Texte intégral
Discours d'ouverture
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les représentants des organisations internationales,
Monsieur le Secrétaire général de l'OMT,
Monsieur le représentant de la Commission européenne,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les représentants socio-professionnels,
Mesdames et Messieurs,
J'ai l'heureux privilège de vous souhaiter la bienvenue et de vous accueillir à ces Rencontres internationales de Paris, dont le thème : "Tourisme, Ethique et Mondialisation", recouvre, chacun ici en conviendra, des enjeux majeurs pour l'avenir de notre monde.
Notre manifestation se situe dans un contexte international profondément marqué par les événements dramatiques du 11 septembre, dont l'onde de choc a particulièrement touché le secteur touristique, mais bien plus profondément, a projeté en avant les questions essentielles sur l'état du monde. La mondialisation non-maîtrisée de ces deux dernières décennies a débouché sur de multiples désordres économiques et socio-culturels : succession de crises financières et économiques, aggravation de déséquilibres économiques et sociaux, accentuation des inégalités entre Etats et à l'intérieur de ceux-ci, paupérisation absolue des 50 pays les moins développés et relative de beaucoup de pays en développement ou en transition, graves atteintes portées à l'environnement et à l'écosystème ; risque d'uniformisation constituant ainsi un défi pour la diversité culturelle du monde.
Ce constat provoque un légitime débat sur la nécessité de réguler, de maîtriser la mondialisation, devenue une donnée incontournable de notre monde interdépendant, pour l'inscrire dans une logique de coopération, de solidarité et d'équité. Il souligne aussi l'urgence d'une autre dynamique du développement, et de la relance de l'action internationale en faveur des pays du SUD et de l'EST dans les domaines notamment de la dette publique et de l'aide publique au développement et grâce aux nouvelles sources de financement. Ce thème sera à l'ordre du jour de la conférence imminente de Monterray sur le financement du développement et du sommet de Johannesburg sur le développement durable en août prochain.
***
C'est dans cette perspective qu'il faut situer le rôle et la place de l'industrie du tourisme dans le développement durable. Plus qu'aucune autre, elle peut influencer positivement l'ensemble des clivages planétaires. En effet, comme créatrice de richesse et d'emplois, elle est facteur de développement, de cohésion sociale et de bien-être des populations ; puissant vecteur de rencontres et d'échanges, elle est témoin de la richesse que constitue la diversité culturelle du monde, diversité que l'Unesco vient de qualifier de "patrimoine commun de l'humanité" et porteuse de valeurs humanistes, de solidarité et de paix. Dans la conjoncture présente, elle est la mieux placée pour combattre le sentiment ambiant d'insécurité et pour la reconquête collective de la confiance.
***
Certes, il est tout aussi vrai que ce secteur, s'il est mal maîtrisé, peut faire peser des risques sur les économies et les cultures locales, comme sur les équilibres sociaux et environnementaux. C'est pourquoi toute réflexion sur son indispensable relance ne saurait se dissocier de celle concernant sa nécessaire intégration dans une démarche de durabilité, c'est à dire, de responsabilité, de solidarité, d'éthique.
Et cela d'autant plus que l'activité touristique, fondée sur la soif de la découverte et de la liberté, étroitement liée aux besoins de détente et des loisirs, à l'épanouissement individuel ou collectif, est désormais une donnée intégrale de notre temps et destinée à s'accroître considérablement.
Le terme de "tourisme durable" qui recouvre la notion "d'harmonie avec la population, l'environnement et la culture du lieu de telle sorte que son développement se fait constamment à leur profit et non à leur détriment" selon le Conseil de l'Europe n'est plus une abstraction.
***
Comme vous le savez, la prise de conscience de la dualité de ce secteur a entraîné, au cours notamment de la dernière décennie, l'élaboration à l'échelle internationale, régionale ou nationale, d'un important corpus de textes visant à appliquer au tourisme les idées principales du développement durable définies lors de la conférence de Rio en 1992.
Un progrès notable a été accompli en 1999 par l'adoption du Code mondial d'éthique du tourisme et repris l'an passé par l'Assemblée générale de l'Onu, textes que la France s'honore d'avoir initié avec d'autres Etats. Désormais une référence, il énonce les principes éthiques qui devraient guider le développement touristique ainsi que les droits et obligations respectifs de tous les acteurs publics et privés du secteur. Seul l'engagement de ces derniers, par apport à ces orientations normatives, permettra que le tourisme évolue de façon équitable et au bénéfice de tous : les Etats, les opérateurs touristiques, les touristes, mais aussi et surtout les populations locales.
