Texte intégral
Interview à LCI le 5 février :
Avec des crédits pour les Etats-Unis qui vont donc, à terme, être le double de ceux de la Défense globale européenne, est-ce, au fond, toujours utile de mener des efforts pour avoir notre propre industrie et notre propre Défense ?
Alain Richard
Il faut se demander si les objectifs des uns et des autres sont les mêmes. La conception de la paix dans le monde et du redressement des crises qui est celle des Européens n'est pas celle des Etats-Unis. C'est même pour cela que nous avons fait la construction européenne. A ce sujet-là, on entend de nouveau des annonces d'échec, une espèce de fascination pour l'échec européen. Cela fait un peu plus de quarante ans que j'oublie de prendre mes idées politiques, et j'ai toujours vu les prophètes de malheur sur l'Europe se tromper.
Par exemple, le projet d'avion de transport futur va peut-être se faire et puis, tout d'un coup, on verra que les Allemands ne vont peut-être pas le financer.
Cela va se faire. Les eurosceptiques sur tous les sujets se sont toujours trompés. Ce qui se passe en Europe, c'est que nous progressons pas à pas, de façon négociée parce que nous sommes quinze démocraties et qu'il est vrai que nos processus de décisions donnent une impression de lourdeur et parfois de désordre. Cependant les décisions se prennent et sont irréversibles ensuite.
Par exemple ?
Voir l'euro. L'Airbus militaire est commandé et il se fera.
Que serait la deuxième construction, que serait, concrètement, pour vous, demain, un missile de croisière, un autre porte-avions ?
Le missile de croisière est là. Il est en fin de fabrication et sera livré l'année prochaine, et en Grande-Bretagne, et en France, puisque nous l'avons conçu ensemble. Il s'appelle Scalp chez nous, et Storm Shadow chez eux. Donc, il faut continuer de cette façon-là avec le satellite commun européen, avec en effet une force navale de plus en plus homogène entre Européens, et l'organisation de la force qui permette d'agir ensemble, comme on le fait aujourd'hui en Afghanistan. La force internationale de sécurité à Kaboul, ce sont les Européens.
Au sujet du moral des troupes en France, les épouses de gendarmes, d'abord, sont intervenues à nouveau en disant " nous n'avons pas obtenu ce que l'on nous avait promis ". Est-ce que vous pouvez nous donner des informations là-dessus ? Et par ailleurs, on dit que dans des forces très pointues, par exemple, comme celle du COS, le Commandement des opérations spéciales, là aussi, les épouses expriment l'usure, le " ras-le-bol " de certains de leurs époux soldats très entraînés.
Sur la Gendarmerie, j'insiste sur le fait que la crise que nous avons eue en novembre venait essentiellement d'un sentiment de disparités avec la police. La direction de la Gendarmerie a donné toutes les précisions, cela a d'ailleurs été repris par l'ensemble de la presse, donc l'ensemble des mesures sont en train d'être prises, le décret sur les améliorations de la rémunération a été signé. Donc, comme je l'avais dit, ce sera valable au 1er février, et appliqué à partir de février. En ce qui concerne les forces armées, Paris ne s'est pas fait en un jour. La professionnalisation est en train de se terminer, les effectifs seront complets dans le cours de l'année. Il y a des améliorations, notamment en temps libre pour ne pas créer trop d'écart avec la société, et en indemnités qui sont déjà attribuées. Et nous allons discuter d'autres améliorations pour qu'il y ait une progression, permettant à l'armée professionnelle d'avoir sa place dans la société.
Cependant vous ne niez pas ce malaise ?
Mais bien sûr que non, il y a un vrai débat professionnel et il faut le respecter en tant que tel. Et je crois qu'il n'est de l'intérêt de personne que ceci soit exploité politiquement.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 12 février 2002)
Interview à LCI le 14 février :
A. Hausser - On va parler dans un instant des réunions des Conseils de la fonction militaire, vous allez nous expliquer ce qui s'y passe. Mais je voudrais vous poser une question concernant cette information publiée par le journal anglais Guardian, faisant état d'une préparation d'une opération militaire des Etats-Unis contre l'Irak pour renverser S. Hussein. La France est opposée à une opération contre l'Irak dans le cadre de la lutte contre le terrorisme qui est menée en Afghanistan. Est-ce qu'elle a évolué?
