Editoriaux de Mme Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte ouvrière et candidate à l'élection présidentielle de 2002, dans "Lutte ouvrière" les 4 mars, 26 mars et 2 avril 2002, sur la nécessité de voter pour elle au premier tour de l'élection présidentielle, sur la fiscalité, sur les 35 heures.

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Média : Lutte Ouvrière

Texte intégral

04 mars 2002
AVEC LES TRAVAILLEURS OU CONTRE EUX
Depuis que les deux duettistes, Jospin et Chirac, qui se disputent le fauteuil présidentiel, sont entrés officiellement en campagne, ils ont entonné la même rengaine.
L'un, Chirac, promet que, s'il est élu, il réduira les impôts sur le revenu d'un tiers sur cinq ans. En admettant même qu'il tienne cette promesse, ce qui n'est pas dit, il oublie de préciser que l'impôt sur le revenu ne représente que moins de 20 % des impôts récupérés par l'Etat, et que la moitié des contribuables ne le payent pas, non pas parce qu'ils bénéficient d'un régime de faveur, mais parce que leurs revenus sont insuffisants pour être imposables. Pour ceux-là cette mesure sera sans effet. Les riches par contre en seraient les principaux bénéficiaires car cette baisse, s'appliquant aux tranches supérieures de cet impôt, leur procurerait une remise bien plus grande que celle d'un contribuable du bas de l'échelle. Mais surtout, ce que Chirac ne dit pas, c'est que le plus gros des recettes fiscales de l'Etat provient de l'impôt indirect, comme la TVA ou l'impôt sur le carburant que tous, riches et pauvres, payent, qu'ils soient milliardaires, ou salariés, chômeurs, retraités, Rmistes, en tant que consommateurs. Impôt injuste s'il en est puisqu'il pèse bien plus, proportionnellement, sur les pauvres que sur les riches.
Quant à Jospin, en matière de fiscalité, il a déjà donné... aux plus riches, au travers des mesures prises par son ami Fabius. Et il ne promet pas de revenir sur la politique de son ministre des finances. Il est tout autant à l'unisson avec Chirac, lorsqu'il explique, comme il l'a fait sur TF1 dimanche, que "sa démarche est une démarche de réconciliation, une démarche de compromis entre ces deux France", celle selon lui de "ceux qui créent, qui innovent, qui ont un poste sûr", et celle de "ceux dont les revenus sont plus faibles, dont la situation est plus précaire, qui ont plus de mal à s'adapter à la mondialisation..." (comme si c'était de leur faute, s'ils ne trouvaient plus d'emploi !). Il nous refait là, avec d'autres mots, le coup de la "fracture sociale", que Chirac nous avait sorti en 1995. C'est se moquer du monde que de prétendre que ce qui a manqué à Moulinex-Brandt, chez Bata, à l'Alstom, et dans bien d'autres entreprises ce serait un manque d'esprit de conciliation.
Pour parler comme Jospin, c'est vrai qu'il y a deux France. D'un côté celle des exploiteurs, des financiers, des spéculateurs, qui, grâce à la politique menée par le gouvernement, conjointement avec Chirac, a prospéré. Et de l'autre, celle de leurs victimes, les travailleurs, les chômeurs, les petits retraités.
Jospin, tout comme Chirac, ou comme Chevènement, se placent dans le camp des adversaires du monde du travail. La solidarité qu'ils prêchent est à sens unique. Elle vise à nous faire accepter de nous incliner, sans réagir, devant les choix de nos exploiteurs, de nos licencieurs, actuels ou futurs.
Ces gens n'ont jamais été de notre bord. Ils sont, depuis longtemps, dans le camp du patronat. Ceux de droite ne l'ont jamais caché. Ceux qui se disent de gauche ne font même plus l'effort, aujourd'hui, de se prétendre du côté du monde du travail. Cela n'est pas une surprise. Désormais les choses sont claires, même pour ceux qui se faisaient encore des illusions.
Bientôt nous serons invités à donner notre avis. Eh bien donnons-le. En toute clarté, le plus fermement possible. Choisir entre Chirac et Jospin, c'est choisir la façon dont on enrobera les attaques contre nos retraites, nos emplois, nos salaires.
Il faut donc en profiter pour dire que nous en avons assez de ces représentants politiques qui, ouvertement, ou de façon à peine déguisée, sont dans le camp du patronat.
