Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les maires,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec un grand plaisir que j'ai répondu favorablement en avril dernier à l'invitation de Patrick Kanner, votre Président.
Un an après le vote de loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, il ne pouvait y avoir de meilleure occasion de venir saluer ces acteurs de terrain irremplaçables que sont vos CCAS et vos CIAS (centres intercommunaux d'action sociale) et de m'exprimer sur l'action sociale dont la pratique est ancienne, vous en témoignez, mais qui est plus que jamais nécessaire comme ciment de notre cohésion sociale et de notre vie républicaine.
Les C.C.A.S. : Une longue histoire et une adaptation permanente
Héritiers eux-mêmes puisque le grand bureau des pauvres avait vu le jour à Paris dès 1544, vos " ancêtres " - les bureaux de bienfaisance - sont à l'origine, de la mise en uvre d'une action sociale laïque. Ils ont été créés par la loi du 7 frimaire an V (27 novembre 1796), dont vous avez fêté dignement le bicentenaire il y a 3 ans. Cette loi introduisait déjà, il faut le relever, la notion de cotisation de solidarité puisque ce " droit des pauvres " était notamment financé par une recette obligatoire sur les spectacles, le fameux " décime ".
Du bureau de bienfaisance au bureau d'aide sociale et, aujourd'hui au centre communal d'action sociale, vous avez toujours su apporter cette aide de proximité qui est votre principal atout, qui vous a permis de résister au temps et aux changements de régime. C'est grâce à elle que nos concitoyens vous identifient comme ceux qui sont le mieux à même de leur apporter l'aide immédiate dont ils ont besoin et ceux qui sont les plus capables de les comprendre.
Si vous avez résisté au temps, c'est parce que vous n'êtes pas restés immobiles. Passant " du bureau au centre et de l'aide à l'action " pour reprendre le thème de votre congrès, vous avez su vous adapter à l'évolution de votre environnement.
Ainsi, alors que pendant des années la prospérité économique a permis la mise en place d'un système de protection sociale tel que beaucoup croyaient qu'à terme l'aide sociale disparaîtrait, vous vous êtes trouvés confrontés à de nouveaux besoins auxquels vous avez su répondre avec un pragmatisme sans pareil.
La crise économique et sociale des 25 dernières années a fait en effet apparaître des trous dans le filet de notre protection sociale et, avec l'affaiblissement des solidarités familiales, les réponses à l'urgence sociale ont du se diversifier, semblant renouer avec des traditions d'assistance que l'on croyait révolues.
Vous avez su relever ces nouveaux défis et vous avez résolument assumé la transformation de votre rôle, pour faire face à l'évolution de la demande de nos concitoyens à votre égard comme d'ailleurs envers l'ensemble des opérateurs de l'action sociale.
Vous avez répondu là à une exigence républicaine, dans le cadre d'un réel partenariat entre l'Etat et les acteurs locaux, un partenariat qui atteint aujourd'hui des limites que nous devons dépasser
L'action sociale est plus que jamais nécessaire et les communes ont un rôle de premier plan à y jouer
Aujourd'hui, nos concitoyens considèrent qu'ils ont des droits. Ils ne demandent plus la charité. C'est là le résultat de la mise en uvre de notre devise républicaine, dans la logique de l'égalité des droits et des prestations légales garanties par notre système de protection sociale.
Mais, je le rappelais à l'instant, contrairement aux attentes des pères de la sécurité sociale, le nombre de personnes à aider n'a pas diminué parallèlement à sa mise en place. Il a au contraire crû. En complément des prestations financières, de nouvelles demandes sont apparues, plus centrées sur la relation de la personne à son environnement qu'il s'agisse de l'insertion des jeunes ou de la solitude et de la dépendance des personnes âgées. Elles relèvent largement de l'action sociale de proximité et donc pleinement des missions des C.C.A.S. auxquels il revient, aux termes de l'article 137 du Code de la Famille et de l'Aide Sociale " d'animer une action générale de prévention et de développement social de la commune ".
C'est d'ailleurs cette proximité alliée à la compétence générale des communes qui en font un service " universel " et plus que jamais nécessaire.
Cette action sociale, si elle reste en droit discrétionnaire, doit en effet aujourd'hui être accessible à tous et pour toutes sortes de besoins. Une logique de service public se substitue donc à la logique d'assistance de ces dames d'uvre qui choisissaient leurs " bons " pauvres.
L'objectif de l'action sociale s'est transformé. Nous sommes passés d'une logique de lutte contre la pauvreté par la charité à une logique de lutte contre l'exclusion par l'insertion. Vieux débat si j'en crois l'exposé des motifs de la loi du 19 mars 1793, abrogée par celle qui a créé les bureaux de bienfaisance, où l'on peut lire " Tout homme a droit à sa subsistance par le travail s'il est valide, par des secours gratuits s'il est hors d'état de travailler ".
Ce débat est aujourd'hui tranché car plus que jamais, l'action sociale apparaît comme le premier outil d'une politique d'intégration qui vise à accompagner tous ceux qui en ont besoin vers les droits économiques et sociaux mis en place pour tous. Elle seule cherche véritablement à ramener au sein de la société les personnes qui s'en trouvent écartées. Elle seule est à même de ne jamais oublier que derrière l'usager, il y a une personne qu'il ne faut pas découper en tranches par des interventions sectorielles et non coordonnées. En ce sens, l'action sociale est devenue aujourd'hui la clé de la cohésion sociale, et dans une large mesure, du progrès de l'économie et de la santé de notre démocratie.
L'action sociale ne sera Jamais le monopole de personne : nous devons dépasser pragmatiquement le préalable de la redistribution des compétences.
Avant d'évoquer devant vous l'action menée par l'Etat pour vous aider à jouer votre rôle en matière d'action sociale, et en forme de transition, je voudrais évoquer une caractéristique forte de ce champ, qui fait sa richesse mais qui est aussi source de bien des difficultés : il n'y a pas de secteur d'intervention des politiques publiques où les intervenants soient aussi nombreux.
Comment s'étonner dès lors que vos usagers, qui sont - et ce n'est pas à vous que j'aurai besoin de le rappeler - parmi nos concitoyens, ceux qui ont le plus de difficultés, aient du mal à trouver la bonne porte. Ils vont de l'une à l'autre et s'étonnent que, dans notre pays à tradition si jacobine, leurs droits ne soient pas les mêmes selon les lieux. Ils ont l'impression d'une rupture d'égalité. Il est grand temps d'offrir à nos concitoyens un visage plus uniforme de l'action sociale indépendamment des entrelacs institutionnels.
J'ajoute que quinze ans après la décentralisation, qui avait pour objectif de rapprocher le citoyen de la prise de décision, beaucoup ont l'impression que c'est le contraire qui s'est produit.
