Texte intégral
Interview d'Alain Madelin, Le Figaro, mercredi 19 mai 1999
Le Figaro : La liste que vous conduisez avec Nicolas Sarkozy défend l'Europe des nations. Qu'entendez-vous par-là ?
Alain Madelin : Le fait national est une réalité en Europe. La force et le génie propre de l'Europe résident dans sa dimension historique et sa diversité. Imaginer l'Europe de demain à l'exemple des Etats-Unis d'aujourd'hui serait à mes yeux une profonde erreur. Il n'existe pas de peuple européen comme il existe un peuple américain ; être français ou italien, ce n'est pas être californien ou texan. L'Europe ne doit pas être un Etat-nation agrandi ; Bruxelles ne doit pas devenir Washington, avec un super-Parlement, un super-président, de super-lois et de super-impôts.
Le Figaro : Dans le passé, pourtant, on vous a souvent entendu parler de fédéralisme ?
Alain Madelin : Le fédéralisme dont je parle est le contraire de ce que sont devenus la plupart des Etats fédéraux d'aujourd'hui. C'est un fédéralisme d'Etats, de pays et de peuples. Le fédéralisme authentique organise la diversité au lieu de fabriquer de l'unité. Il recherche l'harmonie des différences, au lieu de travailler à son uniformisation.
Le Figaro : Pour vous, Les Etats-Unis d'Amérique sont un Etat unitaire ou un Etat fédéral ?
Alain Madelin : Les Etats-Unis d'aujourd'hui sont largement un Etat unitaire très décentralisé. A contrario du fédéralisme authentique voulu par les pères fondateurs de 1776.
Le Figaro : L'Europe d'aujourd'hui ne risque-t-elle pas de même de se transformer en un super-Etat unitaire à rebours des intentions fédéralistes d'un Alain Madelin ?
Alain Madelin : Il existe des risques de dérive -tout pouvoir tend à accroître son pouvoir -et des risques idéologiques, notamment au travers des idées socialistes, qui demeurent très favorables à l'action de l'Etat. C'est pourquoi il faut border et encadrer les institutions européennes. Le principe de subsidiarité, inscrit dans le Traité de Maastricht, permet de faire remonter le pouvoir du plus proche jusqu'au plus éloigné, et devrait nous protéger de toute dérive centralisatrice. Mais le traité d'Amsterdam n'assure pas la meilleure protection à ce principe. C'est pourquoi il nous faut en garantir le respect par l'intervention du Conseil européen et des parlements nationaux.
Le Figaro : Dans le traité d'Amsterdam, c'est la Cour de justice de Luxembourg qui est chargée de déterminer la répartition des compétences entre local, national, européen. Cela signifie que l'on ira vers toujours plus de pouvoirs attribués au centre communautaire au détriment des Etats-nations.
Alain Madelin : La Cour de justice de Luxembourg a eu un rôle très précieux. C'est grâce à ses arrêts qu'ont pu être remis en cause le dirigisme et les monopoles à la française. Mais on doit toujours limiter la tendance naturelle à la centralisation des pouvoirs fédéraux. L'histoire nous apprend qu'il faut pour cela contenir le pouvoir de légiférer et celui de dépenser. C'est pourquoi nous sommes hostiles à la proposition socialiste de créer un nouvel impôt européen, ce qui serait mettre le doigt dans un engrenage fatal.
Le Figaro : Vous êtes favorable à une Europe de la défense. Comment la constituer sans créer un pouvoir fédéral centralisé européen ?
Alain Madelin : Pour construire une Europe de la défense, il nous faut intégrer l'Union de l'Europe occidentale (UEO) au sein de l'Union européenne. Nous fixer des procédures et des étapes pour disposer d'une vraie défense européenne, solide pilier européen de l'Otan. Un Conseil européen de sécurité et de défense pourrait rapidement incarner cette identité européenne de défense. Ce qui suppose que l'on redéploie les moyens existants en fonction d'objectifs communs et que l'on se donne de nouveaux moyens en matière de renseignements, de missiles de croisière et d'avions de transport. Se posera forcément la question de la prise de décision. Cette question doit éviter deux écueils : celui de l'impuissance, avec une décision prise à l'unanimité ; et un vote à la majorité qui engagerait nos forces armées sans le consentement de la France. Il nous faut donc trouver des mécanismes de décision à la majorité qualifiée qui permettent aux pays qui le veulent d'aller de l'avant, et laissent aux autres la possibilité de rester en dehors sans entraver les actions communes.
