Texte intégral
Monsieur le Ministre,
Madame le représentant du Président de la République,
Messieurs les représentants du Premier Ministre,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mes chers amis,
Monsieur le Ministre, c'est votre premier Congrès de la FNSEA. On peut dire que vous tombez bien !
Vous avez devant vous des agriculteurs de toutes les régions, de toutes les productions. Ils sont tous là ! Pourtant que n'a-t-on pas entendu sur le refrain des petits et des gros, dans la bouche de certains de vos amis !
Nous sommes divers, pluriels, nous le savons, nous nous en réclamons, car cette diversité, c'est justement notre force !
Répondant au serment de l'unité paysanne, dès son origine en 1946, la FNSEA a fait le pari de l'unité dans la diversité. Nous avons fait le pari de construire l'unité syndicale et la solidarité professionnelle à partir de cette diversité. Et nous y tenons !
Même si ce n'est pas toujours facile ! C'est le cur de notre identité et de notre démocratie interne. C'est la base de notre fonctionnement syndical. C'est ce qui nous a permis de rester une profession fortement syndiquée à la différence de tant d'autres, selon la formule : "plus il y a de syndicats, moins il y a de syndiqués"ou l'inverse !
Cette force syndicale est une chance pour la profession agricole. Les agriculteurs s'y retrouvent et notre représentativité n'est plus à démontrer.
Depuis 20 ans, les gouvernements successifs, jusqu'au vôtre, nous disent que les syndicats doivent jouer pleinement leur rôle dans le pays.
Nous y sommes prêts à la FNSEA. Alors, pourquoi dans le même temps, nous met-on des bâtons dans les roues ? Qui croire ?
Alors, je vous le répète comme à vos prédécesseurs car vous êtes depuis peu ministre de l'Agriculture. Si vous la pratiquez assez longtemps, vous apprécierez cette coopération que certains appellent la cogestion et à laquelle nous sommes particulièrement attachés. Et si le terme de cogestion vous fâche, faisons-la sans le dire ! C'est mieux que de le dire sans le faire!
Et pour pratiquer depuis pas mal d'années ce travail commun, je rappelle aussi à tous ceux qui nous envient, qui revendiquent la cogestion pour eux-mêmes ou qui nous la contestent, qu'il faut d'abord la mériter ! Il faut l'intégrer dans sa culture, dans ses responsabilités ! Il faut faire la preuve de sa représentativité, sur le terrain !
Et à ce propos, Monsieur le Ministre, en plus de la représentativité officielle, il faut reconnaître le "fait majoritaire" et le "fait minoritaire" ! Le Premier ministre m'a dit qu'il partageait cette position.
Alors monsieur Glavany, respectez, vous aussi, la majorité que nous représentons ! Il ne faut pas détruire les mécanismes de gestion existants, notamment les interprofessions, sinon la profession agricole risquerait de perdre toute marge de manuvre.
Vous avez devant vous, Monsieur le Ministre, des syndicalistes, des militants, des femmes et des hommes de conviction. Nos débats à Versailles ont été animés et c'est tant mieux ! C'est la meilleure preuve de la vitalité de notre syndicat. Mais nous nous rejoignons sur ce que doit être le métier d'agriculteur et notre rôle dans la société.
En pleine réforme de la PAC, nous avons voulu faire le point sur le type d'agriculture que nous défendons. Quelle agriculture dans les années 2000, avec quels agriculteurs ?
Pour nous, les agriculteurs doivent rester des responsables économiques qui continuent à tirer l'essentiel de leurs revenus du prix de leurs produits. C'est une question de revenu, mais c'est aussi une question de dignité !
Nous préférons vivre des prix plutôt que des primes ! Il faut que les agriculteurs, tous les agriculteurs, quelles que soient leurs productions ou leurs régions, puissent vivre de leur métier!
Nous savons que cela passe par des efforts de solidarité, par des choix politiques clairs, par la maîtrise de la production. C'est ce que nous défendons sur la production porcine. Et je rappelle que ce n'est pas d'aujourd'hui que nous parlons de maîtrise. Dès notre congrès d'Angers, en 1991 nous l'avons défendue. Ce n'est pas un ralliement de circonstance, c'est une orientation syndicale !
Alors Monsieur le ministre, où en est-on de la maîtrise européenne sur le porc? Je sais que vous avez poussé le dossier, mais ce n'est pas avec des cours de 5 à 6 francs que les éleveurs seront tirés d'affaire !
Oui, nous voulons vivre de notre métier et en vivre en entrepreneurs. Oui, nous voulons garder la maîtrise de notre outil de travail et décider de notre stratégie de production et de commercialisation ! Nous devons tous avoir notre chance ! C'est ce qui nous conduit à refuser l'intégration et l'ultralibéralisme qui nous y conduit tout droit !
Nous disons non à l'intégration, mais la FNSEA défend tous les agriculteurs, intégrés ou non ! Et en aviculture cela commence par le respect des contrats signés par les industriels avec les producteurs !
Pour nous, l'Homme doit avoir toute sa place, dans l'entreprise, comme dans la société.
Des exploitations nombreuses, à taille humaine, réparties sur tout le territoire : voilà notre choix!
C'est pourquoi nous voulons une politique d'installation et une politique des structures car nous refusons de choisir entre la disparition et l'agrandissement !
C'est pourquoi nous voulons à la fois des marchés organisés et une véritable politique des prix !
C'est ainsi que les agriculteurs resteront des acteurs économiques à part entière, tout en jouant pleinement leur rôle dans la société.
Nous faisons le choix d'une agriculture multifonctionnelle qui correspond à la fois à l'idée que nous avons de notre métier et à la demande de la société.
Alors bien sûr ces débats sur la multifonctionnalité mettent du temps à avancer, mais n'oublions pas pour autant le chemin parcouru ! La multifonctionnalité, nous avons commencé à y travailler à partir de notre congrès de Besançon. Nous avons approfondi cette orientation à Toulouse en 1997. A nous tous de continuer !
Notre politique, c'est celle du modèle agricole européen. Ne nous alignons pas sur le modèle américain sous le prétexte de libéraliser les échanges !
Cette politique justifie une réelle préférence communautaire, le maintien de prix rémunérateurs, des organisations communes de marchés renforcées avec un budget à la hauteur des ambitions de la PAC.
Alors sur les économies, l'opinion doit savoir la vérité : 0,5% du PIB européen pour assurer toutes les fonctions de l'agriculture, c'est un bon investissement !
Voilà le modèle agricole européen sur lequel nous nous retrouvons. Il est partagé par les agriculteurs d'Europe, et nous en avons eu la preuve ce matin avec nos collègues européens. Nous l'avons défendu, en France, en Europe et il a été repris par les ministres de l'agriculture, par les chefs d'Etat et de gouvernement.
Et ce modèle, le Commissaire Fischler l'a pourtant refusé !
Nous n'admettons pas que l'Agenda 2000 démolisse le modèle agricole européen, à coup de baisse systématique des prix, de démantèlement des OCM, ou de renationalisation rampante !
Comment les Commissaires et les Ministres comptent-ils expliquer à l'opinion un tel écart entre les discours et les actes ?
Alors que nous avions condamné les propositions de la Commission, le conseil agricole, loin de rectifier le tir, a cautionné cette logique destructrice. A tel point que M. Fischler a salué la réforme la plus complète à ce jour, de la PAC !
Vraiment, nous sommes loin du Commissaire frais émoulu qui débarquait en 1995, en pensant plus aux géraniums autrichiens qu'à l'économie mondiale ! Quel revirement en si peu d'années ! Cinq ans de technocratie Bruxelloise, ça nous donne un ultralibéral en chapeau tyrolien !
Nous ne pouvons pas accepter que M. Fischler se félicite bruyamment du compromis allemand sur la réforme de la PAC ! Les agriculteurs eux, mesurent trop bien les conséquences concrètes sur leur exploitations et leurs revenus : des baisses de prix, des compensations partielles, de l'affaiblissement des OCM!
Déjà que les aides dues ne sont pas toujours versées en temps et en heure ! C'est intolérable!
Alors vraiment la démission du Commissaire Fischler ne nous fait pas pleurer !
Monsieur le ministre, derrière les chiffres, derrière les marchandages de prix et de soutien, il s'agit du destin d'hommes et de femmes et de l'avenir de leurs enfants !
Le compromis signé à Bruxelles les menace gravement ! De compromis en compromis, c'est l'avenir des agriculteurs qu'on compromet !
Certes la discussion a permis quelques avancées sur : l'élevage bovin extensif, le troupeau allaitant, la base maïs, les pratiques nologiques.
Les agriculteurs, mobilisés en France et en Europe, y sont pour quelque chose ! 50 000 agriculteurs européens à Bruxelles ! 2000 actions syndicales, toutes les productions, toutes les régions, tous les départements, tous les cantons mobilisés !
Et encore ce matin, la démonstration de la mobilisation a été faite ! Et vous allez voir la suite ! Le 19 à Montpellier, le 21 à Clermont, le 23 dans toutes le préfectures ! Et la FNSEA sera présente le 24 à Berlin !
Oui nous devons nous mobiliser car nous sommes encore loin du compte !
Oui nous sommes mobilisés, car nous refusons une réforme toujours basée sur la baisse systématique des prix !
Oui nous sommes mobilisés, car nous refusons le démantèlement des OCM et de la politique agricole commune !