***
Mais, d'ores et déjà, de multiples initiatives existent, tant publiques que privées, pour promouvoir le développement durable du tourisme et que vous me permettrez de rappeler brièvement. La forte implication des organisations onusiennes, comme l'UNESCO, le PNUE, le PNUD, l'OMT, dont je salue ici la présence, est clairement perceptible, aussi bien à travers les grands projets de conservation de sites culturels ou naturels, que dans les campagnes de promotion du tourisme culturel et bien évidemment écologique, puisque l'ONU a déclaré l'année 2002 "l'année internationale de l'écotourisme".
Au niveau étatique, bien des pays ont adopté des mesures législatives ou réglementaires visant à intégrer la politique du tourisme à l'aménagement du territoire et au développement local. Il existe également dans maints Etats, une législation conforme aux objectifs de développement social : protection de la santé et sécurité des travailleurs, droit des saisonniers, salaires minimaux, retraites... Une cinquantaine de pays ont transposé tout ou partie du Code mondial d'éthique dans leurs législations nationales ou dans les pratiques commerciales de leurs entreprises. En France, nous avons élaboré notre propre charte nationale d'éthique du tourisme, s'inspirant de ce code.
Ici ou là, les communautés locales ont commencé à élaborer et gérer elles-mêmes les projets touristiques. De leur côté, les associations internationales de professionnels du tourisme ont mis en place divers types de dispositifs et créé des labels pour encourager les entreprises à une meilleure gestion environnementale et plus généralement aux "meilleures pratiques". Les formes de tourisme alternatif se développent en réponse à une demande de plus en plus diversifiée. Enfin, les ONG réalisent un important travail de sensibilisation à l'exigence d'un tourisme éthique et responsable.
***
Ce foisonnement témoigne du chemin parcouru vers un tourisme respectueux des hommes , des cultures, des économies locales, de la nature et du patrimoine. Mais force est de constater que les progrès demeurent insuffisants et s'avèrent difficilement quantifiables en l'absence, d'une part, des normes internationalement reconnues de publication des résultats et, d'autre part, des mécanismes extérieurs de suivi et d'accréditation permettant d'évaluer la durabilité des prestations touristiques. La mise en application des principes se heurte à plusieurs difficultés qui ont fait l'objet d'analyse, et suscité de nouvelles réflexions et propositions d'action dont il faudra débattre ensemble. Le respect du caractère non contraignant des engagements découlant des Chartes et des Codes exclue-t-il toute régulation ? Ne faudrait-il pas une meilleure prise en compte des critères du développement durable dans le choix et le financement public (subvention et prêts) des projets touristiques, privés ou publics, à tous les niveaux, international,, national ou local ? Je n'évoque là que ces deux questions alors que tant d'autres surgiront de notre discussion. Car toute avancée ne pourrait intervenir que dans le cadre des règles négociées et acceptées par tous.
Ces rencontres, qui réunissent l'ensemble des acteurs aujourd'hui engagés, selon des modalités diverses, dans une démarche de responsabilité, se donnent justement pour ambition de réfléchir, à partir du constat des progrès et de leurs limites, sur les moyens d'améliorer l'efficacité des dispositifs existant, au regard des principes d'éthique et de durabilité, afin d'atteindre l'objectif d'un tourisme maîtrisé et solidaire.
(Source http://www.tourisme.equipement.gouv.fr, le 22 mars 2002)
Discours de clôture de Jacques Brunhes
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les représentants des organisations internationales,
Monsieur le Secrétaire général de l'OMT,
Monsieur le représentant de la Commission européenne,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les représentants socio-professionnels,
Mesdames et Messieurs,
Aux termes de ces débats aussi passionnants que fructueux, je souhaite avant toute chose vous remercier. Remercier mes collègues ministres du tourisme de pays lointains ou plus proches. Remercier les représentants des organisations européennes et internationales, les professionnels du tourisme, les organisations non gouvernementales, les services de l'Etat.