Pour autant, je ne pense pas que la voie la plus fructueuse soit aujourd'hui de remettre en cause la répartition des compétences entre Etat, départements et communes auxquels il faudrait d'ailleurs ajouter la constellation complexe de nos organismes de protection sociale qui jouent un rôle majeur en matière d'action sociale sans oublier les associations qui ont ouvert tant de voies à l'action publique. Je crains les oppositions stériles sur ce sujet du partage des rôles. Et, faute de pouvoir apporter à court terme une réponse évidente à cette question compliquée, je crois que nous devons retenir un axiome simple : tout faire pour remettre très vite l'usager au centre des dispositifs. Pour cela, nous devons nous donner de nouveaux moyens pour faire coopérer effectivement les institutions concernées. Les redistributions de rôles, si elles sont nécessaires, s'imposeront dans l'action et le législateur n'aura plus qu'à en dresser le constat accepté de tous.
Ce que je viens de dire correspond déjà à une réalité tangible. Prenons ainsi l'exemple des C.A.S.U. auxquelles vous avez été invités à participer dans tous les départements.
En matière d'aides d'urgence, la coordination, c'est une évidence, est une absolue nécessité pour être efficace. Comment accepter qu'une personne qui a vraiment besoin d'un secours immédiat soit renvoyée de guichet en guichet, du CCAS vers la CAF, de la CAF vers l'assistante sociale de secteur, du FSL vers le fonds énergie..., contrainte à chaque fois de se mettre à nu, de raconter toutes ses misères, pour obtenir une réponse partielle.
C'est inacceptable parce que c'est humiliant. Et cela coûte cher, en temps, en argent aussi aux usagers pour constituer les dossiers de demande, aux différents acteurs qui doivent tous se livrer à une nouvelle instruction du dossier, mobiliser des travailleurs sociaux, réunir de multiples commissions.
Le rôle des CASU, c'est de coordonner l'action de tous ces intervenants, dans le respect de leurs attributions respectives et sans se substituer à eux. Il ne s'agit surtout pas de dire comment chacun doit travailler. Il s'agit simplement de changer, pour une fois, l'angle de vue et de se mettre à la place de la personne en situation de détresse.
Ce que demande cette personne, c'est avant tout d'avoir un interlocuteur responsable, quelqu'un à qui exposer globalement l'ensemble de sa situation et qui puisse lui répondre : " Je vous apporte la réponse à toutes les questions que vous me posez demain ou bien dans 8 jours "
Apporter une réponse globale et rapide, c'est là le vrai cahier des charges des CASU. Il en va du respect de la dignité de ceux qui sont dans de grandes difficultés avec souvent beaucoup de réticences à faire des démarches. Pour cela, il nous faut inventer de nouvelles façons de travailler. Il nous faut apprendre à aérer notre propre complexité, la prendre en charge, et non en faire peser le poids sur les épaules de ceux qui sont déjà les plus faibles et les moins bien armés pour y faire face.
Cela suppose de nouveaux outils, la création de formulaires de demandes d'aide uniques, la mise en place de guichets d'accueil polyvalents, des procédures de suivi en commun des délais de réponse...
Dans tous les départements des habitudes de travail collectif se mettent en place. Il nous faut poursuivre ce mouvement. Cela sera le cas avec le cahier des charges à l'élaboration duquel votre Union nationale a contribué et qui est en cours de diffusion.
Personne n'a à perdre dans ses compétences et ses missions. Chacun gagnera à une meilleure coordination et une plus grande transparence.
L'action sociale de l'Etat a répondu depuis deux ans à vos attentes
Le programme de prévention et de lutte contre les exclusions et la loi d'orientation votée du 29 juillet 1998 sont là pour montrer que les Pouvoirs publics ont désormais la volonté de conduire une politique globale en matière d'action sociale.
Je sais que vous en êtes d'ardents défenseurs. Les principes de la loi sont ceux que vous-même défendez : promouvoir des droits qui soient les mêmes pour tous, en évitant de créer un " droit des pauvres " qui stigmatise et enferme dans l'exclusion ; intervenir en amont chaque fois que se présente un risque de marginalisation, prévenir aussi souvent que possible plutôt que de guérir ensuite les situations d'exclusion ; respecter la dignité de chacun ; favoriser toujours une approche individuelle qui construise une solution adaptée à chaque personne et non plaquer une réponse administrative toute faite ; accompagner les personnes les plus fragiles pour les aider à reprendre pied.
Cette convergence très large dans nos approches explique que, dans de nombreux cas, la loi de lutte contre les exclusions s'appuie sur votre action.
Les dispositifs créés par la loi exclusion sont là pour vous aider : le dispositif TRACE pour les jeunes les plus démunis, les nouveaux contrats CEC ou encore les dispositifs rénovés d'insertion par l'activité économique. Vous menez souvent un réel partenariat avec les missions locales mais vous demeurez trop rarement associés aux politiques d'insertion professionnelle. Je le regrette. Améliorer le lien entre insertion sociale et insertion professionnelle est l'un des défis les plus difficiles que nous ayons à relever. C'est aussi l'un des enjeux essentiels de la lutte contre les exclusions et il faudra que nous progressions encore sur ce terrain.
En revanche, votre implication sur d'autres volets de la loi est très forte. Je me contenterai de citer comme exemple le secteur du logement. Vous y jouez un rôle essentiel, qu'il s'agisse de médiation locative ou encore d'attribution de logement social. La loi reconnaît vos fonctions et vous donne les moyens d'améliorer les réponses que vous pouvez apporter aux personnes qui vous sollicitent. Ainsi, vous pouvez dorénavant mobiliser l'Allocation de logement temporaire (ALT) pour les personnes que vous hébergez à titre provisoire.
Grâce à votre capacité d'adaptation, vous êtes souvent, comme les associations avec lesquelles vous entretenez des relations étroites, le fer de lance de l'innovation dans ce secteur. Vous avez su mettre en place des épiceries sociales et des jardins d'insertion qui offrent une aide alimentaire moins stigmatisante et qui rendent l'usager à nouveau acteur. Dans plusieurs domaines, la loi a cherché à vous donner les outils juridiques qui vous faisaient défaut. Ainsi je sais que vous attendez la publication du décret relatif aux chèques d'accompagnement personnalisé (CAP) qui vont se substituer aux " vieux " bons alimentaires. Je vais pouvoir signer ce décret dans les prochains jours.
Contre les exclusions, l'Etat a joué son rôle de garant de la cohésion sociale en définissant une nouvelle politique. Il doit aussi savoir mettre fin à des dysfonctionnements en changeant radicalement la loi. C'est ce que nous avons fait en instaurant la CMU pour remplacer l'aide médicale.
Acteurs de terrain, vous avez salué la mise en place de cette couverture maladie universelle qui permet de reconnaître un véritable droit aux soins pour tous même si vous avez émis des craintes concernant ce que vous appelez ses effets de seuil. Vous êtes bien placés pour savoir que plus on est modeste, plus on a besoin d'une couverture complémentaire et pourtant moins on y avait accès. Désormais, un véritable droit à l'assurance maladie est ouvert automatiquement et immédiatement, sous seule condition de ressources et de résidence, dès lors qu'on en fait la demande.