Oui nous sommes mobilisés, car nous refusons une réforme incohérente et dangereuse !
- Incohérente : on nous parle d'économies et on nous propose une réforme trop coûteuse à coup de baisses des prix et d'aides compensatoires !
- Incohérente : on nous parle de multifonctionnalité, tout en nous alignant systématiquement sur des prix mondiaux qui vont laminer des pans entiers de notre agriculture ! Jusqu'où ira-t-on avec une viande bovine à 8 ou 10 F le kilo comme en Argentine? Avec combien de survivants ? Nous ne danserons pas le tango sur le Titanic !
- Incohérente : on nous parle de démanteler nos OCM, de réduire notre budget quand les Etats-Unis décident au contraire de soutenir leur agriculture, de mettre des filets de sécurité ? A ce rythme, on pourra bientôt se demander de quel coté de l'Atlantique sont les plus libéraux !
Danger pour nos revenus !
Danger pour l'équilibre économique de nos exploitations !
Danger pour le type d'agriculture que nous défendons !
C'est une politique que ne veulent :
- Ni les producteurs, car nous refusons de dépendre entièrement des aides. Comment rester des entrepreneurs quand les aides représenteront 150% ou plus de notre revenu ?
- Ni les contribuables, car comment leur dire de payer plus pour une réforme que nous ne voulons pas ?
- Ni les consommateurs, car ils ne bénéficieront même pas de la baisse des prix à la production !
Alors, la Commission veut-elle remplir les poches des patrons de la grande distribution ? Ils ne sont sans doute pas assez riches eux qui sont déjà au hit-parade des fortunes françaises !
Et n'oublions pas que contrairement à ce que disent les Américains, nos agriculteurs sont moins aidés que les leurs ! 270 Milliards de francs pour 7 millions d'agriculteurs en Europe, contre 140 Milliards pour 1,7 millions d'exploitants aux Etats-Unis !
Ca fait deux fois moins d'aides par agriculteur en Europe ! Voilà la vérité des chiffres ! Alors nous n'avons pas de leçons à recevoir des Américains !
Nos prix doivent d'abord couvrir nos coûts. Peut-on proposer un alignement des salaires européens sur le SMIC mondial ? A un dollar ou un euro par jour ? Soyons sérieux !
Peut-on offrir aux consommateurs des produits européens à un prix mondial ? Nos exigences de qualité, nos normes sanitaires, sociales, environnementales, ne nous le permettent pas ! Et les consommateurs, réticents sur la viande aux hormones, prudents sur les OGM, ne le veulent pas non plus !
Ces exigences doivent se retrouver dans nos prix. Elles doivent être prises en considération dans les prochaines négociations de l'OMC. Elles justifient la préférence communautaire. Nous n'avons pas à nous aligner sur le moins-disant mondial !
La compétitivité, oui, mais pas au risque de sacrifier des pans entiers de notre agriculture ! Quand le remède est pire que le mal, il faut changer de médecine ! Et même aujourd'hui, de médecin !
Et caler la stratégie de l'Europe sur le marché mondial, pour toutes les productions, c'est oublier que les exportations ne représentent que 12% de nos débouchés sur le lait comme sur la viande bovine !
Mal engagée, la négociation a aussi été mal conduite. Le PACS qu'ont signé messieurs Fischler et Funke, les dupont et dupond de la négociation, n'a pas permis aux politiques de reprendre la main à la Commission.
A la guerre de tranchée, où chacun campait sur ses positions, a succédé une guerre de mouvement, où chacun s'est dit pressé de conclure. C'est ainsi que nous avons abouti à un compromis que nous rejetons catégoriquement.
Ce n'est pas à coup de baisse des prix que l'équilibre des marchés sera assuré ! C'est l'ensemble des leviers de régulation qu'il faut utiliser !
Pour le lait, nous n'acceptons pas le démantèlement de la politique laitière avec la baisse de 15% du prix. Gagner du temps en maintenant les quotas jusqu'en 2006, oui, mais cela ne suffit pas. En cumulant l'augmentation des quotas et la baisse du prix, la réforme menace déjà l'équilibre du marché et déstabilise la filière. Cette réforme est inutile, dangereuse et coûteuse.
Alors pourquoi un tel choix alors que la politique laitière, sans coûter cher à la PAC, a permis d'équilibrer le marché, d'installer des jeunes et d'aménager le territoire ? Et bravo pour le combat exemplaire de nos producteurs pour les prix, en Europe et dans le cadre de l'interprofession !
Pour la viande bovine, nous n'acceptons pas un niveau d'intervention publique trop bas pour protéger tous les éleveurs en cas de crise et une baisse des prix déstabilisante pour la filière. Il ne faut pas compromettre les efforts remarquables des éleveurs sur la traçabilité ! Et le trou de l'herbe monsieur le Ministre ? Il n'est toujours pas comblé ! C'est inadmissible !
Pour les céréales, nous n'acceptons pas la baisse exagérée de 20% des prix, compensée seulement à moitié. Surtout qu'elle aboutirait à baisser la garde sur notre marché intérieur ! Nous n'acceptons pas la suppression des majorations mensuelles !
Ni le démantèlement programmé de la spécificité oléagineuse ! Elle accentuerait encore notre dépendance en protéines, surtout que la spécificité protéagineuse n'a pas été assez reconnue !
Ces propositions menacent gravement l'équilibre de régions entières, qu'il s'agisse des zones céréalières, comme des régions d'élevage.
Cette réforme de la PAC tourne délibérément le dos à l'équilibre des hommes, des produits et des territoires.
A la FNSEA, nos débats ont été vifs sur la modulation et le plafonnement. Pour nous, si modulation et plafonnement il doit y avoir, ce ne peut être que dans le cadre européen. Nous refusons une modulation nationale qui aboutirait à des distorsions de concurrence déstabilisantes. Quant au plafonnement européen, si le compromis l'a abandonné, ce n'est pas de notre fait !
Vous nous dites Monsieur le Ministre, que vous n'avez pas voté ce compromis. Vous exprimez des réserves puisque la dégressivité n'a pas été abordée. Vous renvoyez la balle aux chefs d'Etat et de gouvernement. Mais vos réserves ne portent que sur le volet financier !
Avez-vous fait des réserves formelles sur tous les sujets qui inquiètent les agriculteurs ? Je n'ai pas vu de condamnation ferme des propositions laitières, ni de l'abandon des majorations mensuelles, ni de la spécificité oléagineuse, ni du trou de l'herbe, ni de l'abandon de la distillation !
Tout cela est pourtant de votre responsabilité de ministre de l'agriculture !
Votre position me fait penser à cette phrase de Coluche : "je ne suis ni pour, ni contre, tout le contraire !"
Les agriculteurs européens, malgré les petits cadeaux de dernière minute qui tomberont du ciel, sont conscients que cette réforme entraînera la baisse des revenus et dans les grandes largeurs ! 6,5 milliards d'euro en fin de réforme selon le COPA !
C'est sur la base de ce compromis agricole que sera discutée la réforme ! A votre corps défendant, peut-être, mais le mal est fait !
Alors sachez-le monsieur le ministre, les agriculteurs n'accepteront pas l'inacceptable !
Les ministres européens, et particulièrement la France, en porteraient l'écrasante responsabilité devant les consommateurs et les citoyens !
Qu'allez-vous leur répondre lorsqu'ils vous demanderont : "messieurs les politiques, qu'avez-vous fait de nos agriculteurs? Qu'avez- vous fait de notre alimentation, de nos paysages?"
Dans ces conditions, ne chargez pas davantage la barque avec la dégressivité des aides ! Nous aurions pu l'envisager si la baisse des prix avait été limitée et intégralement compensée. C'est loin d'être le cas ! Avec ce niveau de baisse des prix et une compensation partielle pour toutes les productions, la dégressivité est déjà acquise.
N'en rajoutez pas ! Surtout que ces messieurs de la Commission ont transformé votre proposition que nous étions prêts à discuter. En ne tenant pas compte des différences de productivité entre filières, elle a réduit la dégressivité à une machine à baisser les aides ! C'est inacceptable!
Pour faire des économies, rien de plus simple ! Commencez par éviter la réforme laitière ! huit milliards d'euros économisés, ce n'est pas rien ! Et ce n'est pas seulement aux agriculteurs français de faire des sacrifices ! Tous les pays doivent faire un effort ! L'Italie sur la TVA, l'Espagne et la Grèce sur les fonds structurels, le Royaume Uni sur son chèque, l'Allemagne sur ses exigences.
L'agriculture française, l'agriculture européenne, sont en danger. Nous demandons aux chefs d'Etat et de gouvernement de redresser la barre pour préserver l'avenir de la PAC et la pérennité de nos productions. Il est encore temps d'éviter que la "guerre éclair" entamée à Bruxelles et conclue à Berlin ne débouche sur la fin de l'agriculture européenne!
Santer est par terre et Fischler est en l'air ! Alors aux politiques de reprendre la main !
Nous attendons des chefs d'Etat et de gouvernements, qu'ils redonnent une perspective à la politique agricole commune, autour du modèle agricole européen.
