Texte intégral
R. Sicard - L'insécurité est au coeur de la campagne électorale depuis le début et ce matin, un chiffre est tombé : selon des statistiques du ministère de l'Intérieur, la délinquance aurait baissé légèrement - de 0,9 % - en mars 2002 par rapport à mars 2001. Aurait-on exagéré ?
- "Je félicite le ministère de l'Intérieur de ce constat et si c'était vrai, je m'en réjouirais. Mais un autre chiffre a été publié hier par les magistrats : près de 40 % des peines de prison prononcées ne sont pas exécutées, faute de place dans les prisons ; là est tout le problème. Les voyous ont peur de la police quand ils ont peur de la justice. Si vous avez le sentiment que le risque d'être pris, d'être condamné, d'exécuter vraiment une peine est très faible, ne vous étonnez pas de la montée de la délinquance. C'est la raison pour laquelle..."
Mais le chiffre qui vient de sortir, vous pensez qu'il ne reflète pas la réalité ?
- "Laissez commenter les syndicats de police la façon dont ils font ces statistiques et dont ils apprécient les chiffres du ministère de l'Intérieur... Ma conclusion est simple : tant que l'on ne donnera pas vraiment les moyens à la justice de faire respecter la loi, des places dans les prisons humanisées, des centres pour les mineurs délinquants, pour leur donner une nouvelle chance mais aussi pour les punir, tant qu'il ne mettra pas le paquet, nous serons condamnés à l'insécurité. A Strasbourg, 15.000 voitures brûlent chaque année ; vous n'en avez pas du tout de l'autre côté du Rhin. Quelle est la différence ? Est-ce qu'il y a plus de policiers de l'autre côté du Rhin qu'à Strasbourg ? Non, la différence c'est qu'il y a une justice qui a les moyens de fonctionner. Le paquet sur la justice, voilà ma proposition."
J. Chirac a fait une proposition concernant la décentralisation ; il veut une réforme très ambitieuse, il veut réviser la Constitution. Pour une fois, vous devez être content, parce que vous être pour la décentralisation !
- " D'abord, j'applaudis et je dis avec un peu de malice qu'on aurait peut-être pu y penser plus tôt. Cela fait quand même longtemps qu'on a l'occasion de le faire, parce que je me bats depuis longtemps pour une réforme institutionnelle et constitutionnelle qui institue de vrais pouvoirs régionaux. J'ai même proposé qu'on le fasse dès l'été prochain et que ce soit adopté par référendum à l'automne."
Il a donc pris votre idée ?
- "J. Chirac va dans le même sens, j'applaudis. Mais je dis quand même qu'il ne va pas assez loin et qu'il va falloir enrichir la proposition. Pourquoi ne va-t-il pas assez loin ? Parce que je propose de transférer de vrais pouvoirs aux régions, pas superficiellement. On a besoin de régions forte pour faire une France forte. La maladie française, c'est l'hypercentralisation parisienne. Donc, il faut y aller hardiment. Deuxièmement, on a besoin d'une vraie réforme fiscale. Si vous leur donnez les pouvoirs sans leur donner l'argent, ça ne sert à rien. Il a donc besoin de transférer de grandes ressources fiscales. Je propose de prendre les taxes sur l'essence et sur l'énergie et de les donner aux régions, comme ça, elles auront les moyens de fonctionner. Troisièmement, je veux leur donner un pouvoir normatif dans le cadre des lois générales. La loi doit rester la loi d'un bout à l'autre du territoire, mais il faut leur laisser le soin d'adapter les lois, de la même façon qu'il faut en profiter pour donner l'occasion aux partenaires sociaux d'adapter la loi. Il y a de grandes lois générales que le Parlement vote mais ensuite, par exemple, s'il s'agit de décider de la durée du travail dans telle ou telle entreprise ou dans telle ou telle profession, c'est aux partenaires sociaux de le décider. Dernier exemple : J. Chirac dit qu'il y a besoin de référendums locaux ; oui, mais on a besoin de contre-pouvoirs si on donne de nouveaux pouvoirs. Je suis partisan de référendums locaux à l'initiative des élus, c'est bien, mais aussi à l'initiative des citoyens, qui doivent pouvoir faire valoir leur point de vue grâce au référendum d'initiative populaire."
Vous avez présenté hier votre programme économique. La mesure la plus spectaculaire, c'est la fin des 35 heures obligatoires. L'Express publie un sondage, ce matin, qui montre que les Français sont assez nuancés sur le sujet, mais 63 % trouvent que cela a augmenté la qualité de la vie. Si vous les supprimer, vous n'allez pas faire que des heureux...
