Déclaration de M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, sur divers projets de loi d'habilitation, au Sénat le 13 octobre 1999.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Présentation devant le Sénat du projet de loi portant habilitation du gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes, le 13 octobre 1999.

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Nous allons débattre aujourd'hui de deux projets de lois complémentaires. Le projet de loi d'habilitation relatif à la codification, puis le projet de loi DCRA qui vient en deuxième lecture. Ce dernier projet, pour donner aux citoyens un accès simple au droit, instituait l'obligation de codifier les textes juridiques. Vous aviez partagé l'objectif, mais vous aviez mis en doute la volonté du gouvernement de l'atteindre, en lui reprochant de n'avoir soumis, dans les derniers mois, aucun code à l'adoption des assemblées.
Le projet de loi d'habilitation qui vient devant vous aujourd'hui concrétise notre volonté de remédier au retard pris. Le programme de travail des assemblées ne permet pas de faire aux codes la place qu'ils méritent alors que nombre de codes sont déjà prêts grâce à la persévérance de la Commission supérieure de codification, mais à mesure que des modifications interviendront dans les domaines concernés, on risque de voir certains codes se périmer. A titre de solution, le gouvernement vous demande donc de l'habiliter à adopter la partie législative de 9 codes d'ores et déjà prêts.
Il est bien entendu que cela ne constitue pas une modification définitive de la procédure : l'adoption de la partie législative des codes appartient au Parlement, et le projet de loi DCRA le réaffirme. L'habilitation vise les codes dont la liste vous a été présentée par votre rapporteur, dont certains sont déjà déposés devant l'une des assemblées, voire déjà étudiés par sa commission compétente, d'autres en cours d'examen devant le Conseil d'Etat, et tous ont été adoptés par la commission supérieure de codification qui veille sur chaque code et sur la cohérence d'ensemble de la codification.
Avant de vous inviter à adopter le projet, je voudrais préciser brièvement trois points.
Le premier est relatif au principe du droit constant. Il est clair pour tout le monde que l'élaboration d'un code n'est pas l'occasion de modifier le droit existant : il s'agit d'en classer les éléments selon un plan logique et accessible à un lecteur non spécialiste, c'est là la codification à droit constant. Mais le droit applicable a été élaboré à des périodes différentes, parfois fort anciennes, aussi le texte d'origine peut-il mériter des adaptations : les termes eux-mêmes évoluent, et la hiérarchie des normes, déterminée par la Constitution actuelle, n'a pas toujours été identique. Il faut donc fixer les règles qui encadrent le droit constant : ce projet de loi les précise. Par prudence, s'agissant d'ordonnances, la rédaction de l'article du projet est légèrement en retrait sur la définition générale donnée à l'article 3 du projet de loi DCRA. Votre commission des lois préfère aligner les deux définitions, afin que la codification soit harmonieuse et aussi parfaite que possible, quelque soit le mode d'adoption des codes. Cet amendement améliorera la cohérence du travail des codificateurs et le gouvernement le soutient.
Quelques mots ensuite sur les 9 codes concernés. Certains traitent une matière à ce jour jamais rassemblée en un seul ouvrage, comme le code de l'environnement, domaine de régulation relativement récent. C'est aussi le cas du code monétaire et financier, qui organise pour la première fois des textes dont la portée est de plus en plus décisive dans notre vie économique.
D'autres rassemblent une information déjà traitée, mais cette fois selon un système complet et cohérent. C'est le cas du code de l'éducation : il offre le premier panorama complet, d'accès aisé, de l'ensemble du système éducatif, et concerne tous les enseignements, donnés sous l'égide de l'éducation nationale ou non. C'est aussi le cas du code des juridictions administratives, qui réunit des textes déjà rassemblés par les soins des éditeurs, mais y instaure un ordre logique qui en facilite grandement la lecture.
Enfin certains codes déjà utilisés de longue date méritaient une révision ou une refonte : les codes de la santé publique, de l'action sociale, le code rural ou le code de la route, le code de commerce.
Enfin, quelques mots sur la ratification des ordonnances. Le projet du gouvernement propose une loi de ratification, déposée au plus tard 15 mois après la publication de la présente loi. Votre commission préfère que de tels projets soient déposés 2 mois après la publication de chaque ordonnance. Le gouvernement se range à cette position qui rapprochera, pour chaque code, le moment de son adoption définitive.
Nous avons aujourd'hui les meilleurs supports d'information : les nouvelles technologies de communication participent à la diffusion textes juridiques. Les sites internet des ministères sont complets, utiles, largement fréquentés. Encore faut-il que les documents diffusés soient lisibles. A ce jour, mieux vaut être spécialiste pour se retrouver parmi des textes adoptés à des périodes diverses, modifiés plusieurs fois,. La possibilité de consulter sur internet la table des matières d'un code permettra, en revanche, de trouver bien plus facilement l'article dont on a besoin.
Notre pratique de la codification est une uvre importante, issue de nos traditions, et notamment de notre vision cartésienne du droit. Comme le Premier ministre l'a tout récemment rappelé, le rôle de l'Etat est de réguler les activités sociales, et la société n'adresse pas en la matière moins de demandes à l'Etat que par le passé, au contraire. Puisque la modification des lois reste un support essentiel des politiques, puisqu'aucun effort pour limiter cette tendance n'a jamais abouti à ce jour, nous avons le devoir de rendre tout cela clair. La codification nous permet d'atteindre cet objectif. Notre pratique en la matière a conquis nos voisins européens, dont plusieurs ont entrepris, à leur tour, de codifier leur droit. Nous pouvons nous féliciter de ce succès de nos méthodes de simplification. Il s'agit de continuer l'uvre entreprise, et le prochain pas que je vous propose de faire consistera en l'adoption de ce projet.
(Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 18 octobre 1999)