Déclaration de M. François Patriat, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur le projet gouvernemental de service public d'enseignement agricole (PROSPEA) pour l'enseignement technique et supérieur, et notamment sur l'aide au développement de la formation professionnelle continue, Paris, le 27 mars 2002.

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Circonstance : Conseil national de l'enseignement agricole à Paris, le 27 mars 2002

Texte intégral

Je suis heureux de pouvoir participer aujourd'hui aux travaux du conseil national de l'enseignement agricole. Cela me donne, en effet, l'occasion de rencontrer, pour la première fois depuis ma nomination, l'ensemble des composantes de l'enseignement agricole, les représentants de tous les personnels, les représentants des fédérations, les représentants des élèves, les représentants des parents d'élèves ainsi que les partenaires quotidiens de cet enseignement que sont les représentants des professions, ceux des collectivités territoriales et ceux des autres départements ministériels.
Cela me donne également l'occasion de m'exprimer pour la première fois sur le thème de l'éducation et de la formation qui est, à mon sens, une des plus nobles missions que doit remplir un Etat moderne et qui, dans mon ministère me tient particulièrement à coeur puisque je suis moi-même issu de l'enseignement supérieur vétérinaire.
L'enseignement agricole tient une place particulièrement importante au sein du ministère de l'agriculture et de la pêche : plus de la moitié des agents de ce ministère travaille dans et pour l'enseignement. Ensuite, et peut-être surtout, c'est par une formation générale, technologique et professionnelle de qualité que nous pourrons le mieux répondre aux attentes de la société vis-à-vis des secteurs agricole et alimentaire, du monde rural et des espaces naturels : développement durable, multifonctionnalité, qualité et sécurité des produits alimentaires, développement équilibré des territoires, attentes qui sont au centre de la loi d'orientation agricole de juillet 1999 dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur à l'Assemblée nationale, ce qui m'avait d'ailleurs donné l'occasion de rencontrer des membres éminents de votre conseil. L'enjeu est important puisqu'il s'agit de former les agriculteurs de demain, mais aussi les agents et les cadres des entreprises agro-alimentaires, ceux de l'encadrement de l'agriculture, ceux qui interviennent dans le secteur de l'environnement, de la forêt et dans celui du développement rural.
L'histoire de l'enseignement technique agricole est intimement liée à celle des changements d'un secteur en forte évolution. Il doit donc, en permanence, s'adapter. Il a parfaitement su le faire par le passé, que ce soit en ajustant son offre de formation, en élevant le niveau de formation de ceux qu'il forme, en mettant en place une pédagogie adaptée. Ceci a contribué à un accroissement important du nombre de ses élèves, apprentis, étudiants et adultes en formation mais par là même a engendré des difficultés relatives aux moyens, notamment en personnel.
Si cette tendance en matière d'évolution des effectifs est aujourd'hui terminée, puisque la dernière rentrée scolaire a été marquée par une légère baisse du nombre de ceux-ci, due essentiellement à une diminution des générations concernées, il n'en reste pas moins que l'enseignement technique agricole doit renforcer son identité et redéfinir ses positions à la fois dans le système éducatif et au sein du ministère de l'agriculture et de la pêche pour être en mesure d'accompagner les évolutions à l'oeuvre dans les champs de compétence de ce ministère.
C'est l'objet de la démarche de projet pour le service public d'enseignement agricole (PROSPEA), lancée par mon prédécesseur Jean Glavany pour l'enseignement technique et pour l'enseignement supérieur.
Je souhaite que cette démarche se poursuive car elle me paraît exemplaire. Elle a été construite sur la base d'une consultation de tous les acteurs, usagers et partenaires de l'enseignement agricole. Ce sont, en effet, près de 8000 personnes qui ont participé à des discussions organisées à tous les niveaux : local, régional et national.
Un état d'avancement des nombreux chantiers ouverts vous a été présenté au début de votre conseil. Il témoigne du travail considérable accompli, que ce soit dans la définition d'orientations pour les différentes missions de notre enseignement agricole (sur la mission de coopération internationale, par exemple), que ce soit sur l'organisation des établissements (avec la circulaire sur les orientations pour un programme d'action des exploitations et des ateliers technologiques ou le travail sur l'expertise du fonctionnement des EPL), que ce soit sur le niveau régional (avec la note de service sur les projets régionaux).