- "Non, je ne peux pas confirmer cette information. Vous savez, la réalité d'un plan ou d'une préparation d'opération n'est pas quelque chose qu'on peut discerner comme cela..."
Il y a quand même pas mal de bruits ces temps-ci pour l'Irak...
- "Il y a des bruits qui peuvent être aussi un peu orchestrés. Le fait concret, c'est la déclaration du Président Bush qui, dans la foulée d'une offensive, justifiée à nos yeux, contre le havre du terrorisme en Afghanistan, dit que maintenant, il y a trois pays qui constituent un axe du mal et qui sont leur priorité stratégique. Nous ne partageons pas cette priorité stratégique et nous sommes très nombreux d'ailleurs, et notamment tous les Européens, à ne pas partager cette vision, parce qu'elle ne dit pas la réalité sur ce que sont les sources d'instabilité et de danger dans le monde. Deux de ces pays, c'est vrai, sont des pays qui font des projets d'armement qui sont condamnables et qui doivent être contrôlés : c'est le cas de l'Irak et de la Corée du Nord. Dans le cas de l'Iran, il y a aussi un sujet sur son armement. Mais d'un autre côté, il faut regarder d'autres sources de danger. D'abord, évidemment, le Proche-Orient quand même, plus un certain nombre de crises régionales, et il y a d'autres acteurs qui peuvent être, le cas échéant, dangereux. Donc, sur l'Irak, notre position est de dire que l'Irak est sous des réglementations de l'Onu qui doivent permettre de vérifier son niveau d'armement. Il ne les a pas respectées. Il faut donc maintenir une pression sur ce pays. Mais, d'un côté, nous pensons que l'embargo touchant la population n'est plus la bonne solution - et nous avons fait évoluer l'Onu sur ce point. Et d'autre part, l'offensive militaire n'est pas non plus une solution."
On va parler de l'armée française qui manifeste une certaine grogne ces temps-ci. Cela a commencé par les gendarmes qui ont obtenu un certain nombre de mesures, d'avantages - des jours de congé, des primes. Les femmes de gendarmes disent que tout cela n'est pas encore en application. "De toute façon, on ne pourra pas prendre, disent les gendarmes, les congés et les permissions promises, puisque nous ne sommes pas assez nombreux". Mais cette grogne s'est un peu étendue à l'ensemble des forces armées. D'où la réunion de Conseils de la fonction militaire, qui sont des espèces de réunions syndicales ? On peut le dire comme cela ?
- "Ce sont des organismes de représentation statutaire..."
Qui se réunissent en ce moment ?
- "Oui, qui se réunissent normalement tous les six mois. Et le mandat de la moitié de leurs membres va expirer ces semaines-ci. Et donc, nous avions fait une réunion en octobre-novembre pour préparer des mesures permettant de transposer, d'une certaine façon, la réduction du temps de travail aux personnels militaires. Parce que l'idée est que nous ne pouvons pas avoir des professionnels des armées qui soient complètement en marge des conditions normales des conditions de vie et de travail des Français. Donc, un certain nombre de mesures avaient été adoptées, elles ont été, je crois, reconnues comme apportant un plus, avec une partie d'indemnisation pour les jours qui ne pouvaient pas être pris, et une partie de jours en plus. Et pour ce qui concerne les gendarmes, compte tenu de la situation de surcharge qui pèse en effet sur la gendarmerie territoriale, on avait dit que l'ensemble des jours seront indemnisés, qu'il n'y aura pas de jours en plus."
Les protestations n'ont plus lieu d'être ?