Vous avez un rôle à jouer, vous qui connaissez bien les personnes en difficultés, pour les informer de leurs droits, les aider à en obtenir l'application.
En deux ans, beaucoup a été fait pour préserver la cohésion sociale dans ce pays. Plusieurs lois très importantes ont été votées. Leurs décrets d'application sont parus très rapidement et leur mise en uvre est menée tambour battant, avec le concours actif de l'ensemble des partenaires intéressés au premier rang, desquels vous vous trouvez souvent.
Agir avec méthode...pour de nouveaux progrès
Agir avec méthode...
De nombreux autres chantiers sont ouverts tant il reste à faire et vous le savez bien. Je ne pourrai les citer tous ici. Ils sont ouverts avec méthode, en s'appuyant sur une capacité d'évaluation et de contrôle que nous développons en nous dotant de nouveaux outils.
Pour remplir son rôle d'impulsion, l'Etat s'appuie sur l'évaluation et le contrôle de l'ensemble des politiques publiques. Je crois que, là aussi, nous avançons. Je prendrais ici deux exemples significatifs - me semble-t-il- :
- Celui du groupe de travail mis en place, à la suite des décisions du Conseil de sécurité intérieure, entre l'Association des départements de France, les services de la protection judiciaire de la jeunesse et ceux de la direction de l'action sociale pour renforcer les dispositifs de protection de l'enfance dans le cadre de la prévention de la délinquance.
- Celui de la mission en cours de l'inspection générale des affaires sociales sur les dispositifs d'aide sociale à l'enfance dans quatre départements. C'est en quelque sorte une première puisque jusqu'à présent l'IGAS n'avait jamais conduit une mission de cette nature dans un champ de compétences décentralisées.
La récente mise en place au ministère d'une direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques participe de la même démarche car elle permet enfin au secteur " des affaires sociales " d'avoir, comme celui du travail et de l'emploi, un outil d'études, de statistiques et d'évaluation à la hauteur du grand projet de société que nous partageons.
Enfin, l'Etat jouera mieux son rôle de garant de la cohésion sociale s'il redéfinit, au mieux, le rôle de ses agents : c'est à cet objectif que répond la réforme de l'Etat que conduit actuellement le gouvernement. Le ministère de l'emploi et de la solidarité y prend toute sa place. L'ensemble des services centraux du ministère vont être réorganisés et, à cette occasion, la Direction de l'action sociale verra ses missions actualisées et élargies.
Pour être le garant de la cohésion sociale, il faut aussi assurer la cohérence de l'ensemble des dispositifs d'action sociale car si les acteurs sont multiples et ce pour de multiples raisons, avant tout liées à notre histoire, il appartient à l'Etat de veiller à ce que les droits de l'usager soient garantis.
Il y a ainsi beaucoup à faire pour surmonter les inégalités territoriales, en renforçant le contrôle de légalité sans doute mais aussi en améliorant la péréquation des ressources des collectivités locales. Nous devons mieux tenir compte du rapport entre les charges des communes et des départements dans le domaine social et leur richesse dont la répartition est, c'est une évidence, loin d'être homogène. Il en va de la cohésion sociale mais sans doute aussi à terme de la cohésion nationale. Il nous faudra de même mettre fin aux différences de traitement, injustifiables aujourd'hui, que connaissent nos concitoyens selon l'institution sociale dont ils relèvent pour des raisons historiques ou selon le régime juridique qui s'applique d'un côté et de l'autre d'un seuil de ressources ou d'un niveau de besoin. Je songe en particulier à ce qui se passe pour l'aide à domicile pour les personnes âgées.
...pour de nouveaux progrès
Enfance et Jeunesse
Au titre des chantiers ouverts, je citerai la réforme des dispositions relatives aux modes d'accueil collectifs de la petite enfance que vous réclamez depuis longtemps. Les communes sont nombreuses à s'être investies sur ce champ, à gérer des crèches et des haltes-garderies, à avoir signé des contrats " petite enfance ".
Un décret attendu depuis plus de 10 ans doit être publié dans les semaines qui viennent après les dernières consultations indispensables. Il permettra d'introduire de nombreuses souplesses tant pour les gestionnaires que pour les familles, et d'adapter l'offre aux attentes des familles, notamment sur les horaires d'ouverture.
Je sais que vous considérez que les Pouvoirs publics ont trop favorisé, ces dernières années, les systèmes de garde individuelle au détriment des modes d'accueil collectif. Les chiffres sont d'ailleurs là pour vous donner raison puisque le nombre d'assistantes maternelles a doublé en 5 ans. Les structures d'accueil collectif, même si leur nombre a continué de progresser, n'ont pas suivi le même mouvement.
Consciente de cette difficulté et de la nécessité de conserver aux structures collectives leur rôle dans la mixité sociale, j'ai demandé, lors de la dernière conférence de la famille, à la délégation interministérielle à la famille, de réfléchir à des propositions de simplification et d'harmonisation des différentes aides relatives à l'accueil des jeunes enfants, notamment des prestations de service pour l'accueil collectif et de l'AFEAMA. Nous devrons pour cela dépasser le nouveau refus de la CNAF de modifier la " prestation-crèche ". La prochaine convention d'objectifs avec la CNAF nous en fournira sans doute l'occasion
Personnes âgées
Nul ne peut contester qu'en ce domaine une remise à plat s'impose et que nous devons nous y attaquer rapidement. Vous en êtes les premiers demandeurs tant vous êtes sur le terrain confrontés à l'accumulation de contradictions inexplicables. Cette question s'avère particulièrement ardue, le rapport Hespel-Thierry comme mes entretiens avec les nombreux acteurs du secteur m'en ont convaincue. Aussi, plutôt que d'attendre le grand soir, nous devons progresser pragmatiquement, là aussi en gérant la complexité au lieu de la faire supporter par l'usager. Si nous plaçons l'usager au centre, les nouvelles règles du jeu s'imposeront d'elles-mêmes.
Dans cet esprit, prenant exemple sur ce qui n'existe qu'en trop peu d'endroits, souvent à l'initiative des CCAS d'ailleurs, nous devons créer sur l'ensemble du territoire des lieux d'information, de dialogue et d'aide à la décision pour les personnes âgées et leurs familles qui leur permettent de mieux comprendre un environnement institutionnel trop complexe.
Il s'agit de créer partout un échelon de proximité qui accueille et écoute les personnes en perte d'autonomie et leur famille, et qui soit capable d'offrir des réponses appropriées après une évaluation pluridisciplinaire des besoins de la personne au vu de son environnement social et affectif.
Cela conduira tous les acteurs à développer une véritable synergie autour de la personne, avec une organisation structurée sur un bassin territorial limité et déterminé au niveau local.
