Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Conseillers,
Mes chers collègues,
Les biotechnologies constituent probablement le défi scientifique majeur des prochaines années. Il s'agit d'un véritable levier de progrès technique pour l'humanité dans de nombreux domaines. L'usage alimentaire de ces technologies avec les Organismes génétiquement modifiés (OGM) est le plus en pointe actuellement.
Mais il ne s'agit pas d'une avancée comme une autre.
En touchant au cur même du vivant, elle nous concerne tous. En mettant en jeu non seulement l'avenir de la filière alimentaire, mais aussi la santé du consommateur, l'équilibre de l'environnement, notre relation à la nature, au progrès, à la science, à l'éthique du vivant, les OGM interpellent tous les citoyens et sont devenus actuellement un véritable débat de société.
L'agriculture a connu dans les cinquante dernières années un progrès technique sans doute équivalent aux cinq siècles précédents. Le croisement des espèces, la mutation des gènes, ne datent pas d'hier. Mais c'est seulement depuis peu que nous prenons conscience de tous les enjeux rattachés à ces techniques. Tous passent par l'agriculture. La maîtrise du cycle de la vie, qu'elle soit animale ou végétale, replace l'agriculture au cur de la société.
Dans ce débat, les agriculteurs sont bien en première ligne : ils contribueront ou non au développement des OGM en les cultivant dans leurs champs. Ils adoptent une approche résolument pragmatique et raisonnée. Ils n'ont pas de réponse toute faite. Ils veulent juste se tenir prêts. Ils veulent avant tout répondre à la demande des consommateurs.
Mais pour les agriculteurs, comme pour les consommateurs, pour avancer, un certain nombre d'incertitudes doivent être levées. Les agriculteurs, comme les consommateurs, veulent des réponses claires et fortes des scientifiques et des politiques car le flou ne profite à personne.
Le débat n'est pas "pour" ou "contre" les OGM, mais comment faire pour que cette technique soit un progrès au service de tous ? Diaboliser les OGM, en opposant la nature et la science, en parlant de "Frankeinstein food", c'est jouer à se faire peur. C'est le plus mauvais service à rendre tant aux consommateurs qu'aux producteurs. Il est trop facile de jeter l'anathème en parlant d'apocalypse alimentaire.
Or dire non aux OGM, par principe, c'est se préparer à subir. Ce serait la pire des solutions! Si les OGM s'imposent dans le monde de demain, avoir d'emblée refusé cette voie revient à préparer la dépendance alimentaire de la France et de l'Europe, face à la puissance américaine et à son effort de recherche colossal. Nous ne devons pas nous faire évincer du marché, ni de la recherche, sous peine de devenir des acteurs de second rang dans l'ordre alimentaire mondial de demain.
Nous ne pouvons pas non plus ignorer les économies d'intrants et les gains de rendements possibles avec les OGM. Regarder dans le rétroviseur n'a jamais été le meilleur moyen de préparer l'avenir. Ce n'est pas en revenant à l'agriculture d'autrefois que nous répondrons mieux aux besoins d'aujourd'hui et de demain.
Pour toutes ces raisons on ne peut écarter les OGM d'un revers de main.
Mais on ne peut non plus faire n'importe quoi. Les agriculteurs sont d'accord avec l'application du principe de précaution. Il faut encadrer les risques sanitaires et environnementaux et donner toutes les garanties aux consommateurs et aux citoyens.
Mais une application maximaliste de ce principe, associée à une communication de panique, produit des effets ravageurs pour les agriculteurs et entretient l'inquiétude des consommateurs. Précaution, oui, inhibition, non. Précaution, oui, mais proportionnalité des mesures face aux risques.
Les agriculteurs, comme les consommateurs, souhaitent qu'un certain nombre d'incertitudes soient levées dans l'évaluation des effets des OGM. C'est le rôle de la recherche.
Pour que nos chercheurs trouvent, leurs moyens doivent être à la hauteur des enjeux.
Et à cette occasion, le groupe agricole condamne sans ambiguïté les actions destructrices menés par certains groupes contre des sites de recherche et s'associe pleinement aux déclarations du Ministre de l'Agriculture et de la Pêche à ce sujet.
Accentuer l'effort de recherche, en France, en Europe, est le meilleur moyen de donner des réponses claires sur les effets réels des OGM. C'est préparer la sortie de l'inquiétude et une meilleure acceptation sociale des OGM.
