Déclaration de M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, sur le bilan de la mise en place des contrats locaux de sécurité, la prévention de la délinquance et de la sécurité dans les quartiers dans le cadre des contrats de ville et le rôle du médiateur et des associations dans la gestion de la politique de la ville et la citoyenneté, Paris le 20 septembre 1999.

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Circonstance : Journée nationale de restitution des ateliers déconcentrés des contrats locaux de sécurité à Paris le 20 septembre 1999

Texte intégral

Nous voici réunis aujourd'hui pour clore le cycle d'ateliers d'animation qui se sont tenus depuis le début de l'année et qui ont permis - c'était notre objectif - d'aider les acteurs de terrain à mettre en place les contrats locaux de sécurité.
En octobre 1997, la mise en place des contrats locaux de sécurité a répondu au besoin d'une approche nouvelle de la sécurité :
Il fallait répondre à l'évolution de la délinquance et au sentiment d'insécurité qu'il génère chez nombre de nos concitoyens, notamment ceux qui vivent dans les quartiers d'habitat populaire.
Cette réalité est complexe : pour y répondre efficacement, le Gouvernement a choisi de privilégier une approche locale, au plus près du terrain.
Mais l'approche locale implique bien sûr une démarche partenariale, faisant de la sécurité au quotidien le produit de l'action de tous.
En mars dernier, le gouvernement a souhaité approfondir cette politique en l'inscrivant au cur de la politique de la ville.
La rencontre des acteurs de la prévention de la délinquance et de la sécurité, que j'ai organisée à Montpellier en mars dernier, a permis de faire ressortir trois aspects principaux :
1. Notre politique de sécurité doit être équilibrée : C'est le sens des décisions des conseils de sécurité intérieure. La sécurité ne se résume pas aux seules mesures de sécurisation ; elle doit comporter au même titre :
2.
- des actions de prévention - c'est une évidence,
· des actions de médiation, car la sécurité repose sur la capacité de vivre ensemble,
·
· des actions d'insertion, car l'exclusion est un terreau pour la violence,
·
· et des actions de solidarité envers les victimes, actions qui ont été vigoureusement relancées par Elisabeth Guigou.
Cet équilibre et cette complémentarité entre ces différentes approches, sont les seuls garants de l'efficacité de nos politiques de sécurité.
Pour assurer cet équilibre, il nous a fallu rénover nos politiques de prévention qui avaient pu se diluer trop largement dans les seules activités d'animation socioculturelle sportive ou de loisir.
1. Si notre politique de sécurité doit être équilibrée, elle doit également permettre une implication réelle des habitants. C'est la deuxième inflexion qu'il faut apporter à nos politiques locales de sécurité.
2.
C'est pourquoi, j'ai engagé un travail pédagogique d'ampleur pour mieux faire comprendre l'enjeu de la participation des habitants :
· Nous venons, avec la revue Territoires, d'éditer un recueil des pratiques intégrant également une analyse des principes qui guident les méthodes de participation des habitants ; Ce guide est d'ailleurs à votre disposition aujourd'hui au stand de la DIV.
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· En octobre, à Grenoble, dans le cadre d'un séminaire de travail mené au niveau de l'agglomération, nous chercherons à identifier les évolutions et transformations nécessaires à mettre en place au sein des services publics, des collectivités locales et de l'Etat, pour que l'implication des habitants soit réellement considérée comme un mode de fonctionnement pour l'action publique, et non plus, un simple discours incantatoire.
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· A Dunkerque, fin novembre, là encore dans un cadre d'agglomération, nous déterminerons les axes de formations préalables, nécessaires aux élus, aux acteurs professionnels et aux habitants afin d'instaurer de vraies procédures de concertation.
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1. Enfin, les rencontres de Montpellier ont permis de préciser les enjeux d' une approche globale de la sécurité, inscrite au sein de la politique de la ville.
2.
C'est la raison pour laquelle le gouvernement a souhaité que les contrats locaux de sécurité constituent dans les agglomérations concernées le volet " prévention et sécurité " des contrats de ville.
Beaucoup d'actions ont ainsi été engagées et commencent à produire leurs effets. Je veux, par une digression que vous comprendrez aisément, dire ma satisfaction devant le succès des opérations " ville-vie-vacances " dans son cru 1999.
Les ingrédients de la réussite sont assez facilement perceptibles et confirment l'intérêt de notre démarche équilibrée, participative et partenariale.
Ce succès doit tous nous inciter à renforcer l'accompagnement des jeunes tout au long de l'année, au-delà des opérations ponctuelles menées pendant les vacances.
Mais aujourd'hui, la sécurité ne peut plus être pensée isolément. Que l'on parle d'égalité des droits, ou d'accès à la citoyenneté, je crois effectivement que notre société, notre pacte républicain, requièrent un nouvel élan démocratique.