Le Figaro : Mais une défense européenne se définit d'abord par l'indépendance par rapport aux Etats-Unis d'Amérique. Nos alliés européens le souhaitent-ils ?
Alain Madelin : Il est faux d'opposer la défense européenne aux Etats-Unis. Comme l'a dit justement Jacques Chirac : "Il faut construire un pilier de défense séparable, mais non séparé de l'Otan". L'Alliance atlantique constitue le moyen de défense commune des démocraties. Je ne sais pas quelle sera demain l'évolution du monde, notamment en Russie, et il serait imprudent de réveiller l'isolationnisme américain.
Le Figaro : N'y a-t-il pas une contradiction majeure entre la construction de l'Europe autour d'un grand marché unique et protégé et le libéralisme qui veut abattre toutes les frontières au nom du libre-échange mondial ?
Alain Madelin : La Communauté européenne est née après-guerre dans un contexte historique d'économie fermée. L'idée était alors d'abolir les frontières à l'intérieur de l'Europe pour constituer un vaste espace d'échanges et tisser des liens pour assurer la paix. Aujourd'hui, les temps ont changé. L'économie s'est mondialisée. Je défends le libre-échange et ses vertus, partout dans le monde. Ce qui n'interdit pas de défendre ses intérêts spécifiques dans les négociations commerciales.
Le Figaro : Ce n'est donc plus l'économie, et un marché unique, qui fonde l'identité européenne ?
Alain Madelin : Ce qui fonde l'Europe du XXIème siècle, c'est l'idée de l'homme, de sa liberté et de sa dignité. C'est cette Europe-là qui se joue au Kosovo. C'est pourquoi laisser faire l'épuration ethnique sur le sol européen eût été perdre l'âme de l'Europe. Ce qui m'intéresse en tant que libéral, c'est la dimension morale, philosophique, juridique, politique de la nouvelle Europe. La démocratie fut jusqu'à présent considérée comme la loi de la majorité contraignant une minorité. Or la construction européenne ne peut être une démocratie majoritaire d'Etat-nation agrandi. Elle ne peut être que la démocratie libérale, c'est-à-dire la défense exigeante du droit de la minorité.
Le Figaro : L'Europe, c'est pour vous le moyen historique d'imposer le droit des minorités et des individus à la volonté des peuples et des majorités populaires ?
Alain Madelin : Oui. L'Europe est porteuse par nature d'une dynamique libérale du droit et de la politique.
Interview à Ouest France, jeudi 27 mai 1999
Ouest France : Dans votre livre, "le droit du plus faible", vous dites que l'Europe a "raté le coche" à la fin des années 80 : quel "coche" ?
Alain Madelin : Le XXème siècle, qui a vu trop souvent le triomphe de la force sur le droit, a pris fin, en réalité en 1989 avec la chute du mur de Berlin. Cet événement considérable a ouvert une nouvelle époque. L'Histoire nous offrait alors un fabuleux rendez-vous : constuire très vite une grande Europe démocratique, capable d'assurer la paix et la sécurité. Mais nous sommes restés engoncés dans les plis de la petite Europe. François Mitterrand porte une grosse part de responsabilité, lui et toute une génération qui ont su relever l'Europe de l'après guerre mais n'ont pas eu la vision de l'Europe de l'après Mur.
Ouest France : Face à la tragédie du Kosovo, à quoi sert l'Europe ?
AM : Elle doit d'abord servir à assurer ou à rétablir la paix. Mais la question fondamentale, c'est : qu'est ce qui fonde l'Europe ? LE vrai trait d'union entre tous les peuples européens, c'est l'idée que l'on y a forgé de l'homme, de sa liberté, de sa responsabilité, de sa dignité. C'est pourquoi, si nous avions laissé faire la purification ethtnique au Kosovo, sur le sol européen, non seulement nous aurions été coupable de non assistance à européen en danger, mais nous aurions perdu l'âme même de l'Europe.
Ouest France : Certains pourraient vous demander : est-ce que l'âme de l'Europe est sauvée par les bombardements de l'Otan ?