- "Je propose la liberté, le choix de son temps de travail. Et ça, je vous assure que c'est la mesure la plus populaire. Il y a des tas de femmes qui, au moment où elles élèvent leurs enfants, préféreraient avoir un mi-temps, voire un arrêt de travail plutôt que les 35 heures. Les 35 heures, c'est une vision totalement passéiste. Des contrats ont été conclus avec les 35 heures, je les laisse vivre, mais je laisse ensuite évoluer, les contrats parce que dans une grande usine automobiles, pour des caissières de supermarché, l'épicerie d'à côté ou une start up, la durée du travail n'a pas du tout le même sens. Peut-être que pour vous, pour moi, il y a des moments de la vie où on a envie de travailler plus, des moments où on a envie de travailler moins. La liberté du travail est une liberté fondamentale. Mais dans les propositions que je fais, ce qui essentiel, c'est de dire qu'il faut baisser les impôts, pas seulement pour donner un peu plus de pouvoir d'achat aux gens, mais parce qu'une réforme moderne de la fiscalité est ce qui permet de fabriquer de la croissance, et à notre tour, de retrouver le plein-emploi. Il y a un certain nombre de réformes comme celle-là dont personne ne parle, comme la réforme de l'Etat, baisser les dépenses publiques, que je veux mettre au coeur du débat. Je veux les faire peser au premier tour, je suis le seul à le faire, pour en être le garant au second tour."
Revenons aux 35 heures : admettons qu'un salarié ait affaire à un patron un peu dur et qu'il veuille le faire travailler plus qu'il ne le souhaite ; s'il n'y a plus la garantie de la loi, que peut-il faire ?
- "Vous avez la garantie du contrat ! Mais comment fait-on dans les autres pays ? Réveillez-vous un peu !"
La loi, c'est pour protéger les faibles contre les forts...
- "La loi doit fixer des règles générales, en principe, d'ailleurs, c'est son rôle. Mais ensuite, l'adaptation particulière doit être laissée aux partenaires sociaux. Et quand vous dites qu'il y a les faibles et les forts, ce qui rétablit l'égalité des forces entre les deux, ça s'appelle le syndicat, la convention collective. Nous sommes le seul pays au monde à vouloir faire une loi obligatoire pour fixer la durée hebdomadaire de la durée du travail et vous pensez qu'on va être compétitif comme ça ? Au contraire, il y a besoin de faire la révolution du temps choisi : travailler plus si on le souhaite, travailler moins si on le souhaite aussi. La liberté du travail, c'est une des clef, aujourd'hui pour retrouver le plein-emploi. Et le plein-emploi, c'est ce qui fait grimper les feuilles de paie, reculer la précarité du travail, ce qui fait un pays prospère."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 avril 2002)
- "Je félicite le ministère de l'Intérieur de ce constat et si c'était vrai, je m'en réjouirais. Mais un autre chiffre a été publié hier par les magistrats : près de 40 % des peines de prison prononcées ne sont pas exécutées, faute de place dans les prisons ; là est tout le problème. Les voyous ont peur de la police quand ils ont peur de la justice. Si vous avez le sentiment que le risque d'être pris, d'être condamné, d'exécuter vraiment une peine est très faible, ne vous étonnez pas de la montée de la délinquance. C'est la raison pour laquelle..."
Mais le chiffre qui vient de sortir, vous pensez qu'il ne reflète pas la réalité ?
- "Laissez commenter les syndicats de police la façon dont ils font ces statistiques et dont ils apprécient les chiffres du ministère de l'Intérieur... Ma conclusion est simple : tant que l'on ne donnera pas vraiment les moyens à la justice de faire respecter la loi, des places dans les prisons humanisées, des centres pour les mineurs délinquants, pour leur donner une nouvelle chance mais aussi pour les punir, tant qu'il ne mettra pas le paquet, nous serons condamnés à l'insécurité. A Strasbourg, 15.000 voitures brûlent chaque année ; vous n'en avez pas du tout de l'autre côté du Rhin. Quelle est la différence ? Est-ce qu'il y a plus de policiers de l'autre côté du Rhin qu'à Strasbourg ? Non, la différence c'est qu'il y a une justice qui a les moyens de fonctionner. Le paquet sur la justice, voilà ma proposition."
J. Chirac a fait une proposition concernant la décentralisation ; il veut une réforme très ambitieuse, il veut réviser la Constitution. Pour une fois, vous devez être content, parce que vous être pour la décentralisation !
- " D'abord, j'applaudis et je dis avec un peu de malice qu'on aurait peut-être pu y penser plus tôt. Cela fait quand même longtemps qu'on a l'occasion de le faire, parce que je me bats depuis longtemps pour une réforme institutionnelle et constitutionnelle qui institue de vrais pouvoirs régionaux. J'ai même proposé qu'on le fasse dès l'été prochain et que ce soit adopté par référendum à l'automne."
Il a donc pris votre idée ?