Remercier aussi les organisateurs, les responsables du Salon Mondial du Tourisme ainsi que les groupes Air France et Accor qui ont pris leur part matérielle à la réussite de cette journée.
Remercier les nombreux participants dont la présence nous a montré à quel point le thème de ces Rencontres était pertinent et utile.
Nos travaux ont été riches : riche par la qualité des intervenants, par l'extrême diversité des perspectives d'analyse et des témoignages, par le dialogue avec les participants. Des échanges aussi productifs se prêtent difficilement à une synthèse qui ne soit pas réductrice. Aussi, je m'abstiendrai de cet exercice. Je vous livrerai simplement quelques réflexions et propositions que m'ont inspiré vos travaux et susceptibles de contribuer à répondre à notre recherche : comment progresser dans l'application des principes de durabilité et d'éthique du tourisme auxquels nous croyons ?
***
La réussite d'une politique dépend de plusieurs paramètres dont le premier est celui de la volonté. La multitude d'initiatives prises, depuis deux décennies environ, par les acteurs publics et privés, aux niveaux international, régional, national, local - que le document intitulé "Etat des lieux" présente - témoignent d'un consensus quasi universel sur les principes régissant le tourisme durable. Cette volonté partagée s'est renforcée au lendemain des événements dramatiques du 11 septembre qui ont renouvelé la réflexion sur la mondialisation et sur ses modes de régulation. Elle constitue sans doute le plus grand atout pour l'application concrète des principes d'éthique et de durabilité appliqués au tourisme.
Mais bien évidemment, la réussite est aussi fonction des moyens de la politique. Dans le domaine du tourisme durable nous bénéficions de nombreux outils de travail qu'il s'agit de renforcer et de rendre plus opérationnels. Je soumets à votre approbation quelques pistes de travail.
La première concerne l'amélioration de la connaissance du secteur touristique fondée sur des données fiables, sans lesquelles toute avancée reste difficilement quantifiable. Dans ce domaine, des progrès notables ont été accomplis grâce aux comptes satellites du tourisme permettant de disposer de statistiques standardisées et comparables d'un pays à l'autre. La conférence de Vancouver de mai 2001 a fait des recommandions pour leur mise en oeuvre progressive. Mais un effort demeure indispensable dans le champ des études d'impact des projets touristiques, centrées actuellement sur leurs conséquences environnementales, et peu sur leurs impacts sociaux et culturels ou sur les systèmes de valeurs locales qu'il s'agit de préserver. Cela constitue un handicap sérieux pour l'appropriation des démarches touristiques par les populations locales, qui est l'une des conditions essentielles du tourisme éthique. De même la Commission du développement durable de l'ONU a préconisé en avril 1999, la définition des normes internationales de publication et d'évaluation des résultats du tourisme durable, afin de mieux apprécier son bilan. Les travaux de recherche dans ces domaines doivent être encouragés et soutenus à tous les niveaux et la France s'y engage pour sa part.
La deuxième concerne ce formidable outil de travail dont nous disposons, le Code Mondial d'Ethique du Tourisme, qui doit maintenant être mieux connu et surtout appliqué. A cette fin, trois initiatives s'imposent :
- Promouvoir les actions de sensibilisation au tourisme éthique vis à vis des acteurs publics et privés, comme des touristes eux-mêmes. Nous devons tous y contribuer, ministres, professionnels, associations, chacun à son niveau. Mais les politiques publiques et privées doivent y concourir notamment par le développement de l'enseignement et de la formation professionnelle sur le tourisme durable. La France s'y engage.
- Intégrer à part entière le Code mondial d'éthique dans la préparation du sommet de Johannesburg prévu fin août prochain. Cela s'impose d'autant plus que le Code recouvre les mêmes enjeux que ceux du développement durable. La France, en liaison avec le Secrétaire Général de l'OMT et ses collègues européens, s'est engagé à consolider la place officielle du tourisme dans le document préparatoire du Président de la Conférence et dans les débats du Sommet. Une réunion préparatoire des Quinze tenue lundi et mardi à Bruxelles a permis d'avancer sur cette question.