Pour cela les chercheurs doivent aussi communiquer. Ils sont eux aussi responsables de l'image des OGM dans l'opinion. Ils doivent être les garde-fous du débat public.
Il est d'autre part indispensable d'instaurer un environnement juridique porteur qui préserve la liberté de choix et d'action des agriculteurs et des consommateurs.
Celle des agriculteurs passe par leur indépendance face aux grandes firmes agro-chimiques. La concentration de grands géants industriels, capables d'imposer unilatéralement leurs pratiques commerciales, prive l'agriculteur de ses marges de manuvres. Elle le dépossède de son droit le plus élémentaire : semer pour récolter. Elle l'intègre en fait dans une chaîne au service d'intérêts privés sans contrôle.
Or, personne n'a le droit de s'approprier le vivant.
C'est pourquoi les organisations agricoles veilleront au plus près à la négociation sur les droits de la propriété intellectuelle à l'Organisation mondiale du commerce. Ce dossier est pour nous absolument stratégique. Sortons enfin des rapports de force pour instituer des rapports de droit.
Nous sommes aussi partisans d'une réelle liberté de choix des consommateurs. Il faut s'en donner les moyens. C'est ce qui a poussé les organisations agricoles à défendre un étiquetage clair et une meilleure traçabilité des OGM. Nous saluons les avancées de l'Union Européenne sur cette voie.
Mais beaucoup reste à faire. Il faut aller plus loin dans la détermination des seuils, la transparence et l'étiquetage. Etre extrêmement précautionneux sur la production d'OGM en France et laxiste sur l'étiquetage, revient à faire la part belle aux importations. C'est autoriser un principe de précaution à deux vitesses sans en informer le consommateur. C'est duper le consommateur et pénaliser le producteur européen.
Nous n'avons pas la même éthique du progrès scientifique que les Américains, surtout quand il s'agit d'alimentation. Nous sommes moins confiants dans la science. C'est une donnée, il faut en tenir compte. Et la faire reconnaître à nos partenaires. Nous n'avons pas à nous aligner sur une conception qui n'est pas celle des consommateurs et des citoyens européens. Battons-nous à l'OMC pour faire reconnaître nos exigences sur les OGM.
Le consommateur doit savoir ce qu'il mange. Il doit aussi choisir le contenu de son assiette. C'est pourquoi nous avons pris l'initiative de lancer l'étude d'une filière non-OGM, confiée à l'INRA, en réunissant 34 organisations de toute la filière alimentaire jusqu'au consommateur.
Mes chers collègues, sur les OGM, les maîtres mots sont : pragmatisme, transparence, concertation.
Agriculteurs, industriels, distributeurs, scientifiques, politiques, consommateurs, citoyens : c'est tous ensemble que nous pourrons avancer vers des solutions économiquement réalistes, socialement profitables, éthiquement acceptables.
Provoquer des peurs de fin de siècle est le meilleur moyen de reculer. Ne refusons pas le progrès. Une invention n'est ni bonne ni mauvaise en soi. Tout dépend de l'usage qui en est fait.
Continuons à avancer, au cas par cas, tout en définissant ensemble une éthique du progrès, une éthique du vivant.
Le progrès ne vaut que s'il est acceptable et accepté par tous.
Voilà mes chers collègues ce que je voulais développer devant vous aujourd'hui. Je voudrais également souligner l'originalité de la collaboration entre la section de l'agriculture et de l'alimentation et celle des activités productives, de la recherche et de la technologie. Cette complémentarité a pleinement contribué à l'ouverture et à l'élargissement de la prise de position de notre Assemblée, en évitant qu'on sépare d'un côté les biotechnologies acceptables et de l'autre, les OGM alimentaires : les deux forment un tout, c'est l'ensemble de ces biotechnologies qu'il faut appréhender.
J'apporte, au nom du groupe agricole, notre soutien au présent rapport, car la complémentarité de la réflexion des deux sections a été le meilleur gage d'un travail approfondi, prenant mieux en compte la diversité des enjeux liés aux OGM.
Le Conseil Economique et Social contribue ainsi pleinement à éclairer le débat public sur une question essentielle pour tous les citoyens.
Nous voterons donc en faveur du projet d'avis.
Je vous remercie.
