Déclaration de M. Jean-Pierre Chevènement, candidat du Mouvement des citoyens à l'élection présidentielle 2002, sur ses propositions pour une meilleure prise en charge des personnes handicapées : droit à l'autonomie, développement de l'intégration et de l'accueil des handicapés, y compris en institutions spécialisées, développement de la prévention et la recherche, création d' un secrétariat d'Etat aux personnes handicapées, Kerpape (Morbihan), le 25 février 2002.

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Circonstance : Visite au centre pour handicapés de Kerpape (Morbihan), le 25 février 2002

Texte intégral

La société civile et les personnes handicapées ont connu depuis des siècles, des
relations complexes, largement influencées par les valeurs et philosophies
dominantes, mais aussi par l'histoire.
C'est à partir du XVIIème que " l'infirme " quitte le champ religieux pour devenir une question sociale. La révolution de 1789, la troisième république, la grande guerre, et plus récemment les lois sociales de l'après deuxième guerre mondiale, ont façonné l'approche que la société réserve aux handicapés.
Cette approche a connu plusieurs grandes étapes :
- la charité jusqu'à la révolution
- l'assistance avec la période industrielle
- la réparation à la suite des grandes guerres
- la compensation, en particulier au bénéfice des mutilés du travail
- l'intégration scolaire sociale et économique, portée par les législations des années 1970 et 80
C'est sur ces dernières (lois de 1975 et loi de juillet 1987) que, dans le prolongement du rapport Bloch-Lainé de 1967, se fonde encore aujourd'hui la relation entre handicapé, valide et société.
Ces bases législatives ont permis des avancées réelles ; elles atteignent cependant les limites de leur efficacité : un nouveau débat s'impose, une nouvelle étape est nécessaire pour parvenir à une approche plus simple, plus naturelle, en un mot plus citoyenne de la place des personnes " différentes " dans la cité.
1-Pour le droit à l'autonomie des personnes handicapées.
Les personnes handicapées représentent entre 7 et 12% de la population, selon
les dernières enquêtes de l'INSEE. 2% du PIB est consacré à cette catégorie de
citoyens.
La multiplicité des acteurs est une caractéristique forte de ce secteur. Les administrations concernées sont multiples, les opérateurs sont pour l'essentiel privés, les financements croisés. Les associations y exercent des prérogatives de service public, en tant que gestionnaires de l'ensemble du réseau des établissements médicaux-sociaux.
Cette extrême diversité, tant publique que privée, est sans doute à l'origine de la
grande richesse de ce secteur. Mais c'est aussi sa faiblesse, par l'éparpillement
des responsabilités et des intérêts.
Il n'y a pas de politique concertée et coordonnée. Il n'y a pas d'anticipation et de
programmation. La raison en est simple : il n'a pas été fait de choix clair, tant
par les pouvoirs publics, que par les personnes handicapées, et pas davantage par
la société civile.
Les questions auxquelles il nous faut aujourd'hui répondre sont les suivantes :
- souhaitons-nous une véritable politique d'inclusion dans la société
- souhaitons-nous, au contraire, privilégier l'accueil en institution
- pensons-nous que la solidarité peut subvenir aux déficiences reconnues
- voulons-nous que les personnes handicapés occupent une place à part entière dans une société solidaire.
La réponse proposée passe par l'affirmation du droit à l'autonomie. Ce droit suppose que la personne handicapée soit traitée selon les règles du doit commun.
Elle doit pouvoir exercer librement ses choix de vie, de travail, de déplacement, d'accès aux loisirs, à la culture, et bien entendu pour les plus jeunes avoir accès comme tous les autres, à l'école et à l'université.
2-Il convient par ailleurs, en complément de l'exercice du droit à l'autonomie, de développer l'intégration et l'accueil des jeunes et adultes handicapés.
A l'école, l'accueil doit être la règle (chaque fois que possible et souhaité par les familles). Tout refus d'accueil devrait être justifié par une instance compétente (Commission Départementale d'Education Spécialisée) et rester l'exception.
