Interviews de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, à "La Nouvelle République des Pyrénées" le 11 avril 2002 et à "La Presse havraise" le 15 avril 2002, sur le déroulement de la campagne électorale, la situation de la gauche plurielle, sur les propositions de la gauche en matière de solidarité territorale, notamment dans les domaines de l'emploi et de la santé, sur les privatisations, le nucléaire, la situation au Proche-Orient.

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Média : La Nouvelle République des Pyrénées - La Presse Havraise - Nouvelle République des Pyrénées

Texte intégral

Interview à la "Nouvelle République des Pyrénées" du 11 avril 2002 :
1) Aujourd'hui les sondages, même s'ils ne sont que ce qu'ils sont, donnent 18,5 % à Lionel JOSPIN au 1er tour. N'est-ce pas un peu faible pour un "Présidentiable" ?
FH : Nous restons confiants. Les Français feront leurs choix avec discernement. Il est vrai que l'offre politique au 1er tour est abondante pour cette élection présidentielle. Il n'y a jamais eu autant de prétendants : 16 contre 9 en 1995. La multiplication des candidatures et notamment à gauche peut provoquer un éparpillement des voix. Mais en 1995, à la même date, les sondages donnaient JOSPIN à 18 % et exclu du 2ème tour. Pourtant JOSPIN s'est retrouvé en tête au soir du premier tour. Seuls les électeurs dans le secret de l'isoloir écrivent des nouvelles pages de l'Histoire, faisons leur confiance. Mais, clarifions l'enjeu : c'est au premier tour que les dynamiques se créent pour la victoire au second.
2) N'avez-vous pas l'impression qu'à force de vouloir gagner au centre, Lionel JOSPIN et le PS ont un peu négligé leur gauche ? Et que ce serait la cause de ce recul dans les sondages ? Et maintenant que faire pour regagner ces électeurs ?
FH : Pour gagner Lionel JOSPIN doit rassembler toutes les forces de gauche et de progrès. Lionel JOSPIN est un homme qui s'est toujours battu contre les inégalités sociales, contre les injustices. Il est le candidat du progrès social. Son projet pour la France n'est pas celui d'une France de la peur, d'une France libérale, d'une France du MEDEF. Non, la France qu'il veut est celle de la réussite pour tous. Sa France est celle de l'égalité.
3) Maintenant que la campagne est officiellement lancée, quel sera le ou les grands thèmes qui feront la différence ?
La différence avant de se trouver dans les propositions concrètes de réformes comme le droit pour tous d'accéder à la formation tout au long de la vie, le contrat autonomie pour les jeunes, la couverture logement universelle, la garantie de la préservation du régime de retraite par répartition ou le Contrat national de sécurité que nous présentons, doit se marquer dans ce que nous voulons pour notre République, le sens, le chemin à tracer. La République de Lionel JOSPIN n'est pas celle des communautés qui se juxtaposent, des corporations qui s'affrontent, des corps sociaux qui s'ignorent. La République de Lionel JOSPIN est celle de la laÏcité. Elle est celle du travail, du respect, du mérite. Elle est celle du progrès social.
4) En cas de victoire de Lionel JOSPIN, quel sera l'état de la Gauche plurielle, dont on sent les partenaires-candidats tendus, en même temps que leur influence baisse dans les sondages ?
La Gauche plurielle est une construction politique originale, née de la victoire de 1997. Chacune des composantes de la majorité a souhaité présenter un candidat à l'élection présidentielle. Mais, je suis sûr du rassemblement de l'ensemble de la gauche au second tour. Le travail accompli depuis cinq ans, le projet de Lionel Jospin et la menace d'une droite revancharde seront de puissants facteurs de mobilisation unitaire.
5) N'avez-vous pas l'impression, compte tenu du peu d'engouement que suscite cette campagne, que les Français vont davantage s'intéresser aux Législatives, comme s'ils pensaient que le Président, ce n'est pas important, et que c'est le Gouvernement qui gouverne et donc fait avancer les choses ? Les Législatives seraient-elles le véritable enjeu ?
Je crois que chaque citoyen a en tête les enjeux de cette élection. La France a besoin d'une conduite politique au sommet de l'Etat qui ne varie pas avec le temps ou les idées à la mode du moment, et qui ne tolère ni reniement ni volte-face par rapport aux engagements pris. La France doit retrouver une parole forte en Europe et dans le Monde. Elle doit peser sur la mondialisation, et agir pour des rapports Nord-Sud rééquilibrés. La France a besoin d'être présider autrement et dans la Justice Sociale. Alors ne brûlons pas les étapes. Il faut franchir les deux tours de l'élection présidentielle. Les Législatives viendront après. J'ai confiance.
(source http://www.parti-socialiste.fr, le 17 avril 2002)
Interview à la "Presse Havraise" du 25 avril 2002 :
- Interrogés lors de divers sondages, les électeurs de 18-25 ans estiment qu'aucun parti politique ne propose de véritable plan d'action pour eux. C'est aussi le cas au PS ?
François Hollande - Au-delà de ce qui a été fait depuis 1997 (emplois jeunes, priorité donnée à l'éducation), Lionel Jospin propose l'idée d'un contrat permettant de concilier l'exigence d'autonomie du jeune et la nécessité de se former, de se qualifier et de s'insérer dans la société. Il s'agit d'une novation parce que les aides actuelles sont complexes et confuses. Elles sont en outre versées sans contrepartie lorsqu'il faut privilégier les parcours de formation.
Vous êtes au Havre aujourd'hui : que peut apporter un gouvernement de gauche à la région havraise, sachant que l'agglomération est atteinte d'un taux de chômage supérieur à la moyenne nationale, que ses indicateurs de santé sont mauvais alors que dans le même temps l'État réduit la dotation budgétaire de son hôpital ?
Le gouvernement a apporté un plan massif de réindustrialisation qui a permis de faire surgir de nouveaux emplois. Il reste qu'il faut aller beaucoup plus loin dans solidarité territoriale par une meilleure répartition des concours de l'État aux collectivités locales, afin qu'ils tiennent compte de leur situation de richesse ou de pauvreté. De la même manière, en matière de santé, il faut que les dotations aux hôpitaux puissent prendre en compte les retards qui ont été constatés.
Privilégier des centres de santé régionaux par rapport à des centres de proximité, cela vous paraît compatible avec la défense des services publics ? Au Havre, on se sent abandonnés.
Une ville comme le Havre, avec son bassin d'emploi doit avoir tous les équipements de proximité indispensables. Rien ne peut être abandonné ou concédé en matière de qualité des soins nécessaires pour la population. Si la droite venait aux responsabilités quelle que soit la position de M. Rufenacht - vous imaginez ce que la réduction d'impôts et de charges sociales pourrait avoir comme conséquences en matière de santé publique. On ne peut pas d'un côté promettre des baisses massives de cotisations patronales et en même temps laisser croire qu'il y aura des augmentations de dotations pour les hôpitaux. On ne peut à la fois être le chantre de la privatisation et du marché et en même temps prétendre défendre l'égalité de tous sur le territoire.