- "Non. D'ailleurs, le responsable des questions de personnels de la gendarmerie a répondu le lendemain à cette affirmation qui n'était pas juste de la part d'une Association de femmes, en montrant que toutes les mesures étaient en cours d'application, qu'il s'agisse des rémunérations ou des mises en place de matériel. Pour ce qui concerne les armées : le double problème est qu'il y a en effet une certaine surcharge, parce que n'oublions pas que la mise en place de la professionnalisation est terminée pour ce qui concerne les structures, mais qu'en ce qui concerne les effectifs, il nous reste encore environ 8.000 postes à pourvoir cette année. Donc, aujourd'hui, ils travaillent en sous-effectifs. Cela crée un sentiment, une situation de surchauffe dans pas mal d'unités. Et d'autre part, après une période de prospérité, il y a une demande parfaitement compréhensible de dire : "Quand est-ce qu'on a un certain nombre d'améliorations ?". Et il faut bien voir que, par définition, les militaires sont des professionnels et que, pour bon nombre d'entre eux, ils sont dans des spécialités ou dans des qualifications qui ont presque leur pendant dans les activités civiles. Que ce soit les contrôleurs aériens de l'armée de l'air, que ce soit le Service de santé des armées par rapport à l'hospitalisation civile, que ce soit ... Hier j'étais au Service des essences des armées, ils ont évidemment leur équivalent. Et donc, dans un certain nombre de cas, on a des situations de comparaisons très concrètes. Les militaires du rang ont fait l'objet d'augmentations assez importantes ces dernières années. En revanche, pour ce qui concerne le monde des sous-officiers et des jeunes officiers, qui sont souvent des gens qui ont une qualification assez élevée, il y a évidemment des comparaisons, par rapport à des professions qualifiées où il y a eu des augmentations ces dernières années, auxquelles nous devons répondre, et c'est ce que je suis en train de faire."
Vous le ferez quand, vous annoncerez cela quand ?
- "Les réponses que le Gouvernement apportera aux différentes propositions qui nous ont été apportées - les dernières viendront aujourd'hui avec le Conseil de l'armée de l'air -, seront dans les derniers jours du mois, sans doute le 27 ou le 28."
Ce sera perceptible avant les élections ? Les militaires votent ?
- "Ce que j'ai indiqué, c'est que les décisions auraient une application dès l'année 2002. Non, il ne s'agit pas de mesures électoralistes ! Je fais confiance aux personnels militaires..."
Non, mais de calmer un mécontentement !
- "Oui, mais surtout de répondre à une demande justifiée. Il vaut mieux le prendre comme cela."
Vous occupez un ministère sensible, qui est celui de la Défense, qui nécessite une véritable cohabitation. Est-ce que ce sera le dernier îlot de tranquillité avant les élections ?
- "Oui, j'en suis convaincu. Dans ce ministère, nous avons une responsabilité de sécurité, de permanence. Par conséquent, sur chaque situation de crise, de besoin de sécurité, nous faisons des propositions, nous élaborons un schéma d'action qui doit répondre au maximum aux risques que nous avons identifiés. Comme il est normal, j'en débats d'abord avec le Premier ministre, souvent avec mes collègues des Affaires étrangères ou de l'Intérieur, suivant les sujets, de manière à ce que le Gouvernement ait une position cohérente. On la propose au chef de l'Etat et souvent ses collaborateurs sont associés à la préparation. Donc, le Président Chirac étant candidat, L. Jospin se préparant à l'être dans les prochaines semaines, j'ai la certitude que l'Etat continuera à fonctionner et que nous pourrons assurer la sécurité et je dirais l'action d'influence de notre pays dans les crises jusqu'à la fin de l'élection présidentielle."
Il va y avoir une décision à prendre pour le maintien de la Force internationale d'assistance et de sécurité en Afghanistan.
- "Oui."
Cela sera fait en toute sérénité ?
- "Je peux même dire que c'est fait."
C'est fait. C'est-à-dire que vous n'attendrez pas fin avril ?
- "Non, nous donnerons à l'Onu et à nos partenaires qui sont dans la Force, un accord pour poursuivre jusqu'à la mise en place du nouveau gouvernement afghan, c'est-à-dire en juillet."
Le ministre de la Défense a aussi une bonne connaissance de la carte électorale..
- "Oui, enfin, elle commence à se périmer un peu..."
C'est la réputation que vous avez en tout cas. Aujourd'hui, comment voyez-vous les choses ? Le candidat Chirac a-t-il réussi son entrée ?