- "J. Chirac va dans le même sens, j'applaudis. Mais je dis quand même qu'il ne va pas assez loin et qu'il va falloir enrichir la proposition. Pourquoi ne va-t-il pas assez loin ? Parce que je propose de transférer de vrais pouvoirs aux régions, pas superficiellement. On a besoin de régions forte pour faire une France forte. La maladie française, c'est l'hypercentralisation parisienne. Donc, il faut y aller hardiment. Deuxièmement, on a besoin d'une vraie réforme fiscale. Si vous leur donnez les pouvoirs sans leur donner l'argent, ça ne sert à rien. Il a donc besoin de transférer de grandes ressources fiscales. Je propose de prendre les taxes sur l'essence et sur l'énergie et de les donner aux régions, comme ça, elles auront les moyens de fonctionner. Troisièmement, je veux leur donner un pouvoir normatif dans le cadre des lois générales. La loi doit rester la loi d'un bout à l'autre du territoire, mais il faut leur laisser le soin d'adapter les lois, de la même façon qu'il faut en profiter pour donner l'occasion aux partenaires sociaux d'adapter la loi. Il y a de grandes lois générales que le Parlement vote mais ensuite, par exemple, s'il s'agit de décider de la durée du travail dans telle ou telle entreprise ou dans telle ou telle profession, c'est aux partenaires sociaux de le décider. Dernier exemple : J. Chirac dit qu'il y a besoin de référendums locaux ; oui, mais on a besoin de contre-pouvoirs si on donne de nouveaux pouvoirs. Je suis partisan de référendums locaux à l'initiative des élus, c'est bien, mais aussi à l'initiative des citoyens, qui doivent pouvoir faire valoir leur point de vue grâce au référendum d'initiative populaire."
Vous avez présenté hier votre programme économique. La mesure la plus spectaculaire, c'est la fin des 35 heures obligatoires. L'Express publie un sondage, ce matin, qui montre que les Français sont assez nuancés sur le sujet, mais 63 % trouvent que cela a augmenté la qualité de la vie. Si vous les supprimer, vous n'allez pas faire que des heureux...
- "Je propose la liberté, le choix de son temps de travail. Et ça, je vous assure que c'est la mesure la plus populaire. Il y a des tas de femmes qui, au moment où elles élèvent leurs enfants, préféreraient avoir un mi-temps, voire un arrêt de travail plutôt que les 35 heures. Les 35 heures, c'est une vision totalement passéiste. Des contrats ont été conclus avec les 35 heures, je les laisse vivre, mais je laisse ensuite évoluer, les contrats parce que dans une grande usine automobiles, pour des caissières de supermarché, l'épicerie d'à côté ou une start up, la durée du travail n'a pas du tout le même sens. Peut-être que pour vous, pour moi, il y a des moments de la vie où on a envie de travailler plus, des moments où on a envie de travailler moins. La liberté du travail est une liberté fondamentale. Mais dans les propositions que je fais, ce qui essentiel, c'est de dire qu'il faut baisser les impôts, pas seulement pour donner un peu plus de pouvoir d'achat aux gens, mais parce qu'une réforme moderne de la fiscalité est ce qui permet de fabriquer de la croissance, et à notre tour, de retrouver le plein-emploi. Il y a un certain nombre de réformes comme celle-là dont personne ne parle, comme la réforme de l'Etat, baisser les dépenses publiques, que je veux mettre au coeur du débat. Je veux les faire peser au premier tour, je suis le seul à le faire, pour en être le garant au second tour."
Revenons aux 35 heures : admettons qu'un salarié ait affaire à un patron un peu dur et qu'il veuille le faire travailler plus qu'il ne le souhaite ; s'il n'y a plus la garantie de la loi, que peut-il faire ?
- "Vous avez la garantie du contrat ! Mais comment fait-on dans les autres pays ? Réveillez-vous un peu !"
La loi, c'est pour protéger les faibles contre les forts...
- "La loi doit fixer des règles générales, en principe, d'ailleurs, c'est son rôle. Mais ensuite, l'adaptation particulière doit être laissée aux partenaires sociaux. Et quand vous dites qu'il y a les faibles et les forts, ce qui rétablit l'égalité des forces entre les deux, ça s'appelle le syndicat, la convention collective. Nous sommes le seul pays au monde à vouloir faire une loi obligatoire pour fixer la durée hebdomadaire de la durée du travail et vous pensez qu'on va être compétitif comme ça ? Au contraire, il y a besoin de faire la révolution du temps choisi : travailler plus si on le souhaite, travailler moins si on le souhaite aussi. La liberté du travail, c'est une des clef, aujourd'hui pour retrouver le plein-emploi. Et le plein-emploi, c'est ce qui fait grimper les feuilles de paie, reculer la précarité du travail, ce qui fait un pays prospère."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 avril 2002)