AM : Cette intervention, plus qu'un simple fait militaire est un engagement politique majeur. Il remet en cause le sacro-saint principe de la non ingérence dans les affaires intérieures des Etats. On a souvent proclamé les droits de l'homme au XXème siècle, mais ils se sont toujours arrêtés aux frontières des Etats.Cette fois, on déclare que, au dessus du droit des Etats, il existe un droit supérieur qui trouve sa source dans la conscience de ce qui est juste et ses fondements dans l'idée que l'homme a, en tant qu'homme, des droits supérieurs inaliénables, opposables à tout pouvoir, dusse à celui des Etats souverains. C'est là un retour aux sources et une rupture avec l'absolutisme des Etats nations souverains où le droit s'identifie à l'Etat c'est-à-dire au pouvoir politique. Or, la source de toute souveraineté se trouve dans la personne. C'est l'idée née sur le terrain de la pensée libre en Grèce, portée par le grand souffle du christiannisme et consacrée par la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen en 1789.
Ouest France : Comment ces deux principes, souveraineté de la personne et supériorité du droit, peuvent-ils se traduire aujourd'hui dans la construction européenne ?
AM : Il faut imaginer une nouvelle Europe autrement qu'à tavers le prisme des Etats nations : ni cartel d'Etat nations ni Etat nation aggrandi. Les deux principes à la source de l'identité européenne -souveraineté de la personne et supériorité du droit- sont devenus les principes fondateurs de la nouvelle Europe, au travers du traité de Maastricht - la subsidiarité - et d'Amsterdam -l'Etat de droit. Il s'agit maintenant de les faire vivre.
Ouest France : Dans cette future EUrope politique, comment faire naître une citoyenneté européenne ?
AM : Au-delà de ce qu'elle nous a déjà apporté - et qui n'est pas mince- l'Europe peutêtre un formidable levier de modernisation de la France. Je combats toutes les idées qui visent à constuire un super Etat européen niant les réaliés nationales, avec son super Parlement, son super président, ses super lois, sa super bureaucratie ou son super impôt européen. En revanche, je crois à l'Europe de super citoyens, qui puissent tirer tous les avantages de la diversité des expériences nationales.
Ouest France : Concrêtement...
AM : Etre européen, c'est rechercher ce qu'il y a de meilleur dans cet espace, c'est vouloir appliquer dans tous les domaines -fiscalité, emploi, éducation, santé... - la clause de la nation européenne la plus favorable pour les citoyens. L'Europe ne doit pas chercher à harmoniser ses différences, mais à en tirer le meilleur parti dans une société de liberté et d'échange.
(Source http://www.demlib.com, le 7 février 2001)
Le Figaro : La liste que vous conduisez avec Nicolas Sarkozy défend l'Europe des nations. Qu'entendez-vous par-là ?
Alain Madelin : Le fait national est une réalité en Europe. La force et le génie propre de l'Europe résident dans sa dimension historique et sa diversité. Imaginer l'Europe de demain à l'exemple des Etats-Unis d'aujourd'hui serait à mes yeux une profonde erreur. Il n'existe pas de peuple européen comme il existe un peuple américain ; être français ou italien, ce n'est pas être californien ou texan. L'Europe ne doit pas être un Etat-nation agrandi ; Bruxelles ne doit pas devenir Washington, avec un super-Parlement, un super-président, de super-lois et de super-impôts.
Le Figaro : Dans le passé, pourtant, on vous a souvent entendu parler de fédéralisme ?
Alain Madelin : Le fédéralisme dont je parle est le contraire de ce que sont devenus la plupart des Etats fédéraux d'aujourd'hui. C'est un fédéralisme d'Etats, de pays et de peuples. Le fédéralisme authentique organise la diversité au lieu de fabriquer de l'unité. Il recherche l'harmonie des différences, au lieu de travailler à son uniformisation.
Le Figaro : Pour vous, Les Etats-Unis d'Amérique sont un Etat unitaire ou un Etat fédéral ?
Alain Madelin : Les Etats-Unis d'aujourd'hui sont largement un Etat unitaire très décentralisé. A contrario du fédéralisme authentique voulu par les pères fondateurs de 1776.
Le Figaro : L'Europe d'aujourd'hui ne risque-t-elle pas de même de se transformer en un super-Etat unitaire à rebours des intentions fédéralistes d'un Alain Madelin ?
Alain Madelin : Il existe des risques de dérive -tout pouvoir tend à accroître son pouvoir -et des risques idéologiques, notamment au travers des idées socialistes, qui demeurent très favorables à l'action de l'Etat. C'est pourquoi il faut border et encadrer les institutions européennes. Le principe de subsidiarité, inscrit dans le Traité de Maastricht, permet de faire remonter le pouvoir du plus proche jusqu'au plus éloigné, et devrait nous protéger de toute dérive centralisatrice. Mais le traité d'Amsterdam n'assure pas la meilleure protection à ce principe. C'est pourquoi il nous faut en garantir le respect par l'intervention du Conseil européen et des parlements nationaux.