Tout comme Paulette Guinchard-Kunstler qui remettra son rapport dans les jours prochains au Premier ministre, j'ai vu fonctionner à Strasbourg et à Lunel, par exemple, des expériences très convaincantes en termes d'amélioration de la qualité du service rendu. Nous allons nous donner en 2000 les moyens financiers d'encourager leur essaimage là où, localement les partenaires manifesteront ensemble le souci de placer l'usager au centre de leur action.
Je ne saurai quitter ce terrain sans aborder la question essentielle de la réforme de la tarification des établissements pour personnes âgées dont les textes d'application ont été publiés le 27 avril 1999. Je sais que vous en gérez beaucoup.
Cette réforme permettra une prise en charge plus juste, en fonction de l'état de la personne, et d'une meilleure qualité avec l'obligation de respecter un cahier des charges qui a été travaillé avec les professionnels du secteur. Elle suscite bien des interrogations compte tenu de l'ampleur de la tâche puisque les établissements devront signer, dans un délai de deux ans, des conventions tripartites avec les départements et l'autorité compétente pour l'assurance maladie pour continuer à héberger des personnes âgées dépendantes.
Pour répondre à ces interrogations, une mission d'appui a été confiée à Monsieur Jean-René BRUNETIERE. Cette mission tient actuellement des réunions de travail dans l'ensemble de la France. Elles devraient être de nature à apaiser vos inquiétudes et notamment celles qui selon les vôtres pour ces établissements particuliers que sont les logements-foyers. Rien ne sera fait qui puisse en déstabiliser le fonctionnement, bien au contraire, je vous en donne l'assurance.
Mieux agir ensemble
Vous avez compris, à travers plusieurs thèmes que j'ai déjà évoqués, combien je crois au niveau local pour nous aider à mettre à jour et à dépasser les contradictions et les insuffisances de notre organisation institutionnelle et des législations qui en découlent. C'est l'esprit de la démarche menée avec les CASU qui concernent particulièrement les CCAS, du fait de l'importance des secours qu'ils accordent, mais aussi parce que c'est vers vous que les personnes en situation de détresse se tournent le plus spontanément.
Dans le même esprit, la loi " exclusions " prévoit aussi un nouveau partenariat entre les acteurs de terrain, au premier rang desquels figurent bien sûr vos CCAS. Ainsi les conventions prévues à l'article 156 ont pour objectif de développer " la complémentarité des modes d'intervention collective et des initiatives de développement social local ". Je sais que beaucoup d'entre vous n'ont pas attendu la loi pour passer de telles conventions. L'objectif ici poursuivi est donc de pousser à leur généralisation chaque fois que nécessaire.
Par ailleurs, la loi Chevènement relative à l'organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale apporte une autre novation importante avec la possibilité, tant pour la communauté d'agglomération que pour la communauté urbaine, d'exercer une compétence sociale par voie contractuelle avec le conseil général.
Espérons que ces dispositions auront un effet incitatif sur l'ensemble des possibilités de contractualisation qui existent déjà et qui permettent aux départements de " sous-traiter ", mais ils le font si peu, aux communes tout ou partie de leurs attributions en matière d'aide sociale.
Il faut pour cela que l'intercommunalité vive. A cet égard, on doit regretter le nombre vraiment trop faible de centres intercommunaux d'action sociale (CIAS) : 150 CIAS pour 36 000 communes et près de 5 000 CCAS existants. Cela semble dérisoire au regard des réalités sociales et des moyens humains et financiers nécessaires pour agir.
Je suis d'ailleurs prête à envisager des mesures d'incitation fortes afin de permettre à chaque commune d'avoir un CCAS ou a minima des services sociaux équivalents.
Il nous faut rechercher d'autres leviers pour instaurer un nouveau partenariat et aller vers plus de contractualisation. Peut-être devons nous créer au niveau national une nouvelle instance de concertation pour l'action sociale comme elle existe pour les finances locales ?
Les usagers ont tout à gagner à ce que les services sociaux des communes atteignent la taille critique qui permet d'agir avec une meilleure efficacité et travaillent mieux avec leurs partenaires. Les professionnels le savent bien.
Je voudrais justement rendre un hommage particulier aux professionnels de vos services qui agissent avec une rare énergie, qui doit beaucoup au niveau d'engagement que requièrent le choix et l'exercice des métiers du secteur social.
Pour ce qui relève de l'Etat, le meilleur moyen de les aider est de mener à terme le vaste chantier enfin ouvert de la nécessaire évolution du travail social. La loi du 29 juillet 1998 a là aussi apporté de nombreuses réponses, notamment avec le schéma national des formations sociales. Mais je crois que nous devons aller au delà :
- pour que les travailleurs sociaux soient plus présents sur le terrain et contribuent mieux à l'articulation entre l'accompagnement social proprement dit et les autres dynamiques qui doivent contribuer à la restructuration du lien social,
- pour supprimer le hiatus qui semble se creuser entre le travail polyvalent et les multiples formes nouvelles d'interventions sociales qui se développent notamment à votre initiative.
Là aussi, la question de contractualisation est posée. Certains d'entre vous ont d'ores et déjà ouvert la voie.
Pour réussir dans l'action sociale de demain, il ne faut opposer ni actions publiques et interventions privées, ni Etat et collectivités locales, ni collectivités locales entre elles, ni élus et travailleurs sociaux.
Lors du premier congrès européen de l'action sociale communale que vous organisez à Lille en septembre 2000, nous aurons l'occasion de le vérifier : les acteurs de cette politique ne peuvent réussir qu'ensemble. Seule une meilleure coordination locale des actions permettra une réelle cohérence des politiques.
L'ensemble des Pouvoirs publics ont des responsabilités à prendre en ce domaine. Je souhaite prendre les miennes comme j'ai déjà eu l'occasion de le faire notamment avec la loi " exclusions " que je suis fière d'avoir fait voter. La réforme de la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales, qu'avec Dominique Gillot, Secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, je présenterai au cours des mois prochains, peut nous permettre de franchir une nouvelle étape.
Tout mettre en oeuvre pour que nos concitoyens les plus marginaux, les plus en difficulté aient eux aussi accès à leurs droits et puissent exercer le premier d'entre eux : celui d'être acteur de leur existence pour vivre mieux.
Pour répondre à ce défi, je compte, vous l'avez compris, beaucoup sur les communes et leurs centres d'action sociale qui m'inspirent deux observations :
- En leur sein, la proximité entre les citoyens, leurs élus, leur maire, les professionnels et les associations est unique.
- Sur le fronton de leurs bâtiments plus que partout ailleurs, figurent les trois termes de notre devise républicaine.
Ce n'est pas l'effet du hasard. J'y vois pour ma part la meilleure assurance que ne sera jamais oubliée à ce niveau la fraternité que je tiens pour le fondement véritable de l'action sociale.
C'est pour cela que notre pays a besoin de l'action sociale telle que vous la pratiquez et sur laquelle je sais pouvoir compter comme vous pouvez compter sur moi. Je vous remercie.