- "Ce que je vois, vous savez... J'ai été candidat à pas mal d'élections, j'essaye d'avoir un rapport aussi authentique, logique que je peux avec les électeurs. Il y a 40 millions de citoyens qui vont faire leur choix. Première chose, ils ne l'ont pas fait, tout le monde le voit. Deuxièmement, la majorité, la nette majorité d'entre eux, ne souhaitait pas une campagne longue, c'est très perceptible grâce à toute une série d'indicateurs. On a pu s'interroger, les uns ou les autres, au mois de juillet dernier, quand L. Jospin nous a dits qu'il ferait une campagne après la fin de la législature, une campagne courte. Il me semble, à voir ce qui se passe maintenant, qu'il avait vu juste et "qu'il y a un temps pour tout" comme il le dit. Troisièmement, les citoyens et les citoyennes, je pense, sont demandeurs de cohérence. Et après, on peut mettre toute une série de langages autour de ces propositions. Mais entre 2002 et 2007, qu'est-ce que chacun apporte comme axes d'action, sur lesquels les gens puissent se faire une opinions et se reconnaître ?"
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 14 février 2002)
Interview à RMC le 28 février :
Avant les élections, le " cadeau " du gouvernement aux militaires, 433 millions d'euros, montant des nouvelles mesures annoncées par Alain RICHARD.
Ces mesures vont se traduire dès les prochains mois sur les feuilles de solde par des augmentations qui iront, de 750 euros à 2 000 euros pour une année complète selon les grades, les contraintes opérationnelles, les qualifications et les spécialités. Ainsi, à titre d'exemple, dès 2002, un caporal ou un quartier-maître verra sa solde progresser de 83 à 85 euros par mois. Un lieutenant de vaisseau marié, deux enfants, absent 120 jours du port base aura une progression de sa solde mensuelle de 150 euros. C'est donc un plan de grande ampleur qui mobilise des moyens conséquents et dont chacun va pouvoir apprécier l'impact personnel dans les prochaines semaines.
(Source http://www.défense.gouv.fr, le 5 mars 2002)
Avec des crédits pour les Etats-Unis qui vont donc, à terme, être le double de ceux de la Défense globale européenne, est-ce, au fond, toujours utile de mener des efforts pour avoir notre propre industrie et notre propre Défense ?
Alain Richard
Il faut se demander si les objectifs des uns et des autres sont les mêmes. La conception de la paix dans le monde et du redressement des crises qui est celle des Européens n'est pas celle des Etats-Unis. C'est même pour cela que nous avons fait la construction européenne. A ce sujet-là, on entend de nouveau des annonces d'échec, une espèce de fascination pour l'échec européen. Cela fait un peu plus de quarante ans que j'oublie de prendre mes idées politiques, et j'ai toujours vu les prophètes de malheur sur l'Europe se tromper.
Par exemple, le projet d'avion de transport futur va peut-être se faire et puis, tout d'un coup, on verra que les Allemands ne vont peut-être pas le financer.
Cela va se faire. Les eurosceptiques sur tous les sujets se sont toujours trompés. Ce qui se passe en Europe, c'est que nous progressons pas à pas, de façon négociée parce que nous sommes quinze démocraties et qu'il est vrai que nos processus de décisions donnent une impression de lourdeur et parfois de désordre. Cependant les décisions se prennent et sont irréversibles ensuite.
Par exemple ?
Voir l'euro. L'Airbus militaire est commandé et il se fera.
Que serait la deuxième construction, que serait, concrètement, pour vous, demain, un missile de croisière, un autre porte-avions ?
Le missile de croisière est là. Il est en fin de fabrication et sera livré l'année prochaine, et en Grande-Bretagne, et en France, puisque nous l'avons conçu ensemble. Il s'appelle Scalp chez nous, et Storm Shadow chez eux. Donc, il faut continuer de cette façon-là avec le satellite commun européen, avec en effet une force navale de plus en plus homogène entre Européens, et l'organisation de la force qui permette d'agir ensemble, comme on le fait aujourd'hui en Afghanistan. La force internationale de sécurité à Kaboul, ce sont les Européens.