Il témoigne également du travail en cours, qu'il s'agisse de la réflexion sur l'adaptation des savoirs et des qualifications aux enjeux contenus dans la loi d'orientation agricole, qu'il s'agisse de la définition d'une politique globale de la vie scolaire, qu'il s'agisse de la contractualisation des établissements de l'enseignement technique et supérieur, qu'il s'agisse de la mise en place d'une gestion prévisionnelle des emplois.
Il faut que le travail entrepris puisse se poursuivre et aboutir, dans le même esprit de concertation avec l'ensemble des partenaires.
Je suis, en effet, persuadé que les différents chantiers ouverts dans le cadre de ce projet sont essentiels pour l'avenir de l'enseignement agricole.
Tous ces travaux vont permettre de nourrir le quatrième schéma prévisionnel national des formations de l'enseignement agricole. Le bilan du troisième schéma était d'ailleurs à l'ordre du jour de votre réunion d'aujourd'hui. Des discussions vont maintenant s'ouvrir avec l'ensemble des partenaires pour la rédaction du quatrième schéma qui doit être l'occasion de fixer les objectifs de l'enseignement technique agricole, notamment en terme d'élévation des niveaux de qualification, de positionnement et de renforcement de filières et d'organisation régionale, pour les prochaines années.
Ces objectifs devraient s'articuler autour de quatre axes :
Premier axe : l'adaptation de l'offre de formation aux différents publics, en évitant les concurrences entre les différents dispositifs de formation et avec les autres ministères. Il s'agit de diversifier notre offre de formation pour répondre aux nouvelles orientations de la politique agricole commune et à l'évolution des champs d'intervention du MAP, de poursuivre l'élévation des niveaux de qualification professionnelle et de contribuer ainsi à l'objectif de formation professionnelle pour tous, de développer le rôle promotionnel de l'enseignement agricole, notamment en positionnant mieux les classes préparatoires aux grandes écoles.
Deuxième axe : l'adaptation des formations pour accompagner les missions du MAP, notamment dans les domaines de la qualité et de la sécurité alimentaire et dans le domaine de l'environnement. Mais il s'agit également d'engager la réflexion sur l'évaluation de ces formations et de veiller à une meilleure articulation des formations relevant de l'enseignement technique et de l'enseignement supérieur.
Le troisième axe concerne le renforcement des coopérations avec les autres ministères et, en particulier, celui de l'éducation nationale, notamment en matière d'information et d'orientation, mais aussi en matière de santé des jeunes et de lutte contre les drogues et les conduites déviantes.
Enfin, le quatrième axe doit mettre l'accent sur la mise en oeuvre de nouvelles régulations permettant le pilotage national et l'adaptation régionale de la politique de formation du MAP. Il s'agit de renforcer la dynamique de projet et de mettre en place la contractualisation entre les établissements, le niveau régional et la DGER, d'élaborer des règles et des indicateurs nationaux permettant la conduite de politiques régionales harmonisées et de développer une culture de l'évaluation à tous les niveaux de l'enseignement agricole.
Un autre grand chantier important, auquel je suis très attaché, est celui de la formation professionnelle continue.
La direction générale de l'enseignement et de la recherche est actuellement mobilisée sur la mise en oeuvre d'une des dispositions importantes de la loi de modernisation sociale : la validation des acquis de l'expérience. L'examen d'une circulaire d'orientation relative à la mission de formation continue était d'ailleurs à l'ordre du jour de votre réunion d'aujourd'hui. Je pense que l'enseignement agricole est particulièrement bien placé pour faire en sorte que, dans les secteurs d'emplois relevant des champs de compétence de mon ministère, le plus grand nombre possible, ou en tout cas tous ceux qui le souhaitent puissent avoir accès à la qualification et bénéficier de la formation tout au long de la vie puisque tous les dispositifs de formation, initiale, professionnelle continue et par apprentissage, sont regroupés au sein des établissements, notamment dans l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) : le lycée, le Centre de formation professionnelle et de promotion agricoles (CFPPA) et le centre de formation d'apprentis (CFA).