(source http://www.social.gouv.fr, le 08 octobre 1999)
Mesdames et Messieurs les maires,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec un grand plaisir que j'ai répondu favorablement en avril dernier à l'invitation de Patrick Kanner, votre Président.
Un an après le vote de loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, il ne pouvait y avoir de meilleure occasion de venir saluer ces acteurs de terrain irremplaçables que sont vos CCAS et vos CIAS (centres intercommunaux d'action sociale) et de m'exprimer sur l'action sociale dont la pratique est ancienne, vous en témoignez, mais qui est plus que jamais nécessaire comme ciment de notre cohésion sociale et de notre vie républicaine.
Les C.C.A.S. : Une longue histoire et une adaptation permanente
Héritiers eux-mêmes puisque le grand bureau des pauvres avait vu le jour à Paris dès 1544, vos " ancêtres " - les bureaux de bienfaisance - sont à l'origine, de la mise en uvre d'une action sociale laïque. Ils ont été créés par la loi du 7 frimaire an V (27 novembre 1796), dont vous avez fêté dignement le bicentenaire il y a 3 ans. Cette loi introduisait déjà, il faut le relever, la notion de cotisation de solidarité puisque ce " droit des pauvres " était notamment financé par une recette obligatoire sur les spectacles, le fameux " décime ".
Du bureau de bienfaisance au bureau d'aide sociale et, aujourd'hui au centre communal d'action sociale, vous avez toujours su apporter cette aide de proximité qui est votre principal atout, qui vous a permis de résister au temps et aux changements de régime. C'est grâce à elle que nos concitoyens vous identifient comme ceux qui sont le mieux à même de leur apporter l'aide immédiate dont ils ont besoin et ceux qui sont les plus capables de les comprendre.
Si vous avez résisté au temps, c'est parce que vous n'êtes pas restés immobiles. Passant " du bureau au centre et de l'aide à l'action " pour reprendre le thème de votre congrès, vous avez su vous adapter à l'évolution de votre environnement.
Ainsi, alors que pendant des années la prospérité économique a permis la mise en place d'un système de protection sociale tel que beaucoup croyaient qu'à terme l'aide sociale disparaîtrait, vous vous êtes trouvés confrontés à de nouveaux besoins auxquels vous avez su répondre avec un pragmatisme sans pareil.
La crise économique et sociale des 25 dernières années a fait en effet apparaître des trous dans le filet de notre protection sociale et, avec l'affaiblissement des solidarités familiales, les réponses à l'urgence sociale ont du se diversifier, semblant renouer avec des traditions d'assistance que l'on croyait révolues.
Vous avez su relever ces nouveaux défis et vous avez résolument assumé la transformation de votre rôle, pour faire face à l'évolution de la demande de nos concitoyens à votre égard comme d'ailleurs envers l'ensemble des opérateurs de l'action sociale.
Vous avez répondu là à une exigence républicaine, dans le cadre d'un réel partenariat entre l'Etat et les acteurs locaux, un partenariat qui atteint aujourd'hui des limites que nous devons dépasser
L'action sociale est plus que jamais nécessaire et les communes ont un rôle de premier plan à y jouer
Aujourd'hui, nos concitoyens considèrent qu'ils ont des droits. Ils ne demandent plus la charité. C'est là le résultat de la mise en uvre de notre devise républicaine, dans la logique de l'égalité des droits et des prestations légales garanties par notre système de protection sociale.
Mais, je le rappelais à l'instant, contrairement aux attentes des pères de la sécurité sociale, le nombre de personnes à aider n'a pas diminué parallèlement à sa mise en place. Il a au contraire crû. En complément des prestations financières, de nouvelles demandes sont apparues, plus centrées sur la relation de la personne à son environnement qu'il s'agisse de l'insertion des jeunes ou de la solitude et de la dépendance des personnes âgées. Elles relèvent largement de l'action sociale de proximité et donc pleinement des missions des C.C.A.S. auxquels il revient, aux termes de l'article 137 du Code de la Famille et de l'Aide Sociale " d'animer une action générale de prévention et de développement social de la commune ".
C'est d'ailleurs cette proximité alliée à la compétence générale des communes qui en font un service " universel " et plus que jamais nécessaire.
Cette action sociale, si elle reste en droit discrétionnaire, doit en effet aujourd'hui être accessible à tous et pour toutes sortes de besoins. Une logique de service public se substitue donc à la logique d'assistance de ces dames d'uvre qui choisissaient leurs " bons " pauvres.
L'objectif de l'action sociale s'est transformé. Nous sommes passés d'une logique de lutte contre la pauvreté par la charité à une logique de lutte contre l'exclusion par l'insertion. Vieux débat si j'en crois l'exposé des motifs de la loi du 19 mars 1793, abrogée par celle qui a créé les bureaux de bienfaisance, où l'on peut lire " Tout homme a droit à sa subsistance par le travail s'il est valide, par des secours gratuits s'il est hors d'état de travailler ".
Ce débat est aujourd'hui tranché car plus que jamais, l'action sociale apparaît comme le premier outil d'une politique d'intégration qui vise à accompagner tous ceux qui en ont besoin vers les droits économiques et sociaux mis en place pour tous. Elle seule cherche véritablement à ramener au sein de la société les personnes qui s'en trouvent écartées. Elle seule est à même de ne jamais oublier que derrière l'usager, il y a une personne qu'il ne faut pas découper en tranches par des interventions sectorielles et non coordonnées. En ce sens, l'action sociale est devenue aujourd'hui la clé de la cohésion sociale, et dans une large mesure, du progrès de l'économie et de la santé de notre démocratie.
L'action sociale ne sera Jamais le monopole de personne : nous devons dépasser pragmatiquement le préalable de la redistribution des compétences.
Avant d'évoquer devant vous l'action menée par l'Etat pour vous aider à jouer votre rôle en matière d'action sociale, et en forme de transition, je voudrais évoquer une caractéristique forte de ce champ, qui fait sa richesse mais qui est aussi source de bien des difficultés : il n'y a pas de secteur d'intervention des politiques publiques où les intervenants soient aussi nombreux.
Comment s'étonner dès lors que vos usagers, qui sont - et ce n'est pas à vous que j'aurai besoin de le rappeler - parmi nos concitoyens, ceux qui ont le plus de difficultés, aient du mal à trouver la bonne porte. Ils vont de l'une à l'autre et s'étonnent que, dans notre pays à tradition si jacobine, leurs droits ne soient pas les mêmes selon les lieux. Ils ont l'impression d'une rupture d'égalité. Il est grand temps d'offrir à nos concitoyens un visage plus uniforme de l'action sociale indépendamment des entrelacs institutionnels.
J'ajoute que quinze ans après la décentralisation, qui avait pour objectif de rapprocher le citoyen de la prise de décision, beaucoup ont l'impression que c'est le contraire qui s'est produit.
