Déclaration de M. Edmond Hervé, secrétaire d'Etat chargé de la santé, sur le traitement des eaux, la réglementation des eaux de consommation et le problème des nitrates, Marmande le 20 septembre 1985.

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Circonstance : Inauguration de l'usine du traitement des eaux de Marmande le 20 septembre 1985

Texte intégral

Monsieur le maire,
Messieurs les parlementaires,
Messieurs les élus locaux,
Monsieur le préfet,
Mesdames, messieurs,
Afin de satisfaire ses besoins immédiats et pour se préparer à répondre aux demandes à moyen terme résultant d'un développement des activités. La ville de Marmande a décidé de modifier ses ressources en eau.
Pour cela, des études approfondies ont été menées pour examiner les diverses possibilités. La solution retenue est mixte et fait appel, de façon préférencielle, aux eaux d'origine souterraine fournies par les puits existants et en complément aux eaux de la Garonne.
L'usine que nous inaugurons aujourd'hui a été construite pour assurer un traitement adapté à l'ensemble de ces eaux.
Je connais à la fois par mes fonctions ministérielles et par mes fonctions de maire, l'importance sanitaire, sociale et économique de la distribution de l'eau, mais également les difficultés qu'il y a à assurer les services et les responsabilités qui s'y attachent et je voudrais dire tout l'intérêt que je porte à une telle réalisation.
Cette installation constitue un exemple des efforts menés en France au cours des dernières années pour assurer à la population une alimentation en eau en conformité avec les dispositions prises au niveau européen dans le cadre de plusieurs directives.
Je félicite l'ensemble des personnes et des responsables qui ont contribué à la mise en place de ces ouvrages en particulier :
- maître Gouzes, député-maire de Marmande,
- le conseil municipal,
- les services techniques municipaux,
- le conseil général (aide financière)
- le conseil régional (aide financière)
- les responsables des services locaux de l'Etat notamment :
*direction départementale des affaires sanitaires et sociales.
*direction départementale de l'équipement,
*direction départementale de l'agriculture.
- le directeur de l'agence financière de bassin.
Il faut associer à ce travail les sociétés qui sont intervenues notamment la Compagnie Générale des Eaux qui, avec d'autres, partage un savoir-faire en matière de traitement d'eau et de distribution, savoir-faire reconnu tant au niveau national qu'international. Là, également des contrats précis passés entre les collectivités et les sociétés permettent de définir clairement les missions et les responsabilités de chacun et donc d'assurer des prestations de qualité à la population.
Au moment où se redéfinissent les compétences respectives de l'état, de la région, du département, de la commune, cette réalisation montre que, au travers des responsabilités que leur confie la loi, ces différentes entités peuvent collaborer utilement et efficacement.
I - Eléments concernant l'approche sanitaire vis-à-vis des eaux destinées à l'alimentation humaine
Dans notre pays, la qualité de l'eau potable est assurée grâce au respect de normes sanitaires qui fait l'objet de contrôles rigoureux.
L'eau est en effet indispensable à la vie, et à la survie de l'homme.
L'eau est également nécessaire à de très nombreuses activités humaines économiques et industrielles. Ces usages sont devenus très importants avec le développement des technologies, avec les phénomènes d'urbanisation et avec l'accroissement du niveau de vie. Si quelques litres permettent de satisfaire les besoins vitaux de l'homme, il faut aujourd'hui fournir en moyenne par consommateur de 100 à 300 litres d'eau par jour pour répondre aux autres utilisations.
Par ailleurs, l'eau est un milieu écologique très complexe dont la composition dépend de nombreux facteurs. Sa qualité est influencée par son origine naturelle mais également directement ou non par sa contamination. Il convient de noter que, si au début du siècle, l'eau souterraine était recherchée de façon préférencielle sinon exclusive pour l'alimentation de la population, au cours du temps, pour répondre aux besoins, des eaux superficielles soumises à des traitements ont été utilisées de plus en plus fréquemment (ainsi de Marmande qui jusqu'alors utilisait des puits alluviaux et qui ajoute à cette ressource l'eau de la Garonne).
Les maladies d'origine hydrique sont assez bien connues et peu fréquentes en France. Toutefois, des épidémies localisées rappellent de temps à autre l'existence du risque.
