Extraits de la conférence de presse de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes, sur les attentes des jeunes vis-à-vis de l'Europe et sur les restructuration industrielles et le dialogue social dans le cadre des comités d'entreprises européens, Mantes-la-Ville le 21 octobre 1997.

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Circonstance : Déplacement de M. Moscovici à Mantes-la-Ville dans le cadre de la campagne de communication sur l'Europe le 21 octobre 1997-rencontre avec les délégués CGT de l'entreprise Sulzer (plan social) et visite du lycée Camille Claudel

Texte intégral

Cette journée s'inscrit dans le cadre d'une série d'actions de communication sur l'Europe que j'ai voulue décentralisée, concrète et populaire.

Décentralisée d'une part parce que le ministère que j'occupe n'a pas des crédits de communication importants et, d'autre part, parce que je crois qu'il s'agit bien d'aller porter des débats sur le terrain, ce qui implique effectivement de bouger et d'aller voir les gens là où ils sont. Donc, une action décentralisée.

D'ici à la fin de l'année, j'irai, à Nantes, la semaine prochaine le 30 octobre, pour un grand colloque sur l'Europe sociale sur l'emploi qui regroupera à la fois des politiques, mais aussi des syndicalistes, des responsables étrangers. Puis j'irai à Besançon, c'est un lieu que je connais bien, le 28 novembre, et à Tours, le 19 décembre. Ce sont les rendez-vous pour la fin de l'année.

Ce sera la préfiguration d'une action plus structurée que nous lancerons à partir du début de l'année prochaine. L'idée est de reprendre une sorte de "tour de France" qui permettrait de rencontrer des acteurs politiques, socio-économiques, sur place.

Je l'ai voulue ensuite concrète. C'est aussi pour cela qu'en montant cette journée avec les services de la préfecture, avec le maire, Mme Peulvast, nous avons choisi de privilégier la rencontre des salariés en difficultés, qui connaissent des problèmes qu'ils peuvent identifier à l'Europe. A la fois parce que je suis membre du gouvernement et capable de leur donner des réponses, certaines réponses, mais aussi parce qu'il importe de dénoncer cette idée fausse que l'Europe serait forcément un espace dans lequel se déroulent toujours de mauvaises nouvelles économiques.

L'Europe, c'est d'abord un acteur de puissance publique qui joue un rôle positif, même si c'est, en même temps, le lieu où se déploie un marché. Pour les entreprises, la difficulté est la réalité du marché.

Il y a aussi un autre thème : l'éducation nationale. Ce thème sera abordé, tantôt, comme aujourd'hui, dans un lycée professionnel, tantôt dans une faculté, où je serai de façon systématique. En effet, comme vous avez pu le voir, à travers l'échange que nous avons eu avec les jeunes, leur perception de l'Europe n'est pas la même que celle de leurs aînés. Les centres d'intérêt, les valeurs, les idéaux, l'image de l'Europe ne sont pas forcément ceux que nous avons, ni les sujets dont nous parlons quotidiennement. Leurs préoccupations, ce n'est pas de savoir s'il faut élargir, approfondir, prendre telle ou telle mesure réglementaire, mais c'est d'abord de savoir comment échanger, apprendre des langues, assurer la compatibilité des diplômes. Toute une série de sujets sur lesquels il importe que nous travaillions.

Enfin, j'ai voulu que cette journée soit concrète, c'est-à-dire que plutôt que de voir l'Europe à partir d'un discours que l'on impose, d'une liste exhaustive des dossiers européens mal connus ou abscons, il faut partir du réel. Il faut voir comment l'idée européenne peut s'appliquer, en quoi elle pose un problème, en quoi elle doit être adaptée ou en quoi elle apporte des réponses. Ces trois dimensions sont celles que je privilégierai dans le temps.

Pourquoi être à Mantes ? D'abord il faut le dire, et je tiens à la remercier , parce qu'il y a ici une députée-maire qui a un investissement européen extrêmement fort, qui le fait à travers l'action de sa municipalité et des actions associatives dans sa ville. Cela aussi est important. On ne peut pas parler de l'Europe sans qu'il y ait des acteurs qui supportent cette idée forte. Ensuite, parce que je crois que c'est une ville qui est tout à fait représentative de la façon dont les problèmes se posent aujourd'hui en Europe. L'Europe, c'est d'abord un espace qui est de plus en plus urbain, même si la politique européenne est surtout agricole, et, de ce point de vue-là, les problèmes que connaissent les banlieues, dans les agglomérations des grandes villes, sont certainement les problèmes les plus typiques de l'Europe. C'est pourquoi il m'a paru sensé de commencer par une ville de l'agglomération parisienne qui est confrontée très exactement à ces problèmes-là. Le nouveau gouvernement a aussi pour objectif de combattre l'extrême-droite au côté de ses élus.