Pour autant, je ne pense pas que la voie la plus fructueuse soit aujourd'hui de remettre en cause la répartition des compétences entre Etat, départements et communes auxquels il faudrait d'ailleurs ajouter la constellation complexe de nos organismes de protection sociale qui jouent un rôle majeur en matière d'action sociale sans oublier les associations qui ont ouvert tant de voies à l'action publique. Je crains les oppositions stériles sur ce sujet du partage des rôles. Et, faute de pouvoir apporter à court terme une réponse évidente à cette question compliquée, je crois que nous devons retenir un axiome simple : tout faire pour remettre très vite l'usager au centre des dispositifs. Pour cela, nous devons nous donner de nouveaux moyens pour faire coopérer effectivement les institutions concernées. Les redistributions de rôles, si elles sont nécessaires, s'imposeront dans l'action et le législateur n'aura plus qu'à en dresser le constat accepté de tous.
Ce que je viens de dire correspond déjà à une réalité tangible. Prenons ainsi l'exemple des C.A.S.U. auxquelles vous avez été invités à participer dans tous les départements.
En matière d'aides d'urgence, la coordination, c'est une évidence, est une absolue nécessité pour être efficace. Comment accepter qu'une personne qui a vraiment besoin d'un secours immédiat soit renvoyée de guichet en guichet, du CCAS vers la CAF, de la CAF vers l'assistante sociale de secteur, du FSL vers le fonds énergie..., contrainte à chaque fois de se mettre à nu, de raconter toutes ses misères, pour obtenir une réponse partielle.
C'est inacceptable parce que c'est humiliant. Et cela coûte cher, en temps, en argent aussi aux usagers pour constituer les dossiers de demande, aux différents acteurs qui doivent tous se livrer à une nouvelle instruction du dossier, mobiliser des travailleurs sociaux, réunir de multiples commissions.
Le rôle des CASU, c'est de coordonner l'action de tous ces intervenants, dans le respect de leurs attributions respectives et sans se substituer à eux. Il ne s'agit surtout pas de dire comment chacun doit travailler. Il s'agit simplement de changer, pour une fois, l'angle de vue et de se mettre à la place de la personne en situation de détresse.
Ce que demande cette personne, c'est avant tout d'avoir un interlocuteur responsable, quelqu'un à qui exposer globalement l'ensemble de sa situation et qui puisse lui répondre : " Je vous apporte la réponse à toutes les questions que vous me posez demain ou bien dans 8 jours "
Apporter une réponse globale et rapide, c'est là le vrai cahier des charges des CASU. Il en va du respect de la dignité de ceux qui sont dans de grandes difficultés avec souvent beaucoup de réticences à faire des démarches. Pour cela, il nous faut inventer de nouvelles façons de travailler. Il nous faut apprendre à aérer notre propre complexité, la prendre en charge, et non en faire peser le poids sur les épaules de ceux qui sont déjà les plus faibles et les moins bien armés pour y faire face.
Cela suppose de nouveaux outils, la création de formulaires de demandes d'aide uniques, la mise en place de guichets d'accueil polyvalents, des procédures de suivi en commun des délais de réponse...
Dans tous les départements des habitudes de travail collectif se mettent en place. Il nous faut poursuivre ce mouvement. Cela sera le cas avec le cahier des charges à l'élaboration duquel votre Union nationale a contribué et qui est en cours de diffusion.
Personne n'a à perdre dans ses compétences et ses missions. Chacun gagnera à une meilleure coordination et une plus grande transparence.
L'action sociale de l'Etat a répondu depuis deux ans à vos attentes
Le programme de prévention et de lutte contre les exclusions et la loi d'orientation votée du 29 juillet 1998 sont là pour montrer que les Pouvoirs publics ont désormais la volonté de conduire une politique globale en matière d'action sociale.
Je sais que vous en êtes d'ardents défenseurs. Les principes de la loi sont ceux que vous-même défendez : promouvoir des droits qui soient les mêmes pour tous, en évitant de créer un " droit des pauvres " qui stigmatise et enferme dans l'exclusion ; intervenir en amont chaque fois que se présente un risque de marginalisation, prévenir aussi souvent que possible plutôt que de guérir ensuite les situations d'exclusion ; respecter la dignité de chacun ; favoriser toujours une approche individuelle qui construise une solution adaptée à chaque personne et non plaquer une réponse administrative toute faite ; accompagner les personnes les plus fragiles pour les aider à reprendre pied.
Cette convergence très large dans nos approches explique que, dans de nombreux cas, la loi de lutte contre les exclusions s'appuie sur votre action.
Les dispositifs créés par la loi exclusion sont là pour vous aider : le dispositif TRACE pour les jeunes les plus démunis, les nouveaux contrats CEC ou encore les dispositifs rénovés d'insertion par l'activité économique. Vous menez souvent un réel partenariat avec les missions locales mais vous demeurez trop rarement associés aux politiques d'insertion professionnelle. Je le regrette. Améliorer le lien entre insertion sociale et insertion professionnelle est l'un des défis les plus difficiles que nous ayons à relever. C'est aussi l'un des enjeux essentiels de la lutte contre les exclusions et il faudra que nous progressions encore sur ce terrain.
En revanche, votre implication sur d'autres volets de la loi est très forte. Je me contenterai de citer comme exemple le secteur du logement. Vous y jouez un rôle essentiel, qu'il s'agisse de médiation locative ou encore d'attribution de logement social. La loi reconnaît vos fonctions et vous donne les moyens d'améliorer les réponses que vous pouvez apporter aux personnes qui vous sollicitent. Ainsi, vous pouvez dorénavant mobiliser l'Allocation de logement temporaire (ALT) pour les personnes que vous hébergez à titre provisoire.
Grâce à votre capacité d'adaptation, vous êtes souvent, comme les associations avec lesquelles vous entretenez des relations étroites, le fer de lance de l'innovation dans ce secteur. Vous avez su mettre en place des épiceries sociales et des jardins d'insertion qui offrent une aide alimentaire moins stigmatisante et qui rendent l'usager à nouveau acteur. Dans plusieurs domaines, la loi a cherché à vous donner les outils juridiques qui vous faisaient défaut. Ainsi je sais que vous attendez la publication du décret relatif aux chèques d'accompagnement personnalisé (CAP) qui vont se substituer aux " vieux " bons alimentaires. Je vais pouvoir signer ce décret dans les prochains jours.
Contre les exclusions, l'Etat a joué son rôle de garant de la cohésion sociale en définissant une nouvelle politique. Il doit aussi savoir mettre fin à des dysfonctionnements en changeant radicalement la loi. C'est ce que nous avons fait en instaurant la CMU pour remplacer l'aide médicale.
Acteurs de terrain, vous avez salué la mise en place de cette couverture maladie universelle qui permet de reconnaître un véritable droit aux soins pour tous même si vous avez émis des craintes concernant ce que vous appelez ses effets de seuil. Vous êtes bien placés pour savoir que plus on est modeste, plus on a besoin d'une couverture complémentaire et pourtant moins on y avait accès. Désormais, un véritable droit à l'assurance maladie est ouvert automatiquement et immédiatement, sous seule condition de ressources et de résidence, dès lors qu'on en fait la demande.