Quand on vous oppose à cette argumentation le fait que la gauche a plus privatisé que la droite, que répondez-vous ?
Le gouvernement a ouvert le capital de France-Télécom mais en veillant à en garder la majorité. De plus, nous n'avons pas touché aux grands services publics du pays. EDF-GDF, La Poste, la SNCF : nous n'avons pas remis en cause l'égalité d'accès à ces services et la péréquation tarifaire. Quand la droite propose de privatiser EDF ou de remettre en cause le statut des entreprises publiques, voire même de réduire le nombre de fonctionnaires, on voit bien la différence entre les uns et les autres.
Que pensez-vous des déclarations de Noël Mamère qui faisait de l'arrêt du nucléaire une condition pour l'appui des Verts à une majorité plurielle ?
C'est la position de Noël Mamère. Mais, elle n'engage que lui, car chacun sait que le nucléaire fournit 78 % de notre électricité. Nous avons besoin pour longtemps de cette énergie à la fois pour assurer notre indépendance et veiller à ne pas avoir recours à des énergies polluantes. Cela n'empêche pas des diversifications (éolienne et autres) indispensables. Les énergies renouvelables devront être une priorité.
Proche-Orient : quelle sera la première initiative d'un gouvernement de gauche, sachant que ce conflit réveille en France des manifestations sporadiques d'antisémitisme alors même que le Parti Communiste est fermement engagé dans le soutien de la cause palestinienne ?
Nous devons tout faire pour rétablir les conditions du dialogue et donc de la paix. La France a de bonnes relations avec Israël et doit les garder. Notre pays a aussi été un des premiers à défendre l'idée d'un État palestinien. Ce qu'il faut aujourd'hui c'est, comme l'a proposé Lionel Jospin, une résolution des Nations Unies permettant l'envoi au Proche-Orient d'une force d'observation et d'interposition afin de séparer les belligérants et sécuriser les populations.
En visite, Jacques Chirac a visité le chantier de Port 2000. Le PS et Lionel Jospin sont-ils absents de ce dossier ?
L'Etat a participé à ce projet. L'emploi au Havre, le développement industriel, c'est trop important pour en faire un jeu tactique ou une récupération politique. Il faut se consacrer les uns et les autres à la réussite d'un chantier comme celui-là.
Propos recueillis par Benoît Marin-Curtoud
(source http://www.parti-socialiste.fr, le 17 avril 2002)