Seule Arlette Laguiller est réellement dans le camp des travailleurs, et elle seule représente les intérêts du monde du travail. Alors, voter pour elle, ce sera dire que nous avons conscience que le patronat et ses hommes de main politiques ne sont pas de notre monde, ce sera voter pour nous.

(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 8 mars 2002)
(26/03/2002)
POURQUOI VOTER, SI CE N'EST PAS POUR DIRE CE QU'ON PENSE ?
Les porte-parole de la droite, qui s'inquiètent de voir qu'une fraction du monde du travail plus importante que par le passé pourrait cette fois-ci voter pour Arlette Laguiller, les porte-parole de la gauche gouvernementale, qui s'alarment en plus à l'idée de perdre des voix, affirment à qui mieux mieux que le vote en faveur de la candidate de Lutte Ouvrière serait stérile, parce qu'Arlette refusera de prendre parti au second tour. Pour la plupart de ces gens-là, comme pour la majorité des commentateurs, le premier tour est en fait une formalité inutile, le seul scrutin qu'ils trouvent important, c'est celui du deuxième tour.
Mais le premier tour de l'élection présidentielle sera au contraire le seul où les électeurs pourront se prononcer pour le candidat, pour la politique de leur choix. La loi électorale concoctée en son temps par de Gaulle, et que la gauche gouvernementale s'est bien gardée de modifier, ne permet qu'à deux candidats de rester en lice au second tour. Dans ces élections, si on en juge par les sondages actuellement publiés, cela signifie que tout se jouera au second tour entre deux candidats qui n'auront pas recueilli à eux deux la moitié des suffrages, les autres étant, qu'ils le veuillent ou pas, que leurs électeurs le souhaitent ou pas, automatiquement écartés. C'est cela qu'ils appellent la "démocratie". Et il faudrait que tous ceux, et ils sont nombreux, qui ne voient guère de différence entre la politique de la gauche gouvernementale et celle de la droite - parce que les uns et les autres mènent au fond la même politique au service des possédants, se livrent aux mêmes attaques contre la classe ouvrière - choisissent par qui ils préfèrent être mangés, et renoncent à dire au premier tour ce qu'ils pensent vraiment !
Le seul intérêt de ces élections, pour le monde du travail, c'est au contraire de dire clairement qu'il condamne non seulement la politique de la droite, mais aussi celle du gouvernement Jospin, et qu'il exige une autre politique. C'est de dire qu'il faut en finir avec les plans de licenciements à répétition, et qu'il faut interdire ceux-ci, interdire les délocalisations, sous peine de réquisition des entreprises. C'est de dire qu'il faut rendre accessible à tous la comptabilité des entreprises, celle des banques ; c'est qu'il faut rendre publiques les fortunes privées des gros actionnaires et de leurs proches, celles des hommes politiques, afin que chacun puisse savoir d'où vient et où va l'argent, ce que font les entreprises des bénéfices énormes qu'elles encaissent. Et on ne peut évidemment pas se prononcer pour ce programme-là en votant pour ceux qui ont mené, comme Jospin, ou soutenu pendant cinq ans, comme Robert Hue, une politique diamétralement opposée, même si aujourd'hui certains font mine de trouver que le gouvernement n'était pas assez à gauche. Il n'y a pas d'autre moyen que de voter pour la seule candidate qui défende vraiment un programme conforme aux intérêts du monde du travail, c'est à dire pour Arlette Laguiller.
La presse au service du grand capital, les hommes politiques de la bourgeoisie, ne s'y trompent pas. On assiste ces derniers temps à une multiplication des médisances et des calomnies de toutes sortes contre Lutte Ouvrière et sa candidate, afin d'essayer de détourner l'électorat populaire du vote en faveur d'Arlette Laguiller. Les mêmes qui se disent si soucieux du bon "niveau" de la campagne partent du principe que plus le mensonge est répété, plus il a de chances d'être cru. C'est bien la preuve que la candidature d'Arlette Laguiller les gêne. Mais c'est aussi une raison de plus, pour les travailleurs, de la soutenir.
Car voter pour Arlette Laguiller, ce ne sera pas seulement la seule façon de dire qu'il est grand temps de donner un coup d'arrêt aux attaques contre le monde du travail. Mais ce sera aussi, si le nombre de suffrages qui se portent sur elle est important, le moyen de redonner confiance dans les capacités de lutte du monde du travail à tous ceux que la politique de la gauche gouvernementale a désorientés.