Vous avez un rôle à jouer, vous qui connaissez bien les personnes en difficultés, pour les informer de leurs droits, les aider à en obtenir l'application.
En deux ans, beaucoup a été fait pour préserver la cohésion sociale dans ce pays. Plusieurs lois très importantes ont été votées. Leurs décrets d'application sont parus très rapidement et leur mise en uvre est menée tambour battant, avec le concours actif de l'ensemble des partenaires intéressés au premier rang, desquels vous vous trouvez souvent.
Agir avec méthode...pour de nouveaux progrès
Agir avec méthode...
De nombreux autres chantiers sont ouverts tant il reste à faire et vous le savez bien. Je ne pourrai les citer tous ici. Ils sont ouverts avec méthode, en s'appuyant sur une capacité d'évaluation et de contrôle que nous développons en nous dotant de nouveaux outils.
Pour remplir son rôle d'impulsion, l'Etat s'appuie sur l'évaluation et le contrôle de l'ensemble des politiques publiques. Je crois que, là aussi, nous avançons. Je prendrais ici deux exemples significatifs - me semble-t-il- :
- Celui du groupe de travail mis en place, à la suite des décisions du Conseil de sécurité intérieure, entre l'Association des départements de France, les services de la protection judiciaire de la jeunesse et ceux de la direction de l'action sociale pour renforcer les dispositifs de protection de l'enfance dans le cadre de la prévention de la délinquance.
- Celui de la mission en cours de l'inspection générale des affaires sociales sur les dispositifs d'aide sociale à l'enfance dans quatre départements. C'est en quelque sorte une première puisque jusqu'à présent l'IGAS n'avait jamais conduit une mission de cette nature dans un champ de compétences décentralisées.
La récente mise en place au ministère d'une direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques participe de la même démarche car elle permet enfin au secteur " des affaires sociales " d'avoir, comme celui du travail et de l'emploi, un outil d'études, de statistiques et d'évaluation à la hauteur du grand projet de société que nous partageons.
Enfin, l'Etat jouera mieux son rôle de garant de la cohésion sociale s'il redéfinit, au mieux, le rôle de ses agents : c'est à cet objectif que répond la réforme de l'Etat que conduit actuellement le gouvernement. Le ministère de l'emploi et de la solidarité y prend toute sa place. L'ensemble des services centraux du ministère vont être réorganisés et, à cette occasion, la Direction de l'action sociale verra ses missions actualisées et élargies.
Pour être le garant de la cohésion sociale, il faut aussi assurer la cohérence de l'ensemble des dispositifs d'action sociale car si les acteurs sont multiples et ce pour de multiples raisons, avant tout liées à notre histoire, il appartient à l'Etat de veiller à ce que les droits de l'usager soient garantis.
Il y a ainsi beaucoup à faire pour surmonter les inégalités territoriales, en renforçant le contrôle de légalité sans doute mais aussi en améliorant la péréquation des ressources des collectivités locales. Nous devons mieux tenir compte du rapport entre les charges des communes et des départements dans le domaine social et leur richesse dont la répartition est, c'est une évidence, loin d'être homogène. Il en va de la cohésion sociale mais sans doute aussi à terme de la cohésion nationale. Il nous faudra de même mettre fin aux différences de traitement, injustifiables aujourd'hui, que connaissent nos concitoyens selon l'institution sociale dont ils relèvent pour des raisons historiques ou selon le régime juridique qui s'applique d'un côté et de l'autre d'un seuil de ressources ou d'un niveau de besoin. Je songe en particulier à ce qui se passe pour l'aide à domicile pour les personnes âgées.
...pour de nouveaux progrès
Enfance et Jeunesse
Au titre des chantiers ouverts, je citerai la réforme des dispositions relatives aux modes d'accueil collectifs de la petite enfance que vous réclamez depuis longtemps. Les communes sont nombreuses à s'être investies sur ce champ, à gérer des crèches et des haltes-garderies, à avoir signé des contrats " petite enfance ".
Un décret attendu depuis plus de 10 ans doit être publié dans les semaines qui viennent après les dernières consultations indispensables. Il permettra d'introduire de nombreuses souplesses tant pour les gestionnaires que pour les familles, et d'adapter l'offre aux attentes des familles, notamment sur les horaires d'ouverture.
Je sais que vous considérez que les Pouvoirs publics ont trop favorisé, ces dernières années, les systèmes de garde individuelle au détriment des modes d'accueil collectif. Les chiffres sont d'ailleurs là pour vous donner raison puisque le nombre d'assistantes maternelles a doublé en 5 ans. Les structures d'accueil collectif, même si leur nombre a continué de progresser, n'ont pas suivi le même mouvement.
Consciente de cette difficulté et de la nécessité de conserver aux structures collectives leur rôle dans la mixité sociale, j'ai demandé, lors de la dernière conférence de la famille, à la délégation interministérielle à la famille, de réfléchir à des propositions de simplification et d'harmonisation des différentes aides relatives à l'accueil des jeunes enfants, notamment des prestations de service pour l'accueil collectif et de l'AFEAMA. Nous devrons pour cela dépasser le nouveau refus de la CNAF de modifier la " prestation-crèche ". La prochaine convention d'objectifs avec la CNAF nous en fournira sans doute l'occasion
Personnes âgées
Nul ne peut contester qu'en ce domaine une remise à plat s'impose et que nous devons nous y attaquer rapidement. Vous en êtes les premiers demandeurs tant vous êtes sur le terrain confrontés à l'accumulation de contradictions inexplicables. Cette question s'avère particulièrement ardue, le rapport Hespel-Thierry comme mes entretiens avec les nombreux acteurs du secteur m'en ont convaincue. Aussi, plutôt que d'attendre le grand soir, nous devons progresser pragmatiquement, là aussi en gérant la complexité au lieu de la faire supporter par l'usager. Si nous plaçons l'usager au centre, les nouvelles règles du jeu s'imposeront d'elles-mêmes.
Dans cet esprit, prenant exemple sur ce qui n'existe qu'en trop peu d'endroits, souvent à l'initiative des CCAS d'ailleurs, nous devons créer sur l'ensemble du territoire des lieux d'information, de dialogue et d'aide à la décision pour les personnes âgées et leurs familles qui leur permettent de mieux comprendre un environnement institutionnel trop complexe.
Il s'agit de créer partout un échelon de proximité qui accueille et écoute les personnes en perte d'autonomie et leur famille, et qui soit capable d'offrir des réponses appropriées après une évaluation pluridisciplinaire des besoins de la personne au vu de son environnement social et affectif.
Cela conduira tous les acteurs à développer une véritable synergie autour de la personne, avec une organisation structurée sur un bassin territorial limité et déterminé au niveau local.