Profitons de la démission de la Commission pour redonner du sens à l'Europe et dans l'Europe, à la PAC ! Ce qui aurait du être fait avant les propositions de Bruxelles, ce que messieurs Fischler et Santer n'ont pas su ou voulu faire, monsieur le Président de la République, monsieur le Premier ministre, monsieur le chancelier Schröder, c'est le moment de le faire ! Il n'est jamais trop tard pour mieux faire !
Et nous transmettrons nos propositions au Président de la République, au premier ministre, et au chancelier allemand, dans les heures qui viennent !
Aux chefs d'Etat et de gouvernement de rappeler que l'Europe ce n'est pas seulement un solde budgétaire, mais aussi un projet politique, une grande puissance économique, une volonté collective pour la paix, pour la prospérité, un destin commun, une culture, une identité !
Alors à Berlin nous attendons d'eux qu'ils expriment une véritable ambition, pour l'Europe, pour l'agriculture !
La PAC est un choix politique. Le choix d'une agriculture nombreuse, d'un mode de consommation à l'européenne et de l'équilibre hommes produits territoires. Ce choix des Européens est irréductible et ne doit pas être bradé par le jeu du marché. Il justifie la régulation des marchés. A nos politiques de le rappeler !
Qu'ils se rappellent donc que dans "PAC" il y a trois mots : "politique", "agricole", "commune"!
Parler d'agriculture, c'est parler de l'Europe. Première politique européenne, la PAC a construit l'Europe. Et ce n'est pas un hasard si ce sont justement les agriculteurs, européens convaincus, qui ont dénoncé les risques du cofinancement pour la construction européenne.
Ce combat contre le cofinancement, nous l'avons mené au nom de l'Europe ! S'engager dans cette voie, serait signer un formidable retour en arrière, à contre courant de l'Histoire, alors que l'euro vient de parachever le marché unique. La France a refusé cette perspective, nous le saluons, mais c'est à Berlin le 24 mars que nous jugerons de sa fermeté !
A l'Europe de s'affirmer sur les marchés. D'abord en défendant son marché intérieur, premier marché de consommateurs solvables. Ne soyons pas naïfs face aux Américains !
Ensuite, il y a l'exportation ! Des produits transformés comme des produits de base, car nous pouvons faire flèche de tout bois, surtout en France !
Et battons-nous aussi avec nos armes : pas seulement les prix mais aussi sur la qualité, nos terroirs, nos AOC, nos labels ! Et sur tous les segments de marchés, comme aussi sur le bio nous devons être présents ! Si les consommateurs en demandent, à nous d'en produire plutôt que d'en importer!
On ne préparera pas les prochaines négociations de l'Organisation mondiale du commerce avec l'Agenda 2000 en nous alignant sur le modèle américain ! Ne soyons pas en position de défense ! C'est en revendiquant notre modèle agricole européen que nous pourrons mener l'offensive !
On ne marchande pas son identité ! Ne vendons pas notre âme !
Nous n'avons pas à accepter sous prétexte de libéralisation des échanges, que les Etats-Unis imposent au monde leur dictature commerciale ! A l'Europe de refuser leur hégémonie comme nous le faisons sur la banane, sur les hormones!
Les Etats-Unis qui ne produisent pas un kilo de bananes voudraient nous imposer leur loi ? Non! Pendant qu'ils font la politique de leurs multinationales, nous, nous défendons nos producteurs !
Voilà la différence entre l'Europe et les Etats-Unis ! Voilà une différence politique à affirmer ! Entre le vieux continent et le nouveau, l'Histoire ça pèse ne l'oublions pas ! L'Europe s'engage dans le développement des ACP, pendant que les Américains payent leurs ouvriers un dollar l'heure !
Alors si la mondialisation c'est la politique des multinationales, nous n'en voulons pas !
Et je salue le combat syndical de nos fédérations des DOM sur la banane, leur détermination, leur responsabilité. Ils ont tout mon soutien comme je leur ai dit quand je suis passé dans les Antilles !
Alors monsieur le ministre, il faut être solidaire de nos producteurs des Antilles! 30 000 emplois sur la banane ! C'est l'équilibre de ces départements qui est en jeu ! Et c'est toute l'agriculture qui y contribue !
Que nos dirigeants se préparent à la négociation! Les Américains préparent déjà la bataille de Seattle ? Eh bien, qu'ils le sachent, nous aussi, et je vous affirme que nous serons présents ! Et j'appelle les producteurs, les transformateurs et même les consommateurs à faire alliance pour défendre ensemble notre alimentation, la qualité, la sécurité des produits, la volonté de l'Europe de participer à l'équilibre alimentaire mondial !
Aux Européens de brandir l'étendard contre l'hégémonie américaine ! Dans ce combat nous pouvons trouver des alliés, comme le Japon, prêt lui aussi à contester le diktat américain ! Et peut-être même sur le continent américain, le Canada et le Mexique !
Alors non à l'alignement sur les Etats-Unis.
Oui, l'Europe peut continuer de mener une politique commune en agriculture et elle doit le faire !
Nous défendons à la FNSEA une politique des hommes, des produits, des territoires.
Une politique des hommes, à travers l'installation, la politique socio-structurelle.
Une politique des produits :
- des prix rémunérateurs
- des OCM modernisées, consolidées
- des stratégies adaptées à chaque production.
Une politique des territoires, avec :
- une prime de base à l'hectare, comme nous l'avons proposé à Toulouse et à Clermont-Ferrand,
- une compensation des handicaps naturels préservant la spécificité des zones de montagne,
- une politique de développement rural qui reconnaît pleinement le rôle économique de l'agriculture,
- la solidarité avec les fonds structurels car nous n'accepterions pas que leur réforme remette en cause le développement des régions bénéficiaires. Nous n'accepterions pas non plus que le FEOGA garantie soit utilisé pour financer des actions de développement non agricoles !
Toutes les régions et toutes les productions doivent être prises en compte !
Et puisque vous connaissez bien le dossier Corse, Monsieur le ministre, vous savez comme nous qu'il faut se garder de condamner toute une profession ! Les agriculteurs corses veulent continuer à travailler et à participer au développement de leur territoire. L'avenir de l'île passe par l'agriculture : des produits de qualité, la diversification et l'emploi rural. Alors maintenant il faut construire !
Les productions méditerranéennes, les fruits et légumes, l'élevage ovin, même si elles ne sont pas directement concernées par la réforme, ne doivent pas être laissées de côté. Ces productions sont indispensables à l'équilibre de nos régions du sud ! N'excluons pas l'élevage ovin dont les revenus sont déjà faibles ! Et ce n'est pas à coup de CTE qu'on y remédiera !
Les difficultés des fruits et légumes montrent bien que l'organisation des marchés est une nécessité. La crise de la tomate, les crises récurrentes du secteur, prouvent que l'OCM est inadaptée et trop compliquée : il faut y remédier ! Et alléger les charges ! Il en va de l'équilibre de nos régions productrices !
Le potentiel viticole doit être préservé et il faut se servir de tous les mécanismes pour réguler les marchés. La viticulture est une chance pour de nombreuses régions, une réussite pour la France. Elle reflète l'identité de nos terroirs et un certain art de vivre à la française. La viticulture est l'image de cet équilibre entre les hommes, les produits et les territoires. Ne remettons pas en cause cet équilibre ! Ni l'effort extraordinaire sur la qualité, ni le rayonnement mondial de nos vins !
Il est indispensable de conduire une politique spécifique à la montagne. Elle doit d'abord s'appuyer sur la compensation des handicaps. Non au verdissement des aides ! Le plafond de l'ICHN doit être porté à 250 euros par UGB, les surcoûts doivent être compensés.
En France, il faut encourager la qualité, aider l'investissement sur les bâtiments d'élevage et la mécanisation. Il faut élargir l'éligibilité des aides aux petites productions spécifiques. Nos agriculteurs de montagne se sont mobilisés dans la vallée de la Maurienne en décembre.
Alors sur tous ces points ils attendent une réponse, monsieur le ministre ! Si les handicaps sont compensés, l'agriculture sera une chance pour la montagne et la montagne sera une chance pour l'agriculture!
*
En France comme en Europe, nous défendons une agriculture multifonctionnelle, appuyée sur l'organisation économique et la maîtrise des marchés.
La France aurait pu montrer la voie en Europe en votant une loi d'orientation agricole avant la réforme de la PAC.
Mais après avoir été annoncé par le Président de la République au Cinquantenaire de la FNSEA, trois ans et trois ministres plus tard, elle n'est toujours pas adoptée.
Vraiment, il faut y croire pour continuer le combat ! Les agriculteurs restent dans l'incertitude sur plusieurs points fondamentaux.
Premier point :
La profession agricole a largement répondu "présent" sur le CTE, comme en témoigne le nombre de départements qui se sont engagés dans la préfiguration.
Mais ne nous faites pas le coup, monsieur le ministre de nous dire : "vous avez bien travaillé " en oubliant les annexes financières renvoyées par nos départements ! Je les ai lues, moi !
Nous prenons nos responsabilités de syndicalistes en contribuant à la réflexion sur le CTE. Aux pouvoirs publics de prendre les leurs à présent !
Au cours de cette réflexion, nous avons pu avancer sur ce que devait être le CTE. Il ne doit pas être un substitut de l'aide aux agriculteurs en difficulté et placer les agriculteurs dans une logique d'assistanat.
