Déclaration de M. Georges Sarre, président du Mouvement des citoyens, sur l'opinion du MDC concernant le bilan de la législature, Paris le 20 février 2002.

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Circonstance : Conférence de presse sur le bilan de la législature à Paris, le 20 février 2002

Texte intégral

La législature s'achève - et c'est une première - en même temps que le mandat présidentiel.
Nous sommes entrés depuis maintenant un peu plus d'un an dans l'ère des lois cosmétiques. Ces lois sont celles qui n'ont pour seule utilité que leur impact médiatique et leur supposée retombées électorales.
On l'a vu avec les prévisions de croissance qui ont servi de base à la construction du budget de L'état ou avec la loi de financement de la sécurité sociale.
Une catégorie de lois cosmétiques est celle des lois mises en chantier pour ne jamais aboutir. Je pense tout particulièrement à la loi sur l'Eau qui, après une gestation pachydermique, aura juste eu le temps de faire un petit tour et de s'en aller. Dans les faits, ce sont près de quarante textes qui resteront ainsi dans la virtualité.
La dernière catégorie de Lois cosmétiques est formée par la cohorte des lois de circonstance, déposées au gré de l'actualité, des sondages, ou des statistiques. Je pense à la loi sur la sécurité quotidienne dont certaines dispositions n'ont visiblement pas été réfléchies. Je pense à la loi sur la sécurité industrielle.
Cette dernière période de mandature ne marquera sans doute pas les esprits quant à son utilité pour la République et les Français.
Reprenons maintenant le bilan des quatre années qui l'ont précédée. Le bilan doit être fait à l'aune de l'utilité du travail parlementaire pour la Nation.
Il y a eu des lois utiles pour la Nation. Je n'en citerai que les principales :
Je pense à la loi RESEDA, qui a permis de sortir l'immigration de la polémique nauséeuse où elle avait été enfermée.
Il y a la loi sur l'intercommunalité qui, en à peine deux ans, a profondément renouvelé le paysage local de notre pays et qui constitue la principale avancée en termes de décentralisation depuis la loi de 1982.
Il y a la loi sur la parité qui a enfin inscrit dans la réalité politique le principe sacré de l'égalité des sexes.
Pour ne pas être soupçonné de ne faire référence qu'aux lois défendues par Jean-Pierre Chevènement, je citerai la loi sur la CMU et l'instauration des emplois jeunes même si la suite qui sera donnée à cette mesure conditionne fortement son bilan, le PACS dont un des promoteurs a été notre collègue Jean-Pierre Michel, l'allocation pour l'autonomie des personnes âgées.
Mais à coté de ces textes dont les Français ont bénéficié, il y a eu des lois clairement nocives pour la République parce que, incidemment ou non, elles s'attaquaient aux fondements même de l'édifice républicain.
La première loi qui vient à l'esprit est la loi sur la Corse, qui, par des dispositions essentielles et heureusement censurées par le conseil constitutionnel, s'attaquait au principe de la loi égale pour tous. Citons la loi sur les nouvelles régulations économiques qui n'apportait rien si ce n'est l'accompagnement de la mondialisation libérale. Avec cette loi, les communistes et les socialistes officialisaient un Etat aux abonnés absents dans le domaine industriel.
Il y a aussi la loi dite de modernisation sociale, grand fourre-tout législatif qui gravait dans les textes législatifs la grande défausse de l'Etat en matière économique et sociale. Le fait que le gouvernement ait souhaité, et je ne peux pas imaginer que ce ne soit pas en connaissance de cause, de " faire une fleur " au parti communiste par la redéfinition approximative de la notion de licenciement économique n'y change rien. L'important dans ce texte est bien le transfert aux juges du soin d'apprécier de la validité des plans sociaux. On peut déjà se poser la question de savoir si un juge peut clairement apprécier des conséquences d'une décision de licenciement. Mais au-delà, ce transfert au pouvoir judiciaire transforme les plans sociaux en problème de contentieux. Il n'y a plus de place ou de légitimité pour la puissance publique, garante de l'intérêt général, pour agir dans l'intérêt des salariés, des régions économiques et même de l'industrie nationale quand ce sont des savoir-faire stratégiques qui peuvent ainsi abandonner notre pays.
Le domaine juridique a été particulièrement sinistré. Il y a eu d'abord les lois sur l'indépendance de la justice. Jacques Chirac l'avait voulu et Elisabeth Guigou l'a mise en oeuvre. Que les juges du siège soient indépendants est l'évidente nécessité d'une justice équitable ! Encore faut-il prévoir la sanction éventuelle de la faute du juge qui ne peut lui non plus agir en toute impunité.
Mais que le parquet soit voulu indépendant est une absurdité absolue. Le parquet représente la société, c'est-à-dire nous tous. Il ne doit pas subir de pressions mais recevoir des directives transparentes parce que la collectivité à son mot à dire et que le gouvernement est le seul à avoir reçu mandat de cette collectivité.
Il y a eu ensuite la loi funeste dite de présomption d'innocence. Nous sommes particulièrement attachés à la présomption d'innocence. Cette présomption doit être d'autant plus défendue que nos concitoyens peuvent avoir le sentiment que la justice se règle d'avantage aujourd'hui dans les médias que dans les tribunaux. Nous approuvons par exemple la création d'un juge des libertés qui pourra utilement apprécier l'opportunité de la mise en détention en ayant le recul nécessaire par rapport à l'instruction.
