Texte intégral
Chère Huguette Bello,
Cher Michel Tamaya,
Monsieur le Président du Conseil Régional,
Messieurs les parlementaires,
Mes chers amis,
Ces questions d'appellation n'ont pas tellement d'importance. Je suis encore Premier ministre effectivement pour quelques semaines, et c'est d'ailleurs en tant que Premier ministre que j'ai été me recueillir devant les corps des victimes de la catastrophe de la Rivière aux puits qui a endeuillé ce département. J'ai survolé cette rivière, j'ai vu ce grand ébouli et j'ai essayé de comprendre ce qui s'était passé. Ce qui explique d'ailleurs une partie de mon retard, et je veux m'en excuser auprès de vous.
Pour s'appeler Président, il faut d'abord que le peuple l'élise, il faut qu'il se soit prononcé, il faut qu'il se soit exprimé, et c'est l'enjeu de cette campagne électorale que de l'éclairer, que de permettre qu'il prenne sa décision en toute connaissance de cause. Pour le moment, je suis donc un candidat devant vous, parmi d'autres et quant à mon prénom, ceux qui ont pris l'habitude de l'employer pourront continuer à l'employer quelles que soient les circonstances. Donc soyons au clair sur ce point. Je suis heureux d'être à nouveau dans ce département et dans cette île de la Réunion face aux réunionnaises et aux réunionnais.
Comme il s'agissait d'aujourd'hui avec un jour de retard de saluer aussi l'année des femmes, j'ai eu le plaisir que mon épouse Sylviane, qui est loin de m'accompagner dans tous les déplacements, ait bien voulu faire celui-ci parce que comme il s'agissait de rendre hommage aussi aux rôles des femmes réunionnaises, et bien elle a eu envie de venir le faire elle-même à mes côtés.
Je voudrais remercier ici les élus, les membres de mon comité de soutien présidé par Jean-Claude Fruteau, et puis les représentants de force vive de la Réunion qui se sont rassemblés ce matin pour m'entendre sans doute mais aussi pour que pendant quelques instants ensuite nous puissions familièrement et en bas de cette tribune dialoguer. L'outre-mer, je le pense profondément et depuis très longtemps enrichi la République par sa diversité, par sa vitalité, par sa jeunesse. Il donne un sens particulier, plus large, plus divers au combat permanent que nous devons mener pour l'emploi, pour l'égalité, contre les discriminations, pour la tolérance. Et l'outre-mer, loin d'être une charge malgré les problèmes économiques et sociaux qui existent, malgré les défis de la démographie et notamment ici à la Réunion est au contraire un élément de dynamisme. Certes, on en mesure pas tout à fait les conséquences parce qu'il y a cette poussée démographique, parce qu'il y a cette arrivée nombreuse des jeunes dans le département mais le niveau de créations d'emplois à la Réunion est un des meilleurs de France, et cela traduit la capacité de créations des hommes et des femmes de cette île. Ce dynamisme, on le doit beaucoup aussi à ceux qui sont rassemblés devant moi, les élus locaux qui se dévouent au service de la population, les responsables associatifs auxquels je rendrai également hommage, et bien sûr les chefs d'entreprise et les salariés. Mais on le doit aux femmes qui jouent au cur de la société réunionnaise un rôle particulier.
Et c'est justement des femmes et des hommes engagés dans les petites et moyennes entreprises, des associations dans le rapport qu'elles ont à l'identité et à la culture réunionnaise dont je voudrais parler brièvement. J'étais hier soir à Paris dans un Palais des Sports où 4 000 femmes et hommes étaient rassemblés pour fêter la journée internationale des femmes et nous avons noué un dialogue. Et vous, vous avez vraiment été d'une exquise courtoisie, et je remercie ici les représentantes des femmes puisque vous avez accepté de décaler d'un jour cette fête historique, pour que nous puissions la fêter ensemble. Merci de ce geste dans lequel je verrai finalement un symbole. Celui de ne pas simplement se soucier des femmes, de ce qu'elles représentent, des inégalités dont elles sont encore victimes, seulement le 8 mars mais de le faire aussi le 9 et puis aussi tous les autres jours de l'année : chaque 8 mars est en fait pour prendre la mesure des progrès accomplis.