Il ne doit pas être non plus étouffé par la suradministration. Nous la subissons déjà assez ! Attention à l'overdose ! La multifonctionnalité à elle seule ne peut suffire à assurer le revenu. J'ai l'impression qu'il risque d'y avoir un malentendu !
Le CTE sera un outil utile, s'il est mis au service d'un projet économique de l'exploitant. "Hommes produits territoires" : les trois doivent marcher ensemble !
A nous tous d'en faire un outil proche du terrain, réaliste, simple, ouvert à tous les agriculteurs. Non à la machinerie administrative, oui à l'initiative et à la responsabilité !
Le CTE doit encourager l'innovation. Il ne doit pas se traduire par un plan de cinq ans sans perspective économique viable ! Il doit insérer un projet d'entrepreneur dans une logique de développement d'un territoire, cohérente avec le projet agricole départemental. Le CTE doit renforcer l'emploi, la qualité, l'environnement et favoriser une agriculture nombreuse.
Mais pour tout cela il faut aussi que le gouvernement mette les moyens derrière ! Sinon ce sera un miroir aux alouettes pour les agriculteurs !
Second point :
Le volet économique de la loi est resté insuffisant. Pour s'adapter aux marchés, conquérir de la valeur ajoutée, diversifier nos activités, nous avons besoin d'une véritable politique de l'entreprise agricole.
Consolider la pérennité de nos exploitations, faciliter leur transmission et leur développement économique, en rénovant les statuts, en utilisant le levier fiscal. Investir pour être compétitifs oui mais nos investissements sont lourds il faut les aider fiscalement !
Troisième point :
Enfin, comment une loi d'orientation agricole peut-elle faire l'impasse sur le pouvoir économique des producteurs ?
Alors que l'intégration, par l'amont ou par l'aval, progresse de crise en crise, comme en production porcine ? Alors que la grande distribution édifie des fortunes sur le dos des paysans ?
Toutes les filières sont concernées. Alors il faut agir Monsieur le Ministre ! Ne rien faire c'est cautionner l'intégration sans le dire !
Il en va de notre métier ! Nous refusons de devenir des travailleurs à façon, des simples fournisseurs de matières premières, au service de l'amont et de l'aval ! Nous voulons être des acteurs économiques à part entière ! Nous ne serons pas les chauffeurs de tracteurs de la grande distribution !
Alors nous sommes particulièrement attachés à nos coopératives qui doivent rester un outil au service des producteurs !
Mais c'est l'ensemble des règles du jeu qu'il faut revoir !
Et puisque la gestation des lois agricoles est plus longue que celle des éléphants, il est grand temps de demander dès maintenant une loi complémentaire !
Les agriculteurs qui sont les premiers acteurs de l'aménagement du territoire, suivent aussi avec attention le projet de loi sur l'aménagement durable du territoire.
A ce sujet, nous disons : non à la sanctuarisation des espaces ruraux, non à l'opposition stérile entre la ville et la campagne, oui à la reconnaissance du rôle économique de l'agriculture dans la structuration des territoires et des "pays".
Les agriculteurs sont aussi de plus en plus soucieux de leur qualité de vie comme de leurs conditions de travail Ils ne veulent pas se couper des évolutions de la société.
Si nous avons choisi cette année de faire porter notre rapport d'orientation sur la protection sociale, c'est justement parcequ'il s'agit d'un véritable enjeu de société. Alors que la réforme des retraites, pour tous les régimes, comme celle du financement de la protection sociale sont en débat, les agriculteurs veulent faire entendre leur voix.
Notre message est clair : nous avons choisi la solidarité. Non à une protection sociale au rabais !
C'est pourquoi la répartition doit rester le socle du financement des retraites. C'est pourquoi nous nous sommes prononcés pour l'étude d'un régime complémentaire obligatoire. C'est pourquoi nous proposons un système à trois étages, garant de la solidarité de tous comme de la responsabilité de chacun.
Solidarité des générations, solidarité de l'Etat !
Car la solidarité, c'est un choix politique. C'est une question de justice sociale ! Voilà une question particulièrement sensible pour les agriculteurs, alors que certains de nos retraités se situent en dessous du minimum vieillesse ! Après une vie de travail !
Cette injustice est de moins en moins acceptable. Soyez le ministre qui la corrigera ! Nos anciens se battent pour un minimum de 75% du SMIC. Ce n'est pas demander la lune !
Les agriculteurs demandent une protection sociale à la hauteur du reste de la société. Alors si vous partagez cet objectif et nous n'en doutons pas, donnez-vous les moyens de les atteindre ! Cela ne dépends pas de Bruxelles pour une fois !
La politique sociale agricole est intimement liée à la politique d'entreprise. C'est un choix global. Et derrière la question des retraites c'est aussi l'installation qui est en jeu. Le financement de la protection sociale, et nos charges sociales, conditionnent le développement des exploitations.
C'est pourquoi l'allégement de l'assiette des cotisations nous paraît économiquement efficace et socialement juste. Les bénéfices réinvestis doivent être exclus de l'assiette. Le revenu du capital d'exploitation doit être déduit. Les revenus du fermage aussi, pour le propriétaire exploitant.
La maîtrise des dépenses de santé est certes une nécessité, mais elle ne doit pas conduire à sacrifier la solidarité devant les risques, ni l'accès aux soins partout en milieu rural. Alors il faut explorer de nouvelles voies de financement.
Solidarité et responsabilité : voilà le sens de notre attachement au principe mutualiste et les valeurs qui guident notre engagement dans le fonctionnement de notre protection sociale.
C'est dans cet esprit que nous militons pour le renforcement de la MSA et c'est ce projet que nous défendrons aux prochaines élections de la MSA, le 27 octobre.
Pour clore ce chapitre social, quelques mots sur les 35 heures. D'abord je voudrais rappeler que la FNSEA est très présente dans le dialogue social. Dans tous les départements nous avons signé des conventions collectives. Les 35 heures, Monsieur le Ministre, nous n'y étions pas vraiment favorables. Pourtant nous avons pris nos responsabilités d'employeurs en signant un accord.
Mais attention aux effets d'annonces intempestifs de votre ministère ! Ils n'ont pas contribué à rallier à l'accord l'organisation la plus représentative des salariés. Cette maladresse, il faut la rattraper !
A vous d'étendre cet accord dans les meilleurs délais. A vous aussi d'éviter que les 35 heures ne fassent déraper le coût du travail. Il y va de l'équilibre de nos exploitations particulièrement pour nos producteurs de fruits et légumes et nos horticulteurs !
Dans tous ces combats, les agriculteurs savent que pour être entendus, ils doivent d'abord être compris. C'est pourquoi la communication nous paraît essentielle. Notre image est aussi un capital. Comment vendre nos produits et inciter les consommateurs à acheter français, si notre image est mauvaise ?
Nos efforts sont souvent méconnus et certains préjugés ont la vie dure. En matière d'environnement par exemple ! Nous sommes trop souvent montrés du doigt alors que nous subissons aussi des pollutions urbaines ! Alors que nous avançons sur le terrain ! Alors, pas de complexes ! Il faut faire et faire savoir ! N'hésitons pas à mettre en avant nos réalisations: qui le fera à notre place ?
Et nos actions volontaires sont plus responsabilisantes qu'une taxe aveugle comme la TGAP ! Vous en avez convenu vous-même monsieur le ministre ! La TGAP dans sa conception est inacceptable et inacceptée par les agriculteurs ! N'en déplaise à tous les ayatollahs de l'environnement !
Phytomieux, Fertimieux, Irrimieux, PIC AGRI, FARREnous agissons sur l'environnement ! Nous serons présents sur la semaine de l'environnement, j'espère que vous serez à nos côtés, monsieur le ministre !
Les agriculteurs doivent se réapproprier leur image. Ne la laissons pas dans les mains de l'industrie et de la grande distribution ! Dans une société urbaine, mieux expliquer nos métiers, expliquer le lien entre l'animal, l'aliment et la terre, c'est essentiel.
C'est pourquoi nous défendons la création d'un fonds de communication. Ce fonds nous voulons en faire un outil au service de toute la profession. Alors, Monsieur le Ministre, nous vous demandons, comme nous le demandons aux parlementaires, de rétablir ce projet dans la loi d'orientation !
C'est aussi à notre syndicat de gagner la bataille de l'opinion par l'engagement de ses militants et de ses responsables. Faisons alliance avec les ruraux, les consommateurs et les concitoyens. Et nous le faisons sur les OGM : la FNSEA a réuni 34 organisations pour travailler ensemble sur une filière non-OGM. Oui au progrès technique, s'il est maîtrisé au bénéfice de tous !
Enfin, évitons de tomber dans l'isolement et le corporatisme qui sont des voies sans issue. Dans nos actions, dans nos messages, conduisons-nous en syndicalistes responsables.
Construisons ensemble une agriculture ouverte sur la société. Renforçons notre syndicalisme pour que les agriculteurs soient entendus, compris et soutenus.
A nous de proposer un véritable choix de société, basé sur la responsabilité et la solidarité, les valeurs sur lesquelles nous avons toujours su nous retrouver à la FNSEA.
Vous avez compris, monsieur le ministre, notre mobilisation est intacte, sur nos projets d'avenir comme sur les questions conjoncturelles.
Alors, à vous de répondre aux attentes légitimes du monde paysan ! Nous vous écoutons, monsieur le ministre ! Ne nous décevez pas !