Mais comment ne pas constater que l'examen de cette loi a été le théâtre d'une démagogie sans limite menée par des parlementaires peu conscient des réalités de ce pays. Il est tout de même effarant que le parlement ait voté une loi dont le résultat principal est de rendre beaucoup plus difficile le travail de ce qui doivent protéger les citoyens et punir les délinquants. Le rafistolage de dernière minute issue de la proposition de loi Dray a certes ramené un peu de bon sens mais certainement pas la cohérence nécessaire. A titre d'exemple, la formule alambiquée qui définit maintenant l'intervention de l'avocat dans la garde à vue montre bien que la bien-pensante a de beaux restes.
Je pourrai citer d'autres exemples, moins marquant peut-être pour le grand public, mais dont les effets pervers sont importants. Je pense par exemple à l'unification des structures de recherche et de contrôle de l'énergie nucléaire sous la houlette d'une structure indépendante. Il s'agissait évidemment d'un " cadeau " législatif au profit des verts. Sans doute le gouvernement a-t-il considéré qu'il était nécessaire que tout le monde vive mais était-il sage de donner une arme si puissante aux adversaires irrationnels de la source de 80 % de l'électricité dans notre pays ?
Je pense aussi à la frénésie de ratification des directives européennes les plus contraires à l'intérêt national, par exemple celle concernant le marché du gaz.
Enfin, je voudrai citer les lois sur les 35 heures dont le bilan dithyrambique présenter par le gouvernement mérite, à tout le moins, d'être nuancé. L'intention était sur le papier louable : travailler moins est une conquête du monde du travail. Certes mais à quel prix ? La flexibilité, la modération salariale, l'abandon de multiples avantages acquis sont-ils réellement des avancées pour les salariés ? Sans compter qu'il a été rapidement évident que les 35 heures étaient inapplicables en l'état dans les PME et que dans un pays où le déficit démographique pèse sur les retraites et les recrutements, l'urgence n'était pas forcément d'éloigner les actifs de leur poste de travail.
Et puis il y a tout ce qui ne c'est pas fait et qui constitue, pour notre pays une occasion manquée préjudiciable. Je ne vous présenterai pas le programme de Jean-Pierre Chevènement dans son ensemble qui résume ce qu'il faut faire pour notre pays et ce qu'il n'aurait pas été inutile de faire plus tôt. Je me limiterai à quelques exemples mais qui pèsent aujourd'hui sur la vie quotidienne de notre pays.
Le premier est certes à la frontière de l'activité législative. Mais n'aurait-il pas été utile de faire débattre et voter par le parlement une grande loi d'aménagement du territoire en lieu et place de cet empilement incohérent de plans régionaux. Je suis natif du Limousin. Combien de temps encore cette région devra attendre l'axe autoroutier transversal, dit " Atlantique-Centre Europe " qui permettra réellement son désenclavement.
Je pense évidemment à la révision de l'ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs. Combien de temps laisserons-nous nos concitoyens en but à l'impunité des délinquants multirécidivistes et les enfants des quartiers difficiles avec, comme exemple, les " caïds impunis ".
Dans le domaine de la sécurité, Jean-Pierre Chevènement avait demandé en décembre 1998 au Premier ministre, la présentation d'une loi programme pour la police. C'étaient hier les policiers qui dans la rue en demandaient les principales dispositions.
Sur le plan économique, il manque à notre pays une grande loi qui redonne à l'Etat les outils pour défendre l'intérêt général face à la mondialisation libérale. Il ne s'agit pas de réinventer un interventionnisme administratif tatillon mais bien de faire en sorte que la loi du moins-disant social ne sacrifie pas des régions entières.
Il manque enfin à notre pays une réforme d'ampleur sur la taxation et les prélèvements obligatoires. Aujourd'hui tout pèse sur le travail. Cela décourage l'emploi et l'activité. Je ne prendrai comme exemple que le refus du gouvernement de ramener à 5 ,5 % le taux de TVA sur la restauration, demande légitime que j'ai toujours défendu parce qu'elle permettrait à ce secteur de mieux payer ses salariés et de créer des emplois.
Une fois ce catalogue fait de ce qui est bon et de ce qui l'est moins, le bilan de cette législature ne peut se faire sans relire l'Histoire.
Cette mandature a commencé avec le discours du Premier ministre le 19 juin 1997. La phrase était belle : " En tout domaine, revenir à la République ". Il y a eu une période où cette phrase a été mise en application. Les grandes lois de cette législature en sont les produits. Et puis il y a eu une rupture, celle qui a signifié la soumission du Premier ministre à ce qui s'est appelé jadis la " pensée unique " et qui vaut simplement ralliement à l'ordre libéral.
S'il faut une date, prenons celle du séminaire de Rambouillet. C'est à ce moment que la primauté de l'intérêt général s'efface derrière les supposées lois immuables du nouvel ordre mondial.
Les lois néfastes qui sapent l'édifice républicain, les lois cosmétiques qui se moquent des citoyens ont vu le jour à partir de là.
Il n'est plus temps de faire le bilan de cette législature gâchée. Nos concitoyens ont retrouvé le goût de la République que d'aucun auraient voulu leur enlever.
En résume, il y a eu :
- Les lois utiles au début de la législature. Par exemple, l'intercommunalité,
- les lois nuisibles par la suite, comme la Corse et la loi dite " de présomption d'innocence ",
- les lois virtuelles comme la loi sur l'eau,
- et les occasions manquées comme la réforme jamais menée et pourtant indispensable de l'ordonnance de 1945.
Les élections présidentielles sont le moment du choix fondamental. Les élections législatives qui suivront ne feront qu'amplifier ce choix. Avec Jean-Pierre Chevènement la France peut avoir, pourvu qu'elle en ait le courage, un Président qui mènera à bien son redressement républicain.
(Source http://georges-sarre.net, le 5 mars 2002)