(Source http://www.lutte-ouvrier.org, le 29 mars 2002)
(02/04/2002)
ILS ONT DEJA UN CARTON JAUNE, DONNONS-LEUR UN ROUGE !
Chirac a le culot de dire que, dans les hôpitaux, les 35 heures sont une catastrophe. Il oublie de dire que la cause n'est pas la réduction du temps de travail d'un personnel à bout de forces, mais le fait qu'on n'a pas embauché en conséquence. Parce que, pour compenser 10 % de réduction du temps de travail, il aurait fallu une augmentation de 10 % des effectifs. Le gouvernement ne l'a pas fait. Mais les gouvernements de droite qui l'ont précédé n'ont pas non plus compensé les départs à la retraite et fait face aux besoins.
Jospin a prétendu, mardi matin sur RTL, que son gouvernement avait "tenu ses engagements" et que "c'est avec un gouvernement de gauche que les problèmes de chômage, de retraite et de santé trouveront une réponse" ! Pourquoi, depuis 5 ans, ne l'a-t-il pas fait ?
Le chômage a un peu régressé mais les emplois précaires ont plus augmenté encore. Pour la santé, les hôpitaux, la Sécurité sociale, n'en parlons pas. Quant aux retraites, Jospin n'a même pas supprimé les mesures de Balladur et n'a pas rétabli à 37 ans et demi les cotisations pour une retraite complète au lieu des 40 actuels. Et les actuels retraités voient leur niveau de vie diminuer encore bien plus que les salariés en activité.
Il ne se passe pas de semaine sans qu'on annonce un licenciement collectif, ici ou là. Les actionnaires de ces sociétés cotées en Bourse exigent 15 ou 20 % de bénéfice et, pour les satisfaire, on diminue le nombre de travailleurs et on exploite un peu plus ceux qui restent.
Voilà la situation du monde du travail. Voilà la société que Jospin dit avoir "gérée sérieusement". C'est vrai qu'il "gère sérieusement" les affaires de la bourgeoisie, mais pas celles des travailleurs.
Ce qui est réconfortant, c'est que de plus en plus de travailleurs manifestent que cette gauche ne les représente pas. De plus en plus d'ouvriers, d'employés, de fonctionnaires, d'enseignants, de travailleurs des services publics, de petits commerçants et de petits paysans, ont trouvé que seule Arlette Laguiller exprimait leurs intérêts. D'où sa montée dans les sondages.
Arlette Laguiller est issue du monde du travail, elle est aujourd'hui retraitée car elle a travaillé toute sa vie comme employée. C'est une femme. Elle a toujours partagé la vie du monde du travail. Elle a été militante syndicale et a connu l'exploitation dans les entreprises et tous les efforts qu'il fallait faire pour défendre les travailleurs contre la rapacité patronale ou les injustices. Elle, elle peut exprimer les aspirations de la population laborieuse.
Aujourd'hui les sondages lui prêtent la moitié des voix qui se porteraient sur Chirac ou sur Jospin. De plus en plus de travailleurs ont connu la droite et la gauche au pouvoir et ont pu juger qu'il n'y avait pas vraiment de différence.
Le Parti communiste s'est déconsidéré aux côtés de Jospin et dégringole dans les mêmes sondages. Qui pourrait donc citer le nom des quatre ministres communistes et dire ce qu'ils ont fait ? Pour Marie-George Buffet, on peut peut-être dire ce qu'elle est mais pas ce qu'elle a fait d'important. Gayssot certainement, mais que pensent de lui les cheminots, les chauffeurs routiers ? Et les deux autres, quel est leur nom et à quoi ont-ils servi ? Jospin, avec Gayssot, en 5 ans, a plus privatisé que les deux gouvernements de droite qui ont précédé. Même les autoroutes dont l'Etat a entièrement financé la construction vont être privatisées maintenant qu'elles sont bien rentables. D'ici qu'on nous fasse payer un péage en sortant de chez nous pour emprunter la rue, il n'y a pas loin.
En effet, si la droite et la gauche, PCF compris, sont déconsidérés au point qu'il se confirmait que le jour du scrutin Arlette Laguiller atteigne, voire dépasse, le score de 10 %, les béquilles politiques sur lesquelles s'appuie la bourgeoisie apparaîtront fragilisées.
Tous ces gens-là craignent le vote pour Arlette Laguiller car ce qu'ils craignent c'est le monde du travail. C'est son réveil et sa colère !
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 5 avril 2002)