(Source http://www.fnsea.fr, le 12 février 2001)
Monsieur le Ministre,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Conseillers,
Mes chers collègues,
Les biotechnologies constituent probablement le défi scientifique majeur des prochaines années. Il s'agit d'un véritable levier de progrès technique pour l'humanité dans de nombreux domaines. L'usage alimentaire de ces technologies avec les Organismes génétiquement modifiés (OGM) est le plus en pointe actuellement.
Mais il ne s'agit pas d'une avancée comme une autre.
En touchant au cur même du vivant, elle nous concerne tous. En mettant en jeu non seulement l'avenir de la filière alimentaire, mais aussi la santé du consommateur, l'équilibre de l'environnement, notre relation à la nature, au progrès, à la science, à l'éthique du vivant, les OGM interpellent tous les citoyens et sont devenus actuellement un véritable débat de société.
L'agriculture a connu dans les cinquante dernières années un progrès technique sans doute équivalent aux cinq siècles précédents. Le croisement des espèces, la mutation des gènes, ne datent pas d'hier. Mais c'est seulement depuis peu que nous prenons conscience de tous les enjeux rattachés à ces techniques. Tous passent par l'agriculture. La maîtrise du cycle de la vie, qu'elle soit animale ou végétale, replace l'agriculture au cur de la société.
Dans ce débat, les agriculteurs sont bien en première ligne : ils contribueront ou non au développement des OGM en les cultivant dans leurs champs. Ils adoptent une approche résolument pragmatique et raisonnée. Ils n'ont pas de réponse toute faite. Ils veulent juste se tenir prêts. Ils veulent avant tout répondre à la demande des consommateurs.
Mais pour les agriculteurs, comme pour les consommateurs, pour avancer, un certain nombre d'incertitudes doivent être levées. Les agriculteurs, comme les consommateurs, veulent des réponses claires et fortes des scientifiques et des politiques car le flou ne profite à personne.
Le débat n'est pas "pour" ou "contre" les OGM, mais comment faire pour que cette technique soit un progrès au service de tous ? Diaboliser les OGM, en opposant la nature et la science, en parlant de "Frankeinstein food", c'est jouer à se faire peur. C'est le plus mauvais service à rendre tant aux consommateurs qu'aux producteurs. Il est trop facile de jeter l'anathème en parlant d'apocalypse alimentaire.
Or dire non aux OGM, par principe, c'est se préparer à subir. Ce serait la pire des solutions! Si les OGM s'imposent dans le monde de demain, avoir d'emblée refusé cette voie revient à préparer la dépendance alimentaire de la France et de l'Europe, face à la puissance américaine et à son effort de recherche colossal. Nous ne devons pas nous faire évincer du marché, ni de la recherche, sous peine de devenir des acteurs de second rang dans l'ordre alimentaire mondial de demain.
Nous ne pouvons pas non plus ignorer les économies d'intrants et les gains de rendements possibles avec les OGM. Regarder dans le rétroviseur n'a jamais été le meilleur moyen de préparer l'avenir. Ce n'est pas en revenant à l'agriculture d'autrefois que nous répondrons mieux aux besoins d'aujourd'hui et de demain.
Pour toutes ces raisons on ne peut écarter les OGM d'un revers de main.
Mais on ne peut non plus faire n'importe quoi. Les agriculteurs sont d'accord avec l'application du principe de précaution. Il faut encadrer les risques sanitaires et environnementaux et donner toutes les garanties aux consommateurs et aux citoyens.
Mais une application maximaliste de ce principe, associée à une communication de panique, produit des effets ravageurs pour les agriculteurs et entretient l'inquiétude des consommateurs. Précaution, oui, inhibition, non. Précaution, oui, mais proportionnalité des mesures face aux risques.
Les agriculteurs, comme les consommateurs, souhaitent qu'un certain nombre d'incertitudes soient levées dans l'évaluation des effets des OGM. C'est le rôle de la recherche.
Pour que nos chercheurs trouvent, leurs moyens doivent être à la hauteur des enjeux.
Et à cette occasion, le groupe agricole condamne sans ambiguïté les actions destructrices menés par certains groupes contre des sites de recherche et s'associe pleinement aux déclarations du Ministre de l'Agriculture et de la Pêche à ce sujet.
Accentuer l'effort de recherche, en France, en Europe, est le meilleur moyen de donner des réponses claires sur les effets réels des OGM. C'est préparer la sortie de l'inquiétude et une meilleure acceptation sociale des OGM.