Voilà ce que je voulais dire pour recadrer cette journée. Je vais maintenant répondre aux questions éventuelles qui ont, peut-être, été soulevées au cours de la journée.

Q - Les réactions des élèves que vous avez rencontrés, leurs préoccupations sur l'Europe, c'est-à-dire l'euro principalement, les possibilités de poursuivre des études à l'étranger, vous ont-elles étonné ? Vous attendiez-vous à cela, car tout à l'heure vous sembliez dire que les préoccupations des jeunes n'étaient pas les même que celles des adultes ?

R - Non, elles ne m'ont pas étonné car j'ai été parlementaire européen pendant trois ans et je me faisais à ce moment-là un devoir, bien qu'à un niveau régional, de répondre à toutes les demandes des classes. Je pense qu'il est important, notamment dans les quartiers populaires, d'être confronté à des élus, à des ministres. Je sais donc comment ils réagissent. Une fois qu'ils ont abordé les trois premiers sujets, les questions sur l'Europe et l'euro, ils en sont venus à ce qui les préoccupaient vraiment. Cela concerne davantage comment voyager, de quoi parle-t-on, en quelle langue parlera-t-on, est-ce que tout sera harmonisé. Cela prouve qu'il y a une aspiration très forte à ce que l'Europe soit avant tout un espace de valeurs communes, de valeurs de liberté, d'éducation et de démocratie, enfin, que ce soit un espace plus généreux, et ce qui est peut-être lié aussi aux types de cités, dans les deux sens du terme, que l'Europe serve aussi le Sud, que ce soit un espace qui ne soit pas celui de l'égoïsme. Voilà ce que j'ai senti chez les jeunes. Cela ne m'a pas surpris et cela a confirmé ce que je savais déjà, c'est-à-dire que pour que l'Europe soit une valeur forte pour les jeunes, on voit qu'elle l'est, il faut qu'elle intègre cette dimension-là, la générosité, l'altruisme. Pour retrouver nos préoccupations, il faut aussi que l'Europe trouve une capacité de réponse aux problèmes du chômage.

Q - En discutant avec les syndicalistes à propos du comité d'entreprise européen, manifestement cela fonctionne très mal, ou ils ont peu d'informations sur son mode de fonctionnement. Il semblerait qu'il faille faire un certain nombre de choses au niveau européen pour faire progresser cette notion de comité d'entreprise européen. Je n'ai pas l'impression que cela soit un des thèmes retenus pour le Sommet de l'emploi. Comment faire progresser les choses, car Vilvorde a été un détonateur...?

R - Il est vrai que cela ne fait pas partie, pour le moment, des thèmes repris par le Conseil et la Commission. J'estime que le travail qui a été fait par la Commission est un travail positif, notamment en ce qui concerne les objectifs quantifiés sur l'emploi, la BEI. En revanche, il est clair que la dimension du dialogue social européen est pour l'instant passé sous silence. Nous allons, nous gouvernement français, utiliser les semaines qui viennent pour faire remonter en surface ce thème, avec notamment l'idée d'augmenter les échanges d'informations, en amont, sur la restructuration industrielle, de façon à ce que, dans le cas des groupes qui ont des structures européennes, les salariés soient informés. Je suis assez frappé de ce que j'ai vu ce matin. J'ai vu des gens extrêmement responsables. J'ai même été frappé par leur esprit de responsabilité. Ils ont conscience qu'il y a une restructuration nécessaire, due aux évolutions du marché. Ils ne s'accrochent pas à des choses qui sont en train de se dérober. En revanche, ils exigent de savoir où ils vont dans un futur proche. Ils disent, approximativement : "il y a un plan social qui concernent 229 salariés, faisons en sorte que leur avenir, à eux, soit assuré, dans le cadre d'une mutation sociale, et pour ceux qui restent, les 209, je crois, que ceux-là sachent où ils vont économiquement". Il me semble que c'est le type même de revendication légitime, dans le cadre d'un groupe européen : savoir où l'on va, qu'il y ait un affichage d'une stratégie. Si demain, il y avait ce type de pratique de dialogue social que nous souhaitons, alors, la question de la table ronde ne se poserait pas, puisque cela se déroulerait dans le contexte de l'entreprise, avec l'intervention des pouvoirs publics, en tant que de besoin. Alors que manifestement, là, la matière première qui manque, c'est l'information. On ne sait pas ce qui se passe, quelle est la pérennité du marché.

(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 décembre 2001)