(Source http://www.fnsea.fr, le 12 février 2001)
Madame le représentant du Président de la République,
Messieurs les représentants du Premier Ministre,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mes chers amis,
Monsieur le Ministre, c'est votre premier Congrès de la FNSEA. On peut dire que vous tombez bien !
Vous avez devant vous des agriculteurs de toutes les régions, de toutes les productions. Ils sont tous là ! Pourtant que n'a-t-on pas entendu sur le refrain des petits et des gros, dans la bouche de certains de vos amis !
Nous sommes divers, pluriels, nous le savons, nous nous en réclamons, car cette diversité, c'est justement notre force !
Répondant au serment de l'unité paysanne, dès son origine en 1946, la FNSEA a fait le pari de l'unité dans la diversité. Nous avons fait le pari de construire l'unité syndicale et la solidarité professionnelle à partir de cette diversité. Et nous y tenons !
Même si ce n'est pas toujours facile ! C'est le cur de notre identité et de notre démocratie interne. C'est la base de notre fonctionnement syndical. C'est ce qui nous a permis de rester une profession fortement syndiquée à la différence de tant d'autres, selon la formule : "plus il y a de syndicats, moins il y a de syndiqués"ou l'inverse !
Cette force syndicale est une chance pour la profession agricole. Les agriculteurs s'y retrouvent et notre représentativité n'est plus à démontrer.
Depuis 20 ans, les gouvernements successifs, jusqu'au vôtre, nous disent que les syndicats doivent jouer pleinement leur rôle dans le pays.
Nous y sommes prêts à la FNSEA. Alors, pourquoi dans le même temps, nous met-on des bâtons dans les roues ? Qui croire ?
Alors, je vous le répète comme à vos prédécesseurs car vous êtes depuis peu ministre de l'Agriculture. Si vous la pratiquez assez longtemps, vous apprécierez cette coopération que certains appellent la cogestion et à laquelle nous sommes particulièrement attachés. Et si le terme de cogestion vous fâche, faisons-la sans le dire ! C'est mieux que de le dire sans le faire!
Et pour pratiquer depuis pas mal d'années ce travail commun, je rappelle aussi à tous ceux qui nous envient, qui revendiquent la cogestion pour eux-mêmes ou qui nous la contestent, qu'il faut d'abord la mériter ! Il faut l'intégrer dans sa culture, dans ses responsabilités ! Il faut faire la preuve de sa représentativité, sur le terrain !
Et à ce propos, Monsieur le Ministre, en plus de la représentativité officielle, il faut reconnaître le "fait majoritaire" et le "fait minoritaire" ! Le Premier ministre m'a dit qu'il partageait cette position.
Alors monsieur Glavany, respectez, vous aussi, la majorité que nous représentons ! Il ne faut pas détruire les mécanismes de gestion existants, notamment les interprofessions, sinon la profession agricole risquerait de perdre toute marge de manuvre.
Vous avez devant vous, Monsieur le Ministre, des syndicalistes, des militants, des femmes et des hommes de conviction. Nos débats à Versailles ont été animés et c'est tant mieux ! C'est la meilleure preuve de la vitalité de notre syndicat. Mais nous nous rejoignons sur ce que doit être le métier d'agriculteur et notre rôle dans la société.
En pleine réforme de la PAC, nous avons voulu faire le point sur le type d'agriculture que nous défendons. Quelle agriculture dans les années 2000, avec quels agriculteurs ?
Pour nous, les agriculteurs doivent rester des responsables économiques qui continuent à tirer l'essentiel de leurs revenus du prix de leurs produits. C'est une question de revenu, mais c'est aussi une question de dignité !
Nous préférons vivre des prix plutôt que des primes ! Il faut que les agriculteurs, tous les agriculteurs, quelles que soient leurs productions ou leurs régions, puissent vivre de leur métier!
Nous savons que cela passe par des efforts de solidarité, par des choix politiques clairs, par la maîtrise de la production. C'est ce que nous défendons sur la production porcine. Et je rappelle que ce n'est pas d'aujourd'hui que nous parlons de maîtrise. Dès notre congrès d'Angers, en 1991 nous l'avons défendue. Ce n'est pas un ralliement de circonstance, c'est une orientation syndicale !
Alors Monsieur le ministre, où en est-on de la maîtrise européenne sur le porc? Je sais que vous avez poussé le dossier, mais ce n'est pas avec des cours de 5 à 6 francs que les éleveurs seront tirés d'affaire !
Oui, nous voulons vivre de notre métier et en vivre en entrepreneurs. Oui, nous voulons garder la maîtrise de notre outil de travail et décider de notre stratégie de production et de commercialisation ! Nous devons tous avoir notre chance ! C'est ce qui nous conduit à refuser l'intégration et l'ultralibéralisme qui nous y conduit tout droit !
Nous disons non à l'intégration, mais la FNSEA défend tous les agriculteurs, intégrés ou non ! Et en aviculture cela commence par le respect des contrats signés par les industriels avec les producteurs !
Pour nous, l'Homme doit avoir toute sa place, dans l'entreprise, comme dans la société.
Des exploitations nombreuses, à taille humaine, réparties sur tout le territoire : voilà notre choix!
C'est pourquoi nous voulons une politique d'installation et une politique des structures car nous refusons de choisir entre la disparition et l'agrandissement !
C'est pourquoi nous voulons à la fois des marchés organisés et une véritable politique des prix !
C'est ainsi que les agriculteurs resteront des acteurs économiques à part entière, tout en jouant pleinement leur rôle dans la société.
Nous faisons le choix d'une agriculture multifonctionnelle qui correspond à la fois à l'idée que nous avons de notre métier et à la demande de la société.
Alors bien sûr ces débats sur la multifonctionnalité mettent du temps à avancer, mais n'oublions pas pour autant le chemin parcouru ! La multifonctionnalité, nous avons commencé à y travailler à partir de notre congrès de Besançon. Nous avons approfondi cette orientation à Toulouse en 1997. A nous tous de continuer !
Notre politique, c'est celle du modèle agricole européen. Ne nous alignons pas sur le modèle américain sous le prétexte de libéraliser les échanges !
Cette politique justifie une réelle préférence communautaire, le maintien de prix rémunérateurs, des organisations communes de marchés renforcées avec un budget à la hauteur des ambitions de la PAC.
Alors sur les économies, l'opinion doit savoir la vérité : 0,5% du PIB européen pour assurer toutes les fonctions de l'agriculture, c'est un bon investissement !
Voilà le modèle agricole européen sur lequel nous nous retrouvons. Il est partagé par les agriculteurs d'Europe, et nous en avons eu la preuve ce matin avec nos collègues européens. Nous l'avons défendu, en France, en Europe et il a été repris par les ministres de l'agriculture, par les chefs d'Etat et de gouvernement.
Et ce modèle, le Commissaire Fischler l'a pourtant refusé !
Nous n'admettons pas que l'Agenda 2000 démolisse le modèle agricole européen, à coup de baisse systématique des prix, de démantèlement des OCM, ou de renationalisation rampante !
Comment les Commissaires et les Ministres comptent-ils expliquer à l'opinion un tel écart entre les discours et les actes ?
Alors que nous avions condamné les propositions de la Commission, le conseil agricole, loin de rectifier le tir, a cautionné cette logique destructrice. A tel point que M. Fischler a salué la réforme la plus complète à ce jour, de la PAC !
Vraiment, nous sommes loin du Commissaire frais émoulu qui débarquait en 1995, en pensant plus aux géraniums autrichiens qu'à l'économie mondiale ! Quel revirement en si peu d'années ! Cinq ans de technocratie Bruxelloise, ça nous donne un ultralibéral en chapeau tyrolien !
Nous ne pouvons pas accepter que M. Fischler se félicite bruyamment du compromis allemand sur la réforme de la PAC ! Les agriculteurs eux, mesurent trop bien les conséquences concrètes sur leur exploitations et leurs revenus : des baisses de prix, des compensations partielles, de l'affaiblissement des OCM!
Déjà que les aides dues ne sont pas toujours versées en temps et en heure ! C'est intolérable!
Alors vraiment la démission du Commissaire Fischler ne nous fait pas pleurer !
Monsieur le ministre, derrière les chiffres, derrière les marchandages de prix et de soutien, il s'agit du destin d'hommes et de femmes et de l'avenir de leurs enfants !
Le compromis signé à Bruxelles les menace gravement ! De compromis en compromis, c'est l'avenir des agriculteurs qu'on compromet !
Certes la discussion a permis quelques avancées sur : l'élevage bovin extensif, le troupeau allaitant, la base maïs, les pratiques nologiques.
Les agriculteurs, mobilisés en France et en Europe, y sont pour quelque chose ! 50 000 agriculteurs européens à Bruxelles ! 2000 actions syndicales, toutes les productions, toutes les régions, tous les départements, tous les cantons mobilisés !
Et encore ce matin, la démonstration de la mobilisation a été faite ! Et vous allez voir la suite ! Le 19 à Montpellier, le 21 à Clermont, le 23 dans toutes le préfectures ! Et la FNSEA sera présente le 24 à Berlin !
Oui nous devons nous mobiliser car nous sommes encore loin du compte !
Oui nous sommes mobilisés, car nous refusons une réforme toujours basée sur la baisse systématique des prix !
Oui nous sommes mobilisés, car nous refusons le démantèlement des OCM et de la politique agricole commune !