Richesse, diversité de notre système d'enseignement, en perpétuelle évolution et adaptation, pour répondre aux demandes des secteurs tels que l'agro-alimentaire et l'agro-équipement : c'est le sens de la convention signée avec l'Association nationale des industries agro-alimentaires (ANIA), qui définit un programme cadre sur trois ans portant sur l'évolution des métiers et des formations, sur l'ajustement des emplois et des certifications, sur des actions de promotion des métiers et sur des expérimentations régionales en matière d'insertion des jeunes. Une convention du même type est en cours de discussion avec la confédération française de la coopération agricole (CFCA). Et les professionnels de l'agro-équipement sont également demandeurs d'un travail en commun.
Notre effort doit aussi porter sur l'insertion des jeunes en difficulté : c'est pourquoi il nous appartient de faire vivre l'accord-cadre pour l'insertion des jeunes que mon ministère vient de signer avec le ministère de l'emploi et de la solidarité et le ministère de l'éducation nationale. Il a un objectif ambitieux : pas un seul jeune restant sans qualification à l'issue de sa scolarité ne doit quitter le système de formation initiale sans qu'un accompagnement et un suivi n'aient été préparés et mis en place à son intention, pour la poursuite de son parcours.
Enfin, j'entends également poursuivre le travail qui a été engagé en matière d'enseignement supérieur agronomique, agroalimentaire et vétérinaire. Comme dans l'enseignement technique, il s'agit de réaffirmer l'identité collective de l'enseignement supérieur sous tutelle de mon département ministériel et de renforcer sa cohérence afin de l'adapter au nouveau contexte européen et de lui permettre de faire face à la concurrence tant nationale qu'internationale en donnant plus de lisibilité à ses formations et à ses diplômes. Il s'agit également de le rendre plus réactif et imaginatif pour répondre aux attentes de nos concitoyens et de nos entreprises en matière de formations supérieures, de recherche et de transfert technologique. J'ai confirmé la mission confiée par mon prédécesseur à ce sujet à Alain Berger, et la concertation est maintenant engagée sur la mise en place d'une structure fédérative de ces établissements, dans le respect de leur autonomie et des dynamiques partenariales régionales.
Pour soutenir ces orientations, je tenais à rappeler, même si je sais que dans problèmes demeurent tant dans l'enseignement public que dans l'enseignement privé, l'important effort qui a été fait en ce qui concerne les moyens, notamment les moyens en personnel. C'était d'ailleurs un des volets du projet pour le service public d'enseignement agricole. Je rappellerai ici quelques chiffres. Dans l'enseignement public, depuis 1998 2630 emplois ont été créés, par création nette et déprécarisation des personnels, dont plus de 35 % en faveur des personnels administratifs, techniques, ouvriers, de service et de santé (ATOSS). Dans l'enseignement privé, depuis la rentrée 1997, ce sont 390 postes de contractuels de droit public qui ont été créés, auxquels il faut ajouter, sur le budget 2001, 320 postes en autorisation de recrutement sur crédit pour couvrir la réduction des obligations de service des professeurs de lycée professionnel agricole (PLPA).
Je pense que ces seuls chiffres permettent de mesurer l'effort fait par le budget de l'Etat en faveur du service public d'enseignement agricole auquel participent, conformément à la loi, les établissements d'enseignement privé sous contrat. Vous comprendrez que, dans la période actuelle, je ne prenne pas aujourd'hui, d'engagement précis, mais je tiens tout particulièrement à ce que les efforts entamés puissent se poursuivre dans de bonnes conditions, et que les efforts qui ont permis de lutter contre la précarité de l'emploi dans notre enseignement soient poursuivis.
Mais je suis intimement persuadé qu'il faudra aller jusqu'au bout de ces efforts en terme de moyens afin que le projet pour le service public d'enseignement agricole (PROSPEA) puisse prendre tout son sens et nous permette d'offrir aux familles et aux jeunes qui le désirent un enseignement général, technologique et professionnel et un enseignement supérieur agricoles de qualité.
(source http://www.educagri.fr, le 3 mai 2002)