Au sujet du moral des troupes en France, les épouses de gendarmes, d'abord, sont intervenues à nouveau en disant " nous n'avons pas obtenu ce que l'on nous avait promis ". Est-ce que vous pouvez nous donner des informations là-dessus ? Et par ailleurs, on dit que dans des forces très pointues, par exemple, comme celle du COS, le Commandement des opérations spéciales, là aussi, les épouses expriment l'usure, le " ras-le-bol " de certains de leurs époux soldats très entraînés.
Sur la Gendarmerie, j'insiste sur le fait que la crise que nous avons eue en novembre venait essentiellement d'un sentiment de disparités avec la police. La direction de la Gendarmerie a donné toutes les précisions, cela a d'ailleurs été repris par l'ensemble de la presse, donc l'ensemble des mesures sont en train d'être prises, le décret sur les améliorations de la rémunération a été signé. Donc, comme je l'avais dit, ce sera valable au 1er février, et appliqué à partir de février. En ce qui concerne les forces armées, Paris ne s'est pas fait en un jour. La professionnalisation est en train de se terminer, les effectifs seront complets dans le cours de l'année. Il y a des améliorations, notamment en temps libre pour ne pas créer trop d'écart avec la société, et en indemnités qui sont déjà attribuées. Et nous allons discuter d'autres améliorations pour qu'il y ait une progression, permettant à l'armée professionnelle d'avoir sa place dans la société.
Cependant vous ne niez pas ce malaise ?
Mais bien sûr que non, il y a un vrai débat professionnel et il faut le respecter en tant que tel. Et je crois qu'il n'est de l'intérêt de personne que ceci soit exploité politiquement.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 12 février 2002)
Interview à LCI le 14 février :
A. Hausser - On va parler dans un instant des réunions des Conseils de la fonction militaire, vous allez nous expliquer ce qui s'y passe. Mais je voudrais vous poser une question concernant cette information publiée par le journal anglais Guardian, faisant état d'une préparation d'une opération militaire des Etats-Unis contre l'Irak pour renverser S. Hussein. La France est opposée à une opération contre l'Irak dans le cadre de la lutte contre le terrorisme qui est menée en Afghanistan. Est-ce qu'elle a évolué?
- "Non, je ne peux pas confirmer cette information. Vous savez, la réalité d'un plan ou d'une préparation d'opération n'est pas quelque chose qu'on peut discerner comme cela..."
Il y a quand même pas mal de bruits ces temps-ci pour l'Irak...
- "Il y a des bruits qui peuvent être aussi un peu orchestrés. Le fait concret, c'est la déclaration du Président Bush qui, dans la foulée d'une offensive, justifiée à nos yeux, contre le havre du terrorisme en Afghanistan, dit que maintenant, il y a trois pays qui constituent un axe du mal et qui sont leur priorité stratégique. Nous ne partageons pas cette priorité stratégique et nous sommes très nombreux d'ailleurs, et notamment tous les Européens, à ne pas partager cette vision, parce qu'elle ne dit pas la réalité sur ce que sont les sources d'instabilité et de danger dans le monde. Deux de ces pays, c'est vrai, sont des pays qui font des projets d'armement qui sont condamnables et qui doivent être contrôlés : c'est le cas de l'Irak et de la Corée du Nord. Dans le cas de l'Iran, il y a aussi un sujet sur son armement. Mais d'un autre côté, il faut regarder d'autres sources de danger. D'abord, évidemment, le Proche-Orient quand même, plus un certain nombre de crises régionales, et il y a d'autres acteurs qui peuvent être, le cas échéant, dangereux. Donc, sur l'Irak, notre position est de dire que l'Irak est sous des réglementations de l'Onu qui doivent permettre de vérifier son niveau d'armement. Il ne les a pas respectées. Il faut donc maintenir une pression sur ce pays. Mais, d'un côté, nous pensons que l'embargo touchant la population n'est plus la bonne solution - et nous avons fait évoluer l'Onu sur ce point. Et d'autre part, l'offensive militaire n'est pas non plus une solution."