- Accélérer l'application du protocole de mise en oeuvre du Code mondial d'éthique adopté lors de l'Assemblée générale de l'OMT de Séoul et Osaka en septembre 2001. Comme vous le savez, celui-ci prévoit la création d'un mécanisme de suivi et d'évaluation du Code et la mise en place d'une structure de conciliation des litiges. Ce Comité mondial d'éthique, composé de 13 membres indépendants des Etats, désignés par les Commissions régionales de l'OMT sera constitué lors du Conseil exécutif de l'OMT, prévu en juin prochain en Jordanie. La France y proposera non seulement le nom d'une personnalité de renommée internationale pour faire partie de ce Comité, mais aussi une transposition plus étendue du Code mondial d'éthique dans la législation nationale ou dans la déontologie des entreprises des pays signataires de la charte.
Elle a depuis septembre 2000, sa propre charte nationale d'éthique, et oeuvre, avec ses partenaires au sein de l'Union européenne pour la promotion d'un tourisme durable et éthique. Depuis deux ans, c'est une des priorités des Présidences successives de l'Union, qui s'est concrétisée notamment par un projet d'Agenda 21 européen du tourisme. Dans ce cadre la France appuiera les recommandations de la présidence espagnole pour le renforcement de la dimension éthique du tourisme en Europe lors de la réunion informelle des Ministres européens du tourisme qui se tiendra à Santander le 4 mai prochain.
La troisième piste a trait à la mise en place de critères plus sélectifs et de procédures plus adaptées aux exigences du tourisme durable au titre du financement public des projets dans le cadre de la coopération internationale.
Celle-ci a en effet vocation dans ses aspects multilatéraux comme bilatéraux, dans les relations des Organisations intergouvernementales, et des Organisations non gouvernementales comme entre les Etats, et dans les rapports entre les pouvoirs publics et les entreprises, à faire montre d'exemplarité dans le mise en oeuvre des soutiens financiers aux projets touristiques publics et privés. Une exemplarité d'autant plus nécessaire que la suppression des incitations économiques et financières qui encouragent les activités non conformes à l'objectif de durabilité est devenu un enjeu considéré comme prioritaire aux plans européen et international.
La définition de normes et d'indicateurs universels et de règles communes, au regard du développement durable, pour l'examen des demandes de prêts et des attributions d'investissements concernant, les programmes et les projets aux niveaux local, national et international est en cours dans ces grands organismes : l'U.N.E.S.C.O., le Fonds Monétaire International, la Banque mondiale, l'O.C.D.E., l'Organisation Internationale du Travail, le Programme des Nations Unies pour le Développement, et bien sûr celui pour l'Environnement, la C.N.U.C.E.D., la Commission européenne.
Afin de leur faire mieux prendre en compte la spécificité des programmes et des projets touristiques, nous proposons la constitution d'un groupe de travail associant des représentants de ces organisations et des experts, avec le concours de l'Organisation Mondiale du Tourisme, qui en assurerait le secrétariat.
Enfin, cette régulation ne saurait être dissociée d'une politique de coopération solidaire. En effet, la traduction de cette exigence en un programme concret et dans la pratique des bailleurs de fonds internationaux, devra être assortie d'un appui financier et technologique adéquat pour les économies en transition et en développement, en tenant compte de leurs contraintes spécifiques. Cela signifie un renforcement de la politique de coopération et d'aide au développement à partir du tourisme. Les pays développés possèdent l'ingénierie du développement touristique et le savoir-faire et se doivent de les transférer pour promouvoir le tourisme durable et l'écotourisme et les pratiques touristiques alternatives. Notre Secrétariat d'Etat s'efforce de s'y employer dans ses projets bilatéraux tout comme dans sa politique de soutien aux associations de tourisme solidaire.
Mesdames, Messieurs, le tourisme est une activité comme aucune autre. Parce qu'il est à la fois une industrie pour les uns, source de profit, de développement et d'emploi, et un loisir pour les autres, vecteur d'échanges et d'épanouissement personnel, le tourisme est acteur de la mondialisation.
Parce que notre planète est maintenant un village, ou tend à le devenir, nos comportements ici ont des conséquences ailleurs, ou plus tard : la mondialisation rend chacun d'entre nous, qu'il le veuille ou non, plus responsable qu'auparavant.
Et le fait de voyager, de découvrir d'autres territoires, d'autres peuples nous renvoient à nos propres valeurs, celles de nos terroirs et de nos familles : la mondialisation nous fait nous redécouvrir nous-mêmes.