Dans la cité, il faut concevoir et réaliser un environnement adapté. C'est rendre l'accès des logements, des bâtiments publics, des espaces publics, des modes de transport, accessibles à tous, indépendamment des handicaps. Des efforts particuliers doivent être entrepris dans les domaines de la culture, du tourisme et du sport. Rendre l'environnement accessible est le préalable à l'intégration des personnes handicapées dans la vie de la cité.
Dans le monde du travail, il s'agit de dresser le bilan de la loi du 10 juillet 1987, tant dans le secteur privé que dans le secteur public. L'objectif de 6% d'emploi des personnes handicapées n'est pas atteint. Quelles en sont les raisons, et quels sont les moyens d'y parvenir ??Le secteur protégé est une composante du monde du travail. Il reste néanmoins le parent pauvre, bien qu'accueillant plus de 100 000 personnes handicapées au sein des ateliers protégés et des centre d'aide par le travail. La modernisation de ce secteur est une priorité. Sa mission de préparation et d'intégration dans la vie professionnelle doit être réaffirmée, en permettant à ces établissements de disposer des moyens d'atteindre cet objectif.
3-Repenser l'accueil en institutions spécialisées Jusqu'ici, les institutions spécialisées sont le corollaire de la politique de faible intégration menée à l'égard des personnes handicapées.
Toutefois, dans de nombreux cas, ces établissements demeurent indispensables, pour prendre en charge jeunes et adultes lourdement handicapés.
Ainsi, les dispositifs actuels doivent-ils être repensés, en fonction de leurs relations existantes avec les politiques d'intégration scolaire et d'intégration dans l'emploi.
L'institutionnalisation ne doit plus être entendue comme une mesure de marginalité, mais comme un moyen complémentaire pour l'intégration.
Ces institutions doivent aussi permettre l'exercice d'un droit au répit pour les personnes handicapées en activité professionnelle soit en milieu protégé, soit en milieu ordinaire, afin de leur permettre de retrouver, lorsque c'est nécessaire, un équilibre psychologique et physique compatible avec leur activité. Ceci doit se concevoir sans qu'il y ait rupture du contrat de travail.
La cartographie de ces établissements, leur complémentarité, la notion de filière d'accueil, la programmation des besoins, doit permettre de disposer d'une vraie stratégie de réponse au besoin. Notre pays ne peut accepter que des familles aient recours à des structures d'accueil hors du territoire national, ce qui est souvent le cas aujourd'hui, faute de places suffisantes.
4-Développer la prévention et la recherche
Le handicap est multiple tant par la diversité de ses formes que par ses degrés de gravité. Les solutions à apporter exigent une bonne connaissance de ses évolutions et de ses modes d'apparition.
C'est pourquoi la recherche médicale doit être développée ; des thérapies adaptées et des moyens de prévention efficaces doivent se combiner.
Cet aspect de la politique de santé publique ne peut être assumé seulement par le secteur privé ou par la générosité publique (ex. téléthon...)?Dans le domaine des appareillages et des aides techniques, une politique de recherche est à mener en collaboration avec le monde industriel. La France est trop tributaire des avancées des pays étrangers (Allemagne, pays nordiques, Etats-Unis), alors que nous disposerions de tous les moyens de développer une filière française dans ce domaine de compensation du handicap.
S'agissant du sujet particulier des maladies professionnelles, elles sont étroitement liées aux conditions de travail. Le système de réparation est aujourd'hui bien loin d'être une incitation au développement de la prévention.
Un lien étroit doit exister entre le système de réparation des accidents du travail,
des maladies professionnelles et leur prévention.
L'objectif de ce qui est ici évoqué est de donner toute sa citoyenneté à la personne handicapée, de lui permettre d'exercer ses droits et devoirs en contribuant, à sa mesure, à la vie du pays. Pour marquer l'importance de cette politique, il est envisagé la création d'un secrétariat d'Etat aux personnes handicapées placé directement auprès du Premier Ministre.
(Source http://www.chevenement2002.net, le 26 février 2002)