On va parler de l'armée française qui manifeste une certaine grogne ces temps-ci. Cela a commencé par les gendarmes qui ont obtenu un certain nombre de mesures, d'avantages - des jours de congé, des primes. Les femmes de gendarmes disent que tout cela n'est pas encore en application. "De toute façon, on ne pourra pas prendre, disent les gendarmes, les congés et les permissions promises, puisque nous ne sommes pas assez nombreux". Mais cette grogne s'est un peu étendue à l'ensemble des forces armées. D'où la réunion de Conseils de la fonction militaire, qui sont des espèces de réunions syndicales ? On peut le dire comme cela ?
- "Ce sont des organismes de représentation statutaire..."
Qui se réunissent en ce moment ?
- "Oui, qui se réunissent normalement tous les six mois. Et le mandat de la moitié de leurs membres va expirer ces semaines-ci. Et donc, nous avions fait une réunion en octobre-novembre pour préparer des mesures permettant de transposer, d'une certaine façon, la réduction du temps de travail aux personnels militaires. Parce que l'idée est que nous ne pouvons pas avoir des professionnels des armées qui soient complètement en marge des conditions normales des conditions de vie et de travail des Français. Donc, un certain nombre de mesures avaient été adoptées, elles ont été, je crois, reconnues comme apportant un plus, avec une partie d'indemnisation pour les jours qui ne pouvaient pas être pris, et une partie de jours en plus. Et pour ce qui concerne les gendarmes, compte tenu de la situation de surcharge qui pèse en effet sur la gendarmerie territoriale, on avait dit que l'ensemble des jours seront indemnisés, qu'il n'y aura pas de jours en plus."
Les protestations n'ont plus lieu d'être ?
- "Non. D'ailleurs, le responsable des questions de personnels de la gendarmerie a répondu le lendemain à cette affirmation qui n'était pas juste de la part d'une Association de femmes, en montrant que toutes les mesures étaient en cours d'application, qu'il s'agisse des rémunérations ou des mises en place de matériel. Pour ce qui concerne les armées : le double problème est qu'il y a en effet une certaine surcharge, parce que n'oublions pas que la mise en place de la professionnalisation est terminée pour ce qui concerne les structures, mais qu'en ce qui concerne les effectifs, il nous reste encore environ 8.000 postes à pourvoir cette année. Donc, aujourd'hui, ils travaillent en sous-effectifs. Cela crée un sentiment, une situation de surchauffe dans pas mal d'unités. Et d'autre part, après une période de prospérité, il y a une demande parfaitement compréhensible de dire : "Quand est-ce qu'on a un certain nombre d'améliorations ?". Et il faut bien voir que, par définition, les militaires sont des professionnels et que, pour bon nombre d'entre eux, ils sont dans des spécialités ou dans des qualifications qui ont presque leur pendant dans les activités civiles. Que ce soit les contrôleurs aériens de l'armée de l'air, que ce soit le Service de santé des armées par rapport à l'hospitalisation civile, que ce soit ... Hier j'étais au Service des essences des armées, ils ont évidemment leur équivalent. Et donc, dans un certain nombre de cas, on a des situations de comparaisons très concrètes. Les militaires du rang ont fait l'objet d'augmentations assez importantes ces dernières années. En revanche, pour ce qui concerne le monde des sous-officiers et des jeunes officiers, qui sont souvent des gens qui ont une qualification assez élevée, il y a évidemment des comparaisons, par rapport à des professions qualifiées où il y a eu des augmentations ces dernières années, auxquelles nous devons répondre, et c'est ce que je suis en train de faire."
Vous le ferez quand, vous annoncerez cela quand ?
- "Les réponses que le Gouvernement apportera aux différentes propositions qui nous ont été apportées - les dernières viendront aujourd'hui avec le Conseil de l'armée de l'air -, seront dans les derniers jours du mois, sans doute le 27 ou le 28."
Ce sera perceptible avant les élections ? Les militaires votent ?
- "Ce que j'ai indiqué, c'est que les décisions auraient une application dès l'année 2002. Non, il ne s'agit pas de mesures électoralistes ! Je fais confiance aux personnels militaires..."