Depuis cinq ans, en tout cas, le gouvernement a cherché à répondre aux attentes des femmes, il l'a fait avec la parité inscrite dans la Constitution, permettant à des femmes plus nombreuses d'entrer dans les conseils municipaux, dans tous les scrutins de liste où l'on peut faire la parité 50-50. Cette parité politique et démocratique, il faut la prolonger comme le disait Huguette, il y a un instant par l'égalité professionnelle, l'égalité des salaires en particulier dans le secteur privé lorsque le niveau de formation est le même. C'est aussi le refus des discriminations notamment dans le travail, ce sont des mesures pour assurer aux femmes une meilleure maîtrise de leur maternité, pour qu'elles décident vraiment quand elles souhaitent avec leur compagnon faire un enfant et l'élever. Et puis, justement si on veut réaliser cette égalité professionnelle, c'est des efforts accrus dans la garde des enfants qui permettent aux femmes de concilier vie familiale et vie professionnelle. J'ai d'ailleurs dans l'Est de la France à Lunéville proposé, il y a quelques jours, de nouvelles avancées en faveur de la famille et aussi des femmes. Alors à la Réunion comme dans l'ensemble de l'outre-mer, dans l'ensemble de la République, la situation des femmes reste encore marquée par des difficultés et par de la précarité : dans les difficultés d'accès à l'emploi, dans les difficultés de logement ou de transport et aussi dans les violences contre les femmes qui restent un phénomène trop présent dans notre société outre-mer comme en métropole et contre lequel, vous le savez, autour notamment des mesures proposées par Ségolène Royal, le gouvernement a engagé une action résolue. Cette égalité entre les femmes et les hommes ne doit pas se diviser et le droit à l'emploi lui-même doit être égal. Je sais que nombre de femmes qui souhaiteraient travailler ne peuvent le faire à cause de l'insuffisance des structures d'accueil de la petite enfance. C'est pourquoi, malgré les pas en avant que nous avons réalisés dans cette direction, il faut accroître le nombre des structures, adapter les normes existantes d'accueil aux réalités de la société réunionnaise pour diversifier les modes de garde et ce sont des objectifs que nous nous fixons pour les années qui viennent.
A cet égard, je veux dire aussi, parce que c'est une charge pour les familles, un mot de la situation des personnes handicapées : enfants ou adultes. C'est souvent sur les femmes que reposent la garde ou l'accompagnement des handicapés et il y a encore dans ce département un déficit en structures d'accueil, en centres d'aide par le travail ou en maison d'accueil, si bien qu'il me paraît nécessaire, et c'est ce que je propose, un plan d'ensemble de rattrapage pour les équipements médico-sociaux et la formation des éducateurs en direction des personnes handicapées.
Deuxième thème que je voudrais aborder brièvement, c'est celui des réponses que nous devons apporter aux attentes des petites et moyennes entreprises. Il y a d'ailleurs une bonne transition à propos de ce que je disais à propos des femmes, et ce que je souhaite dire à propos des PME, dans la mesure où les femmes jouent un grand rôle dans les petites et moyennes entreprises dans ce département et sont souvent le fer de lance du dynamisme de l'économie réunionnaise. La Réunion est aujourd'hui en France le département le plus créateur d'emplois. On ne le mesure pas encore assez en termes de recul du chômage à cause de la poussée de la démographie mais c'est une réalité forte et qui fait que les réunionnaises et les réunionnais ne doivent en rien à cet égard se culpabiliser mais considérer ce qu'ils apportent au dynamisme de l'économie tout entière et d'ailleurs comme le disait M. Tamaya il y a un instant, le chômage a reculé à la Réunion c'est-à-dire que nous avons commencé à inverser la tendance pluri-décennale de plusieurs dizaines d'années pendant laquelle le chômage montait irrésistiblement. Ce succès, c'est avant tout aux petites et aux moyennes entreprises et à leurs dirigeants que nous le devons. Les mesures économiques prises pour l'outre-mer constituent désormais un socle solide, les dispositions sont désormais applicables, les décrets d'application justement ayant été pris, les crédits sont disponibles, et c'est à vous, maintenant, je le dis aux chefs d'entreprise ou à ceux qui aspirent à le devenir qu'il convient de vous emparer de ces outils pour bâtir la Réunion de demain. Une nouvelle étape, j'en suis convaincu, peut s'ouvrir pour le développement de l'outre-mer et de la Réunion. Votre île est riche d'atouts exceptionnels : un potentiel de développement en matière de tourisme, d'environnement, d'énergie renouvelable, de nouvelles technologies.