(Source http://www.tourisme.equipement.gouv.fr, le 22 mars 2002)
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les représentants des organisations internationales,
Monsieur le Secrétaire général de l'OMT,
Monsieur le représentant de la Commission européenne,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les représentants socio-professionnels,
Mesdames et Messieurs,
J'ai l'heureux privilège de vous souhaiter la bienvenue et de vous accueillir à ces Rencontres internationales de Paris, dont le thème : "Tourisme, Ethique et Mondialisation", recouvre, chacun ici en conviendra, des enjeux majeurs pour l'avenir de notre monde.
Notre manifestation se situe dans un contexte international profondément marqué par les événements dramatiques du 11 septembre, dont l'onde de choc a particulièrement touché le secteur touristique, mais bien plus profondément, a projeté en avant les questions essentielles sur l'état du monde. La mondialisation non-maîtrisée de ces deux dernières décennies a débouché sur de multiples désordres économiques et socio-culturels : succession de crises financières et économiques, aggravation de déséquilibres économiques et sociaux, accentuation des inégalités entre Etats et à l'intérieur de ceux-ci, paupérisation absolue des 50 pays les moins développés et relative de beaucoup de pays en développement ou en transition, graves atteintes portées à l'environnement et à l'écosystème ; risque d'uniformisation constituant ainsi un défi pour la diversité culturelle du monde.
Ce constat provoque un légitime débat sur la nécessité de réguler, de maîtriser la mondialisation, devenue une donnée incontournable de notre monde interdépendant, pour l'inscrire dans une logique de coopération, de solidarité et d'équité. Il souligne aussi l'urgence d'une autre dynamique du développement, et de la relance de l'action internationale en faveur des pays du SUD et de l'EST dans les domaines notamment de la dette publique et de l'aide publique au développement et grâce aux nouvelles sources de financement. Ce thème sera à l'ordre du jour de la conférence imminente de Monterray sur le financement du développement et du sommet de Johannesburg sur le développement durable en août prochain.
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C'est dans cette perspective qu'il faut situer le rôle et la place de l'industrie du tourisme dans le développement durable. Plus qu'aucune autre, elle peut influencer positivement l'ensemble des clivages planétaires. En effet, comme créatrice de richesse et d'emplois, elle est facteur de développement, de cohésion sociale et de bien-être des populations ; puissant vecteur de rencontres et d'échanges, elle est témoin de la richesse que constitue la diversité culturelle du monde, diversité que l'Unesco vient de qualifier de "patrimoine commun de l'humanité" et porteuse de valeurs humanistes, de solidarité et de paix. Dans la conjoncture présente, elle est la mieux placée pour combattre le sentiment ambiant d'insécurité et pour la reconquête collective de la confiance.
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Certes, il est tout aussi vrai que ce secteur, s'il est mal maîtrisé, peut faire peser des risques sur les économies et les cultures locales, comme sur les équilibres sociaux et environnementaux. C'est pourquoi toute réflexion sur son indispensable relance ne saurait se dissocier de celle concernant sa nécessaire intégration dans une démarche de durabilité, c'est à dire, de responsabilité, de solidarité, d'éthique.
Et cela d'autant plus que l'activité touristique, fondée sur la soif de la découverte et de la liberté, étroitement liée aux besoins de détente et des loisirs, à l'épanouissement individuel ou collectif, est désormais une donnée intégrale de notre temps et destinée à s'accroître considérablement.
Le terme de "tourisme durable" qui recouvre la notion "d'harmonie avec la population, l'environnement et la culture du lieu de telle sorte que son développement se fait constamment à leur profit et non à leur détriment" selon le Conseil de l'Europe n'est plus une abstraction.
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Comme vous le savez, la prise de conscience de la dualité de ce secteur a entraîné, au cours notamment de la dernière décennie, l'élaboration à l'échelle internationale, régionale ou nationale, d'un important corpus de textes visant à appliquer au tourisme les idées principales du développement durable définies lors de la conférence de Rio en 1992.
Un progrès notable a été accompli en 1999 par l'adoption du Code mondial d'éthique du tourisme et repris l'an passé par l'Assemblée générale de l'Onu, textes que la France s'honore d'avoir initié avec d'autres Etats. Désormais une référence, il énonce les principes éthiques qui devraient guider le développement touristique ainsi que les droits et obligations respectifs de tous les acteurs publics et privés du secteur. Seul l'engagement de ces derniers, par apport à ces orientations normatives, permettra que le tourisme évolue de façon équitable et au bénéfice de tous : les Etats, les opérateurs touristiques, les touristes, mais aussi et surtout les populations locales.