Non, mais de calmer un mécontentement !
- "Oui, mais surtout de répondre à une demande justifiée. Il vaut mieux le prendre comme cela."
Vous occupez un ministère sensible, qui est celui de la Défense, qui nécessite une véritable cohabitation. Est-ce que ce sera le dernier îlot de tranquillité avant les élections ?
- "Oui, j'en suis convaincu. Dans ce ministère, nous avons une responsabilité de sécurité, de permanence. Par conséquent, sur chaque situation de crise, de besoin de sécurité, nous faisons des propositions, nous élaborons un schéma d'action qui doit répondre au maximum aux risques que nous avons identifiés. Comme il est normal, j'en débats d'abord avec le Premier ministre, souvent avec mes collègues des Affaires étrangères ou de l'Intérieur, suivant les sujets, de manière à ce que le Gouvernement ait une position cohérente. On la propose au chef de l'Etat et souvent ses collaborateurs sont associés à la préparation. Donc, le Président Chirac étant candidat, L. Jospin se préparant à l'être dans les prochaines semaines, j'ai la certitude que l'Etat continuera à fonctionner et que nous pourrons assurer la sécurité et je dirais l'action d'influence de notre pays dans les crises jusqu'à la fin de l'élection présidentielle."
Il va y avoir une décision à prendre pour le maintien de la Force internationale d'assistance et de sécurité en Afghanistan.
- "Oui."
Cela sera fait en toute sérénité ?
- "Je peux même dire que c'est fait."
C'est fait. C'est-à-dire que vous n'attendrez pas fin avril ?
- "Non, nous donnerons à l'Onu et à nos partenaires qui sont dans la Force, un accord pour poursuivre jusqu'à la mise en place du nouveau gouvernement afghan, c'est-à-dire en juillet."
Le ministre de la Défense a aussi une bonne connaissance de la carte électorale..
- "Oui, enfin, elle commence à se périmer un peu..."
C'est la réputation que vous avez en tout cas. Aujourd'hui, comment voyez-vous les choses ? Le candidat Chirac a-t-il réussi son entrée ?
- "Ce que je vois, vous savez... J'ai été candidat à pas mal d'élections, j'essaye d'avoir un rapport aussi authentique, logique que je peux avec les électeurs. Il y a 40 millions de citoyens qui vont faire leur choix. Première chose, ils ne l'ont pas fait, tout le monde le voit. Deuxièmement, la majorité, la nette majorité d'entre eux, ne souhaitait pas une campagne longue, c'est très perceptible grâce à toute une série d'indicateurs. On a pu s'interroger, les uns ou les autres, au mois de juillet dernier, quand L. Jospin nous a dits qu'il ferait une campagne après la fin de la législature, une campagne courte. Il me semble, à voir ce qui se passe maintenant, qu'il avait vu juste et "qu'il y a un temps pour tout" comme il le dit. Troisièmement, les citoyens et les citoyennes, je pense, sont demandeurs de cohérence. Et après, on peut mettre toute une série de langages autour de ces propositions. Mais entre 2002 et 2007, qu'est-ce que chacun apporte comme axes d'action, sur lesquels les gens puissent se faire une opinions et se reconnaître ?"
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 14 février 2002)
Interview à RMC le 28 février :
Avant les élections, le " cadeau " du gouvernement aux militaires, 433 millions d'euros, montant des nouvelles mesures annoncées par Alain RICHARD.
Ces mesures vont se traduire dès les prochains mois sur les feuilles de solde par des augmentations qui iront, de 750 euros à 2 000 euros pour une année complète selon les grades, les contraintes opérationnelles, les qualifications et les spécialités. Ainsi, à titre d'exemple, dès 2002, un caporal ou un quartier-maître verra sa solde progresser de 83 à 85 euros par mois. Un lieutenant de vaisseau marié, deux enfants, absent 120 jours du port base aura une progression de sa solde mensuelle de 150 euros. C'est donc un plan de grande ampleur qui mobilise des moyens conséquents et dont chacun va pouvoir apprécier l'impact personnel dans les prochaines semaines.
(Source http://www.défense.gouv.fr, le 5 mars 2002)