Tout comme Paulette Guinchard-Kunstler qui remettra son rapport dans les jours prochains au Premier ministre, j'ai vu fonctionner à Strasbourg et à Lunel, par exemple, des expériences très convaincantes en termes d'amélioration de la qualité du service rendu. Nous allons nous donner en 2000 les moyens financiers d'encourager leur essaimage là où, localement les partenaires manifesteront ensemble le souci de placer l'usager au centre de leur action.
Je ne saurai quitter ce terrain sans aborder la question essentielle de la réforme de la tarification des établissements pour personnes âgées dont les textes d'application ont été publiés le 27 avril 1999. Je sais que vous en gérez beaucoup.
Cette réforme permettra une prise en charge plus juste, en fonction de l'état de la personne, et d'une meilleure qualité avec l'obligation de respecter un cahier des charges qui a été travaillé avec les professionnels du secteur. Elle suscite bien des interrogations compte tenu de l'ampleur de la tâche puisque les établissements devront signer, dans un délai de deux ans, des conventions tripartites avec les départements et l'autorité compétente pour l'assurance maladie pour continuer à héberger des personnes âgées dépendantes.
Pour répondre à ces interrogations, une mission d'appui a été confiée à Monsieur Jean-René BRUNETIERE. Cette mission tient actuellement des réunions de travail dans l'ensemble de la France. Elles devraient être de nature à apaiser vos inquiétudes et notamment celles qui selon les vôtres pour ces établissements particuliers que sont les logements-foyers. Rien ne sera fait qui puisse en déstabiliser le fonctionnement, bien au contraire, je vous en donne l'assurance.
Mieux agir ensemble
Vous avez compris, à travers plusieurs thèmes que j'ai déjà évoqués, combien je crois au niveau local pour nous aider à mettre à jour et à dépasser les contradictions et les insuffisances de notre organisation institutionnelle et des législations qui en découlent. C'est l'esprit de la démarche menée avec les CASU qui concernent particulièrement les CCAS, du fait de l'importance des secours qu'ils accordent, mais aussi parce que c'est vers vous que les personnes en situation de détresse se tournent le plus spontanément.
Dans le même esprit, la loi " exclusions " prévoit aussi un nouveau partenariat entre les acteurs de terrain, au premier rang desquels figurent bien sûr vos CCAS. Ainsi les conventions prévues à l'article 156 ont pour objectif de développer " la complémentarité des modes d'intervention collective et des initiatives de développement social local ". Je sais que beaucoup d'entre vous n'ont pas attendu la loi pour passer de telles conventions. L'objectif ici poursuivi est donc de pousser à leur généralisation chaque fois que nécessaire.
Par ailleurs, la loi Chevènement relative à l'organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale apporte une autre novation importante avec la possibilité, tant pour la communauté d'agglomération que pour la communauté urbaine, d'exercer une compétence sociale par voie contractuelle avec le conseil général.
Espérons que ces dispositions auront un effet incitatif sur l'ensemble des possibilités de contractualisation qui existent déjà et qui permettent aux départements de " sous-traiter ", mais ils le font si peu, aux communes tout ou partie de leurs attributions en matière d'aide sociale.
Il faut pour cela que l'intercommunalité vive. A cet égard, on doit regretter le nombre vraiment trop faible de centres intercommunaux d'action sociale (CIAS) : 150 CIAS pour 36 000 communes et près de 5 000 CCAS existants. Cela semble dérisoire au regard des réalités sociales et des moyens humains et financiers nécessaires pour agir.
Je suis d'ailleurs prête à envisager des mesures d'incitation fortes afin de permettre à chaque commune d'avoir un CCAS ou a minima des services sociaux équivalents.
Il nous faut rechercher d'autres leviers pour instaurer un nouveau partenariat et aller vers plus de contractualisation. Peut-être devons nous créer au niveau national une nouvelle instance de concertation pour l'action sociale comme elle existe pour les finances locales ?
Les usagers ont tout à gagner à ce que les services sociaux des communes atteignent la taille critique qui permet d'agir avec une meilleure efficacité et travaillent mieux avec leurs partenaires. Les professionnels le savent bien.
Je voudrais justement rendre un hommage particulier aux professionnels de vos services qui agissent avec une rare énergie, qui doit beaucoup au niveau d'engagement que requièrent le choix et l'exercice des métiers du secteur social.
Pour ce qui relève de l'Etat, le meilleur moyen de les aider est de mener à terme le vaste chantier enfin ouvert de la nécessaire évolution du travail social. La loi du 29 juillet 1998 a là aussi apporté de nombreuses réponses, notamment avec le schéma national des formations sociales. Mais je crois que nous devons aller au delà :
- pour que les travailleurs sociaux soient plus présents sur le terrain et contribuent mieux à l'articulation entre l'accompagnement social proprement dit et les autres dynamiques qui doivent contribuer à la restructuration du lien social,
- pour supprimer le hiatus qui semble se creuser entre le travail polyvalent et les multiples formes nouvelles d'interventions sociales qui se développent notamment à votre initiative.
Là aussi, la question de contractualisation est posée. Certains d'entre vous ont d'ores et déjà ouvert la voie.
Pour réussir dans l'action sociale de demain, il ne faut opposer ni actions publiques et interventions privées, ni Etat et collectivités locales, ni collectivités locales entre elles, ni élus et travailleurs sociaux.
Lors du premier congrès européen de l'action sociale communale que vous organisez à Lille en septembre 2000, nous aurons l'occasion de le vérifier : les acteurs de cette politique ne peuvent réussir qu'ensemble. Seule une meilleure coordination locale des actions permettra une réelle cohérence des politiques.
L'ensemble des Pouvoirs publics ont des responsabilités à prendre en ce domaine. Je souhaite prendre les miennes comme j'ai déjà eu l'occasion de le faire notamment avec la loi " exclusions " que je suis fière d'avoir fait voter. La réforme de la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales, qu'avec Dominique Gillot, Secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, je présenterai au cours des mois prochains, peut nous permettre de franchir une nouvelle étape.
Tout mettre en oeuvre pour que nos concitoyens les plus marginaux, les plus en difficulté aient eux aussi accès à leurs droits et puissent exercer le premier d'entre eux : celui d'être acteur de leur existence pour vivre mieux.
Pour répondre à ce défi, je compte, vous l'avez compris, beaucoup sur les communes et leurs centres d'action sociale qui m'inspirent deux observations :
- En leur sein, la proximité entre les citoyens, leurs élus, leur maire, les professionnels et les associations est unique.
- Sur le fronton de leurs bâtiments plus que partout ailleurs, figurent les trois termes de notre devise républicaine.
Ce n'est pas l'effet du hasard. J'y vois pour ma part la meilleure assurance que ne sera jamais oubliée à ce niveau la fraternité que je tiens pour le fondement véritable de l'action sociale.
C'est pour cela que notre pays a besoin de l'action sociale telle que vous la pratiquez et sur laquelle je sais pouvoir compter comme vous pouvez compter sur moi. Je vous remercie.
(source http://www.social.gouv.fr, le 08 octobre 1999)