont nous devons être fiers. L'ordonnance relative à la protection sanitaire et sociale, qui vient d'être transmise au Conseil général pour avis, et qui étend le rôle de l'assurance maladie, permettra une prise en charge de tous les frais, même hors de l'hôpital.
Nous avons veillé aux droits des femmes à Mayotte, nous avons également veillé à améliorer leurs conditions de vie. J'ai voulu ainsi que les prestations familiales soient revalorisées et étendues à l'ensemble des familles résidentes de Mayotte. Elles seront le mois prochain plus de 20 000 désormais à y avoir droit, au lieu de 7 000 auparavant. Ces prestations seront versées aux mères de façon générale. Ces dispositions permettront aux mères de famille de faire face à des dépenses croissantes, elles qui assument le plus souvent la charge des enfants et il était à la fois juste et nécessaire de les aider dans cette lourde tâche.
Améliorer la condition des femmes, et leur vie de tous les jours, c'est donner tout leur sens aux valeurs républicaines, la liberté, l'égalité, la solidarité, dans lesquelles le peuple mahorais s'est reconnu lorsqu'il a souhaité un ancrage définitif dans notre communauté nationale. Mayotte a franchi un pas historique en sortant de l'incertitude où elle avait trop longtemps été maintenue, en amorçant grâce à l'aide de l'Etat un mouvement de modernisation sociale sans précédent. La femme mahoraise est sur la voie d'une juste émancipation. Il reste encore des progrès à accomplir, mais je crois que Zakia Madi, qui est morte dans un combat pour la liberté, serait aujourd'hui fière de ce que nous avons accompli ensemble.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 1er mars 2002)