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Mais, d'ores et déjà, de multiples initiatives existent, tant publiques que privées, pour promouvoir le développement durable du tourisme et que vous me permettrez de rappeler brièvement. La forte implication des organisations onusiennes, comme l'UNESCO, le PNUE, le PNUD, l'OMT, dont je salue ici la présence, est clairement perceptible, aussi bien à travers les grands projets de conservation de sites culturels ou naturels, que dans les campagnes de promotion du tourisme culturel et bien évidemment écologique, puisque l'ONU a déclaré l'année 2002 "l'année internationale de l'écotourisme".
Au niveau étatique, bien des pays ont adopté des mesures législatives ou réglementaires visant à intégrer la politique du tourisme à l'aménagement du territoire et au développement local. Il existe également dans maints Etats, une législation conforme aux objectifs de développement social : protection de la santé et sécurité des travailleurs, droit des saisonniers, salaires minimaux, retraites... Une cinquantaine de pays ont transposé tout ou partie du Code mondial d'éthique dans leurs législations nationales ou dans les pratiques commerciales de leurs entreprises. En France, nous avons élaboré notre propre charte nationale d'éthique du tourisme, s'inspirant de ce code.
Ici ou là, les communautés locales ont commencé à élaborer et gérer elles-mêmes les projets touristiques. De leur côté, les associations internationales de professionnels du tourisme ont mis en place divers types de dispositifs et créé des labels pour encourager les entreprises à une meilleure gestion environnementale et plus généralement aux "meilleures pratiques". Les formes de tourisme alternatif se développent en réponse à une demande de plus en plus diversifiée. Enfin, les ONG réalisent un important travail de sensibilisation à l'exigence d'un tourisme éthique et responsable.
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Ce foisonnement témoigne du chemin parcouru vers un tourisme respectueux des hommes , des cultures, des économies locales, de la nature et du patrimoine. Mais force est de constater que les progrès demeurent insuffisants et s'avèrent difficilement quantifiables en l'absence, d'une part, des normes internationalement reconnues de publication des résultats et, d'autre part, des mécanismes extérieurs de suivi et d'accréditation permettant d'évaluer la durabilité des prestations touristiques. La mise en application des principes se heurte à plusieurs difficultés qui ont fait l'objet d'analyse, et suscité de nouvelles réflexions et propositions d'action dont il faudra débattre ensemble. Le respect du caractère non contraignant des engagements découlant des Chartes et des Codes exclue-t-il toute régulation ? Ne faudrait-il pas une meilleure prise en compte des critères du développement durable dans le choix et le financement public (subvention et prêts) des projets touristiques, privés ou publics, à tous les niveaux, international,, national ou local ? Je n'évoque là que ces deux questions alors que tant d'autres surgiront de notre discussion. Car toute avancée ne pourrait intervenir que dans le cadre des règles négociées et acceptées par tous.
Ces rencontres, qui réunissent l'ensemble des acteurs aujourd'hui engagés, selon des modalités diverses, dans une démarche de responsabilité, se donnent justement pour ambition de réfléchir, à partir du constat des progrès et de leurs limites, sur les moyens d'améliorer l'efficacité des dispositifs existant, au regard des principes d'éthique et de durabilité, afin d'atteindre l'objectif d'un tourisme maîtrisé et solidaire.
(Source http://www.tourisme.equipement.gouv.fr, le 22 mars 2002)
Discours de clôture de Jacques Brunhes
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les représentants des organisations internationales,
Monsieur le Secrétaire général de l'OMT,
Monsieur le représentant de la Commission européenne,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les représentants socio-professionnels,
Mesdames et Messieurs,
Aux termes de ces débats aussi passionnants que fructueux, je souhaite avant toute chose vous remercier. Remercier mes collègues ministres du tourisme de pays lointains ou plus proches. Remercier les représentants des organisations européennes et internationales, les professionnels du tourisme, les organisations non gouvernementales, les services de l'Etat.
Remercier aussi les organisateurs, les responsables du Salon Mondial du Tourisme ainsi que les groupes Air France et Accor qui ont pris leur part matérielle à la réussite de cette journée.