La limitation de ces maladies résulte d'efforts entrepris depuis de très nombreuses années dans ce domaine notamment depuis la fin du XIXème siècle. Des mesures préventives ont été prises.
Ces mesures comportent essentiellement :
- des procédures administratives qui rendent obligatoires la consultation des autorités sanitaires sur les projets. L'utilisation de l'eau de la Garonne pour l'alimentation de Marmande a été autorisée par arrêté préfectoral du 21 novembre 1983 après avis du 21 juillet 1983 du conseil départemental d'hygiène ;
- des règles techniques qui doivent être respectées lors de la conception, la réalisation et l'exploitation des installations ;
- des normes de qualité d'eau ;
- le contrôle sanitaire des dispositifs et de la qualité de l'eau.
Suite à la loi du 22 juillet 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'état, le contrôle sanitaire est une mission incombant à l'Etat. Matériellement au niveau local, elle est exercée par les directions départementales des affaires sanitaires et sociale. les services visitent les installations et effectuent des prélèvements d'échantillons d'eau qui sont ensuite analysés par des laboratoires agréés spécialement par le ministère chargé de la santé (une centaine pour la France). Les directions départementales des affaires sanitaires et sociales examinent les résultats recueillis et prennent, en cas d'apparition de problèmes particuliers, des mesures qui peuvent aller de la simple mise en demeure d'effectuer des petits travaux jusqu'à l'arrêt de la distribution d'eau dans les cas graves où la santé de la population est menacée.
Depuis plusieurs années un programme de renforcement et de restructuration des services d'hygiène du milieu des D.D.A.S.S. a été mené.
Pour traiter toutes les données recueillies et faciliter la prise des décisions sanitaires, la mise en oeuvre de moyens informatiques s'est avérée nécessaire. Une réflexion a été engagée dans ce sens au sein du ministère à partir de 1982. Elle s'est matérialisée à partir de la fin de l'année 1984 par l'implantation de micro-ordinateurs dans les services d'hygiène du milieu des D.D.A.S.S.
A la fin de l'année 1985, un traitement informatisé des données relatives aux eaux destinées a la consommation humaine sera en place dans l'ensemble des D.D.A.S.S.
II - Eléments concernant la révision de la réglementation relative aux eaux destinés à la consommation humaine.
La réglementation française relative aux eaux destinées à la consommation humaine est prise en application du code de la santé publique, et est contenue principalement dans le décret 61.859 du 1er août 1961 et dans l'arrêté du 10 août 1961.
Plusieurs directives européennes notamment de la directive du 15 juillet 1980 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine nous ont conduit à engager une révision de la réglementation française.
L'élaboration de la nouvelle réglementation est menée dans un souci de large concertation : ainsi les projets de texte ont été soumis aux administrations concernées à environ une quarantaine d'organisations professionnelles et aux associations de consommateurs membres du conseil national de la consommation. De nombreuses réponses ont été reçues, il a été tenu compte des observations dans le dernier projet qui a reçu l'avis favorable du conseil supérieur d'hygiène publique de France. Ce texte est actuellement soumis aux différents ministères concernes pour recueillir leur avis avant de saisir le Conseil d'Etat.
Pour appliquer la directive du 15 juillet 1980, il ne suffit pas de modifier la réglementation, il faut prendre des mesures pour arriver à ce que l'eau distribuée soit réellement conforme aux normes. La Directive prévoyait réellement que ce respect devait être effectif sauf dérogation à la fin du mois de Juillet 1985.
A cette fin, le Ministère chargé de la Santé a pris différentes mesures :
- Réalisation d'enquêtes sur la qualité des eaux distribuées :
Entre 1981 et 1985 plusieurs enquêtes ont été effectuées pour regrouper dans des synthèses nationales. L'ensemble des résultats recueillis par les D.D.A.S.S. lors du contrôle sanitaire ou à l'occasion d'études particulières. Les enquêtes ont porté sur : les nitrates, l'acidité, la résistivité, la dureté, les chlorures, les sulfates, la microbiologie, le fluor, les composés chlorés.
Une enquête est en cours sur les risques d'intoxications par le plomb dans le cas d'utilisation d'eaux très agressives ou corrosives.