Pour cela les chercheurs doivent aussi communiquer. Ils sont eux aussi responsables de l'image des OGM dans l'opinion. Ils doivent être les garde-fous du débat public.
Il est d'autre part indispensable d'instaurer un environnement juridique porteur qui préserve la liberté de choix et d'action des agriculteurs et des consommateurs.
Celle des agriculteurs passe par leur indépendance face aux grandes firmes agro-chimiques. La concentration de grands géants industriels, capables d'imposer unilatéralement leurs pratiques commerciales, prive l'agriculteur de ses marges de manuvres. Elle le dépossède de son droit le plus élémentaire : semer pour récolter. Elle l'intègre en fait dans une chaîne au service d'intérêts privés sans contrôle.
Or, personne n'a le droit de s'approprier le vivant.
C'est pourquoi les organisations agricoles veilleront au plus près à la négociation sur les droits de la propriété intellectuelle à l'Organisation mondiale du commerce. Ce dossier est pour nous absolument stratégique. Sortons enfin des rapports de force pour instituer des rapports de droit.
Nous sommes aussi partisans d'une réelle liberté de choix des consommateurs. Il faut s'en donner les moyens. C'est ce qui a poussé les organisations agricoles à défendre un étiquetage clair et une meilleure traçabilité des OGM. Nous saluons les avancées de l'Union Européenne sur cette voie.
Mais beaucoup reste à faire. Il faut aller plus loin dans la détermination des seuils, la transparence et l'étiquetage. Etre extrêmement précautionneux sur la production d'OGM en France et laxiste sur l'étiquetage, revient à faire la part belle aux importations. C'est autoriser un principe de précaution à deux vitesses sans en informer le consommateur. C'est duper le consommateur et pénaliser le producteur européen.
Nous n'avons pas la même éthique du progrès scientifique que les Américains, surtout quand il s'agit d'alimentation. Nous sommes moins confiants dans la science. C'est une donnée, il faut en tenir compte. Et la faire reconnaître à nos partenaires. Nous n'avons pas à nous aligner sur une conception qui n'est pas celle des consommateurs et des citoyens européens. Battons-nous à l'OMC pour faire reconnaître nos exigences sur les OGM.
Le consommateur doit savoir ce qu'il mange. Il doit aussi choisir le contenu de son assiette. C'est pourquoi nous avons pris l'initiative de lancer l'étude d'une filière non-OGM, confiée à l'INRA, en réunissant 34 organisations de toute la filière alimentaire jusqu'au consommateur.
Mes chers collègues, sur les OGM, les maîtres mots sont : pragmatisme, transparence, concertation.
Agriculteurs, industriels, distributeurs, scientifiques, politiques, consommateurs, citoyens : c'est tous ensemble que nous pourrons avancer vers des solutions économiquement réalistes, socialement profitables, éthiquement acceptables.
Provoquer des peurs de fin de siècle est le meilleur moyen de reculer. Ne refusons pas le progrès. Une invention n'est ni bonne ni mauvaise en soi. Tout dépend de l'usage qui en est fait.
Continuons à avancer, au cas par cas, tout en définissant ensemble une éthique du progrès, une éthique du vivant.
Le progrès ne vaut que s'il est acceptable et accepté par tous.
Voilà mes chers collègues ce que je voulais développer devant vous aujourd'hui. Je voudrais également souligner l'originalité de la collaboration entre la section de l'agriculture et de l'alimentation et celle des activités productives, de la recherche et de la technologie. Cette complémentarité a pleinement contribué à l'ouverture et à l'élargissement de la prise de position de notre Assemblée, en évitant qu'on sépare d'un côté les biotechnologies acceptables et de l'autre, les OGM alimentaires : les deux forment un tout, c'est l'ensemble de ces biotechnologies qu'il faut appréhender.
J'apporte, au nom du groupe agricole, notre soutien au présent rapport, car la complémentarité de la réflexion des deux sections a été le meilleur gage d'un travail approfondi, prenant mieux en compte la diversité des enjeux liés aux OGM.
Le Conseil Economique et Social contribue ainsi pleinement à éclairer le débat public sur une question essentielle pour tous les citoyens.
Nous voterons donc en faveur du projet d'avis.
Je vous remercie.
(Source http://www.fnsea.fr, le 12 février 2001)