Oui nous sommes mobilisés, car nous refusons une réforme incohérente et dangereuse !
- Incohérente : on nous parle d'économies et on nous propose une réforme trop coûteuse à coup de baisses des prix et d'aides compensatoires !
- Incohérente : on nous parle de multifonctionnalité, tout en nous alignant systématiquement sur des prix mondiaux qui vont laminer des pans entiers de notre agriculture ! Jusqu'où ira-t-on avec une viande bovine à 8 ou 10 F le kilo comme en Argentine? Avec combien de survivants ? Nous ne danserons pas le tango sur le Titanic !
- Incohérente : on nous parle de démanteler nos OCM, de réduire notre budget quand les Etats-Unis décident au contraire de soutenir leur agriculture, de mettre des filets de sécurité ? A ce rythme, on pourra bientôt se demander de quel coté de l'Atlantique sont les plus libéraux !
Danger pour nos revenus !
Danger pour l'équilibre économique de nos exploitations !
Danger pour le type d'agriculture que nous défendons !
C'est une politique que ne veulent :
- Ni les producteurs, car nous refusons de dépendre entièrement des aides. Comment rester des entrepreneurs quand les aides représenteront 150% ou plus de notre revenu ?
- Ni les contribuables, car comment leur dire de payer plus pour une réforme que nous ne voulons pas ?
- Ni les consommateurs, car ils ne bénéficieront même pas de la baisse des prix à la production !
Alors, la Commission veut-elle remplir les poches des patrons de la grande distribution ? Ils ne sont sans doute pas assez riches eux qui sont déjà au hit-parade des fortunes françaises !
Et n'oublions pas que contrairement à ce que disent les Américains, nos agriculteurs sont moins aidés que les leurs ! 270 Milliards de francs pour 7 millions d'agriculteurs en Europe, contre 140 Milliards pour 1,7 millions d'exploitants aux Etats-Unis !
Ca fait deux fois moins d'aides par agriculteur en Europe ! Voilà la vérité des chiffres ! Alors nous n'avons pas de leçons à recevoir des Américains !
Nos prix doivent d'abord couvrir nos coûts. Peut-on proposer un alignement des salaires européens sur le SMIC mondial ? A un dollar ou un euro par jour ? Soyons sérieux !
Peut-on offrir aux consommateurs des produits européens à un prix mondial ? Nos exigences de qualité, nos normes sanitaires, sociales, environnementales, ne nous le permettent pas ! Et les consommateurs, réticents sur la viande aux hormones, prudents sur les OGM, ne le veulent pas non plus !
Ces exigences doivent se retrouver dans nos prix. Elles doivent être prises en considération dans les prochaines négociations de l'OMC. Elles justifient la préférence communautaire. Nous n'avons pas à nous aligner sur le moins-disant mondial !
La compétitivité, oui, mais pas au risque de sacrifier des pans entiers de notre agriculture ! Quand le remède est pire que le mal, il faut changer de médecine ! Et même aujourd'hui, de médecin !
Et caler la stratégie de l'Europe sur le marché mondial, pour toutes les productions, c'est oublier que les exportations ne représentent que 12% de nos débouchés sur le lait comme sur la viande bovine !
Mal engagée, la négociation a aussi été mal conduite. Le PACS qu'ont signé messieurs Fischler et Funke, les dupont et dupond de la négociation, n'a pas permis aux politiques de reprendre la main à la Commission.
A la guerre de tranchée, où chacun campait sur ses positions, a succédé une guerre de mouvement, où chacun s'est dit pressé de conclure. C'est ainsi que nous avons abouti à un compromis que nous rejetons catégoriquement.
Ce n'est pas à coup de baisse des prix que l'équilibre des marchés sera assuré ! C'est l'ensemble des leviers de régulation qu'il faut utiliser !
Pour le lait, nous n'acceptons pas le démantèlement de la politique laitière avec la baisse de 15% du prix. Gagner du temps en maintenant les quotas jusqu'en 2006, oui, mais cela ne suffit pas. En cumulant l'augmentation des quotas et la baisse du prix, la réforme menace déjà l'équilibre du marché et déstabilise la filière. Cette réforme est inutile, dangereuse et coûteuse.
Alors pourquoi un tel choix alors que la politique laitière, sans coûter cher à la PAC, a permis d'équilibrer le marché, d'installer des jeunes et d'aménager le territoire ? Et bravo pour le combat exemplaire de nos producteurs pour les prix, en Europe et dans le cadre de l'interprofession !
Pour la viande bovine, nous n'acceptons pas un niveau d'intervention publique trop bas pour protéger tous les éleveurs en cas de crise et une baisse des prix déstabilisante pour la filière. Il ne faut pas compromettre les efforts remarquables des éleveurs sur la traçabilité ! Et le trou de l'herbe monsieur le Ministre ? Il n'est toujours pas comblé ! C'est inadmissible !
Pour les céréales, nous n'acceptons pas la baisse exagérée de 20% des prix, compensée seulement à moitié. Surtout qu'elle aboutirait à baisser la garde sur notre marché intérieur ! Nous n'acceptons pas la suppression des majorations mensuelles !
Ni le démantèlement programmé de la spécificité oléagineuse ! Elle accentuerait encore notre dépendance en protéines, surtout que la spécificité protéagineuse n'a pas été assez reconnue !
Ces propositions menacent gravement l'équilibre de régions entières, qu'il s'agisse des zones céréalières, comme des régions d'élevage.
Cette réforme de la PAC tourne délibérément le dos à l'équilibre des hommes, des produits et des territoires.
A la FNSEA, nos débats ont été vifs sur la modulation et le plafonnement. Pour nous, si modulation et plafonnement il doit y avoir, ce ne peut être que dans le cadre européen. Nous refusons une modulation nationale qui aboutirait à des distorsions de concurrence déstabilisantes. Quant au plafonnement européen, si le compromis l'a abandonné, ce n'est pas de notre fait !
Vous nous dites Monsieur le Ministre, que vous n'avez pas voté ce compromis. Vous exprimez des réserves puisque la dégressivité n'a pas été abordée. Vous renvoyez la balle aux chefs d'Etat et de gouvernement. Mais vos réserves ne portent que sur le volet financier !
Avez-vous fait des réserves formelles sur tous les sujets qui inquiètent les agriculteurs ? Je n'ai pas vu de condamnation ferme des propositions laitières, ni de l'abandon des majorations mensuelles, ni de la spécificité oléagineuse, ni du trou de l'herbe, ni de l'abandon de la distillation !
Tout cela est pourtant de votre responsabilité de ministre de l'agriculture !
Votre position me fait penser à cette phrase de Coluche : "je ne suis ni pour, ni contre, tout le contraire !"
Les agriculteurs européens, malgré les petits cadeaux de dernière minute qui tomberont du ciel, sont conscients que cette réforme entraînera la baisse des revenus et dans les grandes largeurs ! 6,5 milliards d'euro en fin de réforme selon le COPA !
C'est sur la base de ce compromis agricole que sera discutée la réforme ! A votre corps défendant, peut-être, mais le mal est fait !
Alors sachez-le monsieur le ministre, les agriculteurs n'accepteront pas l'inacceptable !
Les ministres européens, et particulièrement la France, en porteraient l'écrasante responsabilité devant les consommateurs et les citoyens !
Qu'allez-vous leur répondre lorsqu'ils vous demanderont : "messieurs les politiques, qu'avez-vous fait de nos agriculteurs? Qu'avez- vous fait de notre alimentation, de nos paysages?"
Dans ces conditions, ne chargez pas davantage la barque avec la dégressivité des aides ! Nous aurions pu l'envisager si la baisse des prix avait été limitée et intégralement compensée. C'est loin d'être le cas ! Avec ce niveau de baisse des prix et une compensation partielle pour toutes les productions, la dégressivité est déjà acquise.
N'en rajoutez pas ! Surtout que ces messieurs de la Commission ont transformé votre proposition que nous étions prêts à discuter. En ne tenant pas compte des différences de productivité entre filières, elle a réduit la dégressivité à une machine à baisser les aides ! C'est inacceptable!
Pour faire des économies, rien de plus simple ! Commencez par éviter la réforme laitière ! huit milliards d'euros économisés, ce n'est pas rien ! Et ce n'est pas seulement aux agriculteurs français de faire des sacrifices ! Tous les pays doivent faire un effort ! L'Italie sur la TVA, l'Espagne et la Grèce sur les fonds structurels, le Royaume Uni sur son chèque, l'Allemagne sur ses exigences.
L'agriculture française, l'agriculture européenne, sont en danger. Nous demandons aux chefs d'Etat et de gouvernement de redresser la barre pour préserver l'avenir de la PAC et la pérennité de nos productions. Il est encore temps d'éviter que la "guerre éclair" entamée à Bruxelles et conclue à Berlin ne débouche sur la fin de l'agriculture européenne!
Santer est par terre et Fischler est en l'air ! Alors aux politiques de reprendre la main !
Nous attendons des chefs d'Etat et de gouvernements, qu'ils redonnent une perspective à la politique agricole commune, autour du modèle agricole européen.
Profitons de la démission de la Commission pour redonner du sens à l'Europe et dans l'Europe, à la PAC ! Ce qui aurait du être fait avant les propositions de Bruxelles, ce que messieurs Fischler et Santer n'ont pas su ou voulu faire, monsieur le Président de la République, monsieur le Premier ministre, monsieur le chancelier Schröder, c'est le moment de le faire ! Il n'est jamais trop tard pour mieux faire !