Les résultats de ces enquêtes ont été rendus publics. Il apparaît que des problèmes plus particulièrement dans les unités de caractère rural, desservant un nombre limité d'habitants. Ces collectivités ne disposent que de moyens financiers réduits pour apporter des améliorations à la qualité des eaux distribuées. Des contacts pris avec le Ministère chargé de l'Agriculture et les agences financières de Bassin vont permettre de définir les priorités à retenir dans l'octroi des aides financières qu'apportent ces organismes aux collectivités concernées.
Des études spécifiques portant sur des paramètres dont l'analyse est difficile et relativement coûteuse ont été engagées dans le cadre du réseau "aquarel" qui a été mis en place récemment par le ministre chargé de la santé pour assurer une collecte d'informations sur des unités de distribution témoins.
Des études lourdes ont été réalisées, en liaison avec différents professionnels d'une part sur les procédés de traitement d'eau, d'autre part sur l'épidémiologie des maladies hydriques d'origine microbienne.
III - Eléments concernant le problème particulier des nitrates
A la suite de la constatation de l'augmentation des teneurs en nitrates de certaines eaux, le ministère chargé de la santé a défini dans la circulaire du 10 juillet 1981 la position sanitaire suivante : "à compter d'août 1985, toutes les eaux destinées à la consommation humaine. au sens de la directive C.E.E. du 15 juillet 1980, devront avoir une teneur en nitrates inférieure ou égale a 50 mg/l.
- Pendant la période transitoire
* La teneur en nitrates des eaux conditionnées doit être toujours inférieure ou égale a 44 mg/l ;
* L'utilisation d'un nouveau captage ne doit être autorisée que si l'eau produite à une teneur en nitrates inférieure ou égale à 50 mg/l ;
* L'eau d'une distribution existante contenant plus de 100 mg/l ne doit pas être consommée ;
*l'eau d'une distribution existante dont la teneur en nitrates est comprise entre 50 et 100 mg/l peut être utilisée pour la consommation sauf pour les femmes en période de gestation et les nourrissons âgés de moins de six mois.
- D'une manière générale, des efforts doivent être entrepris pour éviter les élévations de teneurs en nitrates dans les eaux.
Ce texte demandait aux D.D.A.S.S. de dresser le bilan de la teneur en nitrate des eaux de chaque département la synthèse nationale de cette enquête qui a porté sur environ 53.000.000 d'habitants, 20.000 unités de distribution et sur plus de 100.000 analyses, a été publiée en 1982 sous la forme d'un cahier de promotion de la santé et d'une carte.
A la suite de ces travaux, des mesures ont été prises pour informer les personnes qui recevaient des eaux dont la teneur en nitrates dépassaient 50 mg/l des précautions qu'elles devaient prendre si elles étaient enceintes ou vis-à-vis des jeunes enfants. Des études et des travaux ont été engagés pour améliorer la qualité des eaux, des aides ont été accordées en priorité par le ministère chargé de l'agriculture (fond national pour le développement des adductions d'eau) et les agences financières de bassin.
Des actions sont menées également par les ministères de l'environnement et de l'agriculture pour analyser les différentes causes d'apports de nitrates et pour informer les agriculteurs des modifications à appliquer à certaines pratiques culturales pour diminuer les apports d'engrais et les fuites de nitrates dans les eaux.
Du temps est nécessaire pour la réalisation des travaux et malgré les efforts importants déjà entrepris. Il est apparu que pour certaines unités de distribution, la norme de 50 milligrammes par litre ne pourrait pas être respectée en août 1985.
Ainsi que le permet la directive européenne une procédure de dérogation a été engagée mais une dérogation ne peut être envisagée que s'il n'existe pas de risque pour la santé des consommateurs.
Le conseil supérieur d'hygiène publique de France a donné un avis favorable à la mise en place d'une procédure de dérogation dans des conditions bien définies (circulaire du 29 avril 1985).
En application de ce texte, les dérogations ne seront accordées par les commissaires de la République que si la collectivité responsable de la distribution de l'eau s'engage à mettre en oeuvre un plan d'amélioration de la qualité de l'eau dans des délais fixés. L'acceptation d'une dérogation constitue un contrat entre l'autorité sanitaire de l'état et les élus locaux responsables de la distribution de l'eau. Elle n'est pas à une mesure laxiste mais correspond à un engagement d'action.