Remercier les nombreux participants dont la présence nous a montré à quel point le thème de ces Rencontres était pertinent et utile.
Nos travaux ont été riches : riche par la qualité des intervenants, par l'extrême diversité des perspectives d'analyse et des témoignages, par le dialogue avec les participants. Des échanges aussi productifs se prêtent difficilement à une synthèse qui ne soit pas réductrice. Aussi, je m'abstiendrai de cet exercice. Je vous livrerai simplement quelques réflexions et propositions que m'ont inspiré vos travaux et susceptibles de contribuer à répondre à notre recherche : comment progresser dans l'application des principes de durabilité et d'éthique du tourisme auxquels nous croyons ?
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La réussite d'une politique dépend de plusieurs paramètres dont le premier est celui de la volonté. La multitude d'initiatives prises, depuis deux décennies environ, par les acteurs publics et privés, aux niveaux international, régional, national, local - que le document intitulé "Etat des lieux" présente - témoignent d'un consensus quasi universel sur les principes régissant le tourisme durable. Cette volonté partagée s'est renforcée au lendemain des événements dramatiques du 11 septembre qui ont renouvelé la réflexion sur la mondialisation et sur ses modes de régulation. Elle constitue sans doute le plus grand atout pour l'application concrète des principes d'éthique et de durabilité appliqués au tourisme.
Mais bien évidemment, la réussite est aussi fonction des moyens de la politique. Dans le domaine du tourisme durable nous bénéficions de nombreux outils de travail qu'il s'agit de renforcer et de rendre plus opérationnels. Je soumets à votre approbation quelques pistes de travail.
La première concerne l'amélioration de la connaissance du secteur touristique fondée sur des données fiables, sans lesquelles toute avancée reste difficilement quantifiable. Dans ce domaine, des progrès notables ont été accomplis grâce aux comptes satellites du tourisme permettant de disposer de statistiques standardisées et comparables d'un pays à l'autre. La conférence de Vancouver de mai 2001 a fait des recommandions pour leur mise en oeuvre progressive. Mais un effort demeure indispensable dans le champ des études d'impact des projets touristiques, centrées actuellement sur leurs conséquences environnementales, et peu sur leurs impacts sociaux et culturels ou sur les systèmes de valeurs locales qu'il s'agit de préserver. Cela constitue un handicap sérieux pour l'appropriation des démarches touristiques par les populations locales, qui est l'une des conditions essentielles du tourisme éthique. De même la Commission du développement durable de l'ONU a préconisé en avril 1999, la définition des normes internationales de publication et d'évaluation des résultats du tourisme durable, afin de mieux apprécier son bilan. Les travaux de recherche dans ces domaines doivent être encouragés et soutenus à tous les niveaux et la France s'y engage pour sa part.
La deuxième concerne ce formidable outil de travail dont nous disposons, le Code Mondial d'Ethique du Tourisme, qui doit maintenant être mieux connu et surtout appliqué. A cette fin, trois initiatives s'imposent :
- Promouvoir les actions de sensibilisation au tourisme éthique vis à vis des acteurs publics et privés, comme des touristes eux-mêmes. Nous devons tous y contribuer, ministres, professionnels, associations, chacun à son niveau. Mais les politiques publiques et privées doivent y concourir notamment par le développement de l'enseignement et de la formation professionnelle sur le tourisme durable. La France s'y engage.
- Intégrer à part entière le Code mondial d'éthique dans la préparation du sommet de Johannesburg prévu fin août prochain. Cela s'impose d'autant plus que le Code recouvre les mêmes enjeux que ceux du développement durable. La France, en liaison avec le Secrétaire Général de l'OMT et ses collègues européens, s'est engagé à consolider la place officielle du tourisme dans le document préparatoire du Président de la Conférence et dans les débats du Sommet. Une réunion préparatoire des Quinze tenue lundi et mardi à Bruxelles a permis d'avancer sur cette question.