Nous l'avons beaucoup abordé, au cours des rencontres de Montpellier, l'insécurité et la violence se nourrissent également du sentiment d'injustice ressenti par toute une partie de la population.
Ce sentiment d'injustice se nourrit des inégalités réelles de traitement dont ces quartiers font l'objet. Il se nourrit aussi de l'incompréhension croissante entre institutions et population.
Il se cristallise notamment sur la tension des rapports entre jeunes et police - ce qui constitue, à juste titre, un des objets de préoccupation du ministre de l'intérieur.
Le sentiment d'injustice, s'il n'est pris en compte, mine tous les efforts que nous pouvons entreprendre pour la sécurité. Il est véritablement de l'ordre de l'urgence d'apporter aux pratiques discriminatoires, qui sont au cur du sentiment d'injustice, un coup d'arrêt , sans quoi la crédibilité même de l'action globale ne pourra que très difficilement porter ses fruits. Ces discriminations sont subies dans tous les secteurs : dans l'accès au travail, aux loisirs, au logement, à la culture, mais aussi dans l'accès aux services publics
Il faut assurer à tous ceux qui éprouvent une difficulté quelconque dans ses rapports avec une institution, la possibilité de pouvoir recourir à un tiers neutre, chargé d'expliciter le point de vue de chacun et, si nécessaire, d'exercer une action contraignante contre l'administration.
Cette fonction est celle du Médiateur de la République. Mais aujourd'hui, celui-ci est encore insuffisamment identifié par les personnes, notamment dans les territoires qui en auraient le plus besoin.
C'est pourquoi, j'ai proposé au Médiateur de la République, M. Bernard Stasi, de réfléchir ensemble à une évolution de cette institution vers plus de proximité, pour atteindre le public qui en a le plus besoin.
C'est là un enjeu de citoyenneté : nous devons redonner confiance dans nos institutions - ce qui implique qu'elles acceptent d'évoluer et de se remettre en cause.
La citoyenneté, c'est le droit ; c'est une régulation sociale fondée sur des normes élaborées démocratiquement et ressenties comme légitimes, y compris dans leur dimension coercitive.
Mais, être citoyen, c'est aussi être acteur dans la cité, s'impliquer dans la vie collective. En inscrivant automatiquement les jeunes sur les listes électorales, un premier pas a été franchi. Mais, ce droit qui leur est donné ne suffit pas, il faut créer les conditions de leur participation effective à la vie de la cité.
C'est pourquoi, la participation des habitants constitue un objectif prioritaire de la politique de la ville.
Or, c'est localement, au plus proche des habitants, que la collectivité se construit. Ce mouvement ne peut être défini par l'Etat central, il doit être inventé par les acteurs locaux. Mais l'Etat a vocation à faciliter ce travail de proximité.
C'est ce que j'ai fait, en prenant deux mesures simples :
· la création des fonds de participation des habitants, qui permettent de financer rapidement et simplement les initiatives d'habitants de nos quartiers : voyage, fête locale, goûter d'enfants, etc
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· la simplification des procédures de subventionnement des associations : cet objectif est décliné par toute une série de mesures : caisse unique, dossier unique, interlocuteur unique en préfecture, engagement de crédit facilité en dessous de 50.000F.
·
Je veux insister sur le rôle des associations locales qui contribuent grandement à la vitalité du tissu urbain et à la qualité des rapports humains. La politique de la ville est une politique de proximité ; elle s'appuie souvent sur les réseaux associatifs présents. En facilitant la vie des associations dans les recherches de financement, j'ai voulu leur apporter un message pratique : vous êtes utiles dans votre travail de terrain, je ne veux plus vous voir passer des semaines entières pour obtenir une subvention, pour la plupart des cas, très modestes.
Mais les associations doivent aussi être davantage impliquées dans la détermination de la politique de la ville. C'est pourquoi j'ai demandé à tous les préfets concernés, de réunir les structures associatives financées par la politique de la ville, pour définir ensemble les objectifs des prochains contrats de ville et les moyens de les mettre en uvre.
Cet ensemble de mesures ouvre la voie d'une politique de la ville qui place la personne au centre de ses préoccupations, et se donne les moyens d'en faire un citoyen " de plein exercice " qui ne se voit pas seulement rappeler ses devoirs, mais peut véritablement accéder à tous ses droits.
Vous ne devez pas limiter votre action à la mise en uvre de procédures. Vous ne devez pas considérer la politique de la ville comme une préoccupation périphérique ; elle se situe au cur de vos compétences, elle doit vous conduire à adapter vos modes de fonctionnement.
Vous partagez une part de responsabilité dans l'adaptation de nos institutions aux mutations actuelles. Le contrat local de sécurité en constitue l'un des outils.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 23 septembre 1999)