La Réunion dispose également de l'atout le plus précieux, une jeunesse nombreuse mais une jeunesse qui se forme de mieux en mieux grâce aux efforts que nous avons faits dans le domaine de l'éducation nationale. Elle s'appuie sur la puissance de l'économie française, elle a l'atout des fonds européens et elle a devant elle cet espace de l'océan indien et de l'Afrique australe dans lequel elle peut faire valoir la qualité de ces hommes et de ces femmes, la qualité de ces produits, la qualité de ces technologies. Cet après-midi, à Saint-Pierre, où je tiendrai meeting, je préciserai davantage encore la nouvelle étape du développement économique de l'outre-mer.
Je voudrais, mes chers amis aborder maintenant le troisième point de cet échange que nous devions avoir et qui concerne le rôle des associations dans l'affirmation de la culture et de l'identité réunionnaise. Bien sûr chaque homme, chaque femme est citoyen. Il est un individu. Il a sa vie personnelle, il vit avec sa famille. Il vote dans les occasions décisives pour marquer ses décisions, élisant ses députés, ses sénateurs, ses conseillers généraux, ses conseillers régionaux, le Président de la République. Il s'engage dans des activités diverses mais souvent pour sortir de l'isolement dans lequel il pourrait être, dans l'intervalle dans ses actes citoyens qu'il opère année après année, ces hommes et ces femmes se regroupent dans ces associations qui ont des intérêts communs, sportifs, culturels, de développement, humanitaire, parfois spirituel et c'est cet immense mouvement associatif extrêmement divers et fécond à la Réunion que je voudrais saluer. Dans le domaine de l'emploi, de la santé, de la politique de la ville, du sport, de la jeunesse, les associations c'est-à-dire ces libres regroupements humains forment un tissu humain irremplaçable fait de volontariat, de générosité et de solidarité. Et c'est cette forme de démocratie différente de la démocratie politique que je voudrais saluer ici. Elle joue aussi forcément dans l'île un rôle essentiel en matière d'emploi et de réinsertion grâce aux emplois aidés puisque les associations de la Réunion aident de nombreux jeunes à s'insérer dans la société ; nous devons veiller à ce que ce rôle soit maintenu. Huguette Bello évoquait les menaces pesant sur un ensemble de prestations offertes aux réunionnais, sous le prétexte fallacieux de les regrouper dans un salaire maternel dont je voudrais faire remarquer qu'on ne le propose pas en métropole. C'est-à-dire qu'on pense qu'on n'ose pas le présenter aux femmes métropolitaines, mais on se permet de le présenter aux femmes réunionnaises et l'on rompt par là-même la démarche d'égalité sociale et la démarche d'égalité tout court à laquelle les réunionnais et les réunionnaises sont comme moi profondément attachés. A partir de la vie de ces associations, c'est aussi la culture, composante essentielle de la vie individuelle et collective de la Réunion, qui s'exprime. Et d'ailleurs ce soir avant de repartir, (dans ce séjour bien court c'est vrai mais enfin ce n'est pas la première fois que je viens à la Réunion, je suis venu à de nombreuses reprises. Ce n'est pas non plus la dernière fois que j'y viens et puis le nombre des départements français est vaste et il faut en campagne partout. Ce qui était important, c'est que je vienne ici, c'est que j'y fasse pratiquement mon premier déplacement disons mon deuxième après le grand meeting que j'ai fait à Lille, parce que je voulais marquer mon attachement aux réunionnais et aux réunionnaises. Je n'ai pas oublié non plus que d'une certaine façon par leur vote en 1995 dans le respect bien sûr du suffrage de l'ensemble des Français, j'étais un peu le Président des réunionnais puisqu'ils m'avaient donné une large majorité. Alors j'aspire simplement par la sanction du peuple à être le Président des réunionnais et des réunionnaises, mais aussi le Président de l'ensemble des Français et je compte sur vous pour m'y aider) ; je disais donc ce soir avant de repartir, je rendrai hommage d'une certaine façon à cette culture populaire réunionnaise en allant dans des quartiers participer à l'expression musicale de ce pays.
(source http://www.lioneljospin.net, le 12 mars 2002)