Le Figaro : Dans le traité d'Amsterdam, c'est la Cour de justice de Luxembourg qui est chargée de déterminer la répartition des compétences entre local, national, européen. Cela signifie que l'on ira vers toujours plus de pouvoirs attribués au centre communautaire au détriment des Etats-nations.
Alain Madelin : La Cour de justice de Luxembourg a eu un rôle très précieux. C'est grâce à ses arrêts qu'ont pu être remis en cause le dirigisme et les monopoles à la française. Mais on doit toujours limiter la tendance naturelle à la centralisation des pouvoirs fédéraux. L'histoire nous apprend qu'il faut pour cela contenir le pouvoir de légiférer et celui de dépenser. C'est pourquoi nous sommes hostiles à la proposition socialiste de créer un nouvel impôt européen, ce qui serait mettre le doigt dans un engrenage fatal.
Le Figaro : Vous êtes favorable à une Europe de la défense. Comment la constituer sans créer un pouvoir fédéral centralisé européen ?
Alain Madelin : Pour construire une Europe de la défense, il nous faut intégrer l'Union de l'Europe occidentale (UEO) au sein de l'Union européenne. Nous fixer des procédures et des étapes pour disposer d'une vraie défense européenne, solide pilier européen de l'Otan. Un Conseil européen de sécurité et de défense pourrait rapidement incarner cette identité européenne de défense. Ce qui suppose que l'on redéploie les moyens existants en fonction d'objectifs communs et que l'on se donne de nouveaux moyens en matière de renseignements, de missiles de croisière et d'avions de transport. Se posera forcément la question de la prise de décision. Cette question doit éviter deux écueils : celui de l'impuissance, avec une décision prise à l'unanimité ; et un vote à la majorité qui engagerait nos forces armées sans le consentement de la France. Il nous faut donc trouver des mécanismes de décision à la majorité qualifiée qui permettent aux pays qui le veulent d'aller de l'avant, et laissent aux autres la possibilité de rester en dehors sans entraver les actions communes.
Le Figaro : Mais une défense européenne se définit d'abord par l'indépendance par rapport aux Etats-Unis d'Amérique. Nos alliés européens le souhaitent-ils ?
Alain Madelin : Il est faux d'opposer la défense européenne aux Etats-Unis. Comme l'a dit justement Jacques Chirac : "Il faut construire un pilier de défense séparable, mais non séparé de l'Otan". L'Alliance atlantique constitue le moyen de défense commune des démocraties. Je ne sais pas quelle sera demain l'évolution du monde, notamment en Russie, et il serait imprudent de réveiller l'isolationnisme américain.
Le Figaro : N'y a-t-il pas une contradiction majeure entre la construction de l'Europe autour d'un grand marché unique et protégé et le libéralisme qui veut abattre toutes les frontières au nom du libre-échange mondial ?
Alain Madelin : La Communauté européenne est née après-guerre dans un contexte historique d'économie fermée. L'idée était alors d'abolir les frontières à l'intérieur de l'Europe pour constituer un vaste espace d'échanges et tisser des liens pour assurer la paix. Aujourd'hui, les temps ont changé. L'économie s'est mondialisée. Je défends le libre-échange et ses vertus, partout dans le monde. Ce qui n'interdit pas de défendre ses intérêts spécifiques dans les négociations commerciales.
Le Figaro : Ce n'est donc plus l'économie, et un marché unique, qui fonde l'identité européenne ?
Alain Madelin : Ce qui fonde l'Europe du XXIème siècle, c'est l'idée de l'homme, de sa liberté et de sa dignité. C'est cette Europe-là qui se joue au Kosovo. C'est pourquoi laisser faire l'épuration ethnique sur le sol européen eût été perdre l'âme de l'Europe. Ce qui m'intéresse en tant que libéral, c'est la dimension morale, philosophique, juridique, politique de la nouvelle Europe. La démocratie fut jusqu'à présent considérée comme la loi de la majorité contraignant une minorité. Or la construction européenne ne peut être une démocratie majoritaire d'Etat-nation agrandi. Elle ne peut être que la démocratie libérale, c'est-à-dire la défense exigeante du droit de la minorité.
Le Figaro : L'Europe, c'est pour vous le moyen historique d'imposer le droit des minorités et des individus à la volonté des peuples et des majorités populaires ?