- Accélérer l'application du protocole de mise en oeuvre du Code mondial d'éthique adopté lors de l'Assemblée générale de l'OMT de Séoul et Osaka en septembre 2001. Comme vous le savez, celui-ci prévoit la création d'un mécanisme de suivi et d'évaluation du Code et la mise en place d'une structure de conciliation des litiges. Ce Comité mondial d'éthique, composé de 13 membres indépendants des Etats, désignés par les Commissions régionales de l'OMT sera constitué lors du Conseil exécutif de l'OMT, prévu en juin prochain en Jordanie. La France y proposera non seulement le nom d'une personnalité de renommée internationale pour faire partie de ce Comité, mais aussi une transposition plus étendue du Code mondial d'éthique dans la législation nationale ou dans la déontologie des entreprises des pays signataires de la charte.
Elle a depuis septembre 2000, sa propre charte nationale d'éthique, et oeuvre, avec ses partenaires au sein de l'Union européenne pour la promotion d'un tourisme durable et éthique. Depuis deux ans, c'est une des priorités des Présidences successives de l'Union, qui s'est concrétisée notamment par un projet d'Agenda 21 européen du tourisme. Dans ce cadre la France appuiera les recommandations de la présidence espagnole pour le renforcement de la dimension éthique du tourisme en Europe lors de la réunion informelle des Ministres européens du tourisme qui se tiendra à Santander le 4 mai prochain.
La troisième piste a trait à la mise en place de critères plus sélectifs et de procédures plus adaptées aux exigences du tourisme durable au titre du financement public des projets dans le cadre de la coopération internationale.
Celle-ci a en effet vocation dans ses aspects multilatéraux comme bilatéraux, dans les relations des Organisations intergouvernementales, et des Organisations non gouvernementales comme entre les Etats, et dans les rapports entre les pouvoirs publics et les entreprises, à faire montre d'exemplarité dans le mise en oeuvre des soutiens financiers aux projets touristiques publics et privés. Une exemplarité d'autant plus nécessaire que la suppression des incitations économiques et financières qui encouragent les activités non conformes à l'objectif de durabilité est devenu un enjeu considéré comme prioritaire aux plans européen et international.
La définition de normes et d'indicateurs universels et de règles communes, au regard du développement durable, pour l'examen des demandes de prêts et des attributions d'investissements concernant, les programmes et les projets aux niveaux local, national et international est en cours dans ces grands organismes : l'U.N.E.S.C.O., le Fonds Monétaire International, la Banque mondiale, l'O.C.D.E., l'Organisation Internationale du Travail, le Programme des Nations Unies pour le Développement, et bien sûr celui pour l'Environnement, la C.N.U.C.E.D., la Commission européenne.
Afin de leur faire mieux prendre en compte la spécificité des programmes et des projets touristiques, nous proposons la constitution d'un groupe de travail associant des représentants de ces organisations et des experts, avec le concours de l'Organisation Mondiale du Tourisme, qui en assurerait le secrétariat.
Enfin, cette régulation ne saurait être dissociée d'une politique de coopération solidaire. En effet, la traduction de cette exigence en un programme concret et dans la pratique des bailleurs de fonds internationaux, devra être assortie d'un appui financier et technologique adéquat pour les économies en transition et en développement, en tenant compte de leurs contraintes spécifiques. Cela signifie un renforcement de la politique de coopération et d'aide au développement à partir du tourisme. Les pays développés possèdent l'ingénierie du développement touristique et le savoir-faire et se doivent de les transférer pour promouvoir le tourisme durable et l'écotourisme et les pratiques touristiques alternatives. Notre Secrétariat d'Etat s'efforce de s'y employer dans ses projets bilatéraux tout comme dans sa politique de soutien aux associations de tourisme solidaire.
Mesdames, Messieurs, le tourisme est une activité comme aucune autre. Parce qu'il est à la fois une industrie pour les uns, source de profit, de développement et d'emploi, et un loisir pour les autres, vecteur d'échanges et d'épanouissement personnel, le tourisme est acteur de la mondialisation.
Parce que notre planète est maintenant un village, ou tend à le devenir, nos comportements ici ont des conséquences ailleurs, ou plus tard : la mondialisation rend chacun d'entre nous, qu'il le veuille ou non, plus responsable qu'auparavant.
Et le fait de voyager, de découvrir d'autres territoires, d'autres peuples nous renvoient à nos propres valeurs, celles de nos terroirs et de nos familles : la mondialisation nous fait nous redécouvrir nous-mêmes.
(Source http://www.tourisme.equipement.gouv.fr, le 22 mars 2002)