Et nous transmettrons nos propositions au Président de la République, au premier ministre, et au chancelier allemand, dans les heures qui viennent !
Aux chefs d'Etat et de gouvernement de rappeler que l'Europe ce n'est pas seulement un solde budgétaire, mais aussi un projet politique, une grande puissance économique, une volonté collective pour la paix, pour la prospérité, un destin commun, une culture, une identité !
Alors à Berlin nous attendons d'eux qu'ils expriment une véritable ambition, pour l'Europe, pour l'agriculture !
La PAC est un choix politique. Le choix d'une agriculture nombreuse, d'un mode de consommation à l'européenne et de l'équilibre hommes produits territoires. Ce choix des Européens est irréductible et ne doit pas être bradé par le jeu du marché. Il justifie la régulation des marchés. A nos politiques de le rappeler !
Qu'ils se rappellent donc que dans "PAC" il y a trois mots : "politique", "agricole", "commune"!
Parler d'agriculture, c'est parler de l'Europe. Première politique européenne, la PAC a construit l'Europe. Et ce n'est pas un hasard si ce sont justement les agriculteurs, européens convaincus, qui ont dénoncé les risques du cofinancement pour la construction européenne.
Ce combat contre le cofinancement, nous l'avons mené au nom de l'Europe ! S'engager dans cette voie, serait signer un formidable retour en arrière, à contre courant de l'Histoire, alors que l'euro vient de parachever le marché unique. La France a refusé cette perspective, nous le saluons, mais c'est à Berlin le 24 mars que nous jugerons de sa fermeté !
A l'Europe de s'affirmer sur les marchés. D'abord en défendant son marché intérieur, premier marché de consommateurs solvables. Ne soyons pas naïfs face aux Américains !
Ensuite, il y a l'exportation ! Des produits transformés comme des produits de base, car nous pouvons faire flèche de tout bois, surtout en France !
Et battons-nous aussi avec nos armes : pas seulement les prix mais aussi sur la qualité, nos terroirs, nos AOC, nos labels ! Et sur tous les segments de marchés, comme aussi sur le bio nous devons être présents ! Si les consommateurs en demandent, à nous d'en produire plutôt que d'en importer!
On ne préparera pas les prochaines négociations de l'Organisation mondiale du commerce avec l'Agenda 2000 en nous alignant sur le modèle américain ! Ne soyons pas en position de défense ! C'est en revendiquant notre modèle agricole européen que nous pourrons mener l'offensive !
On ne marchande pas son identité ! Ne vendons pas notre âme !
Nous n'avons pas à accepter sous prétexte de libéralisation des échanges, que les Etats-Unis imposent au monde leur dictature commerciale ! A l'Europe de refuser leur hégémonie comme nous le faisons sur la banane, sur les hormones!
Les Etats-Unis qui ne produisent pas un kilo de bananes voudraient nous imposer leur loi ? Non! Pendant qu'ils font la politique de leurs multinationales, nous, nous défendons nos producteurs !
Voilà la différence entre l'Europe et les Etats-Unis ! Voilà une différence politique à affirmer ! Entre le vieux continent et le nouveau, l'Histoire ça pèse ne l'oublions pas ! L'Europe s'engage dans le développement des ACP, pendant que les Américains payent leurs ouvriers un dollar l'heure !
Alors si la mondialisation c'est la politique des multinationales, nous n'en voulons pas !
Et je salue le combat syndical de nos fédérations des DOM sur la banane, leur détermination, leur responsabilité. Ils ont tout mon soutien comme je leur ai dit quand je suis passé dans les Antilles !
Alors monsieur le ministre, il faut être solidaire de nos producteurs des Antilles! 30 000 emplois sur la banane ! C'est l'équilibre de ces départements qui est en jeu ! Et c'est toute l'agriculture qui y contribue !
Que nos dirigeants se préparent à la négociation! Les Américains préparent déjà la bataille de Seattle ? Eh bien, qu'ils le sachent, nous aussi, et je vous affirme que nous serons présents ! Et j'appelle les producteurs, les transformateurs et même les consommateurs à faire alliance pour défendre ensemble notre alimentation, la qualité, la sécurité des produits, la volonté de l'Europe de participer à l'équilibre alimentaire mondial !
Aux Européens de brandir l'étendard contre l'hégémonie américaine ! Dans ce combat nous pouvons trouver des alliés, comme le Japon, prêt lui aussi à contester le diktat américain ! Et peut-être même sur le continent américain, le Canada et le Mexique !
Alors non à l'alignement sur les Etats-Unis.
Oui, l'Europe peut continuer de mener une politique commune en agriculture et elle doit le faire !
Nous défendons à la FNSEA une politique des hommes, des produits, des territoires.
Une politique des hommes, à travers l'installation, la politique socio-structurelle.
Une politique des produits :
- des prix rémunérateurs
- des OCM modernisées, consolidées
- des stratégies adaptées à chaque production.
Une politique des territoires, avec :
- une prime de base à l'hectare, comme nous l'avons proposé à Toulouse et à Clermont-Ferrand,
- une compensation des handicaps naturels préservant la spécificité des zones de montagne,
- une politique de développement rural qui reconnaît pleinement le rôle économique de l'agriculture,
- la solidarité avec les fonds structurels car nous n'accepterions pas que leur réforme remette en cause le développement des régions bénéficiaires. Nous n'accepterions pas non plus que le FEOGA garantie soit utilisé pour financer des actions de développement non agricoles !
Toutes les régions et toutes les productions doivent être prises en compte !
Et puisque vous connaissez bien le dossier Corse, Monsieur le ministre, vous savez comme nous qu'il faut se garder de condamner toute une profession ! Les agriculteurs corses veulent continuer à travailler et à participer au développement de leur territoire. L'avenir de l'île passe par l'agriculture : des produits de qualité, la diversification et l'emploi rural. Alors maintenant il faut construire !
Les productions méditerranéennes, les fruits et légumes, l'élevage ovin, même si elles ne sont pas directement concernées par la réforme, ne doivent pas être laissées de côté. Ces productions sont indispensables à l'équilibre de nos régions du sud ! N'excluons pas l'élevage ovin dont les revenus sont déjà faibles ! Et ce n'est pas à coup de CTE qu'on y remédiera !
Les difficultés des fruits et légumes montrent bien que l'organisation des marchés est une nécessité. La crise de la tomate, les crises récurrentes du secteur, prouvent que l'OCM est inadaptée et trop compliquée : il faut y remédier ! Et alléger les charges ! Il en va de l'équilibre de nos régions productrices !
Le potentiel viticole doit être préservé et il faut se servir de tous les mécanismes pour réguler les marchés. La viticulture est une chance pour de nombreuses régions, une réussite pour la France. Elle reflète l'identité de nos terroirs et un certain art de vivre à la française. La viticulture est l'image de cet équilibre entre les hommes, les produits et les territoires. Ne remettons pas en cause cet équilibre ! Ni l'effort extraordinaire sur la qualité, ni le rayonnement mondial de nos vins !
Il est indispensable de conduire une politique spécifique à la montagne. Elle doit d'abord s'appuyer sur la compensation des handicaps. Non au verdissement des aides ! Le plafond de l'ICHN doit être porté à 250 euros par UGB, les surcoûts doivent être compensés.
En France, il faut encourager la qualité, aider l'investissement sur les bâtiments d'élevage et la mécanisation. Il faut élargir l'éligibilité des aides aux petites productions spécifiques. Nos agriculteurs de montagne se sont mobilisés dans la vallée de la Maurienne en décembre.
Alors sur tous ces points ils attendent une réponse, monsieur le ministre ! Si les handicaps sont compensés, l'agriculture sera une chance pour la montagne et la montagne sera une chance pour l'agriculture!
*
En France comme en Europe, nous défendons une agriculture multifonctionnelle, appuyée sur l'organisation économique et la maîtrise des marchés.
La France aurait pu montrer la voie en Europe en votant une loi d'orientation agricole avant la réforme de la PAC.
Mais après avoir été annoncé par le Président de la République au Cinquantenaire de la FNSEA, trois ans et trois ministres plus tard, elle n'est toujours pas adoptée.
Vraiment, il faut y croire pour continuer le combat ! Les agriculteurs restent dans l'incertitude sur plusieurs points fondamentaux.
Premier point :
La profession agricole a largement répondu "présent" sur le CTE, comme en témoigne le nombre de départements qui se sont engagés dans la préfiguration.
Mais ne nous faites pas le coup, monsieur le ministre de nous dire : "vous avez bien travaillé " en oubliant les annexes financières renvoyées par nos départements ! Je les ai lues, moi !
Nous prenons nos responsabilités de syndicalistes en contribuant à la réflexion sur le CTE. Aux pouvoirs publics de prendre les leurs à présent !
Au cours de cette réflexion, nous avons pu avancer sur ce que devait être le CTE. Il ne doit pas être un substitut de l'aide aux agriculteurs en difficulté et placer les agriculteurs dans une logique d'assistanat.
Il ne doit pas être non plus étouffé par la suradministration. Nous la subissons déjà assez ! Attention à l'overdose ! La multifonctionnalité à elle seule ne peut suffire à assurer le revenu. J'ai l'impression qu'il risque d'y avoir un malentendu !
Le CTE sera un outil utile, s'il est mis au service d'un projet économique de l'exploitant. "Hommes produits territoires" : les trois doivent marcher ensemble !
A nous tous d'en faire un outil proche du terrain, réaliste, simple, ouvert à tous les agriculteurs. Non à la machinerie administrative, oui à l'initiative et à la responsabilité !
Le CTE doit encourager l'innovation. Il ne doit pas se traduire par un plan de cinq ans sans perspective économique viable ! Il doit insérer un projet d'entrepreneur dans une logique de développement d'un territoire, cohérente avec le projet agricole départemental. Le CTE doit renforcer l'emploi, la qualité, l'environnement et favoriser une agriculture nombreuse.
Mais pour tout cela il faut aussi que le gouvernement mette les moyens derrière ! Sinon ce sera un miroir aux alouettes pour les agriculteurs !
Second point :
Le volet économique de la loi est resté insuffisant. Pour s'adapter aux marchés, conquérir de la valeur ajoutée, diversifier nos activités, nous avons besoin d'une véritable politique de l'entreprise agricole.
Consolider la pérennité de nos exploitations, faciliter leur transmission et leur développement économique, en rénovant les statuts, en utilisant le levier fiscal. Investir pour être compétitifs oui mais nos investissements sont lourds il faut les aider fiscalement !
Troisième point :
Enfin, comment une loi d'orientation agricole peut-elle faire l'impasse sur le pouvoir économique des producteurs ?
Alors que l'intégration, par l'amont ou par l'aval, progresse de crise en crise, comme en production porcine ? Alors que la grande distribution édifie des fortunes sur le dos des paysans ?
Toutes les filières sont concernées. Alors il faut agir Monsieur le Ministre ! Ne rien faire c'est cautionner l'intégration sans le dire !
Il en va de notre métier ! Nous refusons de devenir des travailleurs à façon, des simples fournisseurs de matières premières, au service de l'amont et de l'aval ! Nous voulons être des acteurs économiques à part entière ! Nous ne serons pas les chauffeurs de tracteurs de la grande distribution !
Alors nous sommes particulièrement attachés à nos coopératives qui doivent rester un outil au service des producteurs !
Mais c'est l'ensemble des règles du jeu qu'il faut revoir !
Et puisque la gestation des lois agricoles est plus longue que celle des éléphants, il est grand temps de demander dès maintenant une loi complémentaire !
Les agriculteurs qui sont les premiers acteurs de l'aménagement du territoire, suivent aussi avec attention le projet de loi sur l'aménagement durable du territoire.
A ce sujet, nous disons : non à la sanctuarisation des espaces ruraux, non à l'opposition stérile entre la ville et la campagne, oui à la reconnaissance du rôle économique de l'agriculture dans la structuration des territoires et des "pays".
Les agriculteurs sont aussi de plus en plus soucieux de leur qualité de vie comme de leurs conditions de travail Ils ne veulent pas se couper des évolutions de la société.
Si nous avons choisi cette année de faire porter notre rapport d'orientation sur la protection sociale, c'est justement parcequ'il s'agit d'un véritable enjeu de société. Alors que la réforme des retraites, pour tous les régimes, comme celle du financement de la protection sociale sont en débat, les agriculteurs veulent faire entendre leur voix.
Notre message est clair : nous avons choisi la solidarité. Non à une protection sociale au rabais !
C'est pourquoi la répartition doit rester le socle du financement des retraites. C'est pourquoi nous nous sommes prononcés pour l'étude d'un régime complémentaire obligatoire. C'est pourquoi nous proposons un système à trois étages, garant de la solidarité de tous comme de la responsabilité de chacun.
Solidarité des générations, solidarité de l'Etat !
Car la solidarité, c'est un choix politique. C'est une question de justice sociale ! Voilà une question particulièrement sensible pour les agriculteurs, alors que certains de nos retraités se situent en dessous du minimum vieillesse ! Après une vie de travail !
Cette injustice est de moins en moins acceptable. Soyez le ministre qui la corrigera ! Nos anciens se battent pour un minimum de 75% du SMIC. Ce n'est pas demander la lune !
Les agriculteurs demandent une protection sociale à la hauteur du reste de la société. Alors si vous partagez cet objectif et nous n'en doutons pas, donnez-vous les moyens de les atteindre ! Cela ne dépends pas de Bruxelles pour une fois !
La politique sociale agricole est intimement liée à la politique d'entreprise. C'est un choix global. Et derrière la question des retraites c'est aussi l'installation qui est en jeu. Le financement de la protection sociale, et nos charges sociales, conditionnent le développement des exploitations.
C'est pourquoi l'allégement de l'assiette des cotisations nous paraît économiquement efficace et socialement juste. Les bénéfices réinvestis doivent être exclus de l'assiette. Le revenu du capital d'exploitation doit être déduit. Les revenus du fermage aussi, pour le propriétaire exploitant.
La maîtrise des dépenses de santé est certes une nécessité, mais elle ne doit pas conduire à sacrifier la solidarité devant les risques, ni l'accès aux soins partout en milieu rural. Alors il faut explorer de nouvelles voies de financement.
Solidarité et responsabilité : voilà le sens de notre attachement au principe mutualiste et les valeurs qui guident notre engagement dans le fonctionnement de notre protection sociale.
C'est dans cet esprit que nous militons pour le renforcement de la MSA et c'est ce projet que nous défendrons aux prochaines élections de la MSA, le 27 octobre.
Pour clore ce chapitre social, quelques mots sur les 35 heures. D'abord je voudrais rappeler que la FNSEA est très présente dans le dialogue social. Dans tous les départements nous avons signé des conventions collectives. Les 35 heures, Monsieur le Ministre, nous n'y étions pas vraiment favorables. Pourtant nous avons pris nos responsabilités d'employeurs en signant un accord.
Mais attention aux effets d'annonces intempestifs de votre ministère ! Ils n'ont pas contribué à rallier à l'accord l'organisation la plus représentative des salariés. Cette maladresse, il faut la rattraper !
A vous d'étendre cet accord dans les meilleurs délais. A vous aussi d'éviter que les 35 heures ne fassent déraper le coût du travail. Il y va de l'équilibre de nos exploitations particulièrement pour nos producteurs de fruits et légumes et nos horticulteurs !
Dans tous ces combats, les agriculteurs savent que pour être entendus, ils doivent d'abord être compris. C'est pourquoi la communication nous paraît essentielle. Notre image est aussi un capital. Comment vendre nos produits et inciter les consommateurs à acheter français, si notre image est mauvaise ?
Nos efforts sont souvent méconnus et certains préjugés ont la vie dure. En matière d'environnement par exemple ! Nous sommes trop souvent montrés du doigt alors que nous subissons aussi des pollutions urbaines ! Alors que nous avançons sur le terrain ! Alors, pas de complexes ! Il faut faire et faire savoir ! N'hésitons pas à mettre en avant nos réalisations: qui le fera à notre place ?
Et nos actions volontaires sont plus responsabilisantes qu'une taxe aveugle comme la TGAP ! Vous en avez convenu vous-même monsieur le ministre ! La TGAP dans sa conception est inacceptable et inacceptée par les agriculteurs ! N'en déplaise à tous les ayatollahs de l'environnement !
Phytomieux, Fertimieux, Irrimieux, PIC AGRI, FARREnous agissons sur l'environnement ! Nous serons présents sur la semaine de l'environnement, j'espère que vous serez à nos côtés, monsieur le ministre !
Les agriculteurs doivent se réapproprier leur image. Ne la laissons pas dans les mains de l'industrie et de la grande distribution ! Dans une société urbaine, mieux expliquer nos métiers, expliquer le lien entre l'animal, l'aliment et la terre, c'est essentiel.
C'est pourquoi nous défendons la création d'un fonds de communication. Ce fonds nous voulons en faire un outil au service de toute la profession. Alors, Monsieur le Ministre, nous vous demandons, comme nous le demandons aux parlementaires, de rétablir ce projet dans la loi d'orientation !
C'est aussi à notre syndicat de gagner la bataille de l'opinion par l'engagement de ses militants et de ses responsables. Faisons alliance avec les ruraux, les consommateurs et les concitoyens. Et nous le faisons sur les OGM : la FNSEA a réuni 34 organisations pour travailler ensemble sur une filière non-OGM. Oui au progrès technique, s'il est maîtrisé au bénéfice de tous !
Enfin, évitons de tomber dans l'isolement et le corporatisme qui sont des voies sans issue. Dans nos actions, dans nos messages, conduisons-nous en syndicalistes responsables.
Construisons ensemble une agriculture ouverte sur la société. Renforçons notre syndicalisme pour que les agriculteurs soient entendus, compris et soutenus.
A nous de proposer un véritable choix de société, basé sur la responsabilité et la solidarité, les valeurs sur lesquelles nous avons toujours su nous retrouver à la FNSEA.
Vous avez compris, monsieur le ministre, notre mobilisation est intacte, sur nos projets d'avenir comme sur les questions conjoncturelles.
Alors, à vous de répondre aux attentes légitimes du monde paysan ! Nous vous écoutons, monsieur le ministre ! Ne nous décevez pas !
(Source http://www.fnsea.fr, le 12 février 2001)