Alain Madelin : Oui. L'Europe est porteuse par nature d'une dynamique libérale du droit et de la politique.
Interview à Ouest France, jeudi 27 mai 1999
Ouest France : Dans votre livre, "le droit du plus faible", vous dites que l'Europe a "raté le coche" à la fin des années 80 : quel "coche" ?
Alain Madelin : Le XXème siècle, qui a vu trop souvent le triomphe de la force sur le droit, a pris fin, en réalité en 1989 avec la chute du mur de Berlin. Cet événement considérable a ouvert une nouvelle époque. L'Histoire nous offrait alors un fabuleux rendez-vous : constuire très vite une grande Europe démocratique, capable d'assurer la paix et la sécurité. Mais nous sommes restés engoncés dans les plis de la petite Europe. François Mitterrand porte une grosse part de responsabilité, lui et toute une génération qui ont su relever l'Europe de l'après guerre mais n'ont pas eu la vision de l'Europe de l'après Mur.
Ouest France : Face à la tragédie du Kosovo, à quoi sert l'Europe ?
AM : Elle doit d'abord servir à assurer ou à rétablir la paix. Mais la question fondamentale, c'est : qu'est ce qui fonde l'Europe ? LE vrai trait d'union entre tous les peuples européens, c'est l'idée que l'on y a forgé de l'homme, de sa liberté, de sa responsabilité, de sa dignité. C'est pourquoi, si nous avions laissé faire la purification ethtnique au Kosovo, sur le sol européen, non seulement nous aurions été coupable de non assistance à européen en danger, mais nous aurions perdu l'âme même de l'Europe.
Ouest France : Certains pourraient vous demander : est-ce que l'âme de l'Europe est sauvée par les bombardements de l'Otan ?
AM : Cette intervention, plus qu'un simple fait militaire est un engagement politique majeur. Il remet en cause le sacro-saint principe de la non ingérence dans les affaires intérieures des Etats. On a souvent proclamé les droits de l'homme au XXème siècle, mais ils se sont toujours arrêtés aux frontières des Etats.Cette fois, on déclare que, au dessus du droit des Etats, il existe un droit supérieur qui trouve sa source dans la conscience de ce qui est juste et ses fondements dans l'idée que l'homme a, en tant qu'homme, des droits supérieurs inaliénables, opposables à tout pouvoir, dusse à celui des Etats souverains. C'est là un retour aux sources et une rupture avec l'absolutisme des Etats nations souverains où le droit s'identifie à l'Etat c'est-à-dire au pouvoir politique. Or, la source de toute souveraineté se trouve dans la personne. C'est l'idée née sur le terrain de la pensée libre en Grèce, portée par le grand souffle du christiannisme et consacrée par la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen en 1789.
Ouest France : Comment ces deux principes, souveraineté de la personne et supériorité du droit, peuvent-ils se traduire aujourd'hui dans la construction européenne ?
AM : Il faut imaginer une nouvelle Europe autrement qu'à tavers le prisme des Etats nations : ni cartel d'Etat nations ni Etat nation aggrandi. Les deux principes à la source de l'identité européenne -souveraineté de la personne et supériorité du droit- sont devenus les principes fondateurs de la nouvelle Europe, au travers du traité de Maastricht - la subsidiarité - et d'Amsterdam -l'Etat de droit. Il s'agit maintenant de les faire vivre.
Ouest France : Dans cette future EUrope politique, comment faire naître une citoyenneté européenne ?
AM : Au-delà de ce qu'elle nous a déjà apporté - et qui n'est pas mince- l'Europe peutêtre un formidable levier de modernisation de la France. Je combats toutes les idées qui visent à constuire un super Etat européen niant les réaliés nationales, avec son super Parlement, son super président, ses super lois, sa super bureaucratie ou son super impôt européen. En revanche, je crois à l'Europe de super citoyens, qui puissent tirer tous les avantages de la diversité des expériences nationales.
Ouest France : Concrêtement...
AM : Etre européen, c'est rechercher ce qu'il y a de meilleur dans cet espace, c'est vouloir appliquer dans tous les domaines -fiscalité, emploi, éducation, santé... - la clause de la nation européenne la plus favorable pour les citoyens. L'Europe ne doit pas chercher à harmoniser ses différences, mais à en tirer le meilleur parti dans une société de liberté et d'échange.
(Source http://www.